Texte intégral
FORUM, invité ce soir, Charles Pasqua, Président du Rassemblement Pour la France. Bonsoir Monsieur Pasqua.
Bonsoir
Merci d'être là. Vous êtes le tout premier homme politique français à avoir annoncé votre candidature à la présidence de la République, dont l'élection est prévue l'an prochain et y a-t-il rapport de cause à effet ? Toujours est-il que des cailloux sont mis sur votre route. Philippe de Villiers, qui vous avait accompagné à la création du RPF, vous a quitté
Oh, il était parti avant.
oui
oui
Il vous a quitté depuis
il y a un il y a plus d'un an.
S'empressant d'ailleurs d'aller dénoncer ce qu'il a appelé vos méthodes et les juges ont entrepris de vérifier les finances de votre parti et vous êtes sous le coup, Monsieur Pasqua, de trois mises en examen. Rien n'ébranle pourtant votre détermination à être candidat, comme vous l'avez rappelé hier devant le congrès de votre formation politique que vous avez réuni à Versailles. Pour vous interroger, avec nous ce soir, sur votre bilan, vos perspectives et le développement de l'actualité politique, qui s'accélère à quelques semaines de l'été, Catherine Pégard, rédacteur en chef du magazine Le Point, bonsoir Catherine.
Catherine Pégard : Bonsoir.
Philippe Lapousterle : Le Point, qui est partenaire du Forum, et Alain Morice, journaliste à Infonie, bonsoir.
Alain Morice : Bonsoir.
PL : Infonie, qui est fournisseur d'accès à Internet, créateur d'un journal électronique, Infonie qui est notre partenaire. 2 .500 connections, Monsieur Pasqua, depuis mardi soir, donc la curiosité est grande et les internautes peuvent continuer de poser des questions. Avant d'aborder les questions, votre image telle qu'elle ressort, Monsieur Pasqua, des consultations des internautes d'Infonie depuis mardi.
AM : Donc, auprès de 2.000 internautes qui se sont exprimés, cote de popularité pas terrible. Alors, les Français seraient-ils définitivement conquis par l'Europe telle qu'elle est en train de se construire. Ce n'est pas encore sûr. Quelques parasites auraient brouillé votre image, c'est peut-être plus probable. Toujours est-il que vous avez 75 % d'opinions défavorables contre seulement 17 % d'opinions favorables.
PL : bon.
Ca veut dire qu'il y a de quoi faire pour
la marge est grande.
La marge est grande, oui.
Allez, Catherine Pégard, première question.
Oui, première question qui n'est pas liée à la précédente, mais pourquoi voulez-vous obstinément être candidat à la présidence de la République ? Qu'est-ce qui vous motive aujourd'hui à dire que vous serez absolument candidat ?
Une raison simple, c'est que les idées auxquelles je crois et pour lesquelles j'ai milité, sur lesquelles d'ailleurs, en son temps, j'ai créé le RPR avec Jacques Chirac, ces idées ne sont plus soutenues, ni défendues par le mouvement qui avait été créé pour cela et qui se réclamait du gaullisme. Je reconnais naturellement tout à fait le droit à Jacques Chirac et au RPR d'avoir changé d'idées, c'est leur droit le plus absolu, mais qu'ils cessent de se réclamer de la souveraineté nationale, de l'identité nationale et des idées que le Général de Gaulle a incarnées en son temps.
Vous êtes sûr que le Général de Gaulle n'approuverait pas ce qui se passe en ce moment ?
Ecoutez, moi, je ne fais pas parler
voilà c'est ça.
Monsieur, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça du tout. Je ne suis pas du tout en train de dire que je fais ce qu'aurait fait le Général de Gaulle s'il était vivant, je fais ce à quoi je crois, compte tenu des idées qui sont les miennes et vous me reconnaîtrez au moins une qualité, c'est que je n'ai jamais changé d'opinion, ni de parti politique, voilà, c'est comme ça. Et c'est la raison pour laquelle j'irai devant les Français pour leur dire ce que je crois qu'ils ne savent pas, les menaces qui pèsent sur notre pays, l'absence de perspectives qui frappe les dirigeants actuels, parque j'essaye vainement de voir quelles sont les idées sur l'avenir de Monsieur Chirac, de Monsieur Jospin et de tant d'autres. Je me demande finalement quelle est leur vision de l'Europe à terme, quelle est leur vision, quelle est la place de la France dans le monde telle qu'ils l'imaginent et malheureusement, je crois, que pour le moment, ils n'en ont pas.
Alors, Monsieur Pasqua, vous avez dit vous avez l'habitude de dire : " Seul Dieu pourrait m'empêcher de me présenter ", mais il y a une autre personne, pardonnez-moi, qui pourrait vous empêcher de vous présenter, c'est vous, vous-même, c'est-à-dire vous-même pourriez décider de vous retirer.
Oui, eh bien, c'est mal me connaître. Vus savez Monsieur Lapousterle, je n'ai pas d'ambitions personnelles, tout le monde le connaît, j'ai la faiblesse de penser que j'ai assez bien réussi dans la vie, à la fois dans ma vie personnelle, dans ma vie professionnelle en dehors de la politique. Je n'ai pas attendu la politique pour vivre et dans la vie politique, mon Dieu, j'ai un parcours qui est loi d'être négligeable. J'ai été réélu à de nombreuses reprises, il m'est arrivé d'être battu, ce qui est normal, au moins comme cela on apprécie et on voit mieux les choses. Oui et puis, on apprécie mieux les choses, c'est Edgar Faure qui disait : " Pour être un homme politique, il faut avoir été battu ", je crois qu'il avait raison, ça permet de relativiser. J'ai été deux fois ministres, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Je suis président de Conseil général. J'ai, dans le département que je préside, fait bouger les choses et apporté un certain nombre d'idées nouvelles de réalisation. Donc, je pourrais me satisfaire de tout cela, je pourrais m'en satisfaire, sauf que je crois que j'ai un devoir, c'est de défendre les idées auxquelles je crois et dont, je pense que, à l'heure actuelle, elles ne sont défendues par personne d'autre, voilà les choses sont simples.
Oui, donc vous n'imaginez pas de pouvoir décider un jour, quoi qu'il arrive, de vous retirer
Je ne vais pas passer mon temps à répondre, j'irai jusqu'au bout, je ne me retirerai pas, etc.. Tout ça ne veut rien dire, c'est mal me connaître. J'ai une idée, j'ai des convictions. Dès que, premièrement on a des idées, dès lors qu'on croit profondément à ses idées, on a le devoir de les défendre, tout le reste est secondaire.
On va passer aux questions secondaires qui ont leur importance. La première, est-ce que vous aurez les moyens financiers de mener cette campagne ?
Ecoutez, nous verrons bien. Pourquoi ne les aurais-je pas ?
D'abord, à combien évaluez-vous le coût d'une campagne ? Jean Pierre Chevènement, hier, a dit qu'il pensait que ça coûtait 50 millions de francs et qu'il n'était d'ailleurs pas tout à fait sûr de pouvoir les rassembler pour faire campagne lui-même. Alors vous, est-ce que vous pensez que cette campagne coûtera 50 millions de francs, ou moins ou plus ? Et comment fait-on pour les rassembler ?
Tout dépend d'abord tout dépend du type de campagne que l'on choisit. Si on fait une campagne style " barnum circus "
La campagne de chapiteaux.
Ou une campagne.
Comme on faisait dans le temps ?
