Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, N. Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, secrétaire générale adjointe de l'UMP en charge des retraites. Je n'ai pas dit de bêtises ?
Non, tout y est.
Bonjour.
Bonjour.
Merci d'être avec nous ce matin. Est-ce qu'en matière de projet de retraite qui arrive au Sénat, on va en parler beaucoup, discussions, beaucoup en parler, est-ce que la contestation est terminée selon vous ?
Probablement pas. Et d'ailleurs il y a une nouvelle journée d'action syndicale qui est annoncée, mais le sujet reste entier.
Est-ce que vous croyez à un durcissement de ces manifestations, de cette contestation ?
Non. Je crois qu'il y a une certaine stabilité dans la contestation, qui est assez normale compte tenu de l'ampleur de la réforme qu'on propose. Ce n'est pas une réforme qui est faite...
Donc on est sur le fil quoi ! On tombe d'un côté ou de l'autre.
Non, on ne tombe pas, on est dans une situation de relative stabilité. Le Gouvernement propose une réforme très forte, parce qu'on a besoin d'une réforme très forte, et forcément c'est une réforme qui ne fait pas que plaisir, c'est normal. Quand on vous dit que vous allez travailler 2 ans de plus, ça ne vous fait pas que plaisir. C'est assez logique.
Donc vous comprenez qu'on aille manifester.
Ce que je crois aussi c'est que les Français comprennent qu'on fasse cette réforme. Et d'ailleurs c'est ce que montrent finalement tous les sondages... vous êtes content, vous n'êtes pas content...
Mais est-ce que vous comprenez les manifestations ? Est-ce que vous comprenez que ça dure ?
Mais quand vous demandez aux gens : vous travaillez jusqu'à 60 ans, il va falloir travailler jusqu'à 62 ans, est-ce que ça vous fait exploser de joie ? Vous avez peu de gens qui répondent oui. Maintenant...
Surtout quand on doit prendre et toucher sa retraite pleine à 67 ans !
Laissez-moi finir. Maintenant, quand vous dites aux gens - c'est faux ce que vous venez de dire, je vais revenir dessus...
Ah bon ? On va y revenir.
Quand vous dites aux gens : on travaille beaucoup plus longtemps, on est dans un système par répartition dans lequel les actifs payent pour les retraités, est-ce que vous comprenez qu'il va falloir travailler un peu plus longtemps pour continuer à bénéficier de ce système, auquel nous sommes tous attachés ? Les Français répondent, dans leur majorité : oui, on comprend les nécessités de la réforme. Ce n'est pas schizophrène. Les Français ne sont pas schizophrènes, ils sont juste normaux. On n'a pas très envie de travailler 2 ans de plus, mais en même temps on sait bien qu'il va falloir le faire, parce qu'on vit plus longtemps, et ça c'est une très bonne nouvelle.
On va revenir sur le fond.
Je reviens sur ce que vous dites. La retraite à taux plein, aujourd'hui elle est à 60 ans, et elle va passer à 62 ans. 65, puis 67, c'est l'âge auquel on peut partir sans décote, quel que soit le nombre de semestres travaillés. Ça n'a rien à voir...
Avec une pension à taux plein.
Sans décote...
Oui, sans décote.
Mais la plupart des Français ils partent à 60, ils partiront à 62. Donc quand on dit : mais la retraite à taux plein va être à 67, ce n'est pas le cas.
...Pas la plupart, enfin ceux qui ont commencé à travailler très tôt.
La règle générale c'était 60, ça va devenir 62.
Oui, enfin ceux qui ont commencé à travailler très tôt.
Ou qui ont racheté des trimestres, il y a plein de moyens.
Calculez : 41 ans + 20 ans, 22.
Donc, qui ont racheté des trimestres, parce qu'il y a des possibilités de racheter des trimestres.
Oui, enfin ! N. Kosciusko-Morizet, ce matin j'avais en ligne un sénateur UMP, qui s'appelle A. Fouché, qui est sénateur de la Vienne, qui nous disait : « si la retraite à taux plein ne revient pas à 65 ans, je ne voterai pas le texte. » Voilà ce qu'il a dit. Sénateur UMP. Qu'est-ce que vous lui dites ?
