Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil européen, Cher Herman Van Rompuy,
Monsieur le Ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives,
Cher Philippe Daubresse,
Madame la Maire de Lille et désormais nouvelle Présidente de l'Eurométropole, Chère Martine Aubry,
Monsieur le Ministre fédéral, vice-Président de l'Eurométropole, Cher Stefaan de Clerck,
Monsieur le Ministre-Président du gouvernement wallon, vice-Président de l'Eurométropole, Cher Rudy Demotte,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Chers Amis belges et français,
Permettez-moi de vous dire à quel point je suis heureux de me retrouver aujourd'hui ici à Lille, siège social de l'Eurométropole, pour parler avec vous de coopération transfrontalière entre la France et la Belgique.
C'est en effet pour moi un honneur que de venir participer à l'Assemblée générale de la plus grande métropole transfrontalière d'Europe qui rassemble près de 2 millions d'habitants avec près de 130 communes associées. Ce déplacement, que j'effectue en tant que membre du gouvernement chargé des Affaires européennes, s'inscrit dans le prolongement de mon action, engagée depuis ma nomination en juin dernier, en faveur du développement des relations transfrontalières en Europe. Elle est aussi le signe de l'attention que le gouvernement accorde à la situation de nos territoires frontaliers : c'est suffisamment nouveau pour mériter d'être souligné, j'y reviendrai.
Mesdames et Messieurs,
Je suis ici aujourd'hui parce que le président de la République et le Premier ministre m'ont donné cette très lourde responsabilité, cette très belle responsabilité, d'être ministre de l'Europe, alors je vais aussi vous parler un peu d'Europe et de votre région au coeur de l'Europe.
L'Europe vit aujourd'hui un moment historique, elle entre dans une nouvelle phase de son histoire :
Au lendemain de la guerre, entre 1945 à 1989, nous avons construit une moitié d'Europe avec une moitié d'Allemagne. C'est la réconciliation franco-allemande qui, au lendemain de la guerre, a rendu possible la construction européenne.
Depuis 1989, avec la chute du mur de Berlin - dont nous avons célébré en novembre dernier le 20ème anniversaire - et l'effondrement des régimes communistes en Europe centrale et orientale - résultat d'une révolution pacifique dans cette "autre Europe" qui plaçait en nous tous ses espoirs - nous avons réussi la réunification du continent dans la paix.
Nous pouvons en être fiers, car l'Europe, on ne le dira jamais assez, c'est d'abord la paix : c'est grâce à elle que nous pourrons épargner aux générations futures, à nos enfants et à nos petits-enfants, de connaître l'horreur des tranchées et des champs de bataille. Cette deuxième phase de l'histoire européenne d'après-guerre ne s'est pas faite sans difficultés ni tâtonnements. Mais c'était, au regard de l'Histoire, une nécessité que d'effacer Yalta et la guerre froide.
En 2009, enfin, nous avons clos le chapitre de la querelle institutionnelle, qui nous avait occupé le devant de la scène ces 15 dernières années, et que nous avions traîné comme un boulet, de Traité en Traité, de référendum en référendum. Cette phase est désormais derrière nous. Nous avons, avec le Traité de Lisbonne, la "boîte à outils" institutionnelle qui nous permettra d'affronter les défis de la mondialisation au cours des décennies à venir.
Je voudrais rappeler que si nous sommes sortis de l'impasse dans laquelle nous nous trouvions après le référendum de 2005, c'est bien grâce à l'action de Nicolas Sarkozy ! Dès son accession à la présidence de la République en mai 2007 et conformément aux engagements qu'il avait pris devant les électeurs, c'est lui qui est allé convaincre Angela Merkel de la nécessité de mettre rapidement sur les rails ce qui allait devenir le Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007. Les obstacles qui se sont ensuite présentés, je pense en particulier à l'échec du premier référendum irlandais, c'est grâce à Nicolas Sarkozy que nous avons pu les surmonter !
Aujourd'hui, avec le Traité de Lisbonne désormais en vigueur, l'Union européenne élargie s'est dotée de nouvelles institutions, qui permettront d'optimiser son fonctionnement : les chefs d'Etat et de gouvernement ont choisi à l'unanimité un président du Conseil européen - en la personne de M. Van Rompuy, dont je salue à nouveau la présence parmi nous ; un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité - c'est Mme Ashton ; et c'est aussi un Service européen d'action extérieure, qui s'appuiera bientôt sur le plus grand réseau diplomatique au monde, et nous serons d'ailleurs très attentifs aux conditions de sa mise en place au cours des mois qui viennent.
L'Europe voit aussi sa légitimité démocratique renforcée, avec des pouvoirs nouveaux reconnus aux représentants des citoyens, qu'il s'agisse de l'extension de la procédure de co-décision entre Commission et Parlement européen à une cinquantaine de domaines supplémentaires, ou de l'accroissement des pouvoirs des Parlements nationaux. On ne peut plus dire aujourd'hui que la construction européenne souffre d'un déficit démocratique, puisque les élus, au sein des Parlements nationaux ou Parlement européen, sont désormais pleinement associés aux décisions de l'Union européenne. Cela aussi, nous le devons à la vision de Nicolas Sarkozy, qui a entendu le message de ceux qui, parfois, trouvaient l'Europe trop éloignée de leurs préoccupations.
* Redoubler d'efforts pour accélérer la sortie de crise
A l'heure de la mondialisation, l'Europe, qui a désormais ses problèmes institutionnels pour l'essentiel derrière elle, doit pouvoir se concentrer sur les problèmes qui préoccupent ses citoyens : immigration, sécurité, politique extérieure et de défense, environnement, énergie et climat, mais aussi, d'abord et avant tout, sortie de crise économique. Nous devons aujourd'hui redoubler d'efforts face à la crise économique dont les conséquences sont dévastatrices pour notre pays en termes politiques, économiques et sociaux.
Comme l'a rappelé le Premier ministre François Fillon, face à cette crise économique la plus sévère depuis près d'un siècle (quelque 80 ans après la crise de 29), il nous faut continuer à être ensemble vigilants.
Faut-il rappeler que c'est grâce à la réaction exemplaire de Nicolas Sarkozy en 2008, alors président du Conseil européen, que la France est le pays d'Europe qui a, malgré tout, le mieux résisté à ce choc économique d'une rare violence.
