Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur le rôle de l'Etat dans l'aménagement économique du territoire, à Paris le 9 mars 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : Séminaire "Mutations économiques 2010", au centre de conférences Pierre Mendès-France, à Paris le 9 mars 2010

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire général de l'OCDE, Angel GURRIA,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec le plus grand plaisir que j'ouvre aujourd'hui cette 1ère session du cycle MUTATIONS ECONOMIQUES dans sa dixième version. Je voudrais avant tout excuser ma collègue, Mme Christine LAGARDE, qui est ici « chez elle », retenue par d'autres obligations, c'est donc pour moi un honneur redoublé de vous parler aussi en son nom.
Je tiens également à saluer M. Angel GURRIA, qui nous fait l'honneur de participer à ce séminaire et d'enrichir les débats de son expertise mondialement reconnue.
Je voudrais d'abord, à l'occasion de ses 10 ans d'existence, saluer l'intérêt, l'importance et l'originalité de ce cycle de séminaires-ateliers, féliciter l'ensemble de ceux qui en ont eu l'initiative et qui en ont piloté l'organisation, en insistant plus particulièrement sur le fait qu'il s'agit d'une coproduction, d'une oeuvre collective interministérielle, qui associe la DGCIS, la DGEFP, le CIRI, la DATAR, la DAR, le Contrôle économique et financier, et bien sûr l'IGPDE.
L'intérêt de ces séminaires réside dans la diversité des sujets traités, mais aussi des publics qui y participent, puisque s'y retrouvent des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires territoriaux, des chefs d'entreprise, des chercheurs, bref les acteurs essentiels de l'économie qui entendent réfléchir ensemble pour mieux comprendre et anticiper les mutations profondes et rapides auxquelles nous assistons tous. Il s'agit bien de « formation action » où des décideurs venant d'horizons différents apprennent à travailler et à prévoir ensemble.
Par leur conception, leur public et leur dynamique prospective, ces séminaires illustrent bien la nouvelle manière de travailler et d'agir que tous les pouvoirs publics doivent avoir.

1. Quels sont les enjeux des mutations économiques dont vous allez parler pendant ces deux journées ?
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une transformation profonde du temps, de l'espace, des relations et du rôle des acteurs de l'économie. Ces mutations sont complexes, parfois défavorables, dans un contexte de crise financière mondiale. C'est pourquoi, il revient à la puissance publique, à l'Union européenne, à l'Etat et aux collectivités de s'adapter à ces mutations et de concentrer leurs efforts pour mieux aider les entreprises et les citoyens.
C'est aussi pourquoi nous devons changer nos modes d'intervention, notre capacité à réagir et nos échelles territoriales.
En effet, les transformations, et les difficultés globales du monde économique, imposent plus de cohérence dans la gouvernance et l'action des divers partenaires de la vie économique, nécessitent aussi plus de coopération, et impliquent enfin une plus grande capacité d'anticipation.
Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, je mesure chaque jour sur le terrain ce besoin de mise en cohérence, de clarté dans la gouvernance.
En quelques mois, sous la pression de la crise, nous assistons à une transformation de la gouvernance aussi bien à l'échelle mondiale, européenne, nationale et locale.
Aucune institution, publique ou privée, ne peut échapper à cette nécessité d'évoluer.
Le besoin d'une autre régulation, d'une meilleure anticipation et prospective, d'un nouveau style d'intervention est une préoccupation majeure des Etats, au service des entreprises, des usagers et des territoires.
J'insiste sur cette notion de cohérence, car c'est elle qui inspire l'ensemble des réformes en cours. Il y a bien continuité entre la macro et la micro-économie, et c'est dans cet esprit que nous réformons l'organisation et le fonctionnement des collectivités locales. Renforcer la coopération des acteurs locaux avec « plus et mieux » de coopération intercommunale, promouvoir les métropoles et les pôles métropolitains, c'est créer des synergies publiques au service des énergies privées.
Si la concurrence est saine dans le secteur privé, elle est nuisible entre les collectivités publiques.
La mise en oeuvre de politiques publiques locales au service des entreprises et des particuliers sera donc facilitée par plus de cohérence, plus de continuité entre les niveaux communaux et intercommunaux et les niveaux départementaux et régionaux.
De son côté, l'Etat aussi adapte ses structures aux nécessités d'une meilleure réactivité et d'une plus grande lisibilité. Nous ne pouvons plus séparer le développement économique, l'emploi et la régulation de la concurrence. Nous sommes au service des entreprises, des salariés et des territoires.
En rationalisant son organisation nationale et territoriale, l'Etat renforce ses moyens d'intervention au bon niveau économique, et il adapte aussi la déconcentration à l'évolution même des structures décentralisées puisque la région est chef de file en matière économique.
La mise en oeuvre de la RGPP, la création de la Direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services (DGCIS), et la création des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), donneront plus d'unité et de clarté à l'intervention territoriale de l'Etat.
Ainsi, toutes les dimensions de la vie économique sont réunies en un même faisceau, pour un même objectif : aider l'entreprise, le salarié, mais aussi le demandeur d'emploi et l'individu en formation.
L'Etat se donne donc les moyens d'animer les politiques économiques et renforce la logique du guichet unique au services des entreprises et des usagers.
C'est d'ailleurs dans cette même perspective qu'en 2009 le Gouvernement a nommé des « commissaires à la réindustrialisation » dans les dix régions les plus affectées par les mutations défavorables.