Je veux revenir sur cette expression de taux plein. Le taux plein, l'âge de départ à la retraite, c'était 60, ça va devenir 62, et tout le monde en comprend bien la nécessité. On vit quand même beaucoup plus longtemps qu'au début des années 80. Il faut en quelque sorte partager ce temps en plus, sinon on ne réussira pas à maintenir les équilibres du régime par répartition. Maintenant, 65, c'est l'âge où on peut partir sans décote. C'est assez normal de le décaler de 2 ans, si on décale l'âge de 60 ans de 2 ans vers 62 ans. C'est assez logique.
Donc vous dites « non » à ces sénateurs qui demandent que l'on garde...
On ne peut pas revenir à une règle générale, rester sur une règle générale qui est la retraite sans décote ça reste 65 ans. En revanche, d'ores et déjà, dans le projet du Gouvernement, ça reste le cas pour certaines personnes. Par exemple les personnes qui bénéficient du minimum vieillesse, aujourd'hui on dit des choses très fausses dans les médias à ce sujet. On dit : ah mais les personnes qui ont eu beaucoup de mal et qui sont au minimum vieillesse, qui sont en situation de grande difficulté, elles pouvaient partir à 65 ans avec le minimum vieillesse, maintenant elles pourront partir à 67. C'est faux. Pour le minimum vieillesse, c'est maintenu à 65 ans.
Mais ça personne n'a jamais dit ça !
Ah ben si, si si, on lit...
Vous le lisez, bon !
Parce qu'il y a cette idée qu'il y a un décalage général de l'âge de départ sans décote de 65 à 67, c'est faux. Pour un certain nombre de situations, l'âge de 65 ans est maintenu. Simplement il ne peut pas être maintenu pour toutes les situations, parce que la réforme on ne la fait pas pour le plaisir, on la fait pour retrouver les équilibres à un système auquel nous sommes tous attachés. Ce serait plus facile de ne pas la faire.
Est-ce que cette réforme est juste ? Vous allez me dire oui.
On met tout en oeuvre pour qu'elle soit juste. Regardez tous les dispositifs qui ont été mis en oeuvre pour s'adapter aux situations particulières. Le dispositif carrières longues, pour prendre en compte la spécificité des gens qui ont commencé à travailler à 14, 15, 16 et 17 ans, parce qu'on étend un dispositif que la gauche n'a jamais voté.
Vous l'étendez, 14, 15, 16, c'était déjà fait
On l'étend à 17 ans. Le dispositif, qui est quand même très important, pour la pénibilité, qui n'a pas d'équivalent dans les autres pays européens, de dire : dans certains types de métiers c'est dur, il faut pouvoir continuer à partir un peu en avance sur le régime général. Le dispositif de pénibilité qui a été étendu à l'Assemblée nationale. Il devait toucher les personnes qui sont atteintes de 20% d'invalidité, ça pourrait concerner à partir de 10% d'invalidité. Tout ça c'est des dispositifs qui permettent de prendre en compte en fait des parcours, un peu particuliers mais néanmoins nombreux, pour pouvoir justement avoir une réforme juste, mais néanmoins efficace. Et je finis par là, l'efficacité elle est au service des plus fragiles. Parce que vous savez, s'il n'y a plus de régime par répartition, ceux qui ont des moyens, ils se feront de la capitalisation, et c'est les autres qui en souffriront.
Alors, N. Kosciusko-Morizet, parlons des femmes. Ça vous tient à coeur, j'imagine. Parlons des femmes.
Oui, c'est même assez personnel.
Ça va évoluer au Sénat. Sur quels points le Gouvernement va-t-il faire évoluer le texte ? Pour la retraite des femmes.
