Texte intégral
Monsieur le Premier ministre Barre,
Monsieur le Commissaire Byrne,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir pour moi de participer à vos travaux. Chercheurs, acteurs économiques, responsables politiques, en matière de développement et de biotechnologies nous constatons un double mouvement. D'un côté, des progrès considérables : 2000 fut un grand millésime pour les sciences du vivant, notamment pour la recherche française. C'est ainsi que, depuis la précédente édition de ce forum, l'ébauche de la séquence du génome humain a été rendue publique. Le premier diagnostic génétique pré-implantatoire a été établi. L'utilisation de souches musculaires pour guérir certaines maladies cardiaques a été expérimentée et la première thérapie génique permettant à des " enfants bulle " d'avoir une vie plus normale a été réussie.
Dans le même temps les motifs d'inquiétude, voire de défiance se sont multipliés dans l'opinion publique et dans la communauté scientifique elle-même. La perception du rôle, du sens du progrès est altérée. L'alliance du chercheur, de l'ingénieur et de l'industriel, indispensable au financement et à la réalisation des projets, donne le sentiment d'une certaine autonomisation de la technique, tandis que les formes de conjugaison de l'argent, du savoir et de la production font craindre l'émergence d'un pouvoir mal évalué, mal contrôlé, débordant la sphère politique et contournant le droit. De ce point de vue, " Bio Vision " porte bien son nom. Nos choix technologiques sont en effet lourds de conséquences pour le futur et d'une ampleur que nos consciences, nos comités d'éthique et nos parlements ont parfois du mal à évaluer. Faire la part de ce qui est possible et souhaitable, de ce qui est possible mais périlleux, la question nous est collectivement posée. Que font les gouvernements, singulièrement celui de la France, pour que les progrès des sciences restent ceux de l'humanité ? C'est ce que je voudrais aborder.
Je commencerai par une affirmation : la responsabilité politique implique de faciliter le développement des sciences du vivant et la diffusion de leurs acquis à l'échelle de la planète. Pourquoi ? Parce que les biotechnologies marquent de formidables avancées : développement de nouveaux outils de diagnostic, mise au point de médicaments et procédés thérapeutiques, maîtrise de la qualité des aliments et des boissons par transgénèse des espèces végétales ou par optimisation de la traçabilité, tout cela concourt à l'amélioration de la santé et à la préservation de l'environnement. Le potentiel de ces sciences nouvelles en matière de création d'entreprises, d'emplois et de richesses est considérable. La France compte près de 300 PME de biotechnologies qui emploient 15 000 personnes, génèrent un chiffre d'affaires de 2 Md, dans un secteur dont le rythme de croissance annuelle dépasse déjà 20 %. Le Ministre du développement économique y est évidemment très sensible et favorable.
Dans cette course, nous disposons en France, en particulier dans cette région, d'incontestables atouts : des entreprises compétitives qui sont parfois des champions européens ou des numéros un mondiaux, des chercheurs dont la compétence est internationalement prisée, une stratégie qui de coopérations avec notamment nos partenaires de l'Union européenne, qui veut favoriser l'attractivité économique et fiscale, la compétitivité industrielle et scientifique du site France. Pour amplifier cette dynamique, le Gouvernement français a fait des sciences du vivant sa première priorité en matière de recherche/développement.
Ici comme chez la plupart de nos voisins, les moyens de la réflexion et ceux de l'action se sont faits complémentaires. Les mesures prises ces dernières années ont cherché à répondre aux conclusions de votre précédent Forum, aux besoins des chercheurs et des industriels, aux attentes du public. 1) La réussite du génopole d'Évry nous a conduit à lancer un réseau national en recherche génomique composé de 8 unités régionales complété depuis juin 1999 d'un centre de ressources, " Infobiogen ", pour la recherche, le développement et l'exploitation de l'informatique génomique. 2) Pour la génomique végétale, le programme fédérateur, " Génoplante ", a été mis en place grâce à un financement de 100 M sur 5 ans. Il permettra d'analyser les génomes des grandes variétés agricoles européennes : maïs, blé, colza, pois protéagineux. 3) Pour la génomique humaine, nous avons créé le réseau GenHomme qui mobilisera 300 M sur 5 ans avec pour objectif de favoriser la coopération et la coordination des laboratoires de recherche publics, des industriels et des associations caritatives. 4) En avril 2000, le réseau national technologies pour la santé a été fondé avec une triple mission : renforcer le potentiel d'innovation des acteurs français ; identifier les thèmes prioritaires d'innovation ; diffuser l'innovation vers les PME. 5) Enfin nous avons lancé en juillet 2000 un Fonds national d'amorçage, BioAm, dédié au financement des entreprises de biotechnologies. En quelques mois, l'objectif initial de lever 30 M a été dépassé. Dans le cadre plus général de l'appel à projets " incubateurs d'entreprises ", 9 bio-incubateurs se sont structurés en une fédération aux statuts déposés en novembre dernier.