Faut-il rappeler que c'est grâce au G20, appelé de ses voeux par le président de la République, qu'une véritable régulation financière internationale a enfin vu le jour, et que le capitalisme mondial a commencé à être moralisé (encadrement des bonus des traders, fin des paradis fiscaux, application par les banques des mêmes règles prudentielles au niveau mondial) ?
Faut-il rappeler que la France a consacré 26 milliards d'euros à son plan de relance et qu'elle a contribué, dans son rôle de Présidence du Conseil de l'Union européenne, à coordonner les plans de relance des Etats membres ?
C'est bien grâce à l'action du gouvernement qu'aucune banque française n'a fait faillite, que bon nombre d'entreprises n'ont pas mis la clef sous la porte, que le taux de chômage de la France est au niveau de celui de la zone Euro et non largement au-dessus comme ce fut le cas ces dernières années.
Désormais, nous mettons tout en oeuvre pour sortir au plus vite de la crise. Ainsi, l'économie française, après avoir mieux résisté en 2009 que l'Allemagne et d'autres grandes économies européennes, retrouvera en 2010 un taux de croissance positive, autour de 1,4 %, comparativement ?? une croissance de l'ordre de 1 % dans l'Union européenne.
Mais il faut également comparer tout ceci par rapport à l'évolution des grands pays émergents : la croissance de la Chine, dans le même temps, dépassera 10 %, celle de l'Inde 7 %, celle du Brésil 5 %. La réalité de la mondialisation est bien présente : les autres ne nous attendront pas pour remettre en cause la hiérarchie des puissances. Face à la montée de ces grands ensembles émergents, la construction européenne constitue la seule réponse pertinente. Aucun Etat européen ne peut aujourd'hui espérer s'en sortir seul : pour mieux répondre au défi de la mondialisation, nous devons avancer dans l'unité entre les Européens.
Pour cela, nous aurons besoin d'un véritable gouvernement économique européen. L'idée fait son chemin, et la réunion informelle à Bruxelles le 11 février des chefs d'Etat et de gouvernement des 27, à l'initiative de M. Herman Van Rompuy, a représenté une étape importante de la prise de conscience de cette nécessité. Il s'agit de mettre tous les moyens de l'Union européenne au service de la croissance et de l'emploi, en coordonnant beaucoup plus étroitement l'action des Etats membres avec les politiques menées au niveau européen. L'Union européenne devrait par exemple favoriser l'émergence d'acteurs européens compétitifs à l'échelle mondiale, ce qui impose de revoir la politique de la concurrence telle qu'elle existe actuellement au niveau européen.
De même, il est temps, le Premier ministre François Fillon l'a dit le mois dernier à Berlin - j'étais à ses côtés - d'ouvrir avec les autres Etats membres une véritable discussion sur la politique de change afin que la parité de l'euro ne constitue pas un frein à la croissance, comme c'est aujourd'hui le cas (face au dollar, mais aussi face à des monnaies très sous-évaluées, comme le yuan). La France, qui présidera à compter de la fin 2010, à la fois le G 20 et le G 8, compte bien, le président de la République l'a déjà annoncé, prendre ce problème à bras le corps, et poser la question d'un nouveau Bretton Woods.
Arrêtons l'hémorragie de la désindustrialisation, car au-delà de la politique de change, il est indispensable de disposer au plus vite au niveau européen d'une politique d'innovation, d'une politique commerciale, et d'une politique concurrentielle qui défende mieux les intérêts des producteurs français et européens face à leurs concurrents des pays émergents !
Le président de la République l'a rappelé lors des premiers Etats généraux de l'Industrie qu'il a pris l'initiative de réunir, en accord avec les syndicats, le 4 mars à Marignane : nous devons résister à cette idée facile selon laquelle les emplois pourraient être créés simplement dans les services et que l'on pourrait abandonner l'industrie. En dernier ressort, c'est bien l'emploi industriel et la création de valeur ajoutée dans l'industrie qui font la richesse d'un pays. Nicolas Sarkozy a raison de poser la question : "le jour où l'industrie sera partie, pour qui les services travailleront-ils ?". La réponse coule de source : ils se délocaliseront, eux aussi. C'est cela qu'il faut éviter, et c'est bien la raison pour laquelle nous devons lutter contre le risque de désindustrialisation de notre pays, désindustrialisation qui, depuis l'an 2000, tend à s'accélérer.
Les chiffres sont connus : en 10 ans, nous avons perdu un demi-million d'emplois industriels. Aujourd'hui, l'industrie occupe 13 % de la population active française, contre 16 % il y a 10 ans. Elle produit 16 % de la valeur ajoutée française, contre 23 % en Italie et 30 % en Allemagne. Face à ce risque, la gauche plurielle lorsqu'elle était au pouvoir n'a fait que clamer son impuissance (on se souvient des propos de M. Jospin lors de la fermeture de l'usine Renault de Vilvoorde : "L'Etat ne peut pas tout") lorsqu'elle n'épouse pas, comme le font aujourd'hui certains écologistes, la cause de la décroissance, qui n'est jamais que l'autre nom du déclin.
Face à cette hémorragie et à ce risque de désindustrialisation, nous devons résister avec la dernière énergie : c'est ce que fait Nicolas Sarkozy, qui se bat pour le maintien de l'emploi industriel en France et en Europe : il l'a dit aux responsables de Renault pour le maintien de l'activité à l'usine de Flins, il l'a redit lors des Etats généraux de l'Industrie : "nous ne voulons pas d'une France, d'une Europe sans usines". Le président de la République a raison de le rappeler : "la France a une tradition industrielle et on ne voit pas pourquoi il faudrait l'abandonner". Il nous faut aujourd'hui une vraie politique industrielle qui soit un peu à long terme ! En effet, la France n'aura "pas de croissance durable sans une industrie forte".
Il nous faut donc, au niveau européen, une véritable politique européenne tournée résolument vers l'industrie, l'innovation et le développement durable, qui encourage les nouvelles sources de croissance et privilégie les investissements du futur, ceux qui apporteront à la France les emplois et la croissance à long terme. C'est, en France, tout l'objet de la démarche engagée par le président de la République et le gouvernement avec le Grand Emprunt, qui identifie les secteurs clés pour l'avenir de la France, avec un accent mis en particulier sur l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (16 milliards d'euros sur un total de 35 milliards d'euros). C'est bien une telle démarche d'identification et de "prioritisation" des secteurs clés pour notre avenir collectif que nous voulons désormais promouvoir au niveau européen.
