Texte intégral
L. Bazin.- Notre invitée politique ce matin c'est N. Kosciusko-Morizet. Bonjour.
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat à la Prospective et au Développement numérique, je crois que c'est le titre complet. On connaît votre engagement écologique, on sait de quelle manière vous vous êtes bagarrée pour écrire le principe de précaution dans la Constitution, et combien vous vous êtes bagarrée au moment du "Grenelle 1', comme on dit, sur les OGM en dénonçant à l'époque, au passage, « un concours de lâcheté ». Ce matin, on entend C. Jouanno qui se disait hier « désespérée » par l'arrêt, l'abandon de la taxe carbone, en tout cas ce que certains analysent comme tel, et qui dit ce matin : « on ne peut pas renoncer à tout ». Est-ce que la droite a renoncé à la fiscalité écologique ?
Non, surtout pas ! La fiscalité écologique c'est un projet qui a beaucoup de sens. Aujourd'hui, notre fiscalité est construire de manière absurde, de manière bête. On taxe ce qu'on voudrait en plus : on taxe le travail, on taxe l'investissement ; et on ne taxe pas ce qu'on voudrait en moins, la pollution. L'idée de la fiscalité environnementale c'est juste de dire on va moins fiscaliser le travail, on va moins fiscaliser l'investissement. C'est par exemple la suppression de la taxe professionnelle. Pour moi, ça s'inscrit dans un rééquilibrage de la fiscalité. C'est un projet qui a du sens.
Donc, la taxe carbone était bonne ?
C'est un projet qui est intelligent. Le problème qu'on a, et il y a là un concours d'hypocrisie à gauche entre les Verts et le PS...
... et à droite, non ?
La droite, elle a voté la taxe carbone dans des conditions...
Oui, mais enfin. En traînant les savates.
Attendez, attendez, attendez ! La gauche nous dit aujourd'hui : « la taxe carbone c'était formidable ». Elle avait refusé de la voter au motif que « la fiscalité écologique c'était bien mais ce n'était pas exactement celle-là qu'il fallait, et tout ». Ça va quoi ! On sait que c'est très difficile à mettre en place ce genre de choses, très difficile. Ça fait juste quinze ans qu'on en parle. On sait que c'est encore plus difficile en période de crise. Et donc, ça marche quand on réussit à garder le consensus qui a été celui du Grenelle de l'environnement. Si le consensus du Grenelle de l'environnement explose sur des motifs politiciens, et en l'occurrence là-dessus la gauche l'a fait exploser à l'automne, PS et Verts, sur des motifs politiciens, alors oui c'est beaucoup plus dur. Bien sûr que c'est beaucoup plus dur.
Le 31 décembre, le président de la République dit qu'il ne renoncera pas au premier obstacle ; le 23 mars, il a renoncé de facto, et ce n'est pas à cause de la gauche. C'est bien la droite qui applaudit aujourd'hui à l'arrêt de la taxe carbone : J.-F. Copé, X. Bertrand...
On a un problème aujourd'hui qui paraît aujourd'hui vraiment lourd, difficilement surmontable dans l'immédiat, qui est que ce projet n'est pas compris. Pour moi, il y a peut-être... on a eu un problème de présentation aussi. Regardez, quand on a fait le bonus-malus sur l'automobile, on a été bien compris. La taxe carbone, tout le monde a entendu « taxe », tout le monde a entendu « on va être taxé ».
C'est J.-L. Borloo qui a prononcé le mot « taxe ». C'est une faute ?
Je pense qu'on aurait dû rester dans le concept bonus-malus. En fait, c'était l'idée du bonus-malus, c'était la même idée, une idée d'ailleurs plutôt sociale. Quand on a une alternative, on vous incite à choisir l'alternative qui est plus environnementale et, à ce moment-là, vous y gagnez financièrement. Le bonus-malus c'est ça, le bonus-malus c'est quand vous achetez une voiture, vous pouvez choisir une voiture qui est moins polluante et financièrement vous y gagnez, vous avez le bonus. On peut construire la fiscalité environnementale comme ça, d'une manière qui soit juste, d'une manière qui soit lisible. Simplement, ça se fait quand on réussit à travailler sérieusement, comme on l'a fait dans le cadre du Grenelle de l'environnement avec tout le monde autour de la table. Et là, depuis l'automne, on a le PS et les Verts qui nous font... qui « chouinent », pour dire les choses clairement, qui « chouinent ».