Ou une campagneoh non, ce n'est pas ça qui coûte le plus cher, une campagne à l'américaine. Alors là effectivement, si j'en juge par l'argent qu'ont dépensé Monsieur Chirac, Monsieur Balladur ou Monsieur Mitterrand, alors là il faut effectivement beaucoup d'argent, ce n'est pas 50 millions, c'est 150, 180, 200
Peut-être plus, non ?
Non, parce qu'il y a un plafond qui est fixé par la loi, premièrement. Deuxièmement, vous n'oublierez pas, non plus, que les dépenses de la campagne présidentielle sont remboursées dans une certaine mesure..
A condition d'avoir
Oui, à condition de faire au moins 5 %, mais si on ne fait pas 5 %, il vaut mieux aller à la pêche. Moi, j'ai une seule expérience dans tout ça, c'est la campagne européenne, qui a été une campagne nationale, qui a été conduite dans un temps relativement bref. L'essentiel de la campagne a été conduit dans un temps relativement bref et en définitive, nous avons dépense, si j'ai bonne mémoire, 31 millions.
Donc là, vous pensez mener une campagne aussi brève pour les présidentielles.
De toute façon, mois je crois que les Français.. c'est le sentiment que j'ai, c'est que les Français n'apprécieront pas que l'on consacre et que l'on dépense énormément d'argent dans une campagne électorale. L'argent n'est pas inutile, mais l'argent ne remplace pas les idées, il ne remplace pas la foi, il ne remplace pas le charisme. Vous savez, lorsque j'étais dans les affaires industrielles et commerciales, il m'arrivait de traiter - vous vous en doutez bien - avec des agences de publicité. J'ai dit un jour à Monsieur Chirac dans une campagne " Il ne faut pas attendre des publicitaires qu'ils créent le produit, ils sont là pour mieux le présenter, le faire vendre, ils ne sont pas là pour le créer ".
Vous aurez un porte-parole, Monsieur Pasqua.
Oh en temps utile, oui.
Vous ne savez pas encore son nom ?
Ecoutez, nous sommes au mois de juin.
Oui, mais c'est important.
Est-ce que c'est vous qui allez faire la campagne ou moi ? Bon, alors le moment venu, nous verrons. Moi, vous savez, je me rode tranquillement. J'étais, il y a une dizaine de jours, devant les étudiants de l'ESSEC, je serai cette semaine devant ceux de HEC, j'étais, il y a trois semaines, devant des étudiants de l'IUP de Strasbourg
Avez-vous besoin de vous roder ?
Non pas vraiment, mais il est toujours intéressant tout de même de voir les réactions, et notamment les réactions des jeunes et moi, déjà au moment des élections européennes, ce qui m'avait beaucoup frappé, c'était leur indifférence à l'Europe, ce qui fait que, en réalité, j'ai été obligé de consacrer une bonne partie de mon intervention à leur expliquer que l'Europe, c'est important, ce qui n'était pas le moindre des paradoxes.
Une question, vous avez 74 ans, ce n'est un secret pour personne, beaucoup d'auditeurs se demandent et vous demandent si ça n'est pas un âge un peu avance pour tenter une telle aventure, voire gérer un pays comme la France et s'il n'est pas temps de laisser la place à des candidats plus jeunes ?
Ecoutez, c'est aux Français de décider. Moi, ce que je pense, c'est que dès lors qu'on a en soi la volonté, la capacité et le charisme pour convaincre les gens de ce à quoi on croit, on a le devoir d'y aller et puis après, les Français décident. Quand le Général de Gaulle s'est présenté - je ne me compare pas au Général de Gaulle - mais il avait, je crois, 75 ans en 1965. Le problème n'est pas d'avoir je préfèrerais naturellement avoir dix ans de moins, la question ne se pose pas, mais je vois des gens qui sont beaucoup plus jeunes que moi et je les regarde, je vois de jeunes vieux ou des vieux qui n'ont jamais été jeunes. J'essaye vainement de déceler à quoi ils croient, quelles sont leurs convictions, je n'en vois pas, en dehors de la volonté de faire carrière, c'est la différence. Moi, je n'ai pas une carrière à faire, je n'ai pas d'ambitions personnelles, et donc j'irai et je dirai ce que j'ai à dire.
(Suite de l'interview sous la référence 013001748-002)
Alors, on va parler de quelques cailloux sur votre route, Monsieur Pasqua. Vous êtes cerné, en ce moment, par les juges, est-ce que vous croyez qu'il y a une relation avec les mises examen dont vous faites l'objet et le fait que vous soyez candidat à la présidence de la République ? En d'autres termes, est-ce que vous pensez que les juges ont la volonté de vous gêner dans cette affaire ?
Ecoutez, si vous voulez dire par là : est-ce que vous pensez que les juges sont entre les mains des partis politiques, etc, la réponse est non, bien entendu. Est-ce que, par contre, il n'y a pas de la part de certains juges la volonté d'essayer d'épingler dans le cadre d'affaires - dont nous dirons peut-être un mot - des poissons politiques importants ? Quand je vois le sort qui est fait à Jacques Chirac, je ne suis pas étonné de celui qu'on me réserve.
Oui, même si les juges font leur métier, tout seuls, sans que les partis politiques ne leur soufflent quoi que ce soit, qui avez-vous l'impression de déranger le plus aujourd'hui, la droite ou la gauche ? Jacques Chirac ou Lionel Jospin ?
A vrai dire, tout le monde, parce que ce que j'essaie vainement de voir, c'est la différence qu'il y a entre la droite et la gauche sur les problèmes essentiels qui concernent la France, sur l'Europe. Messieurs Chirac et Jospin ont la même démarche. Sur la plupart des sujets qui concernant les Français, bien malin celui qui me dirait, par exemple, la différence qu'il y a sur le plan de la politique économique telle qu'elle est suivie actuellement. Sur le plan de la politique sociale, quelles sont les différences ?
Et pourtant, à voir la relation entre les deux hommes...
Oui, je crains malheureusement que s'ils devaient être candidats tous les deux, nous aurions comment dirais-je une campagne virtuelle entre deux caricatures, parce que, qu'est-ce qui les différencie ? Quelle est la différence fondamentale ? tous les deux parlent d'un certain nombre de choses, mais quelles mesures ont-ils prises l'un et l'autre ? Je vais prendre un exemple : aujourd'hui, les Français sont préoccupés par la montée de la délinquance et le souci de la sécurité est devenu le souci numéro un des Français. Jospin a cru faire le bon choix en prenant Chevènement comme ministre de l'intérieur. Je veux dire que dans la réalité des choses, soit il n'a pas obtenu les moyens nécessaires...
Les moyens qui lui étaient indispensables.
Soit il s'est contenté, en définitive, de mesures qui, en apparence, résolvaient les problèmes, c'est le cas des adjoints de sécurité. On a recruté 17.000 agents de sécurité, au lieu de recruter des policiers. Le résultat : on a des gens qui ont l'allure de policiers, mais qui n'ont aucun des moyens dont disposent les policiers. Ils sont payés au même niveau que des policiers stagiaires, mais ils n'ont sur le plan légal, aucun des moyens d'intervention des policiers. On parle de la police de proximité, ça figurait dans la loi que j'avais fait voter, mais cette loi sur la sécurité, le gouvernement qui a suivi celui auquel j'appartenais, n'a pas donné les moyens nécessaires pour qu'elle soit appliquée. Alors, mois je veux bien que l'on parle d'un certain nombre de choses, moi je sais ce qu'il faut faire, je l'ai démontré quand j'étais ministre de l'intérieur, bon, et dans un certain nombre de domaine, on en est au même point.