Il est également nécessaire de faire évoluer la politique européenne en matière commerciale. Si nous regardons les grands pays émergents : Chine, Inde, Brésil, et même la nation par excellence du libéralisme, les Etats-Unis, tous tiennent à défendre leur industrie. L'affaire des avions-ravitailleurs pour l'armée de l'air américaine est bien là pour nous le rappeler ! Nous devons donc mettre en oeuvre, au plus vite, une véritable politique industrielle européenne. Au-delà du soutien à nos entreprises, il est nécessaire d'imposer une véritable réciprocité dans les échanges commerciaux. Comme le souligne Nicolas Sarkozy, "la pire situation pour l'Europe serait celle où son marché serait ouvert quand les autres lui sont fermés." Il faut davantage de loyauté dans les échanges commerciaux !
Le président de la République l'a dit : il n'est pas envisageable que nous imposions à nos industries toute une série de normes contraignantes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (et notamment la fameuse "taxe carbone"), tout en les laissant exposées à la concurrence de pays qui n'en accepteraient aucune ! Car si nous faisons cela, nous n'aurons bientôt plus d'industries : elles seront délocalisées et la production se fera ailleurs, dans des pays où l'on peut polluer sans entraves. Ce n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous devons mettre en place de manière coordonnée avec les autres Etats membres un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, afin de rétablir les conditions d'une concurrence qui ne soit pas faussée. La même chose vaut pour le respect des normes sociales définies par le Bureau international du travail : comment accepter sans broncher la concurrence de pays qui ont recours au travail forcé, au travail des prisonniers notamment ? L'Union européenne - car c'est au niveau européen que se décide la politique commerciale - doit exiger le renforcement des mesures anti-dumping : le gouvernement fera d'ailleurs prochainement des propositions en ce sens à la nouvelle Commission européenne.
La même logique vaut encore pour la défense de notre agriculture : à quoi sert-il d'imposer à nos éleveurs des règles de traçabilité, des conditions très strictes de respect du bien être animal et de l'environnement, si c'est pour importer massivement en Europe de la viande venue de pays qui ignorent la sécurit?? alimentaire ou encore le respect des animaux ?
Il faut avoir le courage de poser ces questions au niveau européen, car c'est la survie de nos industries, de notre agriculture, de notre modèle social qui en dépendent.
Remettons également en ordre les finances publiques tant au niveau de l'Etat que des Collectivités territoriales !
Face à la crise, à la nécessité de relancer l'économie, nous avons réussi à résister à la tentation d'augmenter la pression fiscale, sachant que la France est déjà l'un des pays européens où la fiscalité est la plus élevée. Au contraire, nous avons souhaité libérer les énergies en mettant fin à un impôt (la taxe professionnelle) qui pénalisait nos entreprises, pénalisait l'emploi, l'investissement, et au final, incitait aux délocalisations. C'est tout de même le grand mérite du président de la République que d'avoir supprimé cet "impôt imbécile" : tout le monde reconnaissait qu'il fallait le faire, mais personne - jusqu'à Nicolas Sarkozy - n'avait osé s'atteler à la tâche ! Et j'entends de nouveau les socialistes dirent que nous avons retiré une source de revenus importante pour les collectivités territoriales. Eh bien, j'ai le courage de le dire, préfèrent-ils plus de fonctionnaires territoriaux que moins de chômeurs ? Ces spécialistes de l'impôt sont tout de même gonflés lorsqu'ils crient au loup lorsque le chômage augmente.
Dans le même temps, nous avons engagé un effort indispensable de remise en ordre de nos finances publiques et de réduction des déficits : l'exemple de la Grèce est là pour nous montrer à quel point ces questions sont incontournables, si nous voulons éviter de nous retrouver dans une situation aussi dramatique. Nous pourrions jouer la montre. Eh bien non ! Plutôt que la facilité, nous avons donc privilégié la voie de la responsabilité, par la recherche d'une maîtrise accrue de la dépense publique, avec notamment la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans les administrations, qui a déjà permis de supprimer 100 000 postes de fonctionnaires. Le gouvernement auquel j'appartiens poursuivra cet effort indispensable de rationalisation et de maîtrise de la dépense publique.
* Mettons en place une véritable politique nationale transfrontalière
Par ailleurs, je l'évoquais en introduction de mon propos, j'ai souhaité, dès mon arrivée au gouvernement, que nous comblions une lacune, à savoir l'absence de véritable politique transfrontalière au niveau national.
Nous sommes passés, en effet, depuis la Révolution française, de l'obsession des frontières à l'oubli de celles-ci ("syndrome de la terre plate", pour reprendre l'expression de mon ami André Rossinot, élu d'une autre région frontalière). L'enjeu aujourd'hui est de passer de la "frontière-coupure" à la "frontière-couture", voire à la "frontière soudure". Il est indispensable de mobiliser à cette fin l'ensemble des acteurs nationaux et locaux.
La problématique transfrontalière est un enjeu de tout premier plan : 12 régions en France, 10 millions de Français, 300.000 travailleurs transfrontaliers sont concernés. Vous en êtes particulièrement conscients, ici sur la frontière franco-belge, où plus de 25.000 personnes, pour la plupart qualifiées, vont quotidiennement travailler de l'autre côté de la frontière, en Belgique, tandis que près de 5.000 personnes font chaque jour le chemin inverse.
Face à cet enjeu, à mon initiative, une mission parlementaire a été mandatée fin décembre 2009 par le Premier ministre, rassemblant la sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller, le député de l'Ain, Etienne Blanc et la député européenne originaire des Pyrénées Orientales, Marie-Thérèse Sanchez-Schmid. Cette mission travaille en collaboration avec la Mission opérationnelle transfrontalière présidée par mon ami Michel Delebarre, particulièrement actif sur le transfrontalier tant sur les plans européen et national que sur le plan local avec le GECT Dunkerque-Côte d'Opale-Flandre occidentale belge créé en 2008.
