Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La présente proposition de loi est d'une extrême simplicité. Il s'agit d'une mesure concrète destinée à faciliter la vie quotidienne de la grande majorité de nos compatriotes.
Son objet est, rappelons-le, triple :
- d'une part, affirmer le droit au chéquier pour tous les titulaires d'un compte qui ne sont pas interdits bancaires,
- d'autre part, réaffirmer la gratuité de la délivrance des chéquiers,
- enfin, inscrire dans la loi le principe de la gratuité de l'émission et du traitement des chèques.
-
D'abord quelques chiffres.
Malgré la légère baisse constatée depuis quelques années, le chèque demeure l'instrument de paiement le plus utilisé dans notre pays. En 1999, il s'en est échangé près de 3,7 milliards dans les systèmes d'échanges interbancaires. D'après des statistiques internationales, les Français sont les plus importants utilisateurs de chèques de la zone euro (82,7 règlements par chèque en moyenne) loin devant les Irlandais, les Portugais et les Italiens.
Ces chiffres expliquent évidemment la sensibilité de nos compatriotes sur cette question.
C'est pourquoi, cette proposition de loi entend mettre un point final à un débat récurrent qui n'a que trop duré. Après une première tentative avortée en 1986, cette question a, en effet, repris une nouvelle vigueur dans le contexte de la mise en place de la monnaie unique européenne.
Devant l'échec de la concertation engagée au sein de ce qu'on a appelé le " groupe Jolivet ", il est temps que le législateur prennent ses responsabilités.
Ce faisant, il ne ferait que concrétiser la position que le Gouvernement a exposée à plusieurs reprises au cours des derniers mois, tant dans la bouche du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ici-même en réponse à une question d'actualité de notre collègue Jacques Desallangre, que dans celle du Secrétaire d'État aux PME, au commerce, à l'artisanat, dans un entretien accordé il y a quelques semaines seulement à un journal économique.
Pour s'opposer à la gratuité des chèques, les banques mettent en avant des arguments économiques et juridiques, ces derniers liés à la mise en place de la monnaie unique européenne.
La gratuité des chèques serait, disent-elles, contraire à la transparence et à la logique ou à l'efficacité économiques. De plus, leur traitement serait particulièrement coûteux.
La transparence.
Les associations de consommateurs apprécieront certainement cette conversion récente à ce principe éminent. Je ne saurais trop inciter les banques à le mettre, en priorité, en uvre dans d'autres aspects de leurs relations avec leurs clients.
La logique et l'efficacité économiques.
Pourquoi, nous disent les banques, faire du chèque le seul service gratuit offert aux consommateurs ?
Dans le passé, les mesures prises en faveur des personnes les plus démunies pour réduire le coût de certains services ne sont pas allées jusqu'à la gratuité.
Mais la situation est-elle comparable ? La logique des banques est diamétralement opposée. Chacun sait que ce seraient les clients les plus fortunés qui continueraient à bénéficier de la gratuité des chèques, pendant que les autres subiraient de plein fouet leur tarification.
Le coût de traitement des chèques.
Outre qu'il n'empêche pas les banques d'afficher des bénéfices importants, ce qui étonne lorsque l'on évoque le coût de traitement des chèques, c'est la constance des estimations.
Depuis une quinzaine d'années, c'est toujours le chiffre de 3 à 5 francs par chèque qui est avancé. Je note d'ailleurs que cette estimation est vivement contestée par certains bons connaisseurs du dossier qui évoquent un chiffre largement inférieur (moins de 1 franc par chèque). Voilà qui laisserait à penser que la transparence n'est pas la vertu cardinale des banques, sur ce dossier comme sur d'autres.
Peut-on vraiment croire que le traitement du chèque soit la seule opération bancaire qui n'ait pas vu son coût diminuer au cours des années, du fait de gains de productivité ou du simple amortissement des équipements utilisés ?
La mise en place de l'euro a été présentée comme conduisant inéluctablement à la remise en cause du " ni-ni ", comme s'il fallait traquer impitoyablement toutes les spécificités de notre pays.