Vous pensez que les Français...
Quelle est la différence entre Monsieur Chirac et Monsieur Jospin dans ce domaine ? tous les deux parlent de la nécessité de lutter contre l'insécurité. Je reconnais à Monsieur Chirac qu'il l'a toujours dit. Mais Monsieur Jospin, après avoir dit pendant très longtemps, les socialistes ont dit pendant très longtemps que c'était un fantasme de la droite, maintenant ils disent que c'est un droit des citoyens, mais ils ne font rien, rien du tout.
Vous pensez que les Français vous suivront, Monsieur Pasqua, si vous dites que Jospin et Chirac c'est bonnet blanc et blanc bonnet ?
Oh, je ne dirais pas tout à fait ça comme ça, mais d'abord moi, je ne vais pas faire une campagne en parlant uniquement de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. Je dirai aux Français ce qui paraît devoir être fait, parce que la France a besoin d'être redressée dans ses institutions, elle a besoin d'être modernisée, le poids de l'administration a besoin d'être allégé, de même que les finances qui ont besoin d'être remises, notamment au niveau de la fiscalité, à un niveau convenable. Tout ça, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je le redirai, mais je dirai également quels sont les moyens pour obtenir ce résultat, je ne me contenterai pas de dire
D'annoncer les objectifs
..il faudrait faire ceci ou cela.
Quelques mots sur les affaires, Monsieur Pasqua, les juges qui vous traquent. On a lu, ça et là, qu'il y avait eu 71 voyages auxquels vous aviez participé sans vous inquiéter jamais de savoir qui les payait.
Ecoutez.
C'est normal ? je ne suis pas juge, mais
Premièrement, il y a des accusations qui ont été portées contre moi, elles ne reposent sur rien. Les juges n'ont aucune preuve dans aucun domaine, pas plus sur les avions d'Elf que sur autre chose, voilà. J'ai d'ailleurs dit hier, en forme de boutade, que je préfèrerais Air France à Air Elf. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? D'ailleurs on me présente une liste de vols, sur lesquels il n'y a d'ailleurs pas mon nom, et on me dit " Est-ce que vous avez pris ces avions ", et puis on me demande ça, je vous signale au passage que nous sommes en 2001, sur ce qui s'est passé.
92, 95.
CP, en 92 et en 93 ? Tout ça n'est pas très sérieux. En 93, j'étais au gouvernement, je ne vois pas pourquoi j'aurais pris les avions d'Elf. En 92, j'étais un des dirigeants du RPR, quand je me déplaçais, c'est le RPR qui payait et lorsque ce n'était pas le RPR, mouvement politique, c'était le groupe du Sénat. Alors qu'on cesse donc chaque fois d'essayer de déterrer quelque chose et comme par hasard, on a sorti cette affaire à la veille du congrès. Alors, vous n'allez pas me dire que tout ça est innocent. D'autre part, j'attends encore que le Garde des Sceaux ou le juge qui instruit les affaires me concernant, portent plainte contre la violation du secret de l'instruction.
Vous demandez à Madame Lebranchu ?
Ecoutez, moi je lui ai déjà écrit à Madame Lebranchu, donc elle sait ce que je pense, mais je l'ai d'ailleurs dit au juge qui m'interrogeait ; j'ai dit " Est-ce que vous trouvez normal, Monsieur le Juge, que les procès verbaux de l'instruction se retrouvent dans la presse ? "
Qu'est-ce qu'il vous a répondu ?
J'attends encore, il m'a dit non il avait l'air de dire qu'il n'y pouvait rien, bon. Ce n'est plus le secret de l'instruction, c'est le secret de Polichinelle ! Naturellement, c'est une forme d'instruction publique qui ressemble au pilori, parce que, dans le même temps, vous n'avez pas, vous, la possibilité de vous défendre et de donner vos arguments. Quand un journal consacre deux pages à dire un certain nombre de choses, on ne va pas vous donner deux pages pour répondre, on ne va même pas vous donner deux paragraphes, voilà la réalité des choses. Alors ce que je trouve scandaleux, qu'il y ait une instruction judiciaire, nous verrons bien où elle va. Je le redis, il n'y a rien.
Vous en êtes certain, ils ne trouveront rien ? Rien ne sera établi de ces mises en examen
Ecoutez-moi, qu'on me regarde, qu'on voit comment je vis, ça me fait vraiment rire quand on dit qu'on va étudier et qu'on va analyser les finances du parti que je préside, tout le monde sait que nous sommes fauchés, j'en profite d'ailleurs pour lancer un appel, tenez que tous ceux qui le veulent nous aident. Alors, ce que je trouve scandaleux, c'est cette espèce d'exploitation de tout cela qui est anormale dans un système démocratique, c'est tout, je trouve que ce n'est pas normal. Je trouve que, ou bien il y a le secret de l'instruction, ou bien il n'y en a pas, mais dans ce cas, il faut changer de système.
Monsieur Pasqua, est-ce que vous êtes sûr de ne pas avoir commis, disons, des imprudences, des laisser aller, des
Je suis aussi sûr que de vous voir en ce moment, Monsieur Lapousterle, à Radio Monte Carlo. Je suis aussi sûr de ça, voyez-vous, je n'ai commis aucune imprudence, aucun délit, et d'ailleurs, il n'y a aucune preuve de quoi que ce soit. On m'accuse de quoi ? D'avoir fait remettre une décoration à Monsieur Gaydamak contre de l'argent ? D'avoir reçu de l'argent pour le financement du RPF ? Où y a-t-il la moindre preuve, le moindre centime ? Il n'y a rien ! Et donc, il est bien évident que je ne suis pas décidé à me laisser faire.
Quand vous avez dit à un moment : " je n'accepte pas les mises en examen ". Mais qu'est-ce que vous pouvez faire, Monsieur Pasqua ?
Utiliser les procédures, Monsieur Lapousterle, elles existent.
Tout à l'heure, vous faisiez allusion à Monsieur Gaydamak, que vous auriez aidé à obtenir une décoration, l'ordre du mérite..
Je ne l'ai pas aidé, j'ai demandé la décoration pour lui.
Vous avez dit que Jacques Chirac était parfaitement au courant de toute cette affaire et que vous dénonciez une sorte d'immixtion du pouvoir judiciaire dans le fonctionnement du pouvoir exécutif. Est-ce que vous pouvez vous expliquer un peu.
Je n'ai pas dit tout à fait ça. J'ai dit que Gaydamak a reçu une décoration pour les services rendus lors de la libération des pilotes de Bosnie. Je rappelle que, avant que nous nous en occupions, les services de renseignements français considéraient que les pilotes étaient morts. Nous nous en sommes occupés et la libération des pilotes est intervenue. Pour cela, il a fallu qu'un certain nombre de conditions soient réunies, notamment que nous ayons le soutien des services russes, etc. C'est en fonction de cela que Gaydamak s'est vu récompensé. On lui avait dit dès le départ qu'on lui manifesterait notre reconnaissance, reconnaissance sous quelle forme ? L'Etat n'a pas 36 manières de manifester sa reconnaissance. Les juges se mettent dans l'idée que cette médaille a été remise parce que, dans le même temps, il y a une subvention envoyée par une fondation à une association à laquelle j'ai appartenu. Ils ont donc considéré que c'était en quelque sorte une rétribution ? Je commencerai par dire que c'est une injure parce que je crois que j'ai fait suffisamment de choses dans ma vie, j'ai servi l'Etat, Marchiani aussi, nous avons un certain sens des services de l'Etat et s'il y a des gens susceptibles de vendre des médailles, j'espère qu'il n'y en a pas en France, mais en tous les cas, il faudrait les chercher ailleurs. Là-dessus, le juge a entendu le directeur de cabinet du président de la République, qui lui a dit qu'il n'était pas au courant des raisons, mais c'est évident qu'il n'est pas au courant des raisons pour lesquelles on a donné cette médaille. Mais je dis également que les juges n'ont pas à s'immiscer gans le fonctionnement de la Présidence de la république.
