Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, en réponse à une question d'actualité au Sénat sur l'adoption d'enfant en Haïti, Paris le 6 mai 2010.

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Circonstance : Réponse de Bernard Kouchner à une question d'actualité au Sénat à Paris le 6 mai 2010

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Madame Dupont,
Le droit est là, certes, pour être appliqué dans notre pays, mais il existe aussi un droit international destiné à protéger les enfants.
Je comprends votre ton : la situation est souvent dramatique pour les familles qui attendent les enfants. Mais la situation là-bas est encore plus dramatique pour les familles d'Haïti.
Il existe une liste de 69 noms. Je vous rappelle que 552 enfants ont été accueillis dans notre pays, dans des conditions assez exceptionnelles, parce que la situation, l'urgence et l'état des enfants l'exigeaient, de sorte que notre pays - les Etats-Unis ensuite - a accueilli le plus grand nombre de ces enfants.
A cette liste de 69 enfants s'ajoute une autre liste, d'environ 250 enfants, non officielle celle-là, parce que les Haïtiens n'ont pas donné leur autorisation. Nous ne pouvons pas forcer l'autorisation.
Les 69 enfants attendent leur passeport. Mais quel passeport ? Le passeport haïtien. Or, vous le savez très bien, dans les conditions qui sont celles qui prévalent sur l'île - je l'espère, elles s'améliorent tous les jours, mais, pour le moment, ce sont des conditions de survie -, on peut comprendre que les passeports ne soient pas prêts. Il ne s'agit pas d'un frein mis par le Quai d'Orsay ni d'un combat entre une ambassade qui serait gentille et un quai d'Orsay qui serait méchant ! Désolé, mais ce n'est pas le cas du tout !
Pour le moment, nous attendons ces enfants et nous les accueillerons très vite ; les familles sont prévenues.
Il existe, pour ces enfants particuliers que sont les enfants haïtiens, un grand espoir, non seulement d'être accueillis dans des familles mais aussi de voir Haïti signer la Convention de La Haye, qui réglemente l'adoption des enfants, non pas à leurs dépens mais à leur profit.
Et puis, Madame, avec tout le respect que j'ai pour vous, pour tous ceux qui s'intéressent à ce problème et, surtout, pour les familles adoptantes, je me dois d'ajouter que, autour des enfants haïtiens, s'est développé tout un commerce difficile à supporter, et jusque dans les rues de Paris, où des personnes se promènent avec des catalogues, Mesdames, Messieurs les Sénateurs...
Nous avons envoyé sur place une mission de psychiatres et de pédopsychiatres, accompagnés de représentants des familles. Ils ont vu 117 enfants dans des conditions très différentes, suivant ce que l'on appelle les orphelinats, dont ils étaient les hôtes, parfois les prisonniers, puisque tout cela rapporte de l'argent ! Sur ces 117 enfants, il n'y avait pas un orphelin !
Il ne faut pas confondre les enfants qui sont adoptés et les enfants des pauvres, que l'on pourrait accueillir dans les pays plus riches.
Je tenais à vous apporter très respectueusement ces précisions, tout en vous assurant que nous essayons d'accélérer le plus possible l'accueil de ces enfants.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2010