Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur les grandes orientations de la politique du développement de l'économie numérique, au Sénat le 11 février 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Débat parlementaire sur l'attribution des fréquences pour le haut et le très haut débit mobile, au Sénat le 11 février 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le débat d'aujourd'hui nous permet d'exposer la vision stratégique de notre pays en matière de fréquences, mais aussi en matière d'économie numérique.
Mon collègue Luc CHATEL vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2,1 GHz et 2,6 GHz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 MHz qui seront affectées à l'Internet mobile à très haut débit.
Pour les fréquences à 2,1 GHz, notre souhait est bien de voir émerger un nouvel opérateur mobile, au profit des Français et de la couverture des territoires.
Je souhaite pour ma part exposer brièvement quelques uns des enjeux de l'économie numérique qui sont au coeur des projets territoriaux.
J'évoquerai à ce titre le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels et plus globalement l'aménagement numérique des territoires.
Mais tout d'abord, je souhaite rappeler que l'économie numérique représente le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale et qu'elle mérite à ce titre une attention particulière. Dans la plupart des pays développés, son taux de croissance est le double de celui de l'économie globale. Elle représente désormais plus de 25% de la croissance mondiale.
Les investissements dans l'économie numérique sont des plus productifs. Ils accroissent la compétitivité de l'ensemble des autres secteurs de l'économie. En outre, les emplois de l'économie numérique sont peu délocalisables.
Développer l'économie numérique doit donc nous permettre d'apporter une réponse à la crise économique actuelle, de transformer l'innovation en croissance, de maintenir et de créer des emplois qualifiés.
Mes priorités pour le numérique seront structurées autour de trois chantiers, porteurs de croissance, d'innovation et de nouveaux usages pour tous les Français. Ce sont les chantiers des réseaux, des technologies et des usages.
Le premier chantier sera celui des réseaux, avec le haut débit fixe et mobile pour tous les Français d'ici 2012, la fibre optique, le très haut débit mobile et les nouveaux services audiovisuels.
Ces réseaux sont l'instrument au moyen duquel contenus et usages seront offerts aux citoyens.
Le deuxième chantier sera celui des technologies - il s'agira de transformer toute l'innovation venue de la recherche et du développement en outils de croissance, afin de maintenir l'emploi qualifié.
Dernier chantier, le plus important à mes yeux, celui des usages numériques qui devront être développés au bénéfice du citoyen. Toutes les initiatives facilitant l'adoption de ces nouvelles technologies seront soutenues : le télétravail, la télémédecine, la carte nationale d'identité électronique ou encore l'administration électronique.
1. Le dividende numérique
La France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ».
En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences, et permettre de dégager ce qui est communément appelé « le dividende numérique ». Ces fréquences basses permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses. C'est un élément essentiel au service de la couverture des territoires.
Le dividende numérique est une occasion unique pour notre pays et pour l'Europe, comme l'a été le GSM, de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique.
Le dividende numérique va contribuer tout d'abord à l'aménagement du territoire en développant l'Internet à très haut débit, grâce à l'affectation de la sous-bande 790-862 MHz. La procédure d'attribution de ces fréquences sera lancée d'ici à la fin de l'année 2009, selon plusieurs critères : valorisation du patrimoine immatériel de l'Etat, couverture du territoire et concurrence.
Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : télévision haute définition, télévision mobile personnelle, radio numérique. Il contribuera surtout à la croissance économique grâce aux nouvelles infrastructures qui seront déployées avec ces fréquences.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l'Europe tout entière bénéficie de ce dividende.
Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du Gouvernement français et l'Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Dès lors, d'ici quelques mois, le dividende numérique sera devenu une réalité européenne.
2. Le passage à la télévision tout numérique
Le dividende numérique ne sera perçu que si nous réussissons le déploiement sur l'ensemble du territoire national des 18 chaînes de télévision gratuite en qualité numérique, et l'arrêt de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C'est l'une de mes priorités.
La TNT offre en premier lieu davantage de choix pour le téléspectateur, plus d'information, plus de culture, plus de loisirs. La TNT, en deuxième lieu, c'est aussi plus de qualité. La TNT, enfin, c'est la simplicité de n'avoir pas à changer de téléviseur.
Les réseaux de TNT vont couvrir 95% de la population, les 5% de foyers restant pourront s'équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les 18 chaînes nationales de la TNT. Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place, une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois afin de donner plus de choix aux Français.
Mais pour réussir le passage au tout numérique, il faut s'assurer que l'ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s'agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.
J'observe que trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89%, seuls 57,8% des foyers sont aujourd'hui équipés d'au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29,9% seulement des foyers ont équipé l'ensemble de leurs postes de télévision.
Il faut donc, dès maintenant, accélérer le rythme d'équipement des foyers.
Tel est l'objectif du dispositif national d'accompagnement du public présenté le 6 novembre dernier et qui sera mis en place avant le 31 mai 2009.