Ce que vous voulez dire c'est qu'ils n'ont pas même à poser la question ?
Pas du tout. Ca n'est pas de leur compétence.
Est-ce que tout ça, toutes ces procédures qui vont probablement vous suivre, Monsieur Pasqua, ne vous affaiblissent pas politiquement ?
Ecoutez, si j'en juge par l'enthousiasme des gens qui étaient hier à ma réunion, si j'en juge par l'accueil que je rencontre sur le terrain, etc.. je crois que les gens relativisent tout ça. Ils ont bien compris que, par une sorte de coïncidence sur laquelle je ne m'étendrai pas, ces affaires ont éclaté, comme par hasard, au moment où j'ai confirmé que j'étais candidat à la présidence de la République, voilà, c'est tout et les Français ne sont pas bêtes..
Quand même dans cette affaire
Les Français, dans leur for intérieur, ils n'ont pas besoin qu'on leur explique longuement les choses, ils n'ont pas besoin d'une démonstration conduire par des juristes ou des spécialistes de sciences politiques, ils ont parfaitement compris. De même que lorsqu'ils voient les tracas que l'on essaie de faire à Monsieur Chirac, moi, je ne suis pas d'accord avec Jacques Chirac sur le plan politique, mais je considère que le président de la République doit être respecté, que la présidence de la République doit être respectée et lorsque je vois ce que fait Montebourg et l'attitude de Jospin qui, avec des mines de chat fourré là, parce que là maintenant il se régale - dire " Mais moi, je ne m'en occupe pas, je ne suis pas d'accord avec Montebourg ", n'est-ce pas, à qui fera-t-on croire..
Vous pensez que Montebourg est le bras armé de Lionel Jospin ?
D'abord que Montebourg veut faire parler de lui
Qu'il ne fait rien tout seul
Ca, c'est une évidence. En tous les cas, Madame Pégard, pensez-vous une seule minute que ce que fait Montebourg est de nature à contrarier Monsieur Jospin ?
Vous parliez à l'instant de Jacques Chirac. Où en sont vos relations avec lui aujourd'hui ?
Ca ne vous regarde pas.
Un petit peu, tout de même.
Non pas du tout, ça ne vous regarde pas.
Vous vous voyez toujours ou pas du tout, vous avez eu l'occasion de lui dire les raisons pour lesquelles vous seriez candidat à la présidence de la République ?
Ecoutez, il ne me l'a jamais demandé et je n'ai jamais éprouvé le besoin de le lui dire, même quand nous nous sommes rencontrés, et il le sait, il le sait très bien.
On parle de tout avec les amis.
Il sait que nous sommes en désaccord sur le plan politique, je le regrette d'ailleurs très profondément, parce que je considère qu'il n'avait pas été élu pour faire cette politique et qu'il a tourné le dos à ce que nous étions en droit, à ce que les Français étaient en droit d'attendre de lui.
Vous le regrettez pour lui ?
Je le regrette surtout pour la France, je le regrette aussi pour nous, c'est-à-dire pour tous ceux qui lui ont fait confiance pendant des dizaines d'années et qui l'ont mené où il est, ils ne l'ont pas fait pour qu'il conduise cette politique. Alors, il a le droit de changer d'opinion, il a le droit de changer de politique, mais alors il faut le dire.
Dans ce cadre-là, Charles Pasqua, est-ce que son éventuelle candidature - puisque sa femme a en tout cas annoncé qu'elle voudrait qu'il soit candidat, qu'il fut candidat - est-ce que vous pensez que sa candidature a un sens. S'il était candidat, est-ce que ça a un sens politique pour Jacques Chirac ?
Je ne comprends pas très bien ce que voulez dire.
Vous venez de nous dire que Jacques Chirac a fait le contraire de ce qu'il avait promis
Non, mais c'est vrai que
Pour être élu, donc je vous pose la question...
Ca, c'est mon opinion.
Est-ce que vous pensez qu'il doit être candidat ?
Non, mais ça c'est mon opinion et je pense que c'est l'opinion d'un certain nombre de Français, ce n'est pas l'opinion de Jacques Chirac. Jacques Chirac est de ceux qui pensent qu'il a été élu dans un contexte donné, je connais ce genre d'argumentation, il a été élu dans un contexte donné, que le contexte a changé et qu'il a essayé de faire pour le mieux, voilà pourquoi il sera candidat, je comprends ça très bien.
Vous ne doutez pas qu'il le soit ?
Pas une seule minute, je ne doute pas non plus que Monsieur Jospin le soit, à moins que d'ici là il soit revenu à ses premières amourspolitiques, je veux dire, qu'il redevienne le camarade Michel, ce qui ferait le plus grand plaisir à Arlette Laguiller et à d'autres et à Krivine.
Tout le monde dit à droit que le seul candidat, chaque fois qu'on interroge un homme politique, le seul candidat qui puisse gagner à droite, c'est Jacques Chirac.
C'est ce que pensent notamment les élus et les élus ont une préoccupation essentielle, c'est d'être eux-mêmes réélus et donc, ils se disent : "Dans le contexte actuel, quel est celui qui peut le mieux garantir notre réélection ? ". Personne ne peut savoir dans quel contexte s'engageront les prochaines élections présidentielles et personne ne peut savoir ce qui en sortira. J'espère simplement qu'elles seront l'occasion d'un vrai débat et qu'on ne se contentera pas de dire " Il faut élire le plus sympa ou le plus diplômé, ou le plus ceci, ou le plus cela ". J'espère que les élections présidentielles - comme d'ailleurs ça doit être, c'est la règle - seront l'occasion de confronter les idées que l'on se fait de l'avenir de la France et des Français et ce qu'on envisage de faire pour la société française, pour que les Français y vivent mieux et chacun
Ce sont les Français qui décident.
Et chacun s'y sente à sa place.
Dans le cadre du second tour des présidentielles, est-ce que vous soutiendriez, quel que soit le candidat de droite est-ce que vous soutiendriez le candidat de droite arrivée en tête, pardon, quel qu'il soit ?
J'avoue que je ne comprends pas très bien cette question, parce que si je suis candidat, au risque de paraître à vos yeux et à ceux de vos interlocuteurs.
C'est pour gagner, vous allez arriver en tête.
C'est pour être moi-même présent au second tour, ce n'est pas pour apporter mes voix à qui que ce soit.
Au cas où ?
D'autre partnon, mais il ne faut pas raisonner comme ça, parce que quand on est candidat à une élection, on est candidat avec un programme ; plus qu'un programme, on est candidat avec un projet, avec des idées. Si d'aventure, on n'est pas présent au second tour, c'est aux électeurs de se déterminer, ce n'est pas à vous, vous n'êtes pas propriétaire. Ce n'est pas un fonds de commerce, une candidature. Enfin, les choses, dans mon esprit, sont ainsi.