Le rapport est attendu pour fin juin. Un plan d'action du gouvernement sera défini sur cette base et pourra être en partie intégré à la loi sur la réforme territoriale. Auparavant, un rapport intermédiaire sera remis dans quelques semaines au Premier ministre pour servir de base à une vaste consultation qui sera lancée très prochainement dans toutes les préfectures des départements frontaliers.
Dans ce cadre, j'ai réuni, avec Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée nationale, le 9 février dernier à Paris, de nombreuses personnalités françaises et étrangères, pour un Grand Colloque au Quai d'Orsay "Les Français et leurs voisins". Je tiens ici à remercier tous les élus du Nord-Pas-de-Calais présents à ce colloque qui a permis d'engager un large débat sur tous les problèmes rencontrés par nos concitoyens et nos entreprises : accès aux soins de santé, à l'éducation, aux droits sociaux des travailleurs frontaliers, renforcement de la coopération dans le domaine de la sauvegarde de l'environnement ou encore amélioration de la situation de l'emploi dans les régions frontalières.
Plusieurs pistes de solution y ont été évoquées afin de palier, en particulier, à un manque de gouvernance au niveau national et à un déficit d'attractivité de nos territoires. Ces derniers sont en effet particulièrement handicapés, comme j'ai déjà pu le constater en Lorraine, en Alsace et en Rhône-Alpes, par une fiscalité trop forte et un droit social trop rigide, je pense notamment aux 35 heures !
Je ne citerai ici que quelques pistes, l'ensemble de celles-ci feront l'objet d'échanges lors des débats publics qui se tiendront dans les préfectures frontalières :
- création d'un Haut-commissaire aux questions transfrontalières qui s'appuierait sur une structure légère rassemblant des hauts-fonctionnaires de tous les ministères concernés (Economie, Education, Culture, Intérieur, Affaires européennes, Santé, Travail et Affaires sociales...) ;
- création de zones à statut spécial dans les régions frontalières, qui permettraient d'adapter le droit français fiscal et social à des secteurs d'activités spécifiques, par exemple les biotechnologies en Haute-Savoie et l'horlogerie de pointe dans le Doubs ;
- mise en place d'un dialogue régulier sur chaque frontière rassemblant tous les acteurs nationaux et locaux, à l'image de ce que nous venons de faire en janvier avec le Luxembourg ;
- le renforcement de l'action de l'Union européenne dans le domaine transfrontalier via notamment le maintien voire le développement des crédits INTERREG, qui permettrent de soutenir financièrement des projets structurants transfrontaliers, et via l'amélioration du cadre juridique de coopération locale au sein de l'Union européenne, le GECT : Groupement européen de Coopération territoriale ;
- enfin, le développement de véritables projets structurants bilatéraux, notamment dans les domaines de la santé, des transports, de l'éducation, de la culture... Je citerai comme simples exemples : les constructions prévues d'une ligne ferroviaire régionale sur l'agglomération franco-genevoise, et du premier hôpital transfrontalier européen à Puigcerda à quelques kilomètres de la frontière franco-espagnole.
Concernant plus spécifiquement la frontière franco-belge, je tiens à souligner le niveau déjà important de la coopération transfrontalière, en particulier entre la Région Nord-Pas-de-Calais et les régions flamande et wallonne. Il n'en reste pas moins qu'il faut l'intensifier afin de répondre aux attentes tant de nos concitoyens que de nos entreprises. Il faudrait également que celle-ci se développe entre la Champagne-Ardennes et la Wallonie, ce ne sont pas les besoins qui manquent !
Comme je l'ai remarqué s'agissant des autres frontières de la France, il y a un manque évident, sur la frontière franco-belge, de vision d'ensemble de la coopération transfrontalière et donc de stratégie globale. L'Etat, de par ses compétences dans de nombreux domaines sans parler de sa compétence exclusive dans la conduite des relations internationales, doit jouer un rôle plus important dans la mise en place de la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. Il doit créer de nouvelles coopérations tout en intensifiant les coopérations actuelles, je pense notamment à la montée en puissance du centre de coopération franco-belge dans le domaine de la sécurité qui est situé à Tournai.
Les GECT, où d'ailleurs l'Etat est présent (le préfet de Région et l'ambassadeur en Belgique sont membres de l'Eurométropole), permettent de traiter de nombreux sujets, mais pas tous, et ils n'agissent par ailleurs que sur un territoire limité. Il nous faut donc pouvoir de manière régulière traiter avec tous les acteurs concernés français et belges de tous les sujets relatifs à la coopération transfrontalière : droits sociaux des travailleurs frontaliers, infrastructures de transports, éducation, culture, loisirs, recherche, coopération judiciaire et policière...
C'est donc dans cet esprit qu'en décembre dernier, lors de ma visite bilatérale en Belgique, j'ai proposé aux autorités fédérales (M. Vanackere, ministre des Affaires étrangères, et M. Chastel, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes) de créer un "Conseil d'échange pour la coopération transfrontalière franco-belge". Ayant obtenu leur accord de principe, et du fait de la décentralisation particulièrement forte en Belgique, je me suis entretenu de ce sujet avec M. Lambertz, ministre-président de la Communauté germanophone, et M. Demotte, ici présent, ministre-président du gouvernement Wallon et de la Communauté française. Tous les deux, comme M. Peeters, ministre-président du gouvernement flamand, que je rencontrerai très prochainement, m'ont fait part de leur soutien à cette initiative. Par ailleurs, côté français, les collectivités françaises seront bien entendu associées à l'ensemble des travaux du Conseil.
J'espère ainsi que dès la fin des discussions sur le texte de la Convention, nous pourrons organiser la première réunion de ce Conseil, si possible d'ici quelques mois. Ce Conseil aura, comme je l'ai indiqué, vocation à englober toutes les initiatives actuelles et futures de coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. Outre l'échange d'informations et de bonnes pratiques, les missions du Conseil seront de promouvoir tout projet de coopération transfrontalière et de chercher une solution à chaque problème transfrontalier qui ne puisse être résolu au sein des GECT. Enfin, les domaines prioritaires dont le Conseil s'occupera seront les transports, la santé, l'éducation, la formation professionnelle, la recherche et l'enseignement supérieur, la sécurité, l'aménagement du territoire, la fiscalité, la culture et le développement durable.