Cet effort multifacettes, qui doit être poursuivi et amplifié, illustre notre volonté d'encourager la recherche, et de ne rien négliger pour que, dans ces domaines en évolution constante, prudence et précaution soient respectées. Les mesures en préparation pour 2001 tiennent compte de cette dimension. L'INSERM verra ses moyens humains et budgétaires augmenter, avec notamment la création de plusieurs dizaines d'emplois. L'Institut national de génomique verra prochainement, le jour à Évry, associant le Centre national de séquençage, le Centre national de génotypage et l'INSERM, avec entre autres la mission d'animer le réseau des génopoles. 4 M seront consacrés à la création de " Centres de Ressource Biologique " qui permettront le recensement et la constitution de collections de matériel biologique. 5 M seront mobilisés par le département de chimie du CNRS et par l'INSERM pour la recherche de nouvelles molécules thérapeutiques. Pour la 3ème année, un concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes est lancé. Les 2 premières éditions ont permis l'aboutissement de 550 projets de création d'entreprise, dont un quart dans le secteur des sciences de la vie. Enfin, pour faire face à une préoccupation désormais européenne, un groupement d'intérêt scientifique sur l'" infection à prions " a été mis en place et les moyens consacrés à la recherche sur les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles ont été portés en 2001 à 32 M, soit 3 fois plus que l'an dernier.
Je crois donc que la France a pris la mesure des enjeux des biotechnologies et de leur diversité, même si elles n'ont pas -et je le regrette- la même visibilité et la même rapidité financière de retour que les fameuses NTIC. Notre action sera d'autant plus efficace qu'inscrite dans une démarche européenne. Comme la récente présidence française, je sais que la présidence suédoise s'y attachera. Il faut que l'Union fasse des biotechnologies une priorité absolue du 6e programme cadre de recherche et développement, afin que les États membres cherchent à combler rapidement l'écart de performances qui, pour certains, se creuse avec nos concurrents, notamment les États-Unis. La dépense en recherche/développement privée ne dépasse pas 1,2% du PIB chez les 15 contre 2% outre-Atlantique. Dans le secteur des biotechnologies, les entreprises américaines emploient 4 fois plus de personnes que les européennes pour un chiffre d'affaires 5 fois supérieur. En terme de brevets déposés, ce sont 20 par million d'habitants là-bas, 15 ici. Il est indispensable que notre continent, terre d'invention, valorise mieux son très haut niveau de production des sciences fondamentales par leur transfert vers l'industrie.
Parallèlement, - et c'est un autre aspect que je veux souligner - les démocraties industrielles doivent être en pointe dans le combat pour l'accompagnement éthique, le prolongement politique et l'encadrement juridique des sciences du vivant et de leurs implications. Certains États pensent remporter la bataille pour la suprématie économique en misant sur leur seule force technologique et leur puissance nationale. Mais les décennies qui s'ouvrent seront marquées par la tension entre, d'un côté, l'excitation savante, l'intérêt économique, le choc des ambitions entre nations ou zones d'influence, et simultanément le devoir de vigilance, l'impératif de précaution, le souci de l'humain qui doivent orienter toute conquête technologique. Entre le temps long de la recherche, domaine où les investissements intellectuels ou financiers ne sont souvent rentables qu'à échéance, et le temps bref de la décision politique, où la réactivité et l'évaluation obéissent aussi à d'autres chronologies, un rendez-vous comme le nôtre s'impose comme le lieu de la compatibilité ou de la confrontation entre les deux calendriers.
Précisément, une fonction majeure du politique consiste à encourager concrètement le développement des sciences du vivant, non à s'en défier en dressant des bûchers microscopiques et des autodafés électroniques. Encore faut-il posséder une idée claire des bouleversements sous nos yeux : c'est un nouveau monde qui s'offre à nous, le saut de civilisation est proche. Grâce au séquençage du génome humain, il deviendra possible d'identifier les gênes impliqués dans diverses maladies. La connaissance des récepteurs hormonaux sera exploitée pour concevoir des activateurs et inhibiteurs spécifiques, c'est-à-dire des médicaments dotés d'une précision quasi infaillible. L'élixir de jouvence demeure un fantasme d'alchimiste, mais le biologiste repousse concrètement les frontières de la mort, nous permettant de porter à 120 ans nos espérances vitales. Grâce aux bio-découvertes, notre humanité, qui hésite entre Malthus et Mathusalem, connaîtra peut-être l'éradication de certaines maladies, variole ou poliomyélite pour lesquelles des protocoles s'approchent d'une esquisse de solution, de même que la prévention et l'intervention en amont face aux risques de cancers, de maladies cardiovasculaires ou génétiques, peut-être même la réussite d'un vaccin contre le sida. Les biotechnologies végétales aideront à alimenter la planète tout en nourrissant mieux les populations. Le cap est clair : cultiver davantage sur des terres en recul et avec une irrigation plus économe des ressources hydrauliques de la planète ; améliorer la qualité et les conditions de production ; diminuer la quantité d'intrants, d'engrais ou d'insecticides. Avec cette conclusion : environnement, santé, alimentation sont des biens publics internationaux, des piliers d'un patrimoine commun, celui de l'humanité ; l'appropriation individuelle des richesses universelles doit être enrayée ; l'air, l'eau, la terre possèdent une valeur, ils doivent avoir un prix pour ceux qui les utilisent ou y portent atteinte. Essentiels, ces biens sont périssables : il nous revient de prévenir leur dégradation, voire leur disparition. Notre survie, celle de nos enfants, dépend de leur préservation.