Lionel Jospin a reconnu, cette semaine, qu'il avait été trotskiste - vous y faisiez allusion tout à l'heure - est-ce que vous le saviez qu'il l'avait été, vous qui avez été ministre de l'intérieur ? Est-ce que c'était un secret de Polichinelle ?
Très honnêtement, je crois que c'était un secret un peu un secret de Polichinelle, non je veux dire par là que, d'ailleurs on avait peu de moyens au ministère de l'intérieur de le savoir, puisque lorsque les socialistes sont arrivés au gouvernement en 1981, ils ont fait détruire toutes les archives des mouvements d'extrême gauche, à tel point d'ailleurs que lorsque nous avons dû engager la lutte contre Action directe, il a fallu que nous essayions de retrouver un certain nombre de renseignements qui nous ont fait cruellement défaut.
Et quand on dit que les RG, en ce moment, ont produit des documents pendant toutes ces années sur l'état de l'extrême gauche en France.
Ecoutez, alors ça, peut-être à partir de 1986, parce que quand je suis arrivé au gouvernement en 1986, je vous le dis de la manière la plus claire, les archives concernant les mouvements d'extrême gauche n'existaient pas.
Mais vous avez demandé qu'on refasse, qu'on reconstitue ?
On a essayé de retrouver de différentes manières, de différentes façons, les choses.
Est-ce que cela vous choque que Lionel Jospin ait été trotskiste ?
Qu'il ait été trotskiste, non ça ne me choque pas particulièrement, je crois que ce qu'il y a de choquant plutôt dans l'attitude de Lionel Jospin, c'est qu'il a menti, il a pris tous les Français pour des imbéciles. Je rappelle quel était son slogan : " Je fais ce que je fis et je dis ce que je fais ". C'est un menteur, il a menti, c'est clair, voilà. Il aurait mieux valu qu'il le reconnaisse.
Il a dit qu'il n'avait pas à s'expliquer.
Non. En réalité, je crois qu'il a été amené maintenant à le dire parce qu'un certain nombre de dirigeants de l'OCI ont commencé à livrer des précisions. Il ne faut pas oublier qu'il a d'abord dit que c'était son frère, on savait très bien que c'était lui, voilà. Le fond du problème, il est là et pas qu'il ait été trotskiste ou pas. Après tout, si on n'est pas révolutionnaire quand on est jeune, c'est un peu triste
Les Français s'en souviendront.
Il y a des révolutionnaires dans tous les camps.
Et les Français s'en souviendront le jour venu.
Oh, je crois qu'il sera jugé sur autre chose. Je crois que tout ça contribue à ternir son image, ça écorne un peu son image, parce qu'il s'était fait un fonds de commerce de la franchise, etc.. Ca, il est évident que sur ce plan, son image en a pris un coup.
Mais puisque nous sommes à l'heure des révélations, il y a beaucoup d'internautes, d'auditeurs qui nous demandent quelles étaient vos relations avec le SAC.
Ah, il faudrait que les internautes, qui posent cette question, sachent d'abord ce qu'est le SAC. Alors, s'ils veulent des précisions, ils n'ont qu'à me les demander, je les leur donnerai. J'ai été vice-président du Service d'Action Civique, de 1965 jusqu'au départ du Général de Gaulle. Je rappelle ce qu'était le SAC, à l'époque. Le SAC avait été constitué avec des gens qui venaient de la France libre, des anciens des maquis, etc et de gens qui étaient prêts à se faire tuer pour le Général de Gaulle, si nécessaire. Après qu'il y ait eu une dérive et qu'il y ait eu d'autres gens, c'est une autre histoire, mais ne doutez pas une seule minute que, moi-même, si j'avais dû me faire tuer pour le Général de Gaulle, je l'aurais fait. Alors peut-être que ce sont des choses qui, aujourd'hui, sont difficiles à comprendre, mais pour ceux qui avaient suivi le Général de Gaulle dans la guerre et qui se faisaient une certaine idée de la France, ils auraient considéré cela comme tout à fait normal. J'ajouterais, au passage, je le rappelle, qu'un certain nombre de personnes envisageaient de tuer le Général de Gaulle.
Jean-Pierre Chevènement, aujourd'hui, Monsieur Pasqua, a demandé la création d'un pôle républicain pour changer la donne, c'est l'expression qu'il a utilisée, est-ce que c'est un programme que vous pourriez, un objectif que vous pourriez signer finalement avec lui ?
Vous plaisantez ou vous êtes sérieux ?
Non j'essaie d'être sérieux, je vous pose la question.
Mais Monsieur Chevènement est à gauche.
Un pôle républicain
La différence, écoutez Monsieur Lapousterle, ne jouons pas sur les mots. Moi, j'ai rompu avec mon camp, j'ai quitté le RPR, j'ai rompu avec Jacques Chirac auquel me liaient des liens depuis des dizaines d'années et pour des raisons de fond. Aujourd'hui, je ne suis plus dans ce camp. Monsieur Chevènement est toujours dans le sien, il est toujours avec le Parti socialiste, le Parti communiste, etc.. Que dans le même temps il aille à la pêche aux voix, ça c'est son droit. Ca n'enlève rien à ses qualités, je ne conteste pas les sentiments républicains de Jean Pierre Chevènement, mais je dis simplement qu'il ne faut pas non plus donner dans l'équivoque, voilà. Lui, c'est lui, moi c'est moi, c'est clair.
Florence Kuntz qui est député européen que l'on sait proche de vous, assistait hier au congrès du MDC, est-ce qu'elle portait tout de même un message ? Est-ce que vous pensez que les deux rives se retrouveront un jour, puisque naguère on parlait du rapprochement ?
Mais non.
Des deux rives, la vôtre et celle de Jean Pierre Chevènement ?
Oui, mais je sais bien que cette idée a existé, qu'elle a séduit beaucoup de gens
Y compris dans votre propre entourage.
C'est de cela dont je parle, les autres, ça m'est égal. Ca a séduit beaucoup de gens, mais quelle est la réalité des choses ? Lorsqu'on parle de cette manière, qu'est-ce qu'on constate ? Les gens de droite, qui soutiennent cette idée, sont tout à fait prêts à rejoindre des gens de gauche et à faire un bout de chemin avec eux, mais où sont les gens de gauche ?. Où sont les gens de gauche qui sont venus, qui nous ont rejoint au moment des européennes, etc ? Où était Monsieur Chevènement à ce moment là ? Où étaient ses amis ? Où siègent-ils au Parlement européen ? Ils siègent au sein du groupe socialiste, le groupe socialiste européen, qu'est-ce qu'il est ? Il est fédéraliste. Alors, je crois qu'il ne faut pas donner dans l'équivoque, il faut que les choses soient claires. Cela étant, Florence Kuntz qui, entre temps, a quitté mon groupe pour le mouvement européen, qui est toujours membre du RPF, qu'elle soit allée à la réunion de Chevènement, c'est son droit le plus absolu.
Vous étiez au courant ? Vous aviez approuvé ? Elle vous l'avait dit avant ?
Je n'ai rien approuvé du tout, parce qu'elle n'est pas sous mes ordres et je ne suis pas son chef, bon. Je l'ai vue, elle m'a dit qu'elle avait l'intention d'aller à la réunion de Chevènement, cela ne l'empêchera pas de me soutenir le moment venu. Je lui ai dit " Ecoutez ma chère Florence, vous faites ce que vous voulez, nous sommes tous des citoyens libres, chacun va et fait ce qu'il veut ", c'est clair.