D'abord, pour bien pouvoir attaquer le sujet, il faut le regarder en face dans sa vérité. Pendant très longtemps, le problème pour les femmes, ça a été la durée de cotisations, parce que vous aviez un travail caché des femmes, notamment dans l'artisanat, ce genre de job-là, vous aviez beaucoup de femmes qui avaient des carrières très hachées, qui s'arrêtaient ; vous n'aviez pas les mêmes compensations qu'aujourd'hui, pour les périodes de maternité... Bref, vous aviez des femmes qui avaient en moyenne vraiment beaucoup moins de durée de cotisations que les hommes. Cette différence existe encore, et il faut la prendre en compte par divers dispositifs, et on peut peut-être la prendre en compte mieux, mais elle existe encore. Mais elle est en train de se réduire très très vite. Bientôt, les femmes auront la même durée de cotisation que les hommes, surtout quand on intègre...
Même celles qui travaillent à temps partiel ?
Surtout quand intègre les 2 ans par enfant.
Même celles qui ont des enfants durant leur carrière ?
Surtout quand on intègre les 2 ans de bonification par enfant...
Même celles qui changent 5, 6 ou 7 fois de métier ?
Quand vous regardez les chiffres, les femmes qui aujourd'hui ont 45, 50, 55 ans, elles auront, en moyenne, la même durée de cotisation que les hommes. En revanche, là où elles sont très fortement discriminées, c'est sur le niveau de leur salaire.
Bien sûr.
Parce qu'elles auront une durée de cotisations qui est en moyenne la même que les hommes, simplement, en effet, entre les maternités, qui sont malheureusement toujours un motif de discrimination dans le monde du travail et dans le salariat - et en fait il n'y a pas que les maternités, il y a aussi le regard... Parce que dès la sortie d'école, il y a de la discrimination salariale, on le voit bien avec certains diplômes. Quand on regarde les tarifs d'embauche, on voit bien que les femmes sont...
J'entends ça depuis. Pardon, la parité, ça fait 30 ans que j'entends les politiques me parler de cela, qu'ils soient de droite ou de gauche N. Kosciusko-Morizet.
Je finis J.-J. Bourdin. Il faut donc s'attaquer...
Pardon, je vais vous poser une question précise, sur les femmes justement, et sur ce que vous prévoyez dans votre réforme. A propos des femmes, et du salaire des femmes, vous prévoyez de sanctionner les entreprises qui mettront en place un plan.
Non, qui ne mettront pas en place un plan.
Ah bon ?
On prévoit de sanctionner les entreprises qui n'ont pas d'action sur la réduction de l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Pourquoi ?
C'est-à-dire qui vont mettre en place un plan.
Je reviens à ce que je dis.
Qui vont mettre en place un plan.
Je reviens à ce que je dis.
Un plan d'action.
Laissez-moi finir.
Mais un plan d'action, N. Kosciusko-Morizet, les entreprises vont... Mais attendez ! Un plan d'action ça ne veut pas dire que le salaire des femmes sera...
J.-J. Bourdin, pendant des années... Non mais j'adore quand on fait ce que vous êtes en train de faire, surtout les hommes quand ils font ça. Pendant des années...
Quoi ?
...On a pleuré comme la bergère, sur les femmes et les malheureuses, c'est trop dur etc. Et puis on n'a rien fait sur la réduction de l'inégalité salariale homme/femme. Là, ce qui est prévu dans le projet de loi, c'est une sanction pour les entreprises qui ne font pas le boulot.
Qu'est-ce que vous avez fait ?
Vous pouvez trouver que c'est insuffisant. Moi je trouverai toujours que c'est insuffisant, parce que je trouve que la différence de salaire entre les hommes et les femmes est un grand scandale et un grand motif d'hypocrisie.
La sanction est prévue pour les entreprises qui ne mettront pas en place un plan.
Mais c'est sanction sur les entreprises qui ne font rien.
Ce n'est pas tout à fait pareil, pardon.
C'est la première fois qu'il y a une sanction financière pour les entreprises qui ne font rien pour réduire l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Non ce n'est pas rien. Qu'on s'aventure dans la direction...
Est-ce que vous avez pensé aux femmes dans cette réforme des retraites, sincèrement ?
Dans la direction des sanctions financières, et je reviens à ce que je vous disais...
Les rapporteurs sont des hommes, le Premier ministre est un homme, le président de la République est un homme, le ministre qui s'occupe des retraites est un homme.
Ça c'est un autre sujet J.-J. Bourdin. Vous aussi vous êtes un homme.
