Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de fierté que j'étais aux côtés du Président de la République le 18 janvier dernier lorsqu'il s'est adressé aux milliers de Mahorais qui étaient réunis sur le port. Comme vous, j'ai ressenti que nous vivions un moment historique pour Mayotte et les Mahorais bien sûr, mais aussi historique pour la France.
La création du 101ème département français nous concerne tous, métropolitains, ou originaires des collectivités et départements d'outre-mer. Elle traduit notre volonté de vivre ensemble et notre attachement aux valeurs républicaines, où que nous vivions sur le territoire.
En plaçant la départementalisation de Mayotte sous le double signe de notre histoire républicaine et de l'avenir économique et social, le Président de la République nous encourage à agir vite, avec réalisme et avec ambition.
Dans le droit fil de ses propos, et ainsi que me le demandait le Premier ministre à Mamoudzou il y a un an, devant vous tous, je viens vous faire un point sur le processus de départementalisation.
Je voudrais d'abord vous dire avec force que nous n'avons pas perdu de temps depuis votre vote du 29 mars 2009 et depuis le vote de la loi organique du 3 août 2009, par le Parlement national. Nous nous sommes attelés à la préparation de deux projets de loi, un projet de loi simple et un projet de loi organique sur l'organisation et le fonctionnement du Département de Mayotte. Il s'agit de textes essentiels pour l'avenir de Mayotte, et croyez-moi face à cet enjeu, il n'y a pas de place pour les querelles partisanes ou les intérêts personnels. Notre ligne directrice a bien sûr été le respect du pacte pour la départementalisation. Ce pacte, c'est l'engagement de l'Etat à l'égard de Mayotte et les Mahorais par leur vote ont aussi accepté ce pacte.
Ce pacte, c'est donc notre feuille de route vers l'identité législative généralisée. Vos réflexions et vos propositions élaborées au sein du Comité pour la départementalisation entre avril et septembre 2008 ont d'ailleurs nourri les travaux de préparation du Pacte.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Après notre réunion à Paris du 1er avril au cours de laquelle j'avais remis les deux projets de loi aux parlementaires et aux représentants des groupes politiques mahorais, j'ai saisi officiellement le 30 mai dernier le Conseil général.
Vous avez rendu le 30 juin un avis négatif qui m'a amenée à reporter la présentation du projet de loi en conseil des ministres que je devais effectuer hier. Vous comprendrez aisément qu'il ne pouvait en être autrement.
On ne peut pas poursuivre la départementalisation de Mayotte alors même qu'il subsiste des malentendus avec les représentants des Mahoraises et des Mahorais.
C'est pourquoi, j'ai souhaité que la concertation se poursuive sur place avec vous au plus vite.
Votre travail conjoint a permis d'avancer sur plusieurs points de manière très positive et je vous en félicite car c'est l'intérêt général qui a prévalu.
D'abord, j'ai bien compris que vous souhaitiez une rédaction du projet de loi plus claire. J'ai entendu votre demande et je suis prête à modifier la version actuelle du projet de loi dans un souci de clarté et de sûreté juridique. Je m'engage à vous transmettre dès lundi prochain une nouvelle version conforme à notre volonté de simplification du texte.
Vous avez également soulevé la question du renouvellement intégral du conseil général en 2011. Je suis particulièrement attentive sur ce point car dès la préparation du pacte pour la départementalisation, le renouvellement intégral avait été envisagé pour « marquer » politiquement la création d'un nouveau département. J'ai d'ailleurs envoyé une mission à l'automne dernier pour engager la concertation avec vous sur la réforme du mode de scrutin et sur l'augmentation du nombre de conseillers généraux.
Mais, depuis cette date, le contexte a fortement évolué. Le gouvernement a ouvert le grand chantier de la réforme des collectivités locales et nous savons que cette réforme prévoit un renouvellement intégral de toutes les assemblées locales en 2014, renouvellement qui s'appliquera à Mayotte. Avec ce nouveau calendrier électoral, il y aurait donc deux renouvellements de la totalité des conseillers généraux à trois ans d'intervalle. Dès lors, la question du renouvellement total en 2011 devait être reposée. En effet, en l'absence de changement de mode d'élection et de nombre de conseillers généraux à élire, le Conseil d'Etat a préconisé dans l'avis qu'il vient de remettre au gouvernement le maintien du système actuel.
Je vous ai toujours dit que je n'en faisais pas une question de principe et que je m'en remettrais à l'analyse de cette haute assemblée pour ne prendre aucun risque constitutionnel sur ce texte historique pour Mayotte.