Tout cela signifie que, si les sciences du vivant inventent des solutions à des problèmes sans âge - survivre, durer, se nourrir -, elles suscitent des interrogations inédites. Que nous réserve la " g-économie ", cette économie du génome qui voit éclore aux États-Unis et en Angleterre de très nombreuses jeunes pousses à l'origine de la plupart des découvertes thérapeutiques et qui, à l'horizon des 10 ou 20 ans, se conjuguera à l' "e-économie " d'Internet ? Ce couplage entre 2 technologies, celle de l'information et celle du vivant, entre système binaire et code génétique, nous apportera certainement beaucoup de surprises : 80 % des produits que nous utiliserons ou consommerons d'ici 50 ans nous sont aujourd'hui inconnus. Plus qu'aucun autre territoire, l'Europe a payé le prix des techniques non maîtrisées, des mutations incontrôlées, d'une scientificité qui ferait abstraction du monde. La mise en garde d'Hannah Arendt à l'encontre d'un progrès qui ne penserait ni ses étapes, ni ses visées, ce qu'elle appelait la recherche du point d'Archimède, reste valable. Le fait que nous déclenchions dans l'espace clos du laboratoire des processus énergétiques qui n'avaient jusqu'ici lieu que dans le soleil, le fait que nous puissions en théorie modifier le cours de l'évolution d'un être vivant par l'intervention génétique ne peut pas être neutre ou sans conséquences. Arrivé au point d'Archimède, l'homme a tendance à abolir toute distance envers de son objet d'étude. L'irresponsable " pourquoi ne pas le faire ? " se substitue alors au sage " à quoi cela sert ? ". Rappeler l'exigence du sens, porter le message d'une mondialisation humanisée dans les instances internationales, tel est le rôle du politique, singulièrement dans l'Union européenne.
Car chaque technique recèle plusieurs possibles. Ce n'est pas l'atome qui choisit son usage -prendre une population pour cible ou être la pile d'un générateur électrique, détruire des cités ou créer des richesses-. Un outil ne pense pas. Avec une ampleur et des mécanismes originaux, l'ambivalence des biotechnologies est celle de la technique elle-même. C'est au politique d'ajouter une dimension morale et des impératifs éthiques aux considérations industrielles et commerciales. Gouverner devient d'autant plus prévoir que les dangers ne manquent pas. Certaines applications néfastes des sciences de la vie provoquent l'apparition de nouveaux risques : risques sanitaires, risques alimentaires, risques environnementaux qui pèsent sur une agriculture saturée de produits chimiques, sur la biodiversité menacée, sur l'eau polluée par des activités dont on ne se serait pas assez méfié.
Et voici qu'un autre danger se présente : la révolution scientifique en cours débouche sur une envahissante marchandisation du réel. Beaucoup observent une " contagion par le marché " de sphères qui lui étaient jusqu'ici interdites ou étrangères, de l'environnement jusqu'aux comportements, de l'intimité du corps au sanctuaire de la psyché, de la culture à la biodiversité. Avec la brevetabilité du vivant se profile une privatisation du patrimoine commun de l'humanité, quand il faudra l'accord de telle ou telle firme pour exploiter une portion de gène. Un million de demandes de brevets ont déjà été déposés sur les gènes identifiés. Or tout ne peut pas être objet de commerce ou d'exclusivité, qu'il s'agisse du corps humain (vivant comme inanimé), ou de l'embryon : un club d'entreprises ne doit pas pouvoir contrôler le stock des semences mondiales. De même, -sujet éminemment sensible- le clonage à des fins de reproduction ne saurait être accepté car il porte en lui le risque d'une " humanité photocopiée ". Si la recherche à visée thérapeutique sur les cellules souches embryonnaires, dans une stricte délimitation des pratiques par le droit, peut être envisagée avec l'espoir que soient élaborés des traitements pour les maladies que nous ne savons pas guérir, l'éthique doit prévaloir : celle de la discussion qui s'impose en démocratie et qu'on appelle tolérance, celle qui prévaut au sein de la communauté scientifique et médicale que l'on nomme déontologie, celle qui s'adresse à chacun de nous, sujet libre et responsable, et qui constitue la simple conscience. En dernier ressort, il appartiendra à la représentation nationale de distinguer le légitime de l'interdit. Le Parlement devrait être saisi d'ici quelques mois du projet de révision des lois bioéthiques de 1994. C'est le principe, la méthode et le calendrier qu'a proposés Lionel Jospin en novembre dernier devant le comité national consultatif d'éthique.