Un problème que vous avez juste évoque, Monsieur Pasqua, après-demain l'Assemblée Nationale va discuter de la fameuse proposition de loi de Monsieur Ayrault, qui est le président du groupe socialiste, tendant à faire que le président soit un président citoyen et donc que ne lui appartienne plus le privilège de juridiction qui et le sien.
Je trouve la démarche de Monsieur Ayrault, c'est comment dirais-je, c'est un attrape-nigauds. Monsieur Ayrault veut apporter la preuve que Jospin n'était pour rien dans les démarches de Montebourg, mais dans le même temps, il porte un sérieux coup aux privilèges du président de la République. Je crois que pendant toute la durée de sa présence à la tête de l'Etat, il doit y avoir une immunité du président de la République.
Même pour ce qui a été fait avant ?
Il y a une immunité et un privilège de juridiction, autrement n'importe qui pourrait porter plainte contre le président de la République, ça n'existe pas ça, on ne peut avoir ce type de situation dans le fonctionnement de l'Etat. Que, par contre, on fasse en sorte, s'il y a des choses à reprocher au président de la République, que les délais de prescription soient suspendus, ça c'est normal, et que lorsqu'il redevient un citoyen comme un autre, s'il a des comptes à rendre, qu'il les rende, mais pas pendant qu'il est président de la République. Dans aucun pays au monde pratiquement cela n'existe, en tous les cas nulle part en Europe. Vous savez comment ça s'appelle ça. Ca s'appelle de la démagogie et le manque du sens des responsabilités. Voilà comment ça s'appelle.
Quand vous avez vu que les Irlandais avaient voté non à un référendum sur le traité de Nice, ça vous a fait plaisir, Monsieur Pasqua ?
D'abord j'ai considéré que les Irlandais avaient bien de la chance de pouvoir s'exprimer eux-mêmes et de décider de ce qui leur paraît nécessaire pour leur pays, ce qui n'est pas le cas chez nous. Et je crois que le non des Irlandais ne va pas inciter Monsieur Chirac à consulter les Français par la voie du référendum. Dans le même temps, j'ai vu que Monsieur Bayrou s'était rallié à l'idée du référendum, ce qui pour moi, évidemment, est une très grande satisfaction. Comme dirait Bayrou : " Il y a plus de joie au ciel, il y a des gens qui se repentent pour un saint qui persévère ".
Est-ce qu'un référendum en France donnerait le même résultat qu'en Irlande, selon vous, aujourd'hui ?
C'est probable, c'est probable, mais je crois que ceux qui nous gouvernent ne se rendent pas bien compte, parce qu'ils ont perdu le contact des réalités. Ils prennent un certain nombre de décisions, ils ne se rendent pas compte que, en réalité, ils n'ont pas assumé leurs responsabilités dans la conduite de l'Europe, que l'Europe est devenue de plus en plus bureaucratique, technocratique. Quand je parle de l'Europe, je veux parler des fonctionnaires, des technocrates, de ceux qui, en réalité, animent la commission de Bruxelles et qui finalement compliquent la vie des Européens, au lieu de s'occuper de l'essentiel, voilà. Alors je crois que tout cela, il faudra y mettre bon ordre, mais ils ne le voient pas, pas plus qu'ils ne voient probablement les conséquences du passage à l'euro. Et à ce propos, puisque Monsieur Bayrou vient de se convertir à l'idée du référendum, je souhaiterais qu'il fasse comme moi une demande de référendum au président de la République, qui s'était engagé dans sa campagne électorale à consulter les Français par la voie du référendum avant la disparition du Franc. Mois, je ne suis pas du tout pour qu'on supprime l'euro. Il doit exister comme monnaie commune, mais qu'on ne supprime pas le Franc. J'ai d'ailleurs l'intention de faire campagne pour que le Franc demeure, mais ce qui n'est pas le moindre des paradoxes, mais enfin ça ne l'est qu'en apparence, ma première démarche consistera à aller à Berlin pour demander aux Allemands de garder le mark.
Vous pensez que la mise en place de l'euro va être très difficile ?
Je pense qu'elle occasionnera beaucoup de déboires dans des quantités de domaines, qu'il s'agisse des petites et moyennes entreprises qui ne sont absolument pas prêtes, qu'il s'agisse des citoyens eux-mêmes, des personnes âgées, etc. Evidemment, les gens qui sont à un certain niveau ne connaîtront pas ces problèmes. Tous ceux, par exemple, qui ont des cartes de crédit, peuvent très bien payer demain avec des cartes de crédit. Ils s'apercevront simplement que, tout d'un coup sur leur compte en banque, il y a beaucoup moins d'argent, il y aura la même valeur, mais ça aura changé.
Pourquoi, Monsieur Pasqua, avez-vous dit à vos militants : " ceux qui vont me suivre en baveront " ?
Parce qu'il faut qu'ils se rendent compte d'une chose, n'est-ce-pas, je souhaite que ceux qui vont s'engager dans cette bataille derrière moi, n'attendent rien pour eux et ils doivent savoir également qu'une campagne présidentielle, ce sera dur, que les coups ne nous seront pas ménagés, ils le voient d'ores et déjà et moi, je ne promets rien, je ne promets ni des postes de député, ni quoi que ce soit. Je ne combinerai avec personne, personne n'a rien à attendre. Ce que j'aurais aimé, c'est que la télévision, qui a passé quelques images, peu mais quelques-unes unes, montre la réaction de la salle au moment où j'ai dit ça, parce que la salle a applaudi avec enthousiasme, parce que les gens qui s'engagent ne s'engagent pas pour avoir quoi que ce soit, ils s'engagent pour la France.
C'est du Churchill, ça, du sang et des larmes, non ?
Oui dans une certaine mesure, c'est ça, il ne faut rien attendre pour soi-même, il faut donner, c'est tout à fait autre chose. Il faut donner tout ce qu'on peut donner pour la France, voilà ce qu'on est en droit de dire aux gens qui veulent s'engager dans cette bataille.
Merci d'avoir été avec nous Charles Pasqua.
Merci beaucoup, au revoir.
(Début de l'interview sous la référence 013001748-001)
(source http://www.rpfie.org, le 21 juin 2001)
Bonsoir
Merci d'être là. Vous êtes le tout premier homme politique français à avoir annoncé votre candidature à la présidence de la République, dont l'élection est prévue l'an prochain et y a-t-il rapport de cause à effet ? Toujours est-il que des cailloux sont mis sur votre route. Philippe de Villiers, qui vous avait accompagné à la création du RPF, vous a quitté
Oh, il était parti avant.
oui
oui
Il vous a quitté depuis
il y a un il y a plus d'un an.
S'empressant d'ailleurs d'aller dénoncer ce qu'il a appelé vos méthodes et les juges ont entrepris de vérifier les finances de votre parti et vous êtes sous le coup, Monsieur Pasqua, de trois mises en examen. Rien n'ébranle pourtant votre détermination à être candidat, comme vous l'avez rappelé hier devant le congrès de votre formation politique que vous avez réuni à Versailles. Pour vous interroger, avec nous ce soir, sur votre bilan, vos perspectives et le développement de l'actualité politique, qui s'accélère à quelques semaines de l'été, Catherine Pégard, rédacteur en chef du magazine Le Point, bonsoir Catherine.
Catherine Pégard : Bonsoir.
Philippe Lapousterle : Le Point, qui est partenaire du Forum, et Alain Morice, journaliste à Infonie, bonsoir.
Alain Morice : Bonsoir.