L'accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l'État. De leur côté, les ménages à faibles revenus seront eux-aussi aidés pour l'acquisition et l'installation du matériel de réception.
L'opération pilote de Coulommiers, qui s'est achevée la semaine dernière, livre ses premiers enseignements :
La mobilisation des élus et du tissu associatif est la clé pour assurer la réussite du projet ;
Les conditions de l'assistance financière doivent être simplifiées ;
Un effort accru d'informations doit être fait notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des 9 autres communes environnantes.
Un second site pilote sera mis en oeuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu'au 27 mai 2009, avant le lancement de l'extinction de la plaque du Nord-Contentin en juin et l'Alsace et la Basse-Normandie à compter de la fin de l'année 2009.
La Lorraine, la région Champagne-Ardennes, puis la Franche Comté, la Bretagne et la région Pays-de-Loire suivront en 2010.
Je réunis demain, 12 février, le Comité stratégique pour le numérique.
Il s'agit de finaliser rapidement l'ensemble du dispositif national d'accompagnement du public vers la télévision numérique et publier l'ensemble du calendrier de l'opération avant la fin du mois de mai 2009.
3. La Télévision Mobile Personnelle (TMP)
Le dividende numérique va permettre à de nouveaux services audiovisuels d'émerger.
Ainsi, la télévision mobile personnelle (TMP) représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels, de la même façon que le transistor a transformé l'utilisation de la radio.
La dynamique mondiale de la TMP se met en place et il est important que la France y prenne une part qui soit à la mesure de son activité radiophonique. Derrière les pays pionniers (Corée, Japon), les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment en Europe (Italie, Autriche, Suisse).
La définition du modèle économique de la TMP est compliquée : gratuit ou sans abonnement ? Quel mode de rémunération des distributeurs ?
Je vais donc lancer dans les prochains jours une mission de médiation jusqu'à la fin du mois de mars 2009 entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Cette médiation devra examiner la possibilité de débuter les travaux d'investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d'acteurs (principaux opérateurs de télécommunications et chaînes de télévision) afin de permettre à la chaîne de valeur de se construire.
4. L'aménagement numérique des territoires
Si le numérique est porteur d'innovation, de croissance et de nouveaux usages, il doit avant tout permettre aux territoires de se développer.
L'implication budgétaire de l'Etat est constante dans le domaine de l'aménagement numérique des territoires.
Ainsi, les investissements sur les réseaux d'initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2,5 milliards d'euros, dont près de 50% (environ 1,25 milliard) pris en charge par les investisseurs privés et près de 34% (850 millions) pris en charge par les collectivités territoriales.
L'Etat et l'Europe, au travers des fonds européens (220 millions d'euros) et des contrats de plan Etat/régions (220 millions), ont assumé 16% de ce financement.
Sur la période 2007/2013, 300 millions d'euros seront consacrés par l'Etat à l'aménagement numérique des territoires.
Mes priorités dans ce domaine sont d'assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d'aménagement du territoire.
L'Internet haut débit constitue aujourd'hui, comme l'eau ou l'électricité, une commodité essentielle. Les taux de couverture de la population par les différents réseaux d'accès à Internet haut débit fixe, affichés par les opérateurs eux-mêmes, laissent non desservis près de 2% de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire. Ce taux représente de 1 à 2 millions de Français exclus de la société de l'information.
Un appel à manifestation d'intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier afin d'identifier des opérateurs universels du haut débit fixe.
Chaque Français, où qu'il habite, bénéficiera ainsi d'un droit à l'accès à Internet haut débit. Nous nous y engageons.
Ce droit sera opposable à ces opérateurs labellisés, afin de disposer d'un accès à Internet haut débit (>512 kbit/s), à un tarif abordable, inférieur à 35 euros/mois matériel compris.
Ce label sera mis en place avant la fin de l'année et plusieurs opérateurs se sont déjà portés candidats.
Par ailleurs, dans le cadre des dispositions de la LME, un réseau rural mobile de 3e génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d'assurer à tous les Français d'avoir accès d'ici 2012 au haut débit mobile.
Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.
Les collectivités locales sont fortement impliquées dans cette révolution numérique. Elles ont contribué à l'émergence de plus de 100 réseaux d'initiative publique, en investissant plusieurs centaines de millions d'euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.
Ainsi, une circulaire va bientôt mettre en place des instances de coordination Etat/collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l'Etat pour la définition de ces schémas.
Par ailleurs, deux décrets qui vont être publiés prochainement permettront d'accélérer l'aménagement numérique des territoires. Le premier porte sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME, le second permettra une meilleure connaissance de la couverture des services.
Enfin, doter les collectivités locales d'un outil réglementaire supplémentaire, comme le serait l'investissement minoritaire des collectivités dans des sociétés qui déploient des réseaux, facilitera leur intervention dans le très haut débit.
J'ai donc lancé une étude avec la Caisse des dépôts et consignations sur ce sujet et plus globalement sur la place de l'investissement public pour le très haut débit.
Je vous remercie.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 22 avril 2010