Et l'UMP, c'est étonnant que vous ne reconnaissiez pas ça.
Mais l'UMP, ça n'a jamais été facile...
... on a entendu, hier, tous les motifs de satisfaction.
Mais attendez, mais l'UMP ça n'a pas changé.
Faire avancer une écologie de droite, ce n'est visiblement pas commode.
Mais ça n'a jamais été facile. Moi j'ai été le rapporteur de la Charte de l'environnement. C'est moi qui ai porté le principe de précaution à l'Assemblée nationale mais ce n'était pas facile du tout. Au début, je n'avais pas la majorité dans mon groupe politique. Il n'y avait la majorité dans aucun des groupes politiques. Et puis à la fin, on a voté. Bien sûr que ce n'est pas facile. Moi, je ne vous dis pas que tous les députés de la majorité sont furieusement écologistes. Je vous dis que pour réussir...
... c'est même un peu le contraire, pour être franc !
Pas plus à la majorité qu'à gauche, ce n'est pas le sujet. Les parlementaires sont sensibles aux remontées du terrain, et quand le projet n'est pas compris, les remontées du terrain elles sont très négatives. Mais pourquoi est-ce que le projet n'est pas compris ? Parce qu'on n'a pas réussi à faire passer le message que cette fiscalité, en fait, c'était un genre de bonus-malus, on n'y perdait pas forcément, que l'objectif c'était même qu'on y gagne d'une certaine manière, parce que si on y gagnait, ça prouvait qu'on avait évolué vers des pratiques plus environnementales. Mais ça marche aussi quand on retrouve l'honnêteté du Grenelle de l'environnement. Le Grenelle de l'environnement ça a fonctionné parce qu'autour de la table, vous aviez tout le monde, vous aviez les écologistes, les syndicats, les agriculteurs, et qu'on a été portés par le désir de faire mieux, et par la conviction que ça se ferait si tout le monde s'y mettait. Et aujourd'hui, on n'est plus là-dedans. Aujourd'hui, on n'est plus là-dedans ! C'est ça la difficulté.
Ecoutez ce que dit ce matin D. Cohn-Bendit, d'abord de J.-L. Borloo et de C. Jouanno. Et puis du Grenelle 2. Ecoutez-le. (Extrait interview D. Cohn-Bendit - Europe 1).
D'abord, je ne crois pas que la seconde loi sur le Grenelle de l'environnement ne verra pas le jour. Et puis, moi, D. Cohn-Bendit j'aurais aimé l'entendre un peu plus à l'automne quand on a présenté le projet de fiscalité environnementale à l'Assemblée nationale, parce qu'à l'époque, on ne l'a pas entendu. Si vous voulez, c'est un peu trop facile. En 2007, tout le monde, tout le monde signe l'engagement de N. Hulot.
Tout le monde signe la charte de N. Hulot, oui.
En disant « on va aller vers plus de fiscalité environnementale ». Après, dans le Grenelle de l'environnement, on se met d'accord sur une liste de mesures en matière de fiscalité environnementale qui, je crois, faisait quelque chose de très ambitieux, et on se met d'accord parce que tout le monde y met de l'honnêteté intellectuelle, parce qu'autour de la table, il se passe quelque chose humainement au moment du Grenelle de l'environnement. Et puis, après, il y a un certain nombre de mesures qu'on réussit à mettre en oeuvre, je pense au bonus-malus sur les voitures, je pense à tout ce qu'on fait dans le domaine de l'immobilier pour inciter à avoir des logements qui sont plus économes en énergie, ce qui est bon aussi pour les charges, ce qui accompagne, en fait, des mesures sociales. Et il y a une mesure sur laquelle on vient buter, peut-être que évidemment on a une part de responsabilité.
C'est bien de le reconnaître.
Moi, je pense qu'on aurait dû le présenter...
... dans la présentation au moins.
... sous l'angle bonus-malus, c'est-à-dire que c'est un bonus-malus et je crois qu'il fallait mieux faire passer ce message-là. Mais, quand je dis qu'on a une part de responsabilité, je veux dire aussi que certains autour de la table du Grenelle de l'environnement n'ont pas été corrects...
...vous n'exonérez pas la gauche, je l'ai entendu, oui.
... et D. Cohn-Bendit qui s'exprime aujourd'hui moi je voulais l'entendre à l'automne, à l'automne dire « respectez le Grenelle de l'environnement ». Le projet n'est peut-être pas parfait, il n'est pas compris, retravaillons-le, mais c'est un beau projet.