PL : Infonie, qui est fournisseur d'accès à Internet, créateur d'un journal électronique, Infonie qui est notre partenaire. 2 .500 connections, Monsieur Pasqua, depuis mardi soir, donc la curiosité est grande et les internautes peuvent continuer de poser des questions. Avant d'aborder les questions, votre image telle qu'elle ressort, Monsieur Pasqua, des consultations des internautes d'Infonie depuis mardi.
AM : Donc, auprès de 2.000 internautes qui se sont exprimés, cote de popularité pas terrible. Alors, les Français seraient-ils définitivement conquis par l'Europe telle qu'elle est en train de se construire. Ce n'est pas encore sûr. Quelques parasites auraient brouillé votre image, c'est peut-être plus probable. Toujours est-il que vous avez 75 % d'opinions défavorables contre seulement 17 % d'opinions favorables.
PL : bon.
Ca veut dire qu'il y a de quoi faire pour
la marge est grande.
La marge est grande, oui.
Allez, Catherine Pégard, première question.
Oui, première question qui n'est pas liée à la précédente, mais pourquoi voulez-vous obstinément être candidat à la présidence de la République ? Qu'est-ce qui vous motive aujourd'hui à dire que vous serez absolument candidat ?
Une raison simple, c'est que les idées auxquelles je crois et pour lesquelles j'ai milité, sur lesquelles d'ailleurs, en son temps, j'ai créé le RPR avec Jacques Chirac, ces idées ne sont plus soutenues, ni défendues par le mouvement qui avait été créé pour cela et qui se réclamait du gaullisme. Je reconnais naturellement tout à fait le droit à Jacques Chirac et au RPR d'avoir changé d'idées, c'est leur droit le plus absolu, mais qu'ils cessent de se réclamer de la souveraineté nationale, de l'identité nationale et des idées que le Général de Gaulle a incarnées en son temps.
Vous êtes sûr que le Général de Gaulle n'approuverait pas ce qui se passe en ce moment ?
Ecoutez, moi, je ne fais pas parler
voilà c'est ça.
Monsieur, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça du tout. Je ne suis pas du tout en train de dire que je fais ce qu'aurait fait le Général de Gaulle s'il était vivant, je fais ce à quoi je crois, compte tenu des idées qui sont les miennes et vous me reconnaîtrez au moins une qualité, c'est que je n'ai jamais changé d'opinion, ni de parti politique, voilà, c'est comme ça. Et c'est la raison pour laquelle j'irai devant les Français pour leur dire ce que je crois qu'ils ne savent pas, les menaces qui pèsent sur notre pays, l'absence de perspectives qui frappe les dirigeants actuels, parque j'essaye vainement de voir quelles sont les idées sur l'avenir de Monsieur Chirac, de Monsieur Jospin et de tant d'autres. Je me demande finalement quelle est leur vision de l'Europe à terme, quelle est leur vision, quelle est la place de la France dans le monde telle qu'ils l'imaginent et malheureusement, je crois, que pour le moment, ils n'en ont pas.
Alors, Monsieur Pasqua, vous avez dit vous avez l'habitude de dire : " Seul Dieu pourrait m'empêcher de me présenter ", mais il y a une autre personne, pardonnez-moi, qui pourrait vous empêcher de vous présenter, c'est vous, vous-même, c'est-à-dire vous-même pourriez décider de vous retirer.
Oui, eh bien, c'est mal me connaître. Vus savez Monsieur Lapousterle, je n'ai pas d'ambitions personnelles, tout le monde le connaît, j'ai la faiblesse de penser que j'ai assez bien réussi dans la vie, à la fois dans ma vie personnelle, dans ma vie professionnelle en dehors de la politique. Je n'ai pas attendu la politique pour vivre et dans la vie politique, mon Dieu, j'ai un parcours qui est loi d'être négligeable. J'ai été réélu à de nombreuses reprises, il m'est arrivé d'être battu, ce qui est normal, au moins comme cela on apprécie et on voit mieux les choses. Oui et puis, on apprécie mieux les choses, c'est Edgar Faure qui disait : " Pour être un homme politique, il faut avoir été battu ", je crois qu'il avait raison, ça permet de relativiser. J'ai été deux fois ministres, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Je suis président de Conseil général. J'ai, dans le département que je préside, fait bouger les choses et apporté un certain nombre d'idées nouvelles de réalisation. Donc, je pourrais me satisfaire de tout cela, je pourrais m'en satisfaire, sauf que je crois que j'ai un devoir, c'est de défendre les idées auxquelles je crois et dont, je pense que, à l'heure actuelle, elles ne sont défendues par personne d'autre, voilà les choses sont simples.
Oui, donc vous n'imaginez pas de pouvoir décider un jour, quoi qu'il arrive, de vous retirer
Je ne vais pas passer mon temps à répondre, j'irai jusqu'au bout, je ne me retirerai pas, etc.. Tout ça ne veut rien dire, c'est mal me connaître. J'ai une idée, j'ai des convictions. Dès que, premièrement on a des idées, dès lors qu'on croit profondément à ses idées, on a le devoir de les défendre, tout le reste est secondaire.
On va passer aux questions secondaires qui ont leur importance. La première, est-ce que vous aurez les moyens financiers de mener cette campagne ?
Ecoutez, nous verrons bien. Pourquoi ne les aurais-je pas ?
D'abord, à combien évaluez-vous le coût d'une campagne ? Jean Pierre Chevènement, hier, a dit qu'il pensait que ça coûtait 50 millions de francs et qu'il n'était d'ailleurs pas tout à fait sûr de pouvoir les rassembler pour faire campagne lui-même. Alors vous, est-ce que vous pensez que cette campagne coûtera 50 millions de francs, ou moins ou plus ? Et comment fait-on pour les rassembler ?
Tout dépend d'abord tout dépend du type de campagne que l'on choisit. Si on fait une campagne style " barnum circus "
La campagne de chapiteaux.
Ou une campagne.
Comme on faisait dans le temps ?
Ou une campagneoh non, ce n'est pas ça qui coûte le plus cher, une campagne à l'américaine. Alors là effectivement, si j'en juge par l'argent qu'ont dépensé Monsieur Chirac, Monsieur Balladur ou Monsieur Mitterrand, alors là il faut effectivement beaucoup d'argent, ce n'est pas 50 millions, c'est 150, 180, 200
Peut-être plus, non ?
Non, parce qu'il y a un plafond qui est fixé par la loi, premièrement. Deuxièmement, vous n'oublierez pas, non plus, que les dépenses de la campagne présidentielle sont remboursées dans une certaine mesure..
A condition d'avoir
Oui, à condition de faire au moins 5 %, mais si on ne fait pas 5 %, il vaut mieux aller à la pêche. Moi, j'ai une seule expérience dans tout ça, c'est la campagne européenne, qui a été une campagne nationale, qui a été conduite dans un temps relativement bref. L'essentiel de la campagne a été conduit dans un temps relativement bref et en définitive, nous avons dépense, si j'ai bonne mémoire, 31 millions.
Donc là, vous pensez mener une campagne aussi brève pour les présidentielles.
De toute façon, mois je crois que les Français.. c'est le sentiment que j'ai, c'est que les Français n'apprécieront pas que l'on consacre et que l'on dépense énormément d'argent dans une campagne électorale. L'argent n'est pas inutile, mais l'argent ne remplace pas les idées, il ne remplace pas la foi, il ne remplace pas le charisme. Vous savez, lorsque j'étais dans les affaires industrielles et commerciales, il m'arrivait de traiter - vous vous en doutez bien - avec des agences de publicité. J'ai dit un jour à Monsieur Chirac dans une campagne " Il ne faut pas attendre des publicitaires qu'ils créent le produit, ils sont là pour mieux le présenter, le faire vendre, ils ne sont pas là pour le créer ".
