Interview de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-mer, au journal "Les Echos" du 24 juin 2010, sur le suivi de l'accord de Nouméa, le calendrier institutionnel de l'Outre-mer et la participation de l'Outre-mer au redressement des finances publiques.

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Texte intégral

- Qu'attendez-vous précisément du comité des signataires de l'accord de Nouméa qui se réunit aujourd'hui à Paris ?
L'Accord de Nouméa prévoit que les signataires de cet accord et l'Etat se réunissent régulièrement pour accompagner la Nouvelle Calédonie dans son évolution spécifique. C'est donc une étape importante à plus d'un titre. Tout d'abord, parce qu'une convention cadre portant sur des transferts de compétences, prévus à partir de 2011, notamment en matière de droit civil et de droit commercial, va être proposée à la Nouvelle Calédonie. Puis, parce que ce comité abordera le prochain contrat de développement qui se profile à partir de 2011. Or, il faut rappeler qu'à travers l'accord de Nouméa, l'Etat s'est engagé à assurer un rééquilibrage entre les différentes provinces calédoniennes. Nous devons respecter cet engagement. C'est pourquoi j'ai confirmé à mes partenaires calédoniens que l'Etat maintiendrait les crédits sur la période 2011 /2014 à la hauteur du précédent contrat.
- Où en est la question du référendum sur l'autodétermination ?
L'Accord de Nouméa prévoit qu'un référendum sur l'autodétermination devient possible à partir de 2014 et doit faire l'objet d'une demande du Congrès. Le principe d'une réflexion et d'une méthode de travail pour préparer cet « après 2014 » devrait être arrêté aujourd'hui et concrétisé par la mise en place d'un comité de pilotage. L'Etat entend accompagner toutes les forces politiques locales en vue de cette échéance importante pour la Nouvelle Calédonie. Lors de mon récent déplacement en Nouvelle Calédonie, j'ai senti une volonté commune - tant de la part du Rassemblement-UMP que du FLNKS - d'engager cette réflexion. Nous devrions aussi aborder aujourd'hui la question des signes identitaires. Un consensus a été trouvé pour les billets de banque, la devise et l'hymne calédoniens. Reste à se mettre d'accord sur le drapeau et le nom du pays.
- S'agissant de la Martinique et de la Guyane, après le vote, en début d'année, en faveur d'une assemblée unique pour le département et la région, le texte de loi semble se faire attendre...
Les travaux se déroulent selon le calendrier prévu. Je me suis déplacée en Guyane et en Martinique pour dialoguer avec les élus. Maintenant que les nouveaux exécutifs régionaux sont installés, le travail de préparation a pu être lancé. Au mois de juillet au plus tard, je disposerai officiellement des propositions de ces deux territoires. Il semble aujourd'hui que les élus préfèrent une mise en application en 2014 de la collectivité unique. Le projet de loi devra en tout cas être finalisé avant la fin de l'année. Ce calendrier devra prendre en compte les orientations de la réforme des collectivités territoriales, actuellement en débat.
- En Polynésie, considérez-vous l'instauration d'un nouveau système électoral comme un préalable au redressement financier et économique de ce territoire ?
Ce territoire fragile n'est pas épargné par la crise économique, marqué par la chute du tourisme, son activité principale. Il n'est plus possible non plus de gérer la Polynésie comme on la gérait il y a vingt ans. Avec une économie locale en crise, La Polynésie n'a plus les mêmes moyens qu'autrefois. A partir de là, il faut en tirer les enseignements, c'est à dire procéder à des réformes, sans doute difficiles et douloureuses. C'est pour cette raison que nous allons aider le territoire à réfléchir au redressement de ses finances publiques, car l'assainissement des comptes du pays constitue une priorité.
La Polynésie dispose d'un cadre institutionnel qui devrait lui permettre de connaître un mode de fonctionnement rythmé par l'élection de son assemblée. Pourtant, l'instabilité gouvernementale à laquelle nous avons assisté ces dernières années a miné ce cadre et il n'est plus possible de rester dans cette situation. N'oublions pas toutefois que l'Etat doit agir en Polynésie en tenant compte du cadre juridique de ce territoire qui dispose d'une large autonomie.
- Selon vous, l'outre-mer devra participer à l'effort national de redressement des finances publiques. Par quelles mesures ?
Quand on revendique son appartenance à la République, il ne faut pas oublier que cela implique en contrepartie des obligations. A contrario, si l'outre-mer ne participait pas à cet effort national, cela signifierait que l'outre-mer n'est pas pleinement dans la nation. Nous savons qu'il faut corriger les handicaps structurels et assurer un rattrapage dans le développement de ces territoires. Ceci étant, nos demandes doivent être compatibles avec la conjoncture économique. Il faut aussi regarder attentivement si toutes les mesures en faveur des territoires ultra-marins sont efficaces. Et avoir le courage, si besoin, d'accepter d'en étaler certaines dans le temps. Il faut tenir un discours de vérité car la solidarité n'est pas à sens unique. Le « coup de rabot » sur les niches fiscales sera-t-il sévère ?
L'intensité de l'effort a été annoncée par le Premier ministre. Il faut maintenant examiner les choses minutieusement. Certaines de ces dépenses fiscales ont vocation à préserver l'emploi. Nous avons lancé avec les services fiscaux un travail d'évaluation auprès des entreprises afin de mesurer l'impact de ces niches fiscales sur les trois dernières années. Nous aurons les résultats à la fin de l'année.
- Où en êtes vous de la réforme du prix des carburants ?
Il y a eu plusieurs étapes dans la gestion de ce dossier sensible. Dans un premier temps, nous avons tiré les conséquences des rapports remis en 2009 sur les marges des acteurs de la filière. Puis, j'ai initié une réflexion sur les modes d'approvisionnement en carburant des départements français d'Amérique. L'ensemble des acteurs politiques et économiques a été associé. On arrive au stade des décisions. Je vais prochainement rencontrer un représentant des industries pétrolières. Les présidents de trois régions, que nous avons régulièrement informés et associés, viennent de faire part de leur position commune en faveur de la préservation de l'outil de raffinage. J'en prends donc acte. Et nous allons regarder ensemble comment décliner cette orientation stratégique forte. Il faut maintenant qu'une solution la plus consensuelle possible se dessine rapidement.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 juin 2010