M. Rocard ce matin, qui est l'un des hommes qui a propulsé l'idée, en tout cas qui l'a aidée à émerger avec son rapport, considère la position du Gouvernement comme « stupide et non compréhensible ». Ecoutez-le. (Extrait interview M. Rocard - France Inter). « Vous n'êtes pas sérieux », dit M. Rocard.
Là où je ne suis pas d'accord avec M. Rocard, c'est que le problème ne vient pas, là, des élections régionales, même si évidemment il y a un contexte. En fait, c'est depuis l'échec de la Conférence de Copenhague qu'il y a un souci.
On dit, il y a un retournement de cette espèce de vertige écologique dans lequel on était pris, c'est ça ?
On est engagés dans une transformation environnementale avec le Grenelle de l'environnement qui nous met en avant du mouvement, mais derrière on sent bien le mouvement, on se dit qu'à Copenhague on va avoir un accord, on se dit que les nations du monde vont s'unir contre le changement climatique.
Et vous êtes lâchés en rase campagne, c'est ça ?
Et à Copenhague, on n'y réussit pas. Et là, ça veut dire que nous, en Europe, on reste à faire l'avant-garde d'une armée qui ne suit plus. Donc, ça pose un premier problème. La Conférence de Copenhague pose un premier problème, c'est vrai, pour notre dynamique du Grenelle de l'environnement. Moi, je crois qu'il faut savoir le surmonter. Mais, le problème est là. Et puis, il y a la crise, et c'est comme pour les mesures qu'on a prises pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Il y a la crise dans le monde agricole. Eh bien, il faut savoir l'entendre.
N'empoisonnons pas les agriculteurs avec l'écologie, a dit en substance le président de la République, au Salon.
Attendez, ça ne veut pas dire qu'on renonce. Le Grenelle de l'environnement ça marche si tout le monde est dans le même bateau, si tout le monde a envie de faire bouger les choses. De toute façon, l'écologie c'est horriblement dur. Je veux dire, j'ai été payée pour le savoir, c'est très difficile. Vous heurtez des intérêts, vous heurtez des habitudes, vous n'êtes pas compris. Moi, j'ai été le rapporteur du principe de précaution dans la Charte de l'environnement. Je me suis occupée de la clause de sauvegarde sur les OGM au moment du Grenelle. Ca n'est pas simple. Alors, ça marche si tout le monde y met de la bonne volonté et de l'honnêteté intellectuelle. Moi, je prends ma part de responsabilité comme membre de la majorité de la difficulté qu'on a à mettre en oeuvre certaines mesures du Grenelle, mais je dis aussi qu'il faudrait que la gauche mette un peu d'eau dans son vin et que j'aurais aimé qu'à l'automne elle soit plus claire.
Oui, vous me l'avez dit tout à l'heure, vous dites aussi ce matin : N. Sarkozy est un écologiste ?
Ah, N. Sarkozy...
... vous dites ça ?
Ah ben, N. Sarkozy est le dernier président de la République...
... on a du mal à le croire quand on voit ces retournements-là.
Alors, écoutez, je vais vous dire, on avait les écologistes au Gouvernement entre 97 et 2002, du temps de Jospin. Est-ce que vous vous souvenez d'une seule mesure qui vous a frappé en matière d'environnement ? On avait D. Voynet, on avait Y. Cochet, on avait... Une seule mesure dont vous vous souvenez aujourd'hui en matière d'environnement ? Eh bien, moi, je vais vous dire, les deux mesures qui m'ont frappée dans les dernières années, ça été la charte constitutionnelle de l'environnement dans le mandat 2002-2007, et le Grenelle de l'environnement dans le mandat 2007-2012, c'est-à-dire des projets qui ont été portés par la majorité. A un moment, il faut s'en souvenir. A un moment, si vous voulez, c'est bien de faire de l'écologie politique, mais il faut regarder aussi les réalisations concrètes. 97- 2002 : les Verts au pouvoir avec le Parti socialiste, souvenez-vous une seule mesure, une seule mesure. Vous me l'écrivez, s'il vous plaît.
Je réfléchis et je vous écris.
Oui ! Mais vous réfléchissez beaucoup parce que vous ne trouvez pas. Regardez, vous êtes un peu sec sur le sujet !
