Texte intégral
R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour F. Baroin.
Bonjour.
Avant de parler du budget 2011 que vous finissez de préparer, je voudrais que l'on dise un mot de la Une du journal France Soir, le journal vous donne comme successeur possible de F. Fillon, est-ce que vous vous préparez à entrer à Matignon ?
Non. Non, je ne rentre dans aucune de ces spéculations. Le président de la République est maître du jeu et du temps, et puis j'ajoute que l'on a un Premier ministre qui est un homme de très grande valeur, qui a de grandes qualités, avec lequel il est très agréable de travailler. On a beaucoup de travail. Moi ma mission c'est de trouver 40 milliards et je présente ça au Conseil des ministres dans une dizaine de jours.
Alors, à propos de ces 40 milliards, chaque jour on apprend de nouvelles informations, ce matin on apprend que c'est les mariés et les divorcés qui seraient dans le collimateur. Jusqu'ici, ils faisaient trois déclarations d'impôts ; ils n'en feraient plus qu'une ou deux, en tout cas, ils perdraient un avantage fiscal. Est-ce que vous confirmez cette information ?
Eh bien je vous confirme que ça fait évidemment partie des pistes à l'étude, mais les mariés ou les divorcés ne sont pas dans le collimateur du Gouvernement. Ce qui est dans le collimateur du Gouvernement, c'est d'essayer d'agir de manière puissante, déterminée, sur les dépenses, ce que nous faisons, ce qui permettra de récupérer plus de la moitié des efforts que l'on a à produire, de la marche que nous avons à gravir pour l'année prochaine, c'est-à-dire 40 milliards. Et puis on a 10 milliards autour des niches fiscales et des avantages fiscaux en tout genre, sur lesquels nous nous efforçons de porter la dernière touche et le président de la République donnera son arbitrage cette semaine. 10 milliards, c'est un effort important, on a épargné les publics fragiles, ce qui est normal, nous sommes en sortie de crise nous avons encore les stigmates de la crise, aussi bien sur le plan social que sur le plan budgétaire, dans la présence globale de l'Etat, et nous avons, en effet une piste à l'étude, c'est plusieurs centaines de millions d'euros d'économies, ça fait partie du radar.
Alors, cette centaine de millions d'euros, ces centaines de millions d'euros, ça serait donc les mariés et les divorcés, vous confirmez l'information.
Non, je vous confirme que nous travaillons dessus, de même qu'il y a d'autres pistes encore qui sont actuellement soumises à l'arbitrage, je vous confirme naturellement que ça fait partie, au fond, des avantages. Le mariage est un acte heureux, et on ne se marie pas pour des raisons exclusivement fiscales, en tout cas je veux encore croire à cette certaine idée du bonheur. Le divorce est un acte plus malheureux, mais il peut y avoir des séparations cordiales, plus que des concordats orageux, toujours est-il que pour la Direction générale des finances publiques, pour le ministère du Budget, pour la partie fiscale, il faudra faire le choix de l'un ou de l'autre, de la déclaration commune ou de la déclaration individuelle, mais plus des deux, si cette proposition est retenue par le président de la République.
Vous parliez de 10 milliards de rabotage, en tout cas de suppression de niches fiscales, ça fait 10 milliards d'impôts en plus, est-ce que ça ne contredit pas un engagement de N. Sarkozy qui avait dit qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts ?
Pardon, je ne veux pas être en contradiction avec vous, ce n'est pas 10 milliards d'impôts en plus, on n'augmente pas la TVA, on n'augmente pas l'impôt sur les sociétés, on n'augmente pas l'impôt sur le revenu. Il y a une grande différence entre toucher aux impôts, pour tout le monde, en même temps, de la même manière, et raboter des éléments de dépenses fiscales, qui est une dépense de l'Etat, sous la forme d'un choix d'avantage fiscal. On ne pousse personne à aller dans une niche fiscale. Et ces éléments de rabot, compte tenu de la situation des finances publiques - je veux dire, réduire les déficits, c'est une ardente obligation, c'est un élément de relance de la confiance, donc, de relance de la croissance - on doit faire des choix, on choisit plutôt les niches, que de choisir les prélèvements obligatoires. Tant que N. Sarkozy sera président de la République, on n'augmentera pas les impôts, nous sommes un pays qui dépense énormément, qui a parfois un peu arrosé le sable, et sur lequel nous avons une grande marge de manoeuvre.
Dans ce contexte, en tout cas, le bouclier fiscal, les chiffres du bouclier fiscal, ont choqué beaucoup de monde ; le Nouveau Centre, vos alliés du Nouveau Centre demandent sa suppression, est-ce que le Gouvernement va finir par le supprimer, ou en tout cas par le modifier ?