Voilà, Mesdames et Messieurs, concrètement quelles sont les ambitions du gouvernement français en matière de politique européenne et transfrontalière.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 avril 2010
Monsieur le Ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives,
Cher Philippe Daubresse,
Madame la Maire de Lille et désormais nouvelle Présidente de l'Eurométropole, Chère Martine Aubry,
Monsieur le Ministre fédéral, vice-Président de l'Eurométropole, Cher Stefaan de Clerck,
Monsieur le Ministre-Président du gouvernement wallon, vice-Président de l'Eurométropole, Cher Rudy Demotte,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Chers Amis belges et français,
Permettez-moi de vous dire à quel point je suis heureux de me retrouver aujourd'hui ici à Lille, siège social de l'Eurométropole, pour parler avec vous de coopération transfrontalière entre la France et la Belgique.
C'est en effet pour moi un honneur que de venir participer à l'Assemblée générale de la plus grande métropole transfrontalière d'Europe qui rassemble près de 2 millions d'habitants avec près de 130 communes associées. Ce déplacement, que j'effectue en tant que membre du gouvernement chargé des Affaires européennes, s'inscrit dans le prolongement de mon action, engagée depuis ma nomination en juin dernier, en faveur du développement des relations transfrontalières en Europe. Elle est aussi le signe de l'attention que le gouvernement accorde à la situation de nos territoires frontaliers : c'est suffisamment nouveau pour mériter d'être souligné, j'y reviendrai.
Mesdames et Messieurs,
Je suis ici aujourd'hui parce que le président de la République et le Premier ministre m'ont donné cette très lourde responsabilité, cette très belle responsabilité, d'être ministre de l'Europe, alors je vais aussi vous parler un peu d'Europe et de votre région au coeur de l'Europe.
L'Europe vit aujourd'hui un moment historique, elle entre dans une nouvelle phase de son histoire :
Au lendemain de la guerre, entre 1945 à 1989, nous avons construit une moitié d'Europe avec une moitié d'Allemagne. C'est la réconciliation franco-allemande qui, au lendemain de la guerre, a rendu possible la construction européenne.
Depuis 1989, avec la chute du mur de Berlin - dont nous avons célébré en novembre dernier le 20ème anniversaire - et l'effondrement des régimes communistes en Europe centrale et orientale - résultat d'une révolution pacifique dans cette "autre Europe" qui plaçait en nous tous ses espoirs - nous avons réussi la réunification du continent dans la paix.
Nous pouvons en être fiers, car l'Europe, on ne le dira jamais assez, c'est d'abord la paix : c'est grâce à elle que nous pourrons épargner aux générations futures, à nos enfants et à nos petits-enfants, de connaître l'horreur des tranchées et des champs de bataille. Cette deuxième phase de l'histoire européenne d'après-guerre ne s'est pas faite sans difficultés ni tâtonnements. Mais c'était, au regard de l'Histoire, une nécessité que d'effacer Yalta et la guerre froide.
En 2009, enfin, nous avons clos le chapitre de la querelle institutionnelle, qui nous avait occupé le devant de la scène ces 15 dernières années, et que nous avions traîné comme un boulet, de Traité en Traité, de référendum en référendum. Cette phase est désormais derrière nous. Nous avons, avec le Traité de Lisbonne, la "boîte à outils" institutionnelle qui nous permettra d'affronter les défis de la mondialisation au cours des décennies à venir.
Je voudrais rappeler que si nous sommes sortis de l'impasse dans laquelle nous nous trouvions après le référendum de 2005, c'est bien grâce à l'action de Nicolas Sarkozy ! Dès son accession à la présidence de la République en mai 2007 et conformément aux engagements qu'il avait pris devant les électeurs, c'est lui qui est allé convaincre Angela Merkel de la nécessité de mettre rapidement sur les rails ce qui allait devenir le Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007. Les obstacles qui se sont ensuite présentés, je pense en particulier à l'échec du premier référendum irlandais, c'est grâce à Nicolas Sarkozy que nous avons pu les surmonter !
Aujourd'hui, avec le Traité de Lisbonne désormais en vigueur, l'Union européenne élargie s'est dotée de nouvelles institutions, qui permettront d'optimiser son fonctionnement : les chefs d'Etat et de gouvernement ont choisi à l'unanimité un président du Conseil européen - en la personne de M. Van Rompuy, dont je salue à nouveau la présence parmi nous ; un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité - c'est Mme Ashton ; et c'est aussi un Service européen d'action extérieure, qui s'appuiera bientôt sur le plus grand réseau diplomatique au monde, et nous serons d'ailleurs très attentifs aux conditions de sa mise en place au cours des mois qui viennent.
L'Europe voit aussi sa légitimité démocratique renforcée, avec des pouvoirs nouveaux reconnus aux représentants des citoyens, qu'il s'agisse de l'extension de la procédure de co-décision entre Commission et Parlement européen à une cinquantaine de domaines supplémentaires, ou de l'accroissement des pouvoirs des Parlements nationaux. On ne peut plus dire aujourd'hui que la construction européenne souffre d'un déficit démocratique, puisque les élus, au sein des Parlements nationaux ou Parlement européen, sont désormais pleinement associés aux décisions de l'Union européenne. Cela aussi, nous le devons à la vision de Nicolas Sarkozy, qui a entendu le message de ceux qui, parfois, trouvaient l'Europe trop éloignée de leurs préoccupations.
* Redoubler d'efforts pour accélérer la sortie de crise
A l'heure de la mondialisation, l'Europe, qui a désormais ses problèmes institutionnels pour l'essentiel derrière elle, doit pouvoir se concentrer sur les problèmes qui préoccupent ses citoyens : immigration, sécurité, politique extérieure et de défense, environnement, énergie et climat, mais aussi, d'abord et avant tout, sortie de crise économique. Nous devons aujourd'hui redoubler d'efforts face à la crise économique dont les conséquences sont dévastatrices pour notre pays en termes politiques, économiques et sociaux.
Comme l'a rappelé le Premier ministre François Fillon, face à cette crise économique la plus sévère depuis près d'un siècle (quelque 80 ans après la crise de 29), il nous faut continuer à être ensemble vigilants.
Faut-il rappeler que c'est grâce à la réaction exemplaire de Nicolas Sarkozy en 2008, alors président du Conseil européen, que la France est le pays d'Europe qui a, malgré tout, le mieux résisté à ce choc économique d'une rare violence.