Or, ne fait-on pas une confusion entre deux problèmes qui sont juridiquement distincts, entre l'interdiction de la rémunération des dépôts à vue, condamnée à brève échéance, et la tarification des chèques ?
Par ailleurs, il n'est pas évident que le droit communautaire s'oppose à ce que notre pays maintienne la gratuité des chèques et impose une telle règle aux banques étrangères qui y travaillent.
Des dérogations au principe de libre prestation de services restent, en effet, possibles si elles sont fondées sur des " dispositions légales d'intérêt général ", dispositions qui doivent avoir un caractère non discriminatoire, légitime et proportionné à l'objectif poursuivi. Or, jusqu'à présent, la Cour de justice des communautés européennes a admis des justifications tirées notamment de la protection des consommateurs. De plus, le chèque n'étant pas un moyen de paiement internationalement accepté, la Commission européenne a toujours affirmé que le problème de sa gratuité relevait des législations nationales.
Sur un plan économique, il est difficile de présager des réactions des banques et de leurs clients à la sortie du " ni-ni ".
Les consommateurs seront-ils vraiment demandeurs d'une telle rémunération, surtout si celle-ci doit s'accompagner en contrepartie du paiement des chèques ?
Les taux de rémunération qui seraient offerts sont trop faibles pour que cette rémunération dépasse quelques dizaines de francs chaque année pour la plupart des titulaires de compte.
Les banques sont-elles vraiment toutes prêtes à prendre le risque de mécontenter leur clientèle ?
Sans évoquer l'offre commerciale d'une grande banque britannique, on observera que le Crédit mutuel de Bretagne a récemment présenté un produit qu'elle destine à l'essentiel de sa clientèle et qui est fondé sur la gratuité totale de sa gestion et sur l'absence de rémunération.
Tous ces arguments militent pour que le législateur mette fin à ses hésitations et pour que l'Assemblée nationale adopte la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée par la commission des Finances.
(Source http://www.mdc-France.org, le 3 mai 2001)
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La présente proposition de loi est d'une extrême simplicité. Il s'agit d'une mesure concrète destinée à faciliter la vie quotidienne de la grande majorité de nos compatriotes.
Son objet est, rappelons-le, triple :
- d'une part, affirmer le droit au chéquier pour tous les titulaires d'un compte qui ne sont pas interdits bancaires,
- d'autre part, réaffirmer la gratuité de la délivrance des chéquiers,
- enfin, inscrire dans la loi le principe de la gratuité de l'émission et du traitement des chèques.
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D'abord quelques chiffres.
Malgré la légère baisse constatée depuis quelques années, le chèque demeure l'instrument de paiement le plus utilisé dans notre pays. En 1999, il s'en est échangé près de 3,7 milliards dans les systèmes d'échanges interbancaires. D'après des statistiques internationales, les Français sont les plus importants utilisateurs de chèques de la zone euro (82,7 règlements par chèque en moyenne) loin devant les Irlandais, les Portugais et les Italiens.
Ces chiffres expliquent évidemment la sensibilité de nos compatriotes sur cette question.
C'est pourquoi, cette proposition de loi entend mettre un point final à un débat récurrent qui n'a que trop duré. Après une première tentative avortée en 1986, cette question a, en effet, repris une nouvelle vigueur dans le contexte de la mise en place de la monnaie unique européenne.
Devant l'échec de la concertation engagée au sein de ce qu'on a appelé le " groupe Jolivet ", il est temps que le législateur prennent ses responsabilités.
Ce faisant, il ne ferait que concrétiser la position que le Gouvernement a exposée à plusieurs reprises au cours des derniers mois, tant dans la bouche du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ici-même en réponse à une question d'actualité de notre collègue Jacques Desallangre, que dans celle du Secrétaire d'État aux PME, au commerce, à l'artisanat, dans un entretien accordé il y a quelques semaines seulement à un journal économique.
Pour s'opposer à la gratuité des chèques, les banques mettent en avant des arguments économiques et juridiques, ces derniers liés à la mise en place de la monnaie unique européenne.
