Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Nous sommes nombreux à souhaiter ardemment la réforme de l'Etat. Avec parfois quelques arrières-pensées, certains confondant réforme et cure d'amaigrissement forcé. Avec aussi plus ou moins d'optimisme : dans ce domaine plus encore que dans d'autres, les doutes font florès. Pour ma part, j'ai souvent développé l'idée selon laquelle la réforme de l'Etat n'est pas un grand soir, l'an I d'un nouvel Etat que tout différencierait du précédent, mais un processus permanent d'adaptation des administrations aux besoins exprimés par nos concitoyens.
La réforme de l'ordonnance de 1959 que nous discutons aujourd'hui est un élément clé de ce processus permanent d'adaptation de l'Etat. Il répond à deux attentes de nature différente :
La première, exprimée par nombre de nos concitoyens, est celle de plus de transparence
- transparence des objectifs, transparence des moyens, transparence des compte-rendus et des résultats. Combien telle ou telle politique publique coûte-t-elle au contribuable ? Qu'apporte-t-elle à la collectivité ? Par quels moyens pourrait-elle coûter moins cher et apporter davantage ?
La seconde attente est exprimée, avec presque autant de force, par les agents de l'Etat : ils demandent davantage d'autonomie, davantage de responsabilité, en contrepartie d'une évaluation plus fine et plus systématique des résultats obtenus.
C'est pourquoi je suis heureux de voir aujourd'hui cet élément clé de la réforme de l'Etat qu'est la modernisation des procédures budgétaires et comptables en passe d'aboutir.
Je parlais à l'instant des doutes qui s'expriment dès qu'il s'agit de réforme de l'Etat ; certains commentateurs ont cru que la proposition de loi déposée le 13 juillet 2000 par M. Didier MIGAUD ne serait que la 36ème tentative avortée de réforme d'un texte considéré comme tellement vénérable qu'il en paraissait inamendable ? Mais les faits sont là : le Sénat et l'Assemblée nationale ont normalement et presque tranquillement poursuivi, depuis juillet dernier, leur travail sur ce texte, jusqu'au débat d'aujourd'hui.
Je souhaite à cette occasion souligner la qualité du travail qui a été réalisé par la commission des finances du Sénat. Je tiens à remercier particulièrement Monsieur le Président LAMBERT de la qualité des échanges que nous avons pu avoir.
La sérénité de nos échanges ne doit pas pour autant faire illusion : nous ne sommes pas en train de discuter d'une réforme anodine, d'un texte appelé à être modifié fréquemment dans les années à venir. Nous sommes en train d'écrire un texte sur le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement, sur l'autonomie, la responsabilité des gestionnaires de crédits, un texte conçu pour faire date et pour durer, même si on ne peut ni lui prédire, ni même lui souhaiter une durée de vie égale à celle de la précédente ordonnance de 59.
Précisément parce qu'il est conçu pour durer, ce texte doit prendre garde à ne pas encadrer de façon trop stricte le vote des lois de finances dans les prochaines décennies : les règles que nous discutons aujourd'hui doivent être suffisamment larges et souples pour permettre au Parlement de voter des lois de finances adaptées à l'évolution du temps. Nous discutons une nouvelle constitution financière de l'Etat - un texte qui tracera la voie d'une gestion publique modernisée pendant de très nombreux exercices budgétaires. Dans ces conditions, il serait très dommageable que le constituant financier d'aujourd'hui ligote le législateur budgétaire de demain.
Parce que nous discutons aujourd'hui d'une réforme majeure, vous avez prévu, de même d'ailleurs que l'Assemblée Nationale, un délai de mise en uvre long, inédit pour un texte organique. Ce délai n'est pas trop long, car le travail de préparation de l'administration d'ici le début de l'année 2005 est chargé.
Les élus locaux -et j'en fais partie- sont bien placés pour savoir que ce type de réforme ne se décrète pas du jour au lendemain : la réforme des règles comptables et budgétaires de nos communes, à travers la mise en uvre de l'instruction M 14, a pris près de 10 ans, entre les premières esquisses et la mise en uvre effective, dans toutes les collectivités, des nouvelles règles.