Faut-il rappeler que c'est grâce au G20, appelé de ses voeux par le président de la République, qu'une véritable régulation financière internationale a enfin vu le jour, et que le capitalisme mondial a commencé à être moralisé (encadrement des bonus des traders, fin des paradis fiscaux, application par les banques des mêmes règles prudentielles au niveau mondial) ?
Faut-il rappeler que la France a consacré 26 milliards d'euros à son plan de relance et qu'elle a contribué, dans son rôle de Présidence du Conseil de l'Union européenne, à coordonner les plans de relance des Etats membres ?
C'est bien grâce à l'action du gouvernement qu'aucune banque française n'a fait faillite, que bon nombre d'entreprises n'ont pas mis la clef sous la porte, que le taux de chômage de la France est au niveau de celui de la zone Euro et non largement au-dessus comme ce fut le cas ces dernières années.
Désormais, nous mettons tout en oeuvre pour sortir au plus vite de la crise. Ainsi, l'économie française, après avoir mieux résisté en 2009 que l'Allemagne et d'autres grandes économies européennes, retrouvera en 2010 un taux de croissance positive, autour de 1,4 %, comparativement ?? une croissance de l'ordre de 1 % dans l'Union européenne.
Mais il faut également comparer tout ceci par rapport à l'évolution des grands pays émergents : la croissance de la Chine, dans le même temps, dépassera 10 %, celle de l'Inde 7 %, celle du Brésil 5 %. La réalité de la mondialisation est bien présente : les autres ne nous attendront pas pour remettre en cause la hiérarchie des puissances. Face à la montée de ces grands ensembles émergents, la construction européenne constitue la seule réponse pertinente. Aucun Etat européen ne peut aujourd'hui espérer s'en sortir seul : pour mieux répondre au défi de la mondialisation, nous devons avancer dans l'unité entre les Européens.
Pour cela, nous aurons besoin d'un véritable gouvernement économique européen. L'idée fait son chemin, et la réunion informelle à Bruxelles le 11 février des chefs d'Etat et de gouvernement des 27, à l'initiative de M. Herman Van Rompuy, a représenté une étape importante de la prise de conscience de cette nécessité. Il s'agit de mettre tous les moyens de l'Union européenne au service de la croissance et de l'emploi, en coordonnant beaucoup plus étroitement l'action des Etats membres avec les politiques menées au niveau européen. L'Union européenne devrait par exemple favoriser l'émergence d'acteurs européens compétitifs à l'échelle mondiale, ce qui impose de revoir la politique de la concurrence telle qu'elle existe actuellement au niveau européen.
De même, il est temps, le Premier ministre François Fillon l'a dit le mois dernier à Berlin - j'étais à ses côtés - d'ouvrir avec les autres Etats membres une véritable discussion sur la politique de change afin que la parité de l'euro ne constitue pas un frein à la croissance, comme c'est aujourd'hui le cas (face au dollar, mais aussi face à des monnaies très sous-évaluées, comme le yuan). La France, qui présidera à compter de la fin 2010, à la fois le G 20 et le G 8, compte bien, le président de la République l'a déjà annoncé, prendre ce problème à bras le corps, et poser la question d'un nouveau Bretton Woods.
Arrêtons l'hémorragie de la désindustrialisation, car au-delà de la politique de change, il est indispensable de disposer au plus vite au niveau européen d'une politique d'innovation, d'une politique commerciale, et d'une politique concurrentielle qui défende mieux les intérêts des producteurs français et européens face à leurs concurrents des pays émergents !
Le président de la République l'a rappelé lors des premiers Etats généraux de l'Industrie qu'il a pris l'initiative de réunir, en accord avec les syndicats, le 4 mars à Marignane : nous devons résister à cette idée facile selon laquelle les emplois pourraient être créés simplement dans les services et que l'on pourrait abandonner l'industrie. En dernier ressort, c'est bien l'emploi industriel et la création de valeur ajoutée dans l'industrie qui font la richesse d'un pays. Nicolas Sarkozy a raison de poser la question : "le jour où l'industrie sera partie, pour qui les services travailleront-ils ?". La réponse coule de source : ils se délocaliseront, eux aussi. C'est cela qu'il faut éviter, et c'est bien la raison pour laquelle nous devons lutter contre le risque de désindustrialisation de notre pays, désindustrialisation qui, depuis l'an 2000, tend à s'accélérer.
Les chiffres sont connus : en 10 ans, nous avons perdu un demi-million d'emplois industriels. Aujourd'hui, l'industrie occupe 13 % de la population active française, contre 16 % il y a 10 ans. Elle produit 16 % de la valeur ajoutée française, contre 23 % en Italie et 30 % en Allemagne. Face à ce risque, la gauche plurielle lorsqu'elle était au pouvoir n'a fait que clamer son impuissance (on se souvient des propos de M. Jospin lors de la fermeture de l'usine Renault de Vilvoorde : "L'Etat ne peut pas tout") lorsqu'elle n'épouse pas, comme le font aujourd'hui certains écologistes, la cause de la décroissance, qui n'est jamais que l'autre nom du déclin.
Face à cette hémorragie et à ce risque de désindustrialisation, nous devons résister avec la dernière énergie : c'est ce que fait Nicolas Sarkozy, qui se bat pour le maintien de l'emploi industriel en France et en Europe : il l'a dit aux responsables de Renault pour le maintien de l'activité à l'usine de Flins, il l'a redit lors des Etats généraux de l'Industrie : "nous ne voulons pas d'une France, d'une Europe sans usines". Le président de la République a raison de le rappeler : "la France a une tradition industrielle et on ne voit pas pourquoi il faudrait l'abandonner". Il nous faut aujourd'hui une vraie politique industrielle qui soit un peu à long terme ! En effet, la France n'aura "pas de croissance durable sans une industrie forte".
Il nous faut donc, au niveau européen, une véritable politique européenne tournée résolument vers l'industrie, l'innovation et le développement durable, qui encourage les nouvelles sources de croissance et privilégie les investissements du futur, ceux qui apporteront à la France les emplois et la croissance à long terme. C'est, en France, tout l'objet de la démarche engagée par le président de la République et le gouvernement avec le Grand Emprunt, qui identifie les secteurs clés pour l'avenir de la France, avec un accent mis en particulier sur l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (16 milliards d'euros sur un total de 35 milliards d'euros). C'est bien une telle démarche d'identification et de "prioritisation" des secteurs clés pour notre avenir collectif que nous voulons désormais promouvoir au niveau européen.