Oui, mais ce n'est pas à moi de répondre, si je peux me permettre, donc je vais réfléchir...
... ben, pourquoi pas ?
... et puis je vais vous l'écrire.
Mais vous êtes citoyen, vous avez le droit d'avoir un point de vue.
Parce qu'effectivement, j'ai pas... vous avez raison, je le fais de temps en temps, mais là en l'occurrence, effectivement, je n'ai pas la mémoire suffisamment pointue. Est-ce que le sarkozysme est en train de se dissoudre dans l'union de la droite ? Est-ce que comme disait Henri Queuille que citait volontiers J. Chirac, la politique ne consiste pas à résoudre les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent ?
Le mot « sarkozysme » de toute façon m'a toujours semblé... « sarkozysme » ce n'est pas une idéologie, les mots en « isme », vous savez ça appelle des idéologies. Le « sarkozysme » c'est un formidable désir d'action, désir de transformation de la France en mouvement.
Qui est toujours en mouvement ?
Qui est toujours en mouvement, bien sûr, mais on le montre en ce moment en abordant une réforme des retraites qui est forcément très difficile. On sait que c'est forcément très difficile, mais on y va quand même parce qu'on pense que la France en a besoin, parce qu'on pense que les Français ont droit à avoir une retraite sûre et solide.
Et là, on fait de la prospective, parce que depuis tout à l'heure vous m'avez dit : « moi, je ne veux pas parler que de l'écologie », mais on fait...
... oui, je voulais vous parler un petit peu de numérique et des 4,5 milliards que j'ai obtenu dans le grand emprunt, mais je sens que ça vous intéresse.
Oui, mais vous voyez comme on fait de la prospective aussi quand on parle de fiscalité écologique. On fait de la prospective quand on parle de réforme des retraites.
Eh ben, quand on parle de retraite. Moi, je travaille sur les retraites au titre de la prospective, bien sûr, et je travaille sur la fiscalité environnementale au titre de la prospective. D'accord. Mais je sens un petit souci politique dans la manière dont vous me posez la question sur la fiscalité environnementale.
Pourquoi ?
Je veux dire, au sens où vous ne m'invitez pas tous les jours pour me poser la question de la prospective environnementale et que donc l'actualité vous commande un peu.
Il se trouve qu'il y a une actualité, effectivement, qui commande, mais qui vous commande aussi, d'une certaine manière. Et par ailleurs, vous avez un déplacement qui sera le premier déplacement de R. Ricol, dans une semaine, monsieur « Grand emprunt ».
Le commissaire général aux Investissements. Voilà ! Puisque plus de 15 % du Grand emprunt est consacré au numérique pour améliorer vos accès au numérique, et surtout que vous en fassiez des choses qui créent de l'emploi en France, c'est surtout ça.
Oui, alors justement, 4,5 milliards. Combien vous espérez créer d'emplois avec ça ?
4,5 milliards : ce sera 2 milliards pour les infrastructures, pour faire en sorte que tout le monde ait le plus vite possible le très haut débit ; et 2,5 milliards pour faire en sorte que ces infrastructures développent de l'emploi en France. Donc, par exemple, il y aura ce qu'on appelle...
...vous avez chiffré ce qu'on peut en espérer ?
En termes de nombre d'emplois ?
D'emploi, de retombées.
On considère que notre sous-investissement en matière de numérique ça nous fait 1 % de point de PIB en moins depuis dix ans ou depuis quinze ans sur les Etats-Unis. Et ça, ça veut dire des centaines de milliers d'emplois.
Le voilà notre point de croissance, le fameux, qu'il fallait arracher avec les dents.
Mais oui ! Mais c'est pour ça que plus de 15 % du Grand emprunt va être consacré au numérique, mais à faire du numérique pour le développer chez nous. Je veux dire, il faut développer les réseaux mais il faut aussi faire en sorte... c'est comme les autoroutes, bon, on développe les autoroutes de l'information, ben...
... D'un mot, je vous promets que je vous réinviterai pour parler que de ça. D'un mot, allez-y !
Eh ben, voilà, quand vous développez une autoroute, il faut vous préoccuper des règles de la route, vous préoccuper que ça participe de l'économie nationale, et éventuellement que les voitures sont construites en France, de préférence des voitures vertes.