Fort de cette expérience, le gouvernement n'a pas attendu pour réfléchir aux conséquences de la réforme sur le travail des administrations. Ainsi, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier a mis en place 8 groupes de travail thématiques destinés à la préparation des administrations à la réforme. La structure de pilotage interministérielle qui chapeaute ces travaux rendra ses conclusions au début de l'été : elle définira avec précision la méthode à suivre pour mettre en uvre la réforme budgétaire et comptable. D'ores et déjà, chaque administration travaille, sous mon autorité et celle de mon collègue Laurent Fabius, à sa préparation.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Vous avez entre les mains une clé essentielle de la réforme de l'Etat. S'agissant de la définition des programmes, l'association à chacun d'entre-eux d'objectifs précis et d'indicateurs qui en mesurent les résultats me semble être, comme la commission des finances le propose, de nature à clarifier la notion de gestion par objectifs. S'agissant de la fongibilité des crédits, il faut veiller à ce que celle-ci soit effective et que les virements entre titres d'un même programme soient du ressort des seuls gestionnaires, sans intervention réglementaire : les décrets de répartition devraient donc, à mon sens, répartir les crédits entre programmes, mais pas entre titres. S'agissant de la pluriannualité de l'autorisation budgétaire, il me semble important, comme la commission des finances le propose, de permettre de façon souple les reports de crédits.
Chacun d'entre nous sait, fort de son expérience de gestion municipale, que le vote des crédits par programme, que la fongibilité des crédits, que la possibilité large de voir ses crédits reportés d'un exercice budgétaire à l'autre, ont considérablement amélioré et modernisé la gestion de nos collectivités. Ils nous ont fait toucher du doigt le caractère fondamental du lien qui unit, en gestion publique, la responsabilité du gestionnaire de crédits et son autonomie. La réforme de l'ordonnance de 1959 a cet objectif : rendre plus autonome le gestionnaire et redéfinir une nouvelle chaîne de contrôle et de maîtrise de la dépense qui permette une mise en jeu des responsabilités de chacun.
La réforme qui s'engage n'a ni pour objet ni pour effet de déposséder le Parlement de son pouvoir historique et fondateur de contrôle sur les finances de l'Etat. J'en suis persuadé, la modernisation de la gestion publique ne peut progresser qu'en développant et en rénovant les capacités de contrôle du Parlement sur l'action de l'Etat. Avec la réforme de l'ordonnance de 1959, nous renforçons le contrôle démocratique sur le budget de l'Etat.
En conduisant cette réforme, le Parlement se trouve dans son rôle historique, celui de voter l'impôt, d'approuver le budget, et de contrôler l'exécution de la dépense. En se saisissant de cette réforme, le Sénat s'inscrit dans cette tradition démocratique et forge aussi une des clefs de la réforme de l'Etat. D'avance, je vous en remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 8 juin 2001)
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Nous sommes nombreux à souhaiter ardemment la réforme de l'Etat. Avec parfois quelques arrières-pensées, certains confondant réforme et cure d'amaigrissement forcé. Avec aussi plus ou moins d'optimisme : dans ce domaine plus encore que dans d'autres, les doutes font florès. Pour ma part, j'ai souvent développé l'idée selon laquelle la réforme de l'Etat n'est pas un grand soir, l'an I d'un nouvel Etat que tout différencierait du précédent, mais un processus permanent d'adaptation des administrations aux besoins exprimés par nos concitoyens.
La réforme de l'ordonnance de 1959 que nous discutons aujourd'hui est un élément clé de ce processus permanent d'adaptation de l'Etat. Il répond à deux attentes de nature différente :
La première, exprimée par nombre de nos concitoyens, est celle de plus de transparence
- transparence des objectifs, transparence des moyens, transparence des compte-rendus et des résultats. Combien telle ou telle politique publique coûte-t-elle au contribuable ? Qu'apporte-t-elle à la collectivité ? Par quels moyens pourrait-elle coûter moins cher et apporter davantage ?
La seconde attente est exprimée, avec presque autant de force, par les agents de l'Etat : ils demandent davantage d'autonomie, davantage de responsabilité, en contrepartie d'une évaluation plus fine et plus systématique des résultats obtenus.
C'est pourquoi je suis heureux de voir aujourd'hui cet élément clé de la réforme de l'Etat qu'est la modernisation des procédures budgétaires et comptables en passe d'aboutir.
Je parlais à l'instant des doutes qui s'expriment dès qu'il s'agit de réforme de l'Etat ; certains commentateurs ont cru que la proposition de loi déposée le 13 juillet 2000 par M. Didier MIGAUD ne serait que la 36ème tentative avortée de réforme d'un texte considéré comme tellement vénérable qu'il en paraissait inamendable ? Mais les faits sont là : le Sénat et l'Assemblée nationale ont normalement et presque tranquillement poursuivi, depuis juillet dernier, leur travail sur ce texte, jusqu'au débat d'aujourd'hui.
Je souhaite à cette occasion souligner la qualité du travail qui a été réalisé par la commission des finances du Sénat. Je tiens à remercier particulièrement Monsieur le Président LAMBERT de la qualité des échanges que nous avons pu avoir.