J'ajoute enfin que les nouvelles avancées créent de nouvelles inégalités. Aux riches les vaccinations génétiques, aux pauvres l'improbable accès à des médicaments génériques ; aux premiers la sélection high-tech et l'espoir utopique du " zéro risque, zéro défaut ", aux seconds la loterie dite " naturelle " avec sa part de malheur et de hasard. Le coût des brevets, des produits et des pratiques interdirait alors tout espoir de meilleur aux plus démunis. Jusqu'aux assurances qui risquent de creuser l'écart en exigeant des tests préalables à tout contrat, privant de protection les plus faibles. Comment pourrait-on accepter que nous consacrions plus de moyens financiers et humains à la recherche en cosmétique qu'à l'éradication du paludisme ? Changer le cours de choses, c'est rendre compatibles les démarches des économies industrialisées vers lesquelles vont les crédits de recherche et les besoins des pays les moins avancés qui souffrent des épidémies causées par la conjonction des nouveaux virus ainsi que ceux qui, éradiqués ou maîtrisés chez nous, restent chez eux malheureusement mortels. Ce changement est -dans tous les sens du terme- vital.
Aux politiques, sans se transformer bien sûr en savants ou en maîtres à penser, d'encadrer, de réguler les biotechnologies. Aux politiques d'accompagner et de prévoir, parce que l'expert ne sait pas tout et que précaution exigée vaut mieux que certitude mal assurée. Encourageons le progrès, mais un progrès maîtrisé, à charge pour les pouvoirs publics nationaux et de plus en plus internationaux, pour les acteurs économiques, sociaux, et sociétaux, de faire le choix juste, celui de la préservation, du savoir, de la liberté, de la solidarité. L'impératif de rentabilité ne peut pas être le seul à prospérer. Aux biotechnologies et à leur biopouvoir doivent répondre une bioéthique et une biovigilance, soucieuses de la dignité humaine et de l'intégrité du vivant.
Pour y contribuer, des outils existent déjà : je pense bien sûr au droit et aux institutions internationales. L'accord sur la biosécurité obtenu à Montréal et signé par 130 pays a permis à l'Union européenne d'obtenir la reconnaissance du principe de prudence qui implique de protéger la santé du consommateur, même si le danger n'est pas formellement démontré. L'impératif de transparence a conduit à un étiquetage obligatoire avec description détaillée de l'organisme, dès lors qu'un produit comporte plus d'1% d'OGM, sur le Vieux continent, au Japon, au Mexique. Tout cela est positif. Mais il reste d'immenses tâches à accomplir : mise en place d'une traçabilité fiable, renforcement des contrôles et de l'étiquetage, stricte délimitation de zones OGM et non-OGM. Une action d'ensemble s'impose qui attend la future Agence alimentaire européenne indépendante, avec l'appui de la Commission européenne. Le clonage fait encore l'objet de législations hétérogènes : une Haute instance de contrôle devra veiller à une convergence exigeante. De même, il me semble qu'il faut refuser la privatisation du vivant, dénoncée par la communauté internationale, publiquement désavouée par le Président Clinton et le Premier ministre Blair : la publication gratuite des résultats de certains travaux par nature universels constituerait une garantie contre une appropriation indue. Plus généralement, l'inégalité sanitaire doit être combattue par des moyens massifs : On peut songer à la création d'une Agence de communication européenne sur la science, au renforcement de l'expertise concernant l'impact des technologies nouvelles sur les sociétés, à la formation d'une brigade multinationale d'intervention médicale auprès des pays en développement là où les organisations non gouvernementales n'ont ni les moyens matériels, ni les relais politiques pour venir au secours des populations menacées de pandémies, de malnutrition, de catastrophe écologique. Les propositions ne manquent pas. Information, prévention et sécurité vont ensemble. Tout est affaire de volonté.
Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Commissaire européen, Mesdames et Messieurs, ce que j'ai voulu dire ici, dans cette ville de science et de conscience qu'est Lyon, c'est que la technologie n'est pas une force autonome qui, magiquement, s'imposerait aux nations et aux peuples. C'était déjà vrai, il y a un demi-siècle, de l'atome. C'est vrai, aujourd'hui, du gène et, au-delà, des innovations produites par toutes les sciences du vivant. Maîtriser, anticiper : le politique a ces missions. Elles fondent le suffrage et la citoyenneté. Répondre aux défis des biotechnologies, tirer parti des conquêtes qu'elles promettent pour créer des richesses et renforcer les solidarités, encadrer leur déploiement par le droit, au nom des valeurs qui font nos démocraties ces choix sont ceux de l'humanisme, ils nous engagent devant les générations futures.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14 février 2001)
Monsieur le Commissaire Byrne,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir pour moi de participer à vos travaux. Chercheurs, acteurs économiques, responsables politiques, en matière de développement et de biotechnologies nous constatons un double mouvement. D'un côté, des progrès considérables : 2000 fut un grand millésime pour les sciences du vivant, notamment pour la recherche française. C'est ainsi que, depuis la précédente édition de ce forum, l'ébauche de la séquence du génome humain a été rendue publique. Le premier diagnostic génétique pré-implantatoire a été établi. L'utilisation de souches musculaires pour guérir certaines maladies cardiaques a été expérimentée et la première thérapie génique permettant à des " enfants bulle " d'avoir une vie plus normale a été réussie.