Il est également nécessaire de faire évoluer la politique européenne en matière commerciale. Si nous regardons les grands pays émergents : Chine, Inde, Brésil, et même la nation par excellence du libéralisme, les Etats-Unis, tous tiennent à défendre leur industrie. L'affaire des avions-ravitailleurs pour l'armée de l'air américaine est bien là pour nous le rappeler ! Nous devons donc mettre en oeuvre, au plus vite, une véritable politique industrielle européenne. Au-delà du soutien à nos entreprises, il est nécessaire d'imposer une véritable réciprocité dans les échanges commerciaux. Comme le souligne Nicolas Sarkozy, "la pire situation pour l'Europe serait celle où son marché serait ouvert quand les autres lui sont fermés." Il faut davantage de loyauté dans les échanges commerciaux !
Le président de la République l'a dit : il n'est pas envisageable que nous imposions à nos industries toute une série de normes contraignantes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (et notamment la fameuse "taxe carbone"), tout en les laissant exposées à la concurrence de pays qui n'en accepteraient aucune ! Car si nous faisons cela, nous n'aurons bientôt plus d'industries : elles seront délocalisées et la production se fera ailleurs, dans des pays où l'on peut polluer sans entraves. Ce n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous devons mettre en place de manière coordonnée avec les autres Etats membres un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, afin de rétablir les conditions d'une concurrence qui ne soit pas faussée. La même chose vaut pour le respect des normes sociales définies par le Bureau international du travail : comment accepter sans broncher la concurrence de pays qui ont recours au travail forcé, au travail des prisonniers notamment ? L'Union européenne - car c'est au niveau européen que se décide la politique commerciale - doit exiger le renforcement des mesures anti-dumping : le gouvernement fera d'ailleurs prochainement des propositions en ce sens à la nouvelle Commission européenne.
La même logique vaut encore pour la défense de notre agriculture : à quoi sert-il d'imposer à nos éleveurs des règles de traçabilité, des conditions très strictes de respect du bien être animal et de l'environnement, si c'est pour importer massivement en Europe de la viande venue de pays qui ignorent la sécurit?? alimentaire ou encore le respect des animaux ?
Il faut avoir le courage de poser ces questions au niveau européen, car c'est la survie de nos industries, de notre agriculture, de notre modèle social qui en dépendent.
Remettons également en ordre les finances publiques tant au niveau de l'Etat que des Collectivités territoriales !
Face à la crise, à la nécessité de relancer l'économie, nous avons réussi à résister à la tentation d'augmenter la pression fiscale, sachant que la France est déjà l'un des pays européens où la fiscalité est la plus élevée. Au contraire, nous avons souhaité libérer les énergies en mettant fin à un impôt (la taxe professionnelle) qui pénalisait nos entreprises, pénalisait l'emploi, l'investissement, et au final, incitait aux délocalisations. C'est tout de même le grand mérite du président de la République que d'avoir supprimé cet "impôt imbécile" : tout le monde reconnaissait qu'il fallait le faire, mais personne - jusqu'à Nicolas Sarkozy - n'avait osé s'atteler à la tâche ! Et j'entends de nouveau les socialistes dirent que nous avons retiré une source de revenus importante pour les collectivités territoriales. Eh bien, j'ai le courage de le dire, préfèrent-ils plus de fonctionnaires territoriaux que moins de chômeurs ? Ces spécialistes de l'impôt sont tout de même gonflés lorsqu'ils crient au loup lorsque le chômage augmente.
Dans le même temps, nous avons engagé un effort indispensable de remise en ordre de nos finances publiques et de réduction des déficits : l'exemple de la Grèce est là pour nous montrer à quel point ces questions sont incontournables, si nous voulons éviter de nous retrouver dans une situation aussi dramatique. Nous pourrions jouer la montre. Eh bien non ! Plutôt que la facilité, nous avons donc privilégié la voie de la responsabilité, par la recherche d'une maîtrise accrue de la dépense publique, avec notamment la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans les administrations, qui a déjà permis de supprimer 100 000 postes de fonctionnaires. Le gouvernement auquel j'appartiens poursuivra cet effort indispensable de rationalisation et de maîtrise de la dépense publique.
* Mettons en place une véritable politique nationale transfrontalière
Par ailleurs, je l'évoquais en introduction de mon propos, j'ai souhaité, dès mon arrivée au gouvernement, que nous comblions une lacune, à savoir l'absence de véritable politique transfrontalière au niveau national.
Nous sommes passés, en effet, depuis la Révolution française, de l'obsession des frontières à l'oubli de celles-ci ("syndrome de la terre plate", pour reprendre l'expression de mon ami André Rossinot, élu d'une autre région frontalière). L'enjeu aujourd'hui est de passer de la "frontière-coupure" à la "frontière-couture", voire à la "frontière soudure". Il est indispensable de mobiliser à cette fin l'ensemble des acteurs nationaux et locaux.
La problématique transfrontalière est un enjeu de tout premier plan : 12 régions en France, 10 millions de Français, 300.000 travailleurs transfrontaliers sont concernés. Vous en êtes particulièrement conscients, ici sur la frontière franco-belge, où plus de 25.000 personnes, pour la plupart qualifiées, vont quotidiennement travailler de l'autre côté de la frontière, en Belgique, tandis que près de 5.000 personnes font chaque jour le chemin inverse.
Face à cet enjeu, à mon initiative, une mission parlementaire a été mandatée fin décembre 2009 par le Premier ministre, rassemblant la sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller, le député de l'Ain, Etienne Blanc et la député européenne originaire des Pyrénées Orientales, Marie-Thérèse Sanchez-Schmid. Cette mission travaille en collaboration avec la Mission opérationnelle transfrontalière présidée par mon ami Michel Delebarre, particulièrement actif sur le transfrontalier tant sur les plans européen et national que sur le plan local avec le GECT Dunkerque-Côte d'Opale-Flandre occidentale belge créé en 2008.