2. Si nous renforçons la cohérence, c'est pour mieux développer les coopérations au plan local, national et européen. Je voudrais ici rappeler les outils d'intervention et d'appui aux acteurs économiques dont nous disposons pour stimuler et coordonner les synergies positives et qui constituent le coeur de mon action pour l'aménagement du territoire.
La politique des grappes d'entreprises est un premier exemple.
Nous avons lancé officiellement le 29 octobre 2009, l'appel à projets pour le soutien des dynamiques exemplaires de grappes d'entreprises. Doté d'un budget spécifique de 20 Millions d'Euros en 2010 et 2011, cet appel à projets, mis en oeuvre par la DATAR, accompagnera une centaine de grappes d'entreprises exemplaires par leur fonctionnement ou les projets qu'elles mettent en oeuvre.
Cette dynamique est un élément clé du renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment des PME, et de leur ancrage territorial. Elle constitue l'un des volets structurants d'une nouvelle ambition pour l'aménagement économique du territoire de la France.
Cette politique s'inscrit dans la continuité de celle impulsée par les Pôles de compétitivité, dont s'ouvre à présent la deuxième phase.
Après une évaluation positive de la première phase (2006-2008), l'Etat a décidé d'affecter 1,5 milliard d'euros au lancement d'une seconde phase (2009-2011) qui, outre la poursuite de l'accompagnement de la recherche et développement, coeur de la dynamique des pôles, comprendra trois axes :

  • le renforcement de l'animation et du pilotage stratégique des pôles, notamment avec la création des "contrats de performance" et le renforcement des correspondants d'Etat
  • de nouvelles modalités de financements notamment pour les plates-formes d'innovation ;
  • le développement d'un écosystème d'innovation et de croissance, notamment le recours plus important aux financements privés et la recherche de meilleures synergies territoriales.

Enfin, je voudrais prendre un dernier exemple de politique qui associe tous les acteurs publics et privés : les Pôles d'excellence ruraux.
En novembre 2009, quatre ans après le lancement de l'appel à projets "pôles d'excellence ruraux", un nouvelle étape a été engagée afin de sélectionner une deuxième génération de PER. Cette nouvelle génération vise à mettre les territoires ruraux en mouvement pour renforcer leur attractivité. Elle a pour vocation de faire émerger des projets générateurs d'activités économiques, d'emplois directs et indirects, de valeur ajoutée et de développement local en favorisant de nouvelles dynamiques territoriales.
L'appui au développement économique, aux coopérations fructueuses doit se faire à chaque niveau, pour et avec chaque acteur. Nous ne devons, en effet, négliger aucun niveau car nous savons à quel point les PME sont génératrices d'emplois.
Mais, pour bien agir, il faut bien prévoir, et c'est une des fonctions majeures de la puissance publique d'anticiper, de préparer les défis de l'avenir.
Nous nous donnons les moyens de faire face aux défis du futur en investissant d'abord dans l'intelligence.
La réforme des Universités est aussi une grande réforme économique : nous assistons d'ailleurs à des rapprochements rapides et forts entre Universités sur un même territoire, le « Plan campus » et « PRES » », de telle sorte qu'elles disposeront de la taille critique pour mener des projets ambitieux au service des acteurs industriels. En attirant des étudiants sur les territoires, nous anticipons le développement économique et les investissements de demain.
Par ailleurs, avec l'emprunt national dit "Grand emprunt", 35 milliards d'euros de crédits seront dédiés au financement des investissements d'avenir dans quatre secteurs prioritaires tels que l'enseignement supérieur, la formation et la recherche (19 milliards d'euros) ; l'industrie et les PME (6,5 milliards d'euros) ; le développement durable (5 milliards d'euros) et le numérique (4,5 milliards d'euros). Les politiques des pôles de compétitivité et des grappes d'entreprises seront intéressées à ces investissements.
Tous ces instruments n'ont qu'un seul but : inciter, participer au développement économique et à l'emploi, préparer les évolutions technologiques, attirer les entreprises sur tous les territoires, repérer les filières en développement et les initiatives à favoriser.
Je voudrais terminer en évoquant plus précisément le rôle majeur et rénové de l'aménagement du territoire dans l'action économique. Nous avons récemment rendu à la DATAR son acronyme d'origine. Nous avons souhaité mettre en exergue « l'attractivité régionale », afin que la mission qu'exerce le DATAR au service des acteurs économiques soit clairement identifiée.
La DATAR, par son statut interministériel, est au coeur de l'adaptation de notre pays aux mutations, car c'est elle qui fait le lien entre tous les intervenants locaux, nationaux et européens, publics et privés.
Les récentes « Assises des territoires ruraux » ont montré le besoin d'équipements, de services numériques, de transports de ces territoires qui se repeuplent et deviennent ainsi des potentiels de production et de consommation en plein essor.
A ce titre, les mutations économiques seront au coeur du prochain Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) qui doit se tenir en avril prochain et dont l'objet sera de fixer les actions, les modalités de financement, le calendrier et les modalités de mise en oeuvre du plan annoncé par le président de la République en faveur des territoires ruraux.
Vous le voyez le développement économique est bien la préoccupation centrale, permanente de l'action gouvernementale, toutes nos actions, toutes nos initiatives y tendent, dans un contexte de crise qui, loin de nous décourager, renforce notre détermination à réformer, moderniser et simplifier.
Les Etats généraux de l'industrie, que le Président de la République a clôturé hier, confirment, s'il en était besoin, cet engagement du gouvernement, de l'Etat tout entier et la volonté de rattraper un retard ancien.
C'est aussi pour cela que le séminaire MUTECOS est important et est devenu un rendez-vous indispensable dans le paysage des mutations économiques de notre pays. D'ailleurs, la déclinaison locale par des ateliers régionaux illustre le caractère concret de votre travail.
Je félicite donc toutes les institutions et toutes les personnes qui ont participé à son élaboration.
Je vous remercie et vous souhaite des travaux fructueux.

Source http://www.datar.gouv.fr, le 24 juin 2010