Dans le même temps les motifs d'inquiétude, voire de défiance se sont multipliés dans l'opinion publique et dans la communauté scientifique elle-même. La perception du rôle, du sens du progrès est altérée. L'alliance du chercheur, de l'ingénieur et de l'industriel, indispensable au financement et à la réalisation des projets, donne le sentiment d'une certaine autonomisation de la technique, tandis que les formes de conjugaison de l'argent, du savoir et de la production font craindre l'émergence d'un pouvoir mal évalué, mal contrôlé, débordant la sphère politique et contournant le droit. De ce point de vue, " Bio Vision " porte bien son nom. Nos choix technologiques sont en effet lourds de conséquences pour le futur et d'une ampleur que nos consciences, nos comités d'éthique et nos parlements ont parfois du mal à évaluer. Faire la part de ce qui est possible et souhaitable, de ce qui est possible mais périlleux, la question nous est collectivement posée. Que font les gouvernements, singulièrement celui de la France, pour que les progrès des sciences restent ceux de l'humanité ? C'est ce que je voudrais aborder.
Je commencerai par une affirmation : la responsabilité politique implique de faciliter le développement des sciences du vivant et la diffusion de leurs acquis à l'échelle de la planète. Pourquoi ? Parce que les biotechnologies marquent de formidables avancées : développement de nouveaux outils de diagnostic, mise au point de médicaments et procédés thérapeutiques, maîtrise de la qualité des aliments et des boissons par transgénèse des espèces végétales ou par optimisation de la traçabilité, tout cela concourt à l'amélioration de la santé et à la préservation de l'environnement. Le potentiel de ces sciences nouvelles en matière de création d'entreprises, d'emplois et de richesses est considérable. La France compte près de 300 PME de biotechnologies qui emploient 15 000 personnes, génèrent un chiffre d'affaires de 2 Md, dans un secteur dont le rythme de croissance annuelle dépasse déjà 20 %. Le Ministre du développement économique y est évidemment très sensible et favorable.
Dans cette course, nous disposons en France, en particulier dans cette région, d'incontestables atouts : des entreprises compétitives qui sont parfois des champions européens ou des numéros un mondiaux, des chercheurs dont la compétence est internationalement prisée, une stratégie qui de coopérations avec notamment nos partenaires de l'Union européenne, qui veut favoriser l'attractivité économique et fiscale, la compétitivité industrielle et scientifique du site France. Pour amplifier cette dynamique, le Gouvernement français a fait des sciences du vivant sa première priorité en matière de recherche/développement.
Ici comme chez la plupart de nos voisins, les moyens de la réflexion et ceux de l'action se sont faits complémentaires. Les mesures prises ces dernières années ont cherché à répondre aux conclusions de votre précédent Forum, aux besoins des chercheurs et des industriels, aux attentes du public. 1) La réussite du génopole d'Évry nous a conduit à lancer un réseau national en recherche génomique composé de 8 unités régionales complété depuis juin 1999 d'un centre de ressources, " Infobiogen ", pour la recherche, le développement et l'exploitation de l'informatique génomique. 2) Pour la génomique végétale, le programme fédérateur, " Génoplante ", a été mis en place grâce à un financement de 100 M sur 5 ans. Il permettra d'analyser les génomes des grandes variétés agricoles européennes : maïs, blé, colza, pois protéagineux. 3) Pour la génomique humaine, nous avons créé le réseau GenHomme qui mobilisera 300 M sur 5 ans avec pour objectif de favoriser la coopération et la coordination des laboratoires de recherche publics, des industriels et des associations caritatives. 4) En avril 2000, le réseau national technologies pour la santé a été fondé avec une triple mission : renforcer le potentiel d'innovation des acteurs français ; identifier les thèmes prioritaires d'innovation ; diffuser l'innovation vers les PME. 5) Enfin nous avons lancé en juillet 2000 un Fonds national d'amorçage, BioAm, dédié au financement des entreprises de biotechnologies. En quelques mois, l'objectif initial de lever 30 M a été dépassé. Dans le cadre plus général de l'appel à projets " incubateurs d'entreprises ", 9 bio-incubateurs se sont structurés en une fédération aux statuts déposés en novembre dernier.