Oui, non mais d'accord. Mais est-ce qu'on a vraiment pensé aux femmes ?
Et à la tête de votre radio il y a qui ? Il y a des hommes ou des femmes ? Parlez-nous-en. Que des hommes.
Oui, N. Kosciusko-Morizet, mais nous on n'est pas au pouvoir.
C'est pour ça que j'adore quand les hommes nous font pleurer...
Nous on n'est pas au pouvoir, c'est vous qui décidez, ce n'est pas moi.
C'est nous ! C'est nous les femmes ? Non, on n'est pas au pouvoir, vous êtes au pouvoir les hommes.
Oui, vous êtes, vous, au pouvoir.
Alors je vous explique le problème.
Dites cela à vos partenaires.
Je vous explique le problème. Il y a beaucoup d'hypocrisie, en ce moment dans les médias, à expliquer que le problème c'est la durée de cotisations. Il y a un problème de durée de cotisation des femmes, mais c'est quelque chose qui est en train de se résorber. Et si on s'occupe que du problème de la durée de cotisation, comme on le fait à travers différents dispositifs, on ne résout pas le problème de fond. Le problème de fond c'est l'inégalité salariale. Le problème de fond c'est l'inégalité tout au long de la carrière. Elle se retrouve dans la retraite, mais elle se retrouvera toujours dans la retraite si on ne prend pas le mal à la racine. Et pour la première fois, ce projet de loi - vous pouvez trouver que c'est insuffisant, moi je voudrais toujours qu'on aille plus loin, mais pour la première fois ce projet de loi - il propose une sanction financière pour les entreprises qui ne font pas le travail, sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Encore une fois, oui, pour les entreprises qui ne mettent pas en place un plan d'égalité salariale, oui.
Vous savez que ça ne s'était jamais fait une sanction financière sur ce sujet !
Qui ne mettent pas en place un plan d'égalité salariale, oui.
Mais enfin une sanction financière...
Donc je suis une entreprise, je mets en place un plan et puis voilà !
Vous préférez la situation d'avant ?
J'évite la sanction... mais pourquoi ne pas aller plus loin ?
Jean-Jacques, vous préférez la situation d'avant ?
Mais pourquoi ne pas être allé plus loin alors ?
On avance par pas. Regardez ce qui se passe dans votre radio. Vous êtes allé très loin sur l'égalité homme/femme ?
Ici, à travail égal, salaire égal, N. Kosciusko-Morizet.
Oui, mais il n'y a pas de travail égal, vous le dites vous-même, parce que quand on monte, des femmes il y en a de moins en moins, comme si l'air se raréfiait. Eh oui ! ?! Eh oui.
Alors là, N. Kosciusko-Morizet, je ne vais pas entrer dans le débat hommes/femmes, et surtout pas prendre l'exemple de la politique, parce que s'il y a un exemple à ne pas suivre, c'est bien celui du monde politique, et à l'UMP en particulier, vous le savez très bien N. Kosciusko-Morizet.
Je vais vous dire, la politique est un très mauvais exemple pour l'égalité entre les hommes et les femmes, ceci dit ce n'est pas le seul mauvais exemple.
Non, oh non !
Et moi je trouve qu'à force de trop se focaliser sur la question de la parité en politique, on oublie de parler de la situation des femmes dans tous les milieux, et notamment dans les milieux populaires
Je suis content de l'entendre dire...
...dans lesquels je trouve qu'on vit en ce moment un retour du machisme, et un retour à un certain type de sexisme. Et je l'observe dans mes écoles à Longjumeau, ça me frappe beaucoup...
C'est vrai ?
Oui. Il y a un retour, y compris chez les enfants, un type de comportement très sexué, de séparation des sexes...
Mais vous dites cela au Premier ministre, au président de la République ?
Bien sûr.
Et alors ? Qu'est-ce qui change ? Rien.
C'est la première fois qu'on a une sanction financière à l'égard des entreprises qui ne font rien pour l'égalité salariale.
Alors une femme Premier ministre ?
Mais ce n'est pas avec un exemple qu'on change le problème, vous le savez bien, c'est absurde.