J'ai donc décidé de proposer au Premier ministre de suivre l'avis rendu par le Conseil d'Etat et de procéder à un renouvellement partiel du Conseil général de Mayotte en 2011, le renouvellement intégral intervenant alors en 2014.
Nous avons eu aussi plusieurs échanges sur le nombre d'élus du futur conseil général en 2014. Dans le projet de loi sur la réforme des collectivités locales, le gouvernement a proposé dans un premier temps au Parlement que le nombre de conseillers généraux de Mayotte soit porté à 23. Cette augmentation raisonnable prendrait ainsi en compte l'accroissement du nombre d'habitants de Mayotte mais aussi la volonté, au niveau national, de limiter le nombre d'élus locaux. Ce point est toujours en discussion au Parlement et je serais attentive à l'option qui sera finalement choisie.
J'ai lu dans l'avis que vous m'avez adressé que vous vous interrogiez aussi sur les habilitations du gouvernement à étendre par ordonnance le droit commun à Mayotte. Ces habilitations à légiférer par ordonnance ont fait l'objet d'un travail interministériel intense dans bien des domaines qui touchent à la vie courante : urbanisme, logement, action sociale, droit du travail. Vous aurez à vous prononcer sur tous ces textes. Il n'y a donc pas de temps à perdre. Je vous propose que mes services et les vôtres examinent ensemble ce programme de travail. Vous pourrez ainsi vous prononcer en toute connaissance de cause.
Vous vous interrogez enfin, sur les recettes du Département de Mayotte, et vous souhaitez une clarification concernant vos futures dotations. Comme vous le savez, les échéances financière et fiscale sont liées et sont fixées à 2014. Mais je crois qu'il est de bonne administration d'anticiper cette question cruciale des financements. C'est pourquoi, en liaison avec le ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales, je suis prête à envoyer une mission à Mayotte dans les prochains mois.
Voilà, une partie des réponses que je souhaitais vous apporter cette après-midi et j'ai bon espoir que ces avancées et ces propositions me permettent très vite de présenter à nouveau ces textes en conseil des ministres avec un avis favorable de votre assemblée car notre objectif commun est de tenir le calendrier de la départementalisation. Il ne faut pas se le cacher : la départementalisation de Mayotte s'engage dans un contexte national budgétaire et économique difficile. Ne donnons pas prise à la critique, ne donnons pas prise à tous ceux qui n'ont pas cru à la départementalisation de Mayotte. Montrons, au contraire, que nous avons la volonté de réussir conformément au voeu des Mahorais et à l'engagement du Président de la République.
Revenons à présent si vous le voulez bien aux textes des deux projets de loi, qui présentent des avancées décisives sur le plan institutionnel et sur le plan du droit.
I - Sur le plan institutionnel, l'objet premier du projet de loi est d'étendre au futur Département de Mayotte l'ensemble des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux compétences des conseils généraux et régionaux métropolitains, ainsi que les dispositions relatives aux compétences des régions d'outre-mer.
L'organisation de la future assemblée délibérante, qui s'appellera conseil général de Mayotte, sera calquée sur celles des conseils généraux.
Je peux vous garantir que toutes les compétences et tous les moyens juridiques dont disposent un département et une région en métropole seront donnés au futur Département de Mayotte.
La loi prévoit aussi, bien sûr, les conditions d'exercice de ces nouvelles compétences. Les transferts de l'Etat vers le Département concerneront les constructions des collèges, des lycées, le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers, de services (TOS) et les routes nationales d'intérêt local.
Ces transferts, dont la date sera arrêtée après concertation avec vous, feront l'objet d'une compensation financière selon les règles du droit commun. Elle sera intégrale c'est-à-dire équivalente aux dépenses effectuées par l'Etat. C'est pourquoi, le projet de loi institue un comité local de préparation des transferts de compétences dont vous ferez partie. Ce comité préparera les éléments financiers nécessaires à la consultation au niveau national de la Commission consultative d'évaluation des charges. Vous pouvez être rassurés, j'ai en effet veillé à ce que cette commission soit saisie, le moment venu, pour que les compensations se fassent dans la plus complète transparence.
Sur le plan fiscal, le projet de loi organique conservera le régime particulier de Mayotte jusqu'au 1er janvier 2014. Le calendrier fixé en 2007 pour assurer le passage au code des impôts et au code des douanes métropolitain sera ainsi respecté. C'est aussi pourquoi le projet de loi maintient le dispositif actuel du service d'incendie et de secours, jusqu'au 31 décembre 2013. Il faut en effet attendre que les communes disposent d'une fiscalité propre pour pouvoir assumer ces nouvelles compétences.