Merci d'avoir été notre invitée. Vous voyez qu'on est revenus à l'écologie en fin d'interview. On ne s'en défait pas comme ça. C'était N. Kosciusko-Morizet.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement le 25 mars 2010
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat à la Prospective et au Développement numérique, je crois que c'est le titre complet. On connaît votre engagement écologique, on sait de quelle manière vous vous êtes bagarrée pour écrire le principe de précaution dans la Constitution, et combien vous vous êtes bagarrée au moment du "Grenelle 1', comme on dit, sur les OGM en dénonçant à l'époque, au passage, « un concours de lâcheté ». Ce matin, on entend C. Jouanno qui se disait hier « désespérée » par l'arrêt, l'abandon de la taxe carbone, en tout cas ce que certains analysent comme tel, et qui dit ce matin : « on ne peut pas renoncer à tout ». Est-ce que la droite a renoncé à la fiscalité écologique ?
Non, surtout pas ! La fiscalité écologique c'est un projet qui a beaucoup de sens. Aujourd'hui, notre fiscalité est construire de manière absurde, de manière bête. On taxe ce qu'on voudrait en plus : on taxe le travail, on taxe l'investissement ; et on ne taxe pas ce qu'on voudrait en moins, la pollution. L'idée de la fiscalité environnementale c'est juste de dire on va moins fiscaliser le travail, on va moins fiscaliser l'investissement. C'est par exemple la suppression de la taxe professionnelle. Pour moi, ça s'inscrit dans un rééquilibrage de la fiscalité. C'est un projet qui a du sens.
Donc, la taxe carbone était bonne ?
C'est un projet qui est intelligent. Le problème qu'on a, et il y a là un concours d'hypocrisie à gauche entre les Verts et le PS...
... et à droite, non ?
La droite, elle a voté la taxe carbone dans des conditions...
Oui, mais enfin. En traînant les savates.
Attendez, attendez, attendez ! La gauche nous dit aujourd'hui : « la taxe carbone c'était formidable ». Elle avait refusé de la voter au motif que « la fiscalité écologique c'était bien mais ce n'était pas exactement celle-là qu'il fallait, et tout ». Ça va quoi ! On sait que c'est très difficile à mettre en place ce genre de choses, très difficile. Ça fait juste quinze ans qu'on en parle. On sait que c'est encore plus difficile en période de crise. Et donc, ça marche quand on réussit à garder le consensus qui a été celui du Grenelle de l'environnement. Si le consensus du Grenelle de l'environnement explose sur des motifs politiciens, et en l'occurrence là-dessus la gauche l'a fait exploser à l'automne, PS et Verts, sur des motifs politiciens, alors oui c'est beaucoup plus dur. Bien sûr que c'est beaucoup plus dur.
Le 31 décembre, le président de la République dit qu'il ne renoncera pas au premier obstacle ; le 23 mars, il a renoncé de facto, et ce n'est pas à cause de la gauche. C'est bien la droite qui applaudit aujourd'hui à l'arrêt de la taxe carbone : J.-F. Copé, X. Bertrand...
On a un problème aujourd'hui qui paraît aujourd'hui vraiment lourd, difficilement surmontable dans l'immédiat, qui est que ce projet n'est pas compris. Pour moi, il y a peut-être... on a eu un problème de présentation aussi. Regardez, quand on a fait le bonus-malus sur l'automobile, on a été bien compris. La taxe carbone, tout le monde a entendu « taxe », tout le monde a entendu « on va être taxé ».
C'est J.-L. Borloo qui a prononcé le mot « taxe ». C'est une faute ?
Je pense qu'on aurait dû rester dans le concept bonus-malus. En fait, c'était l'idée du bonus-malus, c'était la même idée, une idée d'ailleurs plutôt sociale. Quand on a une alternative, on vous incite à choisir l'alternative qui est plus environnementale et, à ce moment-là, vous y gagnez financièrement. Le bonus-malus c'est ça, le bonus-malus c'est quand vous achetez une voiture, vous pouvez choisir une voiture qui est moins polluante et financièrement vous y gagnez, vous avez le bonus. On peut construire la fiscalité environnementale comme ça, d'une manière qui soit juste, d'une manière qui soit lisible. Simplement, ça se fait quand on réussit à travailler sérieusement, comme on l'a fait dans le cadre du Grenelle de l'environnement avec tout le monde autour de la table. Et là, depuis l'automne, on a le PS et les Verts qui nous font... qui « chouinent », pour dire les choses clairement, qui « chouinent ».