Je sais. A tout de suite... (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 octobre 2010
Non, tout y est.
Bonjour.
Bonjour.
Merci d'être avec nous ce matin. Est-ce qu'en matière de projet de retraite qui arrive au Sénat, on va en parler beaucoup, discussions, beaucoup en parler, est-ce que la contestation est terminée selon vous ?
Probablement pas. Et d'ailleurs il y a une nouvelle journée d'action syndicale qui est annoncée, mais le sujet reste entier.
Est-ce que vous croyez à un durcissement de ces manifestations, de cette contestation ?
Non. Je crois qu'il y a une certaine stabilité dans la contestation, qui est assez normale compte tenu de l'ampleur de la réforme qu'on propose. Ce n'est pas une réforme qui est faite...
Donc on est sur le fil quoi ! On tombe d'un côté ou de l'autre.
Non, on ne tombe pas, on est dans une situation de relative stabilité. Le Gouvernement propose une réforme très forte, parce qu'on a besoin d'une réforme très forte, et forcément c'est une réforme qui ne fait pas que plaisir, c'est normal. Quand on vous dit que vous allez travailler 2 ans de plus, ça ne vous fait pas que plaisir. C'est assez logique.
Donc vous comprenez qu'on aille manifester.
Ce que je crois aussi c'est que les Français comprennent qu'on fasse cette réforme. Et d'ailleurs c'est ce que montrent finalement tous les sondages... vous êtes content, vous n'êtes pas content...
Mais est-ce que vous comprenez les manifestations ? Est-ce que vous comprenez que ça dure ?
Mais quand vous demandez aux gens : vous travaillez jusqu'à 60 ans, il va falloir travailler jusqu'à 62 ans, est-ce que ça vous fait exploser de joie ? Vous avez peu de gens qui répondent oui. Maintenant...
Surtout quand on doit prendre et toucher sa retraite pleine à 67 ans !
Laissez-moi finir. Maintenant, quand vous dites aux gens - c'est faux ce que vous venez de dire, je vais revenir dessus...
Ah bon ? On va y revenir.
Quand vous dites aux gens : on travaille beaucoup plus longtemps, on est dans un système par répartition dans lequel les actifs payent pour les retraités, est-ce que vous comprenez qu'il va falloir travailler un peu plus longtemps pour continuer à bénéficier de ce système, auquel nous sommes tous attachés ? Les Français répondent, dans leur majorité : oui, on comprend les nécessités de la réforme. Ce n'est pas schizophrène. Les Français ne sont pas schizophrènes, ils sont juste normaux. On n'a pas très envie de travailler 2 ans de plus, mais en même temps on sait bien qu'il va falloir le faire, parce qu'on vit plus longtemps, et ça c'est une très bonne nouvelle.
On va revenir sur le fond.
Je reviens sur ce que vous dites. La retraite à taux plein, aujourd'hui elle est à 60 ans, et elle va passer à 62 ans. 65, puis 67, c'est l'âge auquel on peut partir sans décote, quel que soit le nombre de semestres travaillés. Ça n'a rien à voir...
Avec une pension à taux plein.
Sans décote...
Oui, sans décote.
Mais la plupart des Français ils partent à 60, ils partiront à 62. Donc quand on dit : mais la retraite à taux plein va être à 67, ce n'est pas le cas.
...Pas la plupart, enfin ceux qui ont commencé à travailler très tôt.
La règle générale c'était 60, ça va devenir 62.
Oui, enfin ceux qui ont commencé à travailler très tôt.
Ou qui ont racheté des trimestres, il y a plein de moyens.
Calculez : 41 ans + 20 ans, 22.
Donc, qui ont racheté des trimestres, parce qu'il y a des possibilités de racheter des trimestres.
Oui, enfin ! N. Kosciusko-Morizet, ce matin j'avais en ligne un sénateur UMP, qui s'appelle A. Fouché, qui est sénateur de la Vienne, qui nous disait : « si la retraite à taux plein ne revient pas à 65 ans, je ne voterai pas le texte. » Voilà ce qu'il a dit. Sénateur UMP. Qu'est-ce que vous lui dites ?