Cet effort multifacettes, qui doit être poursuivi et amplifié, illustre notre volonté d'encourager la recherche, et de ne rien négliger pour que, dans ces domaines en évolution constante, prudence et précaution soient respectées. Les mesures en préparation pour 2001 tiennent compte de cette dimension. L'INSERM verra ses moyens humains et budgétaires augmenter, avec notamment la création de plusieurs dizaines d'emplois. L'Institut national de génomique verra prochainement, le jour à Évry, associant le Centre national de séquençage, le Centre national de génotypage et l'INSERM, avec entre autres la mission d'animer le réseau des génopoles. 4 M seront consacrés à la création de " Centres de Ressource Biologique " qui permettront le recensement et la constitution de collections de matériel biologique. 5 M seront mobilisés par le département de chimie du CNRS et par l'INSERM pour la recherche de nouvelles molécules thérapeutiques. Pour la 3ème année, un concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes est lancé. Les 2 premières éditions ont permis l'aboutissement de 550 projets de création d'entreprise, dont un quart dans le secteur des sciences de la vie. Enfin, pour faire face à une préoccupation désormais européenne, un groupement d'intérêt scientifique sur l'" infection à prions " a été mis en place et les moyens consacrés à la recherche sur les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles ont été portés en 2001 à 32 M, soit 3 fois plus que l'an dernier.
Je crois donc que la France a pris la mesure des enjeux des biotechnologies et de leur diversité, même si elles n'ont pas -et je le regrette- la même visibilité et la même rapidité financière de retour que les fameuses NTIC. Notre action sera d'autant plus efficace qu'inscrite dans une démarche européenne. Comme la récente présidence française, je sais que la présidence suédoise s'y attachera. Il faut que l'Union fasse des biotechnologies une priorité absolue du 6e programme cadre de recherche et développement, afin que les États membres cherchent à combler rapidement l'écart de performances qui, pour certains, se creuse avec nos concurrents, notamment les États-Unis. La dépense en recherche/développement privée ne dépasse pas 1,2% du PIB chez les 15 contre 2% outre-Atlantique. Dans le secteur des biotechnologies, les entreprises américaines emploient 4 fois plus de personnes que les européennes pour un chiffre d'affaires 5 fois supérieur. En terme de brevets déposés, ce sont 20 par million d'habitants là-bas, 15 ici. Il est indispensable que notre continent, terre d'invention, valorise mieux son très haut niveau de production des sciences fondamentales par leur transfert vers l'industrie.
Parallèlement, - et c'est un autre aspect que je veux souligner - les démocraties industrielles doivent être en pointe dans le combat pour l'accompagnement éthique, le prolongement politique et l'encadrement juridique des sciences du vivant et de leurs implications. Certains États pensent remporter la bataille pour la suprématie économique en misant sur leur seule force technologique et leur puissance nationale. Mais les décennies qui s'ouvrent seront marquées par la tension entre, d'un côté, l'excitation savante, l'intérêt économique, le choc des ambitions entre nations ou zones d'influence, et simultanément le devoir de vigilance, l'impératif de précaution, le souci de l'humain qui doivent orienter toute conquête technologique. Entre le temps long de la recherche, domaine où les investissements intellectuels ou financiers ne sont souvent rentables qu'à échéance, et le temps bref de la décision politique, où la réactivité et l'évaluation obéissent aussi à d'autres chronologies, un rendez-vous comme le nôtre s'impose comme le lieu de la compatibilité ou de la confrontation entre les deux calendriers.
Précisément, une fonction majeure du politique consiste à encourager concrètement le développement des sciences du vivant, non à s'en défier en dressant des bûchers microscopiques et des autodafés électroniques. Encore faut-il posséder une idée claire des bouleversements sous nos yeux : c'est un nouveau monde qui s'offre à nous, le saut de civilisation est proche. Grâce au séquençage du génome humain, il deviendra possible d'identifier les gênes impliqués dans diverses maladies. La connaissance des récepteurs hormonaux sera exploitée pour concevoir des activateurs et inhibiteurs spécifiques, c'est-à-dire des médicaments dotés d'une précision quasi infaillible. L'élixir de jouvence demeure un fantasme d'alchimiste, mais le biologiste repousse concrètement les frontières de la mort, nous permettant de porter à 120 ans nos espérances vitales. Grâce aux bio-découvertes, notre humanité, qui hésite entre Malthus et Mathusalem, connaîtra peut-être l'éradication de certaines maladies, variole ou poliomyélite pour lesquelles des protocoles s'approchent d'une esquisse de solution, de même que la prévention et l'intervention en amont face aux risques de cancers, de maladies cardiovasculaires ou génétiques, peut-être même la réussite d'un vaccin contre le sida. Les biotechnologies végétales aideront à alimenter la planète tout en nourrissant mieux les populations. Le cap est clair : cultiver davantage sur des terres en recul et avec une irrigation plus économe des ressources hydrauliques de la planète ; améliorer la qualité et les conditions de production ; diminuer la quantité d'intrants, d'engrais ou d'insecticides. Avec cette conclusion : environnement, santé, alimentation sont des biens publics internationaux, des piliers d'un patrimoine commun, celui de l'humanité ; l'appropriation individuelle des richesses universelles doit être enrayée ; l'air, l'eau, la terre possèdent une valeur, ils doivent avoir un prix pour ceux qui les utilisent ou y portent atteinte. Essentiels, ces biens sont périssables : il nous revient de prévenir leur dégradation, voire leur disparition. Notre survie, celle de nos enfants, dépend de leur préservation.