Et l'UMP, c'est étonnant que vous ne reconnaissiez pas ça.
Mais l'UMP, ça n'a jamais été facile...
... on a entendu, hier, tous les motifs de satisfaction.
Mais attendez, mais l'UMP ça n'a pas changé.
Faire avancer une écologie de droite, ce n'est visiblement pas commode.
Mais ça n'a jamais été facile. Moi j'ai été le rapporteur de la Charte de l'environnement. C'est moi qui ai porté le principe de précaution à l'Assemblée nationale mais ce n'était pas facile du tout. Au début, je n'avais pas la majorité dans mon groupe politique. Il n'y avait la majorité dans aucun des groupes politiques. Et puis à la fin, on a voté. Bien sûr que ce n'est pas facile. Moi, je ne vous dis pas que tous les députés de la majorité sont furieusement écologistes. Je vous dis que pour réussir...
... c'est même un peu le contraire, pour être franc !
Pas plus à la majorité qu'à gauche, ce n'est pas le sujet. Les parlementaires sont sensibles aux remontées du terrain, et quand le projet n'est pas compris, les remontées du terrain elles sont très négatives. Mais pourquoi est-ce que le projet n'est pas compris ? Parce qu'on n'a pas réussi à faire passer le message que cette fiscalité, en fait, c'était un genre de bonus-malus, on n'y perdait pas forcément, que l'objectif c'était même qu'on y gagne d'une certaine manière, parce que si on y gagnait, ça prouvait qu'on avait évolué vers des pratiques plus environnementales. Mais ça marche aussi quand on retrouve l'honnêteté du Grenelle de l'environnement. Le Grenelle de l'environnement ça a fonctionné parce qu'autour de la table, vous aviez tout le monde, vous aviez les écologistes, les syndicats, les agriculteurs, et qu'on a été portés par le désir de faire mieux, et par la conviction que ça se ferait si tout le monde s'y mettait. Et aujourd'hui, on n'est plus là-dedans. Aujourd'hui, on n'est plus là-dedans ! C'est ça la difficulté.
Ecoutez ce que dit ce matin D. Cohn-Bendit, d'abord de J.-L. Borloo et de C. Jouanno. Et puis du Grenelle 2. Ecoutez-le. (Extrait interview D. Cohn-Bendit - Europe 1).
D'abord, je ne crois pas que la seconde loi sur le Grenelle de l'environnement ne verra pas le jour. Et puis, moi, D. Cohn-Bendit j'aurais aimé l'entendre un peu plus à l'automne quand on a présenté le projet de fiscalité environnementale à l'Assemblée nationale, parce qu'à l'époque, on ne l'a pas entendu. Si vous voulez, c'est un peu trop facile. En 2007, tout le monde, tout le monde signe l'engagement de N. Hulot.
Tout le monde signe la charte de N. Hulot, oui.
En disant « on va aller vers plus de fiscalité environnementale ». Après, dans le Grenelle de l'environnement, on se met d'accord sur une liste de mesures en matière de fiscalité environnementale qui, je crois, faisait quelque chose de très ambitieux, et on se met d'accord parce que tout le monde y met de l'honnêteté intellectuelle, parce qu'autour de la table, il se passe quelque chose humainement au moment du Grenelle de l'environnement. Et puis, après, il y a un certain nombre de mesures qu'on réussit à mettre en oeuvre, je pense au bonus-malus sur les voitures, je pense à tout ce qu'on fait dans le domaine de l'immobilier pour inciter à avoir des logements qui sont plus économes en énergie, ce qui est bon aussi pour les charges, ce qui accompagne, en fait, des mesures sociales. Et il y a une mesure sur laquelle on vient buter, peut-être que évidemment on a une part de responsabilité.
C'est bien de le reconnaître.
Moi, je pense qu'on aurait dû le présenter...
... dans la présentation au moins.
... sous l'angle bonus-malus, c'est-à-dire que c'est un bonus-malus et je crois qu'il fallait mieux faire passer ce message-là. Mais, quand je dis qu'on a une part de responsabilité, je veux dire aussi que certains autour de la table du Grenelle de l'environnement n'ont pas été corrects...
...vous n'exonérez pas la gauche, je l'ai entendu, oui.
... et D. Cohn-Bendit qui s'exprime aujourd'hui moi je voulais l'entendre à l'automne, à l'automne dire « respectez le Grenelle de l'environnement ». Le projet n'est peut-être pas parfait, il n'est pas compris, retravaillons-le, mais c'est un beau projet.