Je veux revenir sur cette expression de taux plein. Le taux plein, l'âge de départ à la retraite, c'était 60, ça va devenir 62, et tout le monde en comprend bien la nécessité. On vit quand même beaucoup plus longtemps qu'au début des années 80. Il faut en quelque sorte partager ce temps en plus, sinon on ne réussira pas à maintenir les équilibres du régime par répartition. Maintenant, 65, c'est l'âge où on peut partir sans décote. C'est assez normal de le décaler de 2 ans, si on décale l'âge de 60 ans de 2 ans vers 62 ans. C'est assez logique.
Donc vous dites « non » à ces sénateurs qui demandent que l'on garde...
On ne peut pas revenir à une règle générale, rester sur une règle générale qui est la retraite sans décote ça reste 65 ans. En revanche, d'ores et déjà, dans le projet du Gouvernement, ça reste le cas pour certaines personnes. Par exemple les personnes qui bénéficient du minimum vieillesse, aujourd'hui on dit des choses très fausses dans les médias à ce sujet. On dit : ah mais les personnes qui ont eu beaucoup de mal et qui sont au minimum vieillesse, qui sont en situation de grande difficulté, elles pouvaient partir à 65 ans avec le minimum vieillesse, maintenant elles pourront partir à 67. C'est faux. Pour le minimum vieillesse, c'est maintenu à 65 ans.
Mais ça personne n'a jamais dit ça !
Ah ben si, si si, on lit...
Vous le lisez, bon !
Parce qu'il y a cette idée qu'il y a un décalage général de l'âge de départ sans décote de 65 à 67, c'est faux. Pour un certain nombre de situations, l'âge de 65 ans est maintenu. Simplement il ne peut pas être maintenu pour toutes les situations, parce que la réforme on ne la fait pas pour le plaisir, on la fait pour retrouver les équilibres à un système auquel nous sommes tous attachés. Ce serait plus facile de ne pas la faire.
Est-ce que cette réforme est juste ? Vous allez me dire oui.
On met tout en oeuvre pour qu'elle soit juste. Regardez tous les dispositifs qui ont été mis en oeuvre pour s'adapter aux situations particulières. Le dispositif carrières longues, pour prendre en compte la spécificité des gens qui ont commencé à travailler à 14, 15, 16 et 17 ans, parce qu'on étend un dispositif que la gauche n'a jamais voté.
Vous l'étendez, 14, 15, 16, c'était déjà fait
On l'étend à 17 ans. Le dispositif, qui est quand même très important, pour la pénibilité, qui n'a pas d'équivalent dans les autres pays européens, de dire : dans certains types de métiers c'est dur, il faut pouvoir continuer à partir un peu en avance sur le régime général. Le dispositif de pénibilité qui a été étendu à l'Assemblée nationale. Il devait toucher les personnes qui sont atteintes de 20% d'invalidité, ça pourrait concerner à partir de 10% d'invalidité. Tout ça c'est des dispositifs qui permettent de prendre en compte en fait des parcours, un peu particuliers mais néanmoins nombreux, pour pouvoir justement avoir une réforme juste, mais néanmoins efficace. Et je finis par là, l'efficacité elle est au service des plus fragiles. Parce que vous savez, s'il n'y a plus de régime par répartition, ceux qui ont des moyens, ils se feront de la capitalisation, et c'est les autres qui en souffriront.
Alors, N. Kosciusko-Morizet, parlons des femmes. Ça vous tient à coeur, j'imagine. Parlons des femmes.
Oui, c'est même assez personnel.
Ça va évoluer au Sénat. Sur quels points le Gouvernement va-t-il faire évoluer le texte ? Pour la retraite des femmes.
D'abord, pour bien pouvoir attaquer le sujet, il faut le regarder en face dans sa vérité. Pendant très longtemps, le problème pour les femmes, ça a été la durée de cotisations, parce que vous aviez un travail caché des femmes, notamment dans l'artisanat, ce genre de job-là, vous aviez beaucoup de femmes qui avaient des carrières très hachées, qui s'arrêtaient ; vous n'aviez pas les mêmes compensations qu'aujourd'hui, pour les périodes de maternité... Bref, vous aviez des femmes qui avaient en moyenne vraiment beaucoup moins de durée de cotisations que les hommes. Cette différence existe encore, et il faut la prendre en compte par divers dispositifs, et on peut peut-être la prendre en compte mieux, mais elle existe encore. Mais elle est en train de se réduire très très vite. Bientôt, les femmes auront la même durée de cotisation que les hommes, surtout quand on intègre...