La gratuité des chèques serait, disent-elles, contraire à la transparence et à la logique ou à l'efficacité économiques. De plus, leur traitement serait particulièrement coûteux.
La transparence.
Les associations de consommateurs apprécieront certainement cette conversion récente à ce principe éminent. Je ne saurais trop inciter les banques à le mettre, en priorité, en uvre dans d'autres aspects de leurs relations avec leurs clients.
La logique et l'efficacité économiques.
Pourquoi, nous disent les banques, faire du chèque le seul service gratuit offert aux consommateurs ?
Dans le passé, les mesures prises en faveur des personnes les plus démunies pour réduire le coût de certains services ne sont pas allées jusqu'à la gratuité.
Mais la situation est-elle comparable ? La logique des banques est diamétralement opposée. Chacun sait que ce seraient les clients les plus fortunés qui continueraient à bénéficier de la gratuité des chèques, pendant que les autres subiraient de plein fouet leur tarification.
Le coût de traitement des chèques.
Outre qu'il n'empêche pas les banques d'afficher des bénéfices importants, ce qui étonne lorsque l'on évoque le coût de traitement des chèques, c'est la constance des estimations.
Depuis une quinzaine d'années, c'est toujours le chiffre de 3 à 5 francs par chèque qui est avancé. Je note d'ailleurs que cette estimation est vivement contestée par certains bons connaisseurs du dossier qui évoquent un chiffre largement inférieur (moins de 1 franc par chèque). Voilà qui laisserait à penser que la transparence n'est pas la vertu cardinale des banques, sur ce dossier comme sur d'autres.
Peut-on vraiment croire que le traitement du chèque soit la seule opération bancaire qui n'ait pas vu son coût diminuer au cours des années, du fait de gains de productivité ou du simple amortissement des équipements utilisés ?
La mise en place de l'euro a été présentée comme conduisant inéluctablement à la remise en cause du " ni-ni ", comme s'il fallait traquer impitoyablement toutes les spécificités de notre pays.
Or, ne fait-on pas une confusion entre deux problèmes qui sont juridiquement distincts, entre l'interdiction de la rémunération des dépôts à vue, condamnée à brève échéance, et la tarification des chèques ?
Par ailleurs, il n'est pas évident que le droit communautaire s'oppose à ce que notre pays maintienne la gratuité des chèques et impose une telle règle aux banques étrangères qui y travaillent.
Des dérogations au principe de libre prestation de services restent, en effet, possibles si elles sont fondées sur des " dispositions légales d'intérêt général ", dispositions qui doivent avoir un caractère non discriminatoire, légitime et proportionné à l'objectif poursuivi. Or, jusqu'à présent, la Cour de justice des communautés européennes a admis des justifications tirées notamment de la protection des consommateurs. De plus, le chèque n'étant pas un moyen de paiement internationalement accepté, la Commission européenne a toujours affirmé que le problème de sa gratuité relevait des législations nationales.
Sur un plan économique, il est difficile de présager des réactions des banques et de leurs clients à la sortie du " ni-ni ".
Les consommateurs seront-ils vraiment demandeurs d'une telle rémunération, surtout si celle-ci doit s'accompagner en contrepartie du paiement des chèques ?
Les taux de rémunération qui seraient offerts sont trop faibles pour que cette rémunération dépasse quelques dizaines de francs chaque année pour la plupart des titulaires de compte.
Les banques sont-elles vraiment toutes prêtes à prendre le risque de mécontenter leur clientèle ?
Sans évoquer l'offre commerciale d'une grande banque britannique, on observera que le Crédit mutuel de Bretagne a récemment présenté un produit qu'elle destine à l'essentiel de sa clientèle et qui est fondé sur la gratuité totale de sa gestion et sur l'absence de rémunération.
Tous ces arguments militent pour que le législateur mette fin à ses hésitations et pour que l'Assemblée nationale adopte la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée par la commission des Finances.
(Source http://www.mdc-France.org, le 3 mai 2001)