Le rapport est attendu pour fin juin. Un plan d'action du gouvernement sera défini sur cette base et pourra être en partie intégré à la loi sur la réforme territoriale. Auparavant, un rapport intermédiaire sera remis dans quelques semaines au Premier ministre pour servir de base à une vaste consultation qui sera lancée très prochainement dans toutes les préfectures des départements frontaliers.
Dans ce cadre, j'ai réuni, avec Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée nationale, le 9 février dernier à Paris, de nombreuses personnalités françaises et étrangères, pour un Grand Colloque au Quai d'Orsay "Les Français et leurs voisins". Je tiens ici à remercier tous les élus du Nord-Pas-de-Calais présents à ce colloque qui a permis d'engager un large débat sur tous les problèmes rencontrés par nos concitoyens et nos entreprises : accès aux soins de santé, à l'éducation, aux droits sociaux des travailleurs frontaliers, renforcement de la coopération dans le domaine de la sauvegarde de l'environnement ou encore amélioration de la situation de l'emploi dans les régions frontalières.
Plusieurs pistes de solution y ont été évoquées afin de palier, en particulier, à un manque de gouvernance au niveau national et à un déficit d'attractivité de nos territoires. Ces derniers sont en effet particulièrement handicapés, comme j'ai déjà pu le constater en Lorraine, en Alsace et en Rhône-Alpes, par une fiscalité trop forte et un droit social trop rigide, je pense notamment aux 35 heures !
Je ne citerai ici que quelques pistes, l'ensemble de celles-ci feront l'objet d'échanges lors des débats publics qui se tiendront dans les préfectures frontalières :
- création d'un Haut-commissaire aux questions transfrontalières qui s'appuierait sur une structure légère rassemblant des hauts-fonctionnaires de tous les ministères concernés (Economie, Education, Culture, Intérieur, Affaires européennes, Santé, Travail et Affaires sociales...) ;
- création de zones à statut spécial dans les régions frontalières, qui permettraient d'adapter le droit français fiscal et social à des secteurs d'activités spécifiques, par exemple les biotechnologies en Haute-Savoie et l'horlogerie de pointe dans le Doubs ;
- mise en place d'un dialogue régulier sur chaque frontière rassemblant tous les acteurs nationaux et locaux, à l'image de ce que nous venons de faire en janvier avec le Luxembourg ;
- le renforcement de l'action de l'Union européenne dans le domaine transfrontalier via notamment le maintien voire le développement des crédits INTERREG, qui permettrent de soutenir financièrement des projets structurants transfrontaliers, et via l'amélioration du cadre juridique de coopération locale au sein de l'Union européenne, le GECT : Groupement européen de Coopération territoriale ;
- enfin, le développement de véritables projets structurants bilatéraux, notamment dans les domaines de la santé, des transports, de l'éducation, de la culture... Je citerai comme simples exemples : les constructions prévues d'une ligne ferroviaire régionale sur l'agglomération franco-genevoise, et du premier hôpital transfrontalier européen à Puigcerda à quelques kilomètres de la frontière franco-espagnole.
Concernant plus spécifiquement la frontière franco-belge, je tiens à souligner le niveau déjà important de la coopération transfrontalière, en particulier entre la Région Nord-Pas-de-Calais et les régions flamande et wallonne. Il n'en reste pas moins qu'il faut l'intensifier afin de répondre aux attentes tant de nos concitoyens que de nos entreprises. Il faudrait également que celle-ci se développe entre la Champagne-Ardennes et la Wallonie, ce ne sont pas les besoins qui manquent !
Comme je l'ai remarqué s'agissant des autres frontières de la France, il y a un manque évident, sur la frontière franco-belge, de vision d'ensemble de la coopération transfrontalière et donc de stratégie globale. L'Etat, de par ses compétences dans de nombreux domaines sans parler de sa compétence exclusive dans la conduite des relations internationales, doit jouer un rôle plus important dans la mise en place de la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. Il doit créer de nouvelles coopérations tout en intensifiant les coopérations actuelles, je pense notamment à la montée en puissance du centre de coopération franco-belge dans le domaine de la sécurité qui est situé à Tournai.
Les GECT, où d'ailleurs l'Etat est présent (le préfet de Région et l'ambassadeur en Belgique sont membres de l'Eurométropole), permettent de traiter de nombreux sujets, mais pas tous, et ils n'agissent par ailleurs que sur un territoire limité. Il nous faut donc pouvoir de manière régulière traiter avec tous les acteurs concernés français et belges de tous les sujets relatifs à la coopération transfrontalière : droits sociaux des travailleurs frontaliers, infrastructures de transports, éducation, culture, loisirs, recherche, coopération judiciaire et policière...
C'est donc dans cet esprit qu'en décembre dernier, lors de ma visite bilatérale en Belgique, j'ai proposé aux autorités fédérales (M. Vanackere, ministre des Affaires étrangères, et M. Chastel, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes) de créer un "Conseil d'échange pour la coopération transfrontalière franco-belge". Ayant obtenu leur accord de principe, et du fait de la décentralisation particulièrement forte en Belgique, je me suis entretenu de ce sujet avec M. Lambertz, ministre-président de la Communauté germanophone, et M. Demotte, ici présent, ministre-président du gouvernement Wallon et de la Communauté française. Tous les deux, comme M. Peeters, ministre-président du gouvernement flamand, que je rencontrerai très prochainement, m'ont fait part de leur soutien à cette initiative. Par ailleurs, côté français, les collectivités françaises seront bien entendu associées à l'ensemble des travaux du Conseil.
J'espère ainsi que dès la fin des discussions sur le texte de la Convention, nous pourrons organiser la première réunion de ce Conseil, si possible d'ici quelques mois. Ce Conseil aura, comme je l'ai indiqué, vocation à englober toutes les initiatives actuelles et futures de coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. Outre l'échange d'informations et de bonnes pratiques, les missions du Conseil seront de promouvoir tout projet de coopération transfrontalière et de chercher une solution à chaque problème transfrontalier qui ne puisse être résolu au sein des GECT. Enfin, les domaines prioritaires dont le Conseil s'occupera seront les transports, la santé, l'éducation, la formation professionnelle, la recherche et l'enseignement supérieur, la sécurité, l'aménagement du territoire, la fiscalité, la culture et le développement durable.
Voilà, Mesdames et Messieurs, concrètement quelles sont les ambitions du gouvernement français en matière de politique européenne et transfrontalière.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 avril 2010