Tout cela signifie que, si les sciences du vivant inventent des solutions à des problèmes sans âge - survivre, durer, se nourrir -, elles suscitent des interrogations inédites. Que nous réserve la " g-économie ", cette économie du génome qui voit éclore aux États-Unis et en Angleterre de très nombreuses jeunes pousses à l'origine de la plupart des découvertes thérapeutiques et qui, à l'horizon des 10 ou 20 ans, se conjuguera à l' "e-économie " d'Internet ? Ce couplage entre 2 technologies, celle de l'information et celle du vivant, entre système binaire et code génétique, nous apportera certainement beaucoup de surprises : 80 % des produits que nous utiliserons ou consommerons d'ici 50 ans nous sont aujourd'hui inconnus. Plus qu'aucun autre territoire, l'Europe a payé le prix des techniques non maîtrisées, des mutations incontrôlées, d'une scientificité qui ferait abstraction du monde. La mise en garde d'Hannah Arendt à l'encontre d'un progrès qui ne penserait ni ses étapes, ni ses visées, ce qu'elle appelait la recherche du point d'Archimède, reste valable. Le fait que nous déclenchions dans l'espace clos du laboratoire des processus énergétiques qui n'avaient jusqu'ici lieu que dans le soleil, le fait que nous puissions en théorie modifier le cours de l'évolution d'un être vivant par l'intervention génétique ne peut pas être neutre ou sans conséquences. Arrivé au point d'Archimède, l'homme a tendance à abolir toute distance envers de son objet d'étude. L'irresponsable " pourquoi ne pas le faire ? " se substitue alors au sage " à quoi cela sert ? ". Rappeler l'exigence du sens, porter le message d'une mondialisation humanisée dans les instances internationales, tel est le rôle du politique, singulièrement dans l'Union européenne.
Car chaque technique recèle plusieurs possibles. Ce n'est pas l'atome qui choisit son usage -prendre une population pour cible ou être la pile d'un générateur électrique, détruire des cités ou créer des richesses-. Un outil ne pense pas. Avec une ampleur et des mécanismes originaux, l'ambivalence des biotechnologies est celle de la technique elle-même. C'est au politique d'ajouter une dimension morale et des impératifs éthiques aux considérations industrielles et commerciales. Gouverner devient d'autant plus prévoir que les dangers ne manquent pas. Certaines applications néfastes des sciences de la vie provoquent l'apparition de nouveaux risques : risques sanitaires, risques alimentaires, risques environnementaux qui pèsent sur une agriculture saturée de produits chimiques, sur la biodiversité menacée, sur l'eau polluée par des activités dont on ne se serait pas assez méfié.
Et voici qu'un autre danger se présente : la révolution scientifique en cours débouche sur une envahissante marchandisation du réel. Beaucoup observent une " contagion par le marché " de sphères qui lui étaient jusqu'ici interdites ou étrangères, de l'environnement jusqu'aux comportements, de l'intimité du corps au sanctuaire de la psyché, de la culture à la biodiversité. Avec la brevetabilité du vivant se profile une privatisation du patrimoine commun de l'humanité, quand il faudra l'accord de telle ou telle firme pour exploiter une portion de gène. Un million de demandes de brevets ont déjà été déposés sur les gènes identifiés. Or tout ne peut pas être objet de commerce ou d'exclusivité, qu'il s'agisse du corps humain (vivant comme inanimé), ou de l'embryon : un club d'entreprises ne doit pas pouvoir contrôler le stock des semences mondiales. De même, -sujet éminemment sensible- le clonage à des fins de reproduction ne saurait être accepté car il porte en lui le risque d'une " humanité photocopiée ". Si la recherche à visée thérapeutique sur les cellules souches embryonnaires, dans une stricte délimitation des pratiques par le droit, peut être envisagée avec l'espoir que soient élaborés des traitements pour les maladies que nous ne savons pas guérir, l'éthique doit prévaloir : celle de la discussion qui s'impose en démocratie et qu'on appelle tolérance, celle qui prévaut au sein de la communauté scientifique et médicale que l'on nomme déontologie, celle qui s'adresse à chacun de nous, sujet libre et responsable, et qui constitue la simple conscience. En dernier ressort, il appartiendra à la représentation nationale de distinguer le légitime de l'interdit. Le Parlement devrait être saisi d'ici quelques mois du projet de révision des lois bioéthiques de 1994. C'est le principe, la méthode et le calendrier qu'a proposés Lionel Jospin en novembre dernier devant le comité national consultatif d'éthique.