C'est un peu une politique de donnant/donnant cette affaire de bouclier fiscal. La France est un pays qui impose les gens qui ont de la fortune, du patrimoine, des éléments de revenus suffisamment importants, à travers l'impôt de solidarité sur la fortune. Nous sommes le dernier pays de l'Union européenne à disposer d'un impôt de cette nature. Donc, si nous touchons au bouclier...
Est-ce qu'il faut le supprimer ?
Moi je crois que si nous touchons au bouclier, alors il faut toucher à l'ISF, mais il ne faut pas que ça soit un marché de dupes, il ne faut pas d'un côté que la gauche porte en bandoulière, vêtue de probité candide et de lin blanc, une certaine idée de la justice sociale, en demandant la suppression du bouclier fiscal, et de l'autre, dire : « on n'est pas d'accord pour supprimer l'ISF ». C'est l'idée de la convergence fiscale avec l'Allemagne, c'est l'idée du travail souhaité par N. Sarkozy entre la Cour des Comptes française et son homologue allemand. Si nous sommes prêts pour la loi de finances, on pourra ouvrir ce débat, je pense que nous ne serons pas prêts pour la loi de finances 2011, mais ce débat ISF contre bouclier est sur la table et pourra certainement faire l'objet de débats au moment de la présidentielle.
Ca c'est une information : on pourrait à la fois envisager de supprimer l'ISF et le bouclier fiscal, les deux en même temps ?
Quelle est l'idée du bouclier ? Le bouclier, d'abord, ça me fait un peu sourire de voir les gens de la rue de Solferino, monter au créneau pour dire : « Le bouclier, c'est scandaleux, ça protège les riches ». Bien sûr que ça protège les riches, puisque ça a été fait pour ça. Ça a été fait pour que l'on ne paie pas plus d'un jour sur deux de son travail à l'Etat. Alors, après, on peut contester les modalités, mais c'est la gauche qui l'a inventé, c'est M. Rocard, Premier ministre, qui a mis en place le système de plafonnement. C'est ensuite D. de Villepin...
Pas au même niveau.
Oui, mais l'idée du bouclier, puisque c'est l'idée même qui est contestée, il y a son application mais il y a aussi son principe, c'est les deux qui sont contestés aujourd'hui par les ténors du PS. Donc il faut un peu de cohérence et puis leur rappeler un peu d'histoire, comme ils donnent l'impression de n'avoir rien appris et rien oublié sur un certain nombre de sujets, y compris celui-ci, c'est monsieur Rocard qui a mis en place l'idée du bouclier. Il a été ensuite développé par D. de Villepin à 60 %, il a été ensuite appliqué dans le cadre des engagements de N. Sarkozy pendant sa campagne, à 50 %. Si nous déplaçons le curseur sur le bouclier, alors il faut aussi permettre à des gens qui ont de l'argent, de conserver cet argent dans notre pays. Il faut quand même aussi avoir un peu de courage politique et de dire que l'ion a besoin de gens qui ont de l'argent, qui gagnent de l'argent, pour investir et créer de la richesse.
Je reviens sur les déficits. Ce matin, la presse cite le chiffre de 7,8 % de déficit pour l'année en cours, vous confirmez ce chiffre ?
On avait prévu plutôt 8 % pour la fin de l'exercice, c'est ce que l'on avait dit, ça veut dire que la marche à franchir, de passer de 8 à 6 % pour l'année prochaine, était une marche élevée. L'addition des bonnes nouvelles, les chiffres de l'ACOSS, les résultats sur le front de l'emploi, l'augmentation de la croissance pour cette année, confirmée par F. Fillon, il y a quelques jours encore, à hauteur de 1,5 nous permettent raisonnablement de penser que l'on peut tomber à 7/8 de niveau de déficit pour la fin de l'année.
A propos de croissance, justement, vous vous basez sur quel niveau pour 2011 ?
Alors, on se fixe une croissance à hauteur de 2 %, qui est à peu près dans la fourchette relativement haute, mais la fourchette atteignable, du consensus des conjoncturistes, comme on dit, ça veut dire qu'on aura une croissance d'un demi point supérieur à ce que l'on avait cette année, c'est-à-dire que nous sortons de la crise, mais ça veut dire aussi que nous devons faire partager cette conviction, faire encore un peu de pédagogie pour tout le monde, que nous devons revenir le plus vite possible au niveau de déficit d'avant la crise. Et moi, je dirais, il faudra aller plus loin et réfléchir à la tendance et atteindre un jour l'équilibre budgétaire. Les Allemands le font...
A quelle échéance ?
2014, on peut se fixer 2 % de niveau déficit ; 2015 peut-être autour de 1 %, les Allemands seront à 0,35 en 2016, nous serons peut-être un peu plus tard à ce niveau-là, mais c'est ce vers quoi nous devons tendre.
Merci F. Baroin.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 septembre 2010