Je sais par ailleurs que vous êtes sensibles au renforcement de vos liens avec les pays de la région. Je peux vous assurer que le projet de loi maintient votre capacité d'initiatives en matière de coopération régionale, comme vous l'aviez souhaité lors des états généraux de l'outre-mer. Je suis convaincue que ce sera pour le futur Département un moyen de favoriser l'intégration économique et commerciale dans votre environnement régional.
Outre les institutions, le projet de loi va plus loin dans l'application du droit commun à Mayotte, c'est à dire le droit qui touche concrètement la vie de nos concitoyens.
Dans ce cadre législatif, je prévois de préparer avec mes collègues du gouvernement les ordonnances qui permettront de passer à l'identité législative.
Je sais que les attentes sont particulièrement fortes dans le domaine social.
Le pacte pour la Départementalisation aborde sans détour la question des prestations sociales et des minima sociaux. A terme, l'objectif est de parvenir à l'égalité sociale. Les Mahorais devront bénéficier des mêmes prestations sociales qu'en métropole et dans les départements d'outre-mer.
Dans une première étape et comme le Président de la République vous l'a annoncé, nous allons répondre à votre souhait légitime que la situation des plus faibles, les personnes âgées démunies, faute de retraite, les personnes handicapées, soit améliorée.
La revalorisation de l'allocation spéciale pour les personnes âgées et l'allocation pour les adultes handicapées interviendra dès cette année. Cette augmentation se fera sur 3 ans en 2010, 2011 et 2012. D'un montant de 239euros par mois, l'allocation passera à 339euros, soit une augmentation de 42 %.
Toujours dans le domaine social, je viens de solliciter le 2 juillet votre avis sur le projet de décret augmentant le plafond de sécurité sociale qui permet de déterminer le niveau des retraites. Il se situera à 1070 euros, soit au-dessus du niveau du SMIG au 1er juillet. Cela correspond à une revalorisation de 17% et surtout à une attente forte des partenaires sociaux que je salue à cette occasion.
L'objectif poursuivi par ce projet de décret est bien de créer une nouvelle dynamique avec des augmentations régulières et automatiques de ce plafond.
Pour le droit du travail, deux ordonnances, en 2011 et en 2012, permettront d'étendre à Mayotte le droit syndical applicable en métropole et dans les DOM. La première de ces ordonnances entrera en vigueur dès le mois de mars 2011.
Pour ce qui est de l'allocation de rentrée scolaire, je sais que vous êtes attachés à un passage au droit commun, permettant le versement de cette allocation aux familles et non plus, pour partie, aux établissements scolaires. Je vous confirme que votre demande a bien été prise en compte dans le projet de loi.
Plus généralement, les assurances sociales existantes (maladie, retraite, accident du travail) augmenteront au même rythme que les cotisations sociales prélevées sur les salaires et les revenus. Le SMIG net mahorais a atteint depuis le début de ce mois 85% du SMIC. Je souhaite que la question de la poursuite du rattrapage soit abordée dans sa globalité avec le ministère du travail. En effet, le SMIG brut, les exonérations de charges, la mise en place de nouvelles prestations telles que les retraites complémentaires ou le 1% logement, et enfin le temps de travail constituent un tout qui doit progresser à un rythme acceptable socialement et économiquement. Quant aux autres allocations de solidarité et conformément au pacte, elles seront mises en place en 2012, au quart du niveau national, et elles progresseront ensuite pendant une période d'environ 20 ans.
Certains d'entre vous m'ont fait part de leur souhait d'aller encore plus vite. Je crois que le calendrier fixé par le pacte est à la fois raisonnable et ambitieux et qu'il ne faut pas perdre de vue le coût de ces prestations et leur impact sur l'économie et les fondements de la société mahoraise.
Pour accélérer le développement économique et social de Mayotte, le projet de loi crée le fonds mahorais de développement économique, social et culturel. Il permettra de subventionner des projets engagés par les acteurs publics ou privés dans les secteurs porteurs d'emplois. Il sera géré par le Préfet de Mayotte qui s'appuiera sur les avis des comités de gestion associant l'Etat, les collectivités territoriales et des personnalités qualifiées. Pour les années 2011, 2012 et 2013, 30 Meuros sont prévus au total Cette enveloppe constitue un engagement fort de l'Etat pour faciliter le processus de rattrapage en cours.