J'ajoute enfin que les nouvelles avancées créent de nouvelles inégalités. Aux riches les vaccinations génétiques, aux pauvres l'improbable accès à des médicaments génériques ; aux premiers la sélection high-tech et l'espoir utopique du " zéro risque, zéro défaut ", aux seconds la loterie dite " naturelle " avec sa part de malheur et de hasard. Le coût des brevets, des produits et des pratiques interdirait alors tout espoir de meilleur aux plus démunis. Jusqu'aux assurances qui risquent de creuser l'écart en exigeant des tests préalables à tout contrat, privant de protection les plus faibles. Comment pourrait-on accepter que nous consacrions plus de moyens financiers et humains à la recherche en cosmétique qu'à l'éradication du paludisme ? Changer le cours de choses, c'est rendre compatibles les démarches des économies industrialisées vers lesquelles vont les crédits de recherche et les besoins des pays les moins avancés qui souffrent des épidémies causées par la conjonction des nouveaux virus ainsi que ceux qui, éradiqués ou maîtrisés chez nous, restent chez eux malheureusement mortels. Ce changement est -dans tous les sens du terme- vital.
Aux politiques, sans se transformer bien sûr en savants ou en maîtres à penser, d'encadrer, de réguler les biotechnologies. Aux politiques d'accompagner et de prévoir, parce que l'expert ne sait pas tout et que précaution exigée vaut mieux que certitude mal assurée. Encourageons le progrès, mais un progrès maîtrisé, à charge pour les pouvoirs publics nationaux et de plus en plus internationaux, pour les acteurs économiques, sociaux, et sociétaux, de faire le choix juste, celui de la préservation, du savoir, de la liberté, de la solidarité. L'impératif de rentabilité ne peut pas être le seul à prospérer. Aux biotechnologies et à leur biopouvoir doivent répondre une bioéthique et une biovigilance, soucieuses de la dignité humaine et de l'intégrité du vivant.
Pour y contribuer, des outils existent déjà : je pense bien sûr au droit et aux institutions internationales. L'accord sur la biosécurité obtenu à Montréal et signé par 130 pays a permis à l'Union européenne d'obtenir la reconnaissance du principe de prudence qui implique de protéger la santé du consommateur, même si le danger n'est pas formellement démontré. L'impératif de transparence a conduit à un étiquetage obligatoire avec description détaillée de l'organisme, dès lors qu'un produit comporte plus d'1% d'OGM, sur le Vieux continent, au Japon, au Mexique. Tout cela est positif. Mais il reste d'immenses tâches à accomplir : mise en place d'une traçabilité fiable, renforcement des contrôles et de l'étiquetage, stricte délimitation de zones OGM et non-OGM. Une action d'ensemble s'impose qui attend la future Agence alimentaire européenne indépendante, avec l'appui de la Commission européenne. Le clonage fait encore l'objet de législations hétérogènes : une Haute instance de contrôle devra veiller à une convergence exigeante. De même, il me semble qu'il faut refuser la privatisation du vivant, dénoncée par la communauté internationale, publiquement désavouée par le Président Clinton et le Premier ministre Blair : la publication gratuite des résultats de certains travaux par nature universels constituerait une garantie contre une appropriation indue. Plus généralement, l'inégalité sanitaire doit être combattue par des moyens massifs : On peut songer à la création d'une Agence de communication européenne sur la science, au renforcement de l'expertise concernant l'impact des technologies nouvelles sur les sociétés, à la formation d'une brigade multinationale d'intervention médicale auprès des pays en développement là où les organisations non gouvernementales n'ont ni les moyens matériels, ni les relais politiques pour venir au secours des populations menacées de pandémies, de malnutrition, de catastrophe écologique. Les propositions ne manquent pas. Information, prévention et sécurité vont ensemble. Tout est affaire de volonté.
Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Commissaire européen, Mesdames et Messieurs, ce que j'ai voulu dire ici, dans cette ville de science et de conscience qu'est Lyon, c'est que la technologie n'est pas une force autonome qui, magiquement, s'imposerait aux nations et aux peuples. C'était déjà vrai, il y a un demi-siècle, de l'atome. C'est vrai, aujourd'hui, du gène et, au-delà, des innovations produites par toutes les sciences du vivant. Maîtriser, anticiper : le politique a ces missions. Elles fondent le suffrage et la citoyenneté. Répondre aux défis des biotechnologies, tirer parti des conquêtes qu'elles promettent pour créer des richesses et renforcer les solidarités, encadrer leur déploiement par le droit, au nom des valeurs qui font nos démocraties ces choix sont ceux de l'humanisme, ils nous engagent devant les générations futures.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14 février 2001)