Même celles qui travaillent à temps partiel ?
Surtout quand intègre les 2 ans par enfant.
Même celles qui ont des enfants durant leur carrière ?
Surtout quand on intègre les 2 ans de bonification par enfant...
Même celles qui changent 5, 6 ou 7 fois de métier ?
Quand vous regardez les chiffres, les femmes qui aujourd'hui ont 45, 50, 55 ans, elles auront, en moyenne, la même durée de cotisation que les hommes. En revanche, là où elles sont très fortement discriminées, c'est sur le niveau de leur salaire.
Bien sûr.
Parce qu'elles auront une durée de cotisations qui est en moyenne la même que les hommes, simplement, en effet, entre les maternités, qui sont malheureusement toujours un motif de discrimination dans le monde du travail et dans le salariat - et en fait il n'y a pas que les maternités, il y a aussi le regard... Parce que dès la sortie d'école, il y a de la discrimination salariale, on le voit bien avec certains diplômes. Quand on regarde les tarifs d'embauche, on voit bien que les femmes sont...
J'entends ça depuis. Pardon, la parité, ça fait 30 ans que j'entends les politiques me parler de cela, qu'ils soient de droite ou de gauche N. Kosciusko-Morizet.
Je finis J.-J. Bourdin. Il faut donc s'attaquer...
Pardon, je vais vous poser une question précise, sur les femmes justement, et sur ce que vous prévoyez dans votre réforme. A propos des femmes, et du salaire des femmes, vous prévoyez de sanctionner les entreprises qui mettront en place un plan.
Non, qui ne mettront pas en place un plan.
Ah bon ?
On prévoit de sanctionner les entreprises qui n'ont pas d'action sur la réduction de l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Pourquoi ?
C'est-à-dire qui vont mettre en place un plan.
Je reviens à ce que je dis.
Qui vont mettre en place un plan.
Je reviens à ce que je dis.
Un plan d'action.
Laissez-moi finir.
Mais un plan d'action, N. Kosciusko-Morizet, les entreprises vont... Mais attendez ! Un plan d'action ça ne veut pas dire que le salaire des femmes sera...
J.-J. Bourdin, pendant des années... Non mais j'adore quand on fait ce que vous êtes en train de faire, surtout les hommes quand ils font ça. Pendant des années...
Quoi ?
...On a pleuré comme la bergère, sur les femmes et les malheureuses, c'est trop dur etc. Et puis on n'a rien fait sur la réduction de l'inégalité salariale homme/femme. Là, ce qui est prévu dans le projet de loi, c'est une sanction pour les entreprises qui ne font pas le boulot.
Qu'est-ce que vous avez fait ?
Vous pouvez trouver que c'est insuffisant. Moi je trouverai toujours que c'est insuffisant, parce que je trouve que la différence de salaire entre les hommes et les femmes est un grand scandale et un grand motif d'hypocrisie.
La sanction est prévue pour les entreprises qui ne mettront pas en place un plan.
Mais c'est sanction sur les entreprises qui ne font rien.
Ce n'est pas tout à fait pareil, pardon.
C'est la première fois qu'il y a une sanction financière pour les entreprises qui ne font rien pour réduire l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Non ce n'est pas rien. Qu'on s'aventure dans la direction...
Est-ce que vous avez pensé aux femmes dans cette réforme des retraites, sincèrement ?
Dans la direction des sanctions financières, et je reviens à ce que je vous disais...
Les rapporteurs sont des hommes, le Premier ministre est un homme, le président de la République est un homme, le ministre qui s'occupe des retraites est un homme.
Ça c'est un autre sujet J.-J. Bourdin. Vous aussi vous êtes un homme.