M. Rocard ce matin, qui est l'un des hommes qui a propulsé l'idée, en tout cas qui l'a aidée à émerger avec son rapport, considère la position du Gouvernement comme « stupide et non compréhensible ». Ecoutez-le. (Extrait interview M. Rocard - France Inter). « Vous n'êtes pas sérieux », dit M. Rocard.
Là où je ne suis pas d'accord avec M. Rocard, c'est que le problème ne vient pas, là, des élections régionales, même si évidemment il y a un contexte. En fait, c'est depuis l'échec de la Conférence de Copenhague qu'il y a un souci.
On dit, il y a un retournement de cette espèce de vertige écologique dans lequel on était pris, c'est ça ?
On est engagés dans une transformation environnementale avec le Grenelle de l'environnement qui nous met en avant du mouvement, mais derrière on sent bien le mouvement, on se dit qu'à Copenhague on va avoir un accord, on se dit que les nations du monde vont s'unir contre le changement climatique.
Et vous êtes lâchés en rase campagne, c'est ça ?
Et à Copenhague, on n'y réussit pas. Et là, ça veut dire que nous, en Europe, on reste à faire l'avant-garde d'une armée qui ne suit plus. Donc, ça pose un premier problème. La Conférence de Copenhague pose un premier problème, c'est vrai, pour notre dynamique du Grenelle de l'environnement. Moi, je crois qu'il faut savoir le surmonter. Mais, le problème est là. Et puis, il y a la crise, et c'est comme pour les mesures qu'on a prises pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Il y a la crise dans le monde agricole. Eh bien, il faut savoir l'entendre.
N'empoisonnons pas les agriculteurs avec l'écologie, a dit en substance le président de la République, au Salon.
Attendez, ça ne veut pas dire qu'on renonce. Le Grenelle de l'environnement ça marche si tout le monde est dans le même bateau, si tout le monde a envie de faire bouger les choses. De toute façon, l'écologie c'est horriblement dur. Je veux dire, j'ai été payée pour le savoir, c'est très difficile. Vous heurtez des intérêts, vous heurtez des habitudes, vous n'êtes pas compris. Moi, j'ai été le rapporteur du principe de précaution dans la Charte de l'environnement. Je me suis occupée de la clause de sauvegarde sur les OGM au moment du Grenelle. Ca n'est pas simple. Alors, ça marche si tout le monde y met de la bonne volonté et de l'honnêteté intellectuelle. Moi, je prends ma part de responsabilité comme membre de la majorité de la difficulté qu'on a à mettre en oeuvre certaines mesures du Grenelle, mais je dis aussi qu'il faudrait que la gauche mette un peu d'eau dans son vin et que j'aurais aimé qu'à l'automne elle soit plus claire.
Oui, vous me l'avez dit tout à l'heure, vous dites aussi ce matin : N. Sarkozy est un écologiste ?
Ah, N. Sarkozy...
... vous dites ça ?
Ah ben, N. Sarkozy est le dernier président de la République...
... on a du mal à le croire quand on voit ces retournements-là.
Alors, écoutez, je vais vous dire, on avait les écologistes au Gouvernement entre 97 et 2002, du temps de Jospin. Est-ce que vous vous souvenez d'une seule mesure qui vous a frappé en matière d'environnement ? On avait D. Voynet, on avait Y. Cochet, on avait... Une seule mesure dont vous vous souvenez aujourd'hui en matière d'environnement ? Eh bien, moi, je vais vous dire, les deux mesures qui m'ont frappée dans les dernières années, ça été la charte constitutionnelle de l'environnement dans le mandat 2002-2007, et le Grenelle de l'environnement dans le mandat 2007-2012, c'est-à-dire des projets qui ont été portés par la majorité. A un moment, il faut s'en souvenir. A un moment, si vous voulez, c'est bien de faire de l'écologie politique, mais il faut regarder aussi les réalisations concrètes. 97- 2002 : les Verts au pouvoir avec le Parti socialiste, souvenez-vous une seule mesure, une seule mesure. Vous me l'écrivez, s'il vous plaît.
Je réfléchis et je vous écris.
Oui ! Mais vous réfléchissez beaucoup parce que vous ne trouvez pas. Regardez, vous êtes un peu sec sur le sujet !
Oui, mais ce n'est pas à moi de répondre, si je peux me permettre, donc je vais réfléchir...