La sérénité de nos échanges ne doit pas pour autant faire illusion : nous ne sommes pas en train de discuter d'une réforme anodine, d'un texte appelé à être modifié fréquemment dans les années à venir. Nous sommes en train d'écrire un texte sur le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement, sur l'autonomie, la responsabilité des gestionnaires de crédits, un texte conçu pour faire date et pour durer, même si on ne peut ni lui prédire, ni même lui souhaiter une durée de vie égale à celle de la précédente ordonnance de 59.
Précisément parce qu'il est conçu pour durer, ce texte doit prendre garde à ne pas encadrer de façon trop stricte le vote des lois de finances dans les prochaines décennies : les règles que nous discutons aujourd'hui doivent être suffisamment larges et souples pour permettre au Parlement de voter des lois de finances adaptées à l'évolution du temps. Nous discutons une nouvelle constitution financière de l'Etat - un texte qui tracera la voie d'une gestion publique modernisée pendant de très nombreux exercices budgétaires. Dans ces conditions, il serait très dommageable que le constituant financier d'aujourd'hui ligote le législateur budgétaire de demain.
Parce que nous discutons aujourd'hui d'une réforme majeure, vous avez prévu, de même d'ailleurs que l'Assemblée Nationale, un délai de mise en uvre long, inédit pour un texte organique. Ce délai n'est pas trop long, car le travail de préparation de l'administration d'ici le début de l'année 2005 est chargé.
Les élus locaux -et j'en fais partie- sont bien placés pour savoir que ce type de réforme ne se décrète pas du jour au lendemain : la réforme des règles comptables et budgétaires de nos communes, à travers la mise en uvre de l'instruction M 14, a pris près de 10 ans, entre les premières esquisses et la mise en uvre effective, dans toutes les collectivités, des nouvelles règles.
Fort de cette expérience, le gouvernement n'a pas attendu pour réfléchir aux conséquences de la réforme sur le travail des administrations. Ainsi, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier a mis en place 8 groupes de travail thématiques destinés à la préparation des administrations à la réforme. La structure de pilotage interministérielle qui chapeaute ces travaux rendra ses conclusions au début de l'été : elle définira avec précision la méthode à suivre pour mettre en uvre la réforme budgétaire et comptable. D'ores et déjà, chaque administration travaille, sous mon autorité et celle de mon collègue Laurent Fabius, à sa préparation.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Vous avez entre les mains une clé essentielle de la réforme de l'Etat. S'agissant de la définition des programmes, l'association à chacun d'entre-eux d'objectifs précis et d'indicateurs qui en mesurent les résultats me semble être, comme la commission des finances le propose, de nature à clarifier la notion de gestion par objectifs. S'agissant de la fongibilité des crédits, il faut veiller à ce que celle-ci soit effective et que les virements entre titres d'un même programme soient du ressort des seuls gestionnaires, sans intervention réglementaire : les décrets de répartition devraient donc, à mon sens, répartir les crédits entre programmes, mais pas entre titres. S'agissant de la pluriannualité de l'autorisation budgétaire, il me semble important, comme la commission des finances le propose, de permettre de façon souple les reports de crédits.
Chacun d'entre nous sait, fort de son expérience de gestion municipale, que le vote des crédits par programme, que la fongibilité des crédits, que la possibilité large de voir ses crédits reportés d'un exercice budgétaire à l'autre, ont considérablement amélioré et modernisé la gestion de nos collectivités. Ils nous ont fait toucher du doigt le caractère fondamental du lien qui unit, en gestion publique, la responsabilité du gestionnaire de crédits et son autonomie. La réforme de l'ordonnance de 1959 a cet objectif : rendre plus autonome le gestionnaire et redéfinir une nouvelle chaîne de contrôle et de maîtrise de la dépense qui permette une mise en jeu des responsabilités de chacun.
La réforme qui s'engage n'a ni pour objet ni pour effet de déposséder le Parlement de son pouvoir historique et fondateur de contrôle sur les finances de l'Etat. J'en suis persuadé, la modernisation de la gestion publique ne peut progresser qu'en développant et en rénovant les capacités de contrôle du Parlement sur l'action de l'Etat. Avec la réforme de l'ordonnance de 1959, nous renforçons le contrôle démocratique sur le budget de l'Etat.
En conduisant cette réforme, le Parlement se trouve dans son rôle historique, celui de voter l'impôt, d'approuver le budget, et de contrôler l'exécution de la dépense. En se saisissant de cette réforme, le Sénat s'inscrit dans cette tradition démocratique et forge aussi une des clefs de la réforme de l'Etat. D'avance, je vous en remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 8 juin 2001)