Je tiens à souligner que cet engagement budgétaire revient à multiplier par 20 les crédits qui étaient alloués au fonds mahorais de développement. Ce n'est pas rien dans le contexte actuel ! Qui plus est, ce fond de développement va venir en complément de tous les efforts financiers que l'Etat réalise déjà en faveur de Mayotte :
* le contrat de projet qui permet notamment le financement d'infrastructures essentielles à la vie de Mayotte comme la station d'épuration du Baobab dont j'irais inaugurer l'extension demain ou des opérations de développement endogène dans le domaine de la pêche ou de l'aquaculture par exemples et j'aurai plaisir à voir en fin d'après-midi le nouveau bateau palangrier acquis par la COPEMAIL grâce à ces crédits ;
* les investissements en matière scolaire en faveur des collèges et des lycées qui sont toujours de la compétence de l'Etat tout comme la dotation spécifique pour les constructions du premier degré que l'Etat a décidé de doubler et de prolonger au-delà de son échéance initiale ;
* et enfin, les financements exceptionnels apportés par l'Etat ou par l'intermédiaire de l'AFD pour faire face à des situations d'urgence comme cela a été le cas en décembre 2009.
Vous le voyez bien : l'Etat a toujours été à vos côtés et continuera à vous accompagnez pour gravir les marches de la départementalisation.
II- Je sais qu'au delà de la départementalisation, vous avez de fortes attentes concernant le statut européen de Mayotte.
Nous avons déjà engagé un dialogue avec la Commission européenne pour transformer Mayotte en région ultrapériphérique. C'est le sens des démarches que j'ai accomplies, en rencontrant les Commissaires en charge de la politique régionale et du développement en octobre 2009 et en avril 2010.
J'ai également souhaité que les représentants de Mayotte puissent être associés aux manifestations européennes concernant les régions ultrapériphériques, tels que les séminaires convergence en Martinique au mois d'avril ou encore le premier forum de l'ultra-périphérie à Bruxelles au mois de mai.
Deux réunions de travail entre mes services et la Commission européenne se sont tenues. Elles ont eu pour objet d'informer précisément la Commission de la mise en oeuvre de la Départementalisation. La Commission nous a surtout interrogés sur l'extension et l'application effective du droit commun. Nous allons poursuivre ces réunions techniques afin de convaincre nos interlocuteurs bruxellois que nous faisons les efforts nécessaires pour préparer Mayotte à la reprise de l'acquis communautaire dans les meilleurs délais.
Ne nous cachons pas la vérité, la rupéisation de Mayotte est un processus exigeant qui fait l'objet de vérifications par la Commission. Je souhaite donc que nous poursuivions le travail que nous menons sur ce dossier en échangeant le plus possible.
Mon objectif est que Mayotte soit éligible aux fonds structurels à partir de 2014 pour amplifier les efforts considérables faits par l'Etat au profit des infrastructures nécessaires au territoire. La décision d'évolution statutaire de Mayotte devra donc être prise par le Conseil européen suffisamment en amont de cette date.
Dès aujourd'hui, je suis en mesure de vous annoncer que le Gouvernement fera une demande officielle de transformation de Mayotte en Région ultra-périphérique dans le courant du 1er semestre 2011, ce qui sera en parfaite cohérence avec le calendrier de la départementalisation.
La création du 101ème département français doit être enfin l'occasion de mieux appliquer à Mayotte les grands principes et les valeurs fondamentales de la République, dans le respect de votre identité culturelle.
Ainsi, j'ai souhaité avec vous faire évoluer les règles concernant l'âge du mariage pour les filles, ou la possibilité de contracter des unions polygames. C'est un signal très fort que Mayotte a adressé à l'ensemble de la communauté nationale et pour ma part, j'ai été très fière de présenter cette ordonnance au Conseil des ministres du 2 juin dernier.
Ces dispositions ne porteront évidemment pas atteinte aux situations en cours ni bien sûr au statut de droit local qui est inscrit dans notre constitution.
Je suis foncièrement convaincue que cette évolution du code civil et du droit de la famille , comme celle concernant la justice cadiale, est en phase avec les aspirations profondes de la société mahoraise.
Comme vous pouvez le voir, le Gouvernement travaille et avance pour préparer et rendre effective et opérationnelle la départementalisation de Mayotte dès l'année prochaine. Le Gouvernement a annoncé clairement son programme et son calendrier dans le pacte pour la départementalisation et il tient ses engagements. Il n'est dans l'intérêt de personne de chercher à remettre en cause cette feuille de route qui constitue une garantie pour les Mahorais.
A nous de poursuivre et d'approfondir ensemble le travail engagé pour rendre possible ce qui a été demandé depuis si longtemps par vos anciens.
Je crois en l'avenir de Mayotte car les conditions du progrès sont bien là.
Je crois dans la volonté des acteurs locaux de construire ce département au bénéfice de tous les Mahorais.
Réunissons les forces vives de Mayotte et celles de l'Etat, pour faire du 101ème département français une réussite pour Mayotte mais aussi pour la France toute entière.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 juillet 2010