... ben, pourquoi pas ?
... et puis je vais vous l'écrire.
Mais vous êtes citoyen, vous avez le droit d'avoir un point de vue.
Parce qu'effectivement, j'ai pas... vous avez raison, je le fais de temps en temps, mais là en l'occurrence, effectivement, je n'ai pas la mémoire suffisamment pointue. Est-ce que le sarkozysme est en train de se dissoudre dans l'union de la droite ? Est-ce que comme disait Henri Queuille que citait volontiers J. Chirac, la politique ne consiste pas à résoudre les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent ?
Le mot « sarkozysme » de toute façon m'a toujours semblé... « sarkozysme » ce n'est pas une idéologie, les mots en « isme », vous savez ça appelle des idéologies. Le « sarkozysme » c'est un formidable désir d'action, désir de transformation de la France en mouvement.
Qui est toujours en mouvement ?
Qui est toujours en mouvement, bien sûr, mais on le montre en ce moment en abordant une réforme des retraites qui est forcément très difficile. On sait que c'est forcément très difficile, mais on y va quand même parce qu'on pense que la France en a besoin, parce qu'on pense que les Français ont droit à avoir une retraite sûre et solide.
Et là, on fait de la prospective, parce que depuis tout à l'heure vous m'avez dit : « moi, je ne veux pas parler que de l'écologie », mais on fait...
... oui, je voulais vous parler un petit peu de numérique et des 4,5 milliards que j'ai obtenu dans le grand emprunt, mais je sens que ça vous intéresse.
Oui, mais vous voyez comme on fait de la prospective aussi quand on parle de fiscalité écologique. On fait de la prospective quand on parle de réforme des retraites.
Eh ben, quand on parle de retraite. Moi, je travaille sur les retraites au titre de la prospective, bien sûr, et je travaille sur la fiscalité environnementale au titre de la prospective. D'accord. Mais je sens un petit souci politique dans la manière dont vous me posez la question sur la fiscalité environnementale.
Pourquoi ?
Je veux dire, au sens où vous ne m'invitez pas tous les jours pour me poser la question de la prospective environnementale et que donc l'actualité vous commande un peu.
Il se trouve qu'il y a une actualité, effectivement, qui commande, mais qui vous commande aussi, d'une certaine manière. Et par ailleurs, vous avez un déplacement qui sera le premier déplacement de R. Ricol, dans une semaine, monsieur « Grand emprunt ».
Le commissaire général aux Investissements. Voilà ! Puisque plus de 15 % du Grand emprunt est consacré au numérique pour améliorer vos accès au numérique, et surtout que vous en fassiez des choses qui créent de l'emploi en France, c'est surtout ça.
Oui, alors justement, 4,5 milliards. Combien vous espérez créer d'emplois avec ça ?
4,5 milliards : ce sera 2 milliards pour les infrastructures, pour faire en sorte que tout le monde ait le plus vite possible le très haut débit ; et 2,5 milliards pour faire en sorte que ces infrastructures développent de l'emploi en France. Donc, par exemple, il y aura ce qu'on appelle...
...vous avez chiffré ce qu'on peut en espérer ?
En termes de nombre d'emplois ?
D'emploi, de retombées.
On considère que notre sous-investissement en matière de numérique ça nous fait 1 % de point de PIB en moins depuis dix ans ou depuis quinze ans sur les Etats-Unis. Et ça, ça veut dire des centaines de milliers d'emplois.
Le voilà notre point de croissance, le fameux, qu'il fallait arracher avec les dents.
Mais oui ! Mais c'est pour ça que plus de 15 % du Grand emprunt va être consacré au numérique, mais à faire du numérique pour le développer chez nous. Je veux dire, il faut développer les réseaux mais il faut aussi faire en sorte... c'est comme les autoroutes, bon, on développe les autoroutes de l'information, ben...
... D'un mot, je vous promets que je vous réinviterai pour parler que de ça. D'un mot, allez-y !
Eh ben, voilà, quand vous développez une autoroute, il faut vous préoccuper des règles de la route, vous préoccuper que ça participe de l'économie nationale, et éventuellement que les voitures sont construites en France, de préférence des voitures vertes.
Merci d'avoir été notre invitée. Vous voyez qu'on est revenus à l'écologie en fin d'interview. On ne s'en défait pas comme ça. C'était N. Kosciusko-Morizet.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement le 25 mars 2010