Oui, non mais d'accord. Mais est-ce qu'on a vraiment pensé aux femmes ?
Et à la tête de votre radio il y a qui ? Il y a des hommes ou des femmes ? Parlez-nous-en. Que des hommes.
Oui, N. Kosciusko-Morizet, mais nous on n'est pas au pouvoir.
C'est pour ça que j'adore quand les hommes nous font pleurer...
Nous on n'est pas au pouvoir, c'est vous qui décidez, ce n'est pas moi.
C'est nous ! C'est nous les femmes ? Non, on n'est pas au pouvoir, vous êtes au pouvoir les hommes.
Oui, vous êtes, vous, au pouvoir.
Alors je vous explique le problème.
Dites cela à vos partenaires.
Je vous explique le problème. Il y a beaucoup d'hypocrisie, en ce moment dans les médias, à expliquer que le problème c'est la durée de cotisations. Il y a un problème de durée de cotisation des femmes, mais c'est quelque chose qui est en train de se résorber. Et si on s'occupe que du problème de la durée de cotisation, comme on le fait à travers différents dispositifs, on ne résout pas le problème de fond. Le problème de fond c'est l'inégalité salariale. Le problème de fond c'est l'inégalité tout au long de la carrière. Elle se retrouve dans la retraite, mais elle se retrouvera toujours dans la retraite si on ne prend pas le mal à la racine. Et pour la première fois, ce projet de loi - vous pouvez trouver que c'est insuffisant, moi je voudrais toujours qu'on aille plus loin, mais pour la première fois ce projet de loi - il propose une sanction financière pour les entreprises qui ne font pas le travail, sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Encore une fois, oui, pour les entreprises qui ne mettent pas en place un plan d'égalité salariale, oui.
Vous savez que ça ne s'était jamais fait une sanction financière sur ce sujet !
Qui ne mettent pas en place un plan d'égalité salariale, oui.
Mais enfin une sanction financière...
Donc je suis une entreprise, je mets en place un plan et puis voilà !
Vous préférez la situation d'avant ?
J'évite la sanction... mais pourquoi ne pas aller plus loin ?
Jean-Jacques, vous préférez la situation d'avant ?
Mais pourquoi ne pas être allé plus loin alors ?
On avance par pas. Regardez ce qui se passe dans votre radio. Vous êtes allé très loin sur l'égalité homme/femme ?
Ici, à travail égal, salaire égal, N. Kosciusko-Morizet.
Oui, mais il n'y a pas de travail égal, vous le dites vous-même, parce que quand on monte, des femmes il y en a de moins en moins, comme si l'air se raréfiait. Eh oui ! ?! Eh oui.
Alors là, N. Kosciusko-Morizet, je ne vais pas entrer dans le débat hommes/femmes, et surtout pas prendre l'exemple de la politique, parce que s'il y a un exemple à ne pas suivre, c'est bien celui du monde politique, et à l'UMP en particulier, vous le savez très bien N. Kosciusko-Morizet.
Je vais vous dire, la politique est un très mauvais exemple pour l'égalité entre les hommes et les femmes, ceci dit ce n'est pas le seul mauvais exemple.
Non, oh non !
Et moi je trouve qu'à force de trop se focaliser sur la question de la parité en politique, on oublie de parler de la situation des femmes dans tous les milieux, et notamment dans les milieux populaires
Je suis content de l'entendre dire...
...dans lesquels je trouve qu'on vit en ce moment un retour du machisme, et un retour à un certain type de sexisme. Et je l'observe dans mes écoles à Longjumeau, ça me frappe beaucoup...
C'est vrai ?
Oui. Il y a un retour, y compris chez les enfants, un type de comportement très sexué, de séparation des sexes...
Mais vous dites cela au Premier ministre, au président de la République ?
Bien sûr.
Et alors ? Qu'est-ce qui change ? Rien.
C'est la première fois qu'on a une sanction financière à l'égard des entreprises qui ne font rien pour l'égalité salariale.
Alors une femme Premier ministre ?
Mais ce n'est pas avec un exemple qu'on change le problème, vous le savez bien, c'est absurde.
Je sais. A tout de suite... (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 octobre 2010