Vous aurez un porte-parole, Monsieur Pasqua.
Oh en temps utile, oui.
Vous ne savez pas encore son nom ?
Ecoutez, nous sommes au mois de juin.
Oui, mais c'est important.
Est-ce que c'est vous qui allez faire la campagne ou moi ? Bon, alors le moment venu, nous verrons. Moi, vous savez, je me rode tranquillement. J'étais, il y a une dizaine de jours, devant les étudiants de l'ESSEC, je serai cette semaine devant ceux de HEC, j'étais, il y a trois semaines, devant des étudiants de l'IUP de Strasbourg
Avez-vous besoin de vous roder ?
Non pas vraiment, mais il est toujours intéressant tout de même de voir les réactions, et notamment les réactions des jeunes et moi, déjà au moment des élections européennes, ce qui m'avait beaucoup frappé, c'était leur indifférence à l'Europe, ce qui fait que, en réalité, j'ai été obligé de consacrer une bonne partie de mon intervention à leur expliquer que l'Europe, c'est important, ce qui n'était pas le moindre des paradoxes.
Une question, vous avez 74 ans, ce n'est un secret pour personne, beaucoup d'auditeurs se demandent et vous demandent si ça n'est pas un âge un peu avance pour tenter une telle aventure, voire gérer un pays comme la France et s'il n'est pas temps de laisser la place à des candidats plus jeunes ?
Ecoutez, c'est aux Français de décider. Moi, ce que je pense, c'est que dès lors qu'on a en soi la volonté, la capacité et le charisme pour convaincre les gens de ce à quoi on croit, on a le devoir d'y aller et puis après, les Français décident. Quand le Général de Gaulle s'est présenté - je ne me compare pas au Général de Gaulle - mais il avait, je crois, 75 ans en 1965. Le problème n'est pas d'avoir je préfèrerais naturellement avoir dix ans de moins, la question ne se pose pas, mais je vois des gens qui sont beaucoup plus jeunes que moi et je les regarde, je vois de jeunes vieux ou des vieux qui n'ont jamais été jeunes. J'essaye vainement de déceler à quoi ils croient, quelles sont leurs convictions, je n'en vois pas, en dehors de la volonté de faire carrière, c'est la différence. Moi, je n'ai pas une carrière à faire, je n'ai pas d'ambitions personnelles, et donc j'irai et je dirai ce que j'ai à dire.
(Suite de l'interview sous la référence 013001748-002)
Alors, on va parler de quelques cailloux sur votre route, Monsieur Pasqua. Vous êtes cerné, en ce moment, par les juges, est-ce que vous croyez qu'il y a une relation avec les mises examen dont vous faites l'objet et le fait que vous soyez candidat à la présidence de la République ? En d'autres termes, est-ce que vous pensez que les juges ont la volonté de vous gêner dans cette affaire ?
Ecoutez, si vous voulez dire par là : est-ce que vous pensez que les juges sont entre les mains des partis politiques, etc, la réponse est non, bien entendu. Est-ce que, par contre, il n'y a pas de la part de certains juges la volonté d'essayer d'épingler dans le cadre d'affaires - dont nous dirons peut-être un mot - des poissons politiques importants ? Quand je vois le sort qui est fait à Jacques Chirac, je ne suis pas étonné de celui qu'on me réserve.
Oui, même si les juges font leur métier, tout seuls, sans que les partis politiques ne leur soufflent quoi que ce soit, qui avez-vous l'impression de déranger le plus aujourd'hui, la droite ou la gauche ? Jacques Chirac ou Lionel Jospin ?
A vrai dire, tout le monde, parce que ce que j'essaie vainement de voir, c'est la différence qu'il y a entre la droite et la gauche sur les problèmes essentiels qui concernent la France, sur l'Europe. Messieurs Chirac et Jospin ont la même démarche. Sur la plupart des sujets qui concernant les Français, bien malin celui qui me dirait, par exemple, la différence qu'il y a sur le plan de la politique économique telle qu'elle est suivie actuellement. Sur le plan de la politique sociale, quelles sont les différences ?
Et pourtant, à voir la relation entre les deux hommes...
Oui, je crains malheureusement que s'ils devaient être candidats tous les deux, nous aurions comment dirais-je une campagne virtuelle entre deux caricatures, parce que, qu'est-ce qui les différencie ? Quelle est la différence fondamentale ? tous les deux parlent d'un certain nombre de choses, mais quelles mesures ont-ils prises l'un et l'autre ? Je vais prendre un exemple : aujourd'hui, les Français sont préoccupés par la montée de la délinquance et le souci de la sécurité est devenu le souci numéro un des Français. Jospin a cru faire le bon choix en prenant Chevènement comme ministre de l'intérieur. Je veux dire que dans la réalité des choses, soit il n'a pas obtenu les moyens nécessaires...
Les moyens qui lui étaient indispensables.
Soit il s'est contenté, en définitive, de mesures qui, en apparence, résolvaient les problèmes, c'est le cas des adjoints de sécurité. On a recruté 17.000 agents de sécurité, au lieu de recruter des policiers. Le résultat : on a des gens qui ont l'allure de policiers, mais qui n'ont aucun des moyens dont disposent les policiers. Ils sont payés au même niveau que des policiers stagiaires, mais ils n'ont sur le plan légal, aucun des moyens d'intervention des policiers. On parle de la police de proximité, ça figurait dans la loi que j'avais fait voter, mais cette loi sur la sécurité, le gouvernement qui a suivi celui auquel j'appartenais, n'a pas donné les moyens nécessaires pour qu'elle soit appliquée. Alors, mois je veux bien que l'on parle d'un certain nombre de choses, moi je sais ce qu'il faut faire, je l'ai démontré quand j'étais ministre de l'intérieur, bon, et dans un certain nombre de domaine, on en est au même point.
Vous pensez que les Français...
Quelle est la différence entre Monsieur Chirac et Monsieur Jospin dans ce domaine ? tous les deux parlent de la nécessité de lutter contre l'insécurité. Je reconnais à Monsieur Chirac qu'il l'a toujours dit. Mais Monsieur Jospin, après avoir dit pendant très longtemps, les socialistes ont dit pendant très longtemps que c'était un fantasme de la droite, maintenant ils disent que c'est un droit des citoyens, mais ils ne font rien, rien du tout.
Vous pensez que les Français vous suivront, Monsieur Pasqua, si vous dites que Jospin et Chirac c'est bonnet blanc et blanc bonnet ?
Oh, je ne dirais pas tout à fait ça comme ça, mais d'abord moi, je ne vais pas faire une campagne en parlant uniquement de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. Je dirai aux Français ce qui paraît devoir être fait, parce que la France a besoin d'être redressée dans ses institutions, elle a besoin d'être modernisée, le poids de l'administration a besoin d'être allégé, de même que les finances qui ont besoin d'être remises, notamment au niveau de la fiscalité, à un niveau convenable. Tout ça, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je le redirai, mais je dirai également quels sont les moyens pour obtenir ce résultat, je ne me contenterai pas de dire
D'annoncer les objectifs
..il faudrait faire ceci ou cela.
Quelques mots sur les affaires, Monsieur Pasqua, les juges qui vous traquent. On a lu, ça et là, qu'il y avait eu 71 voyages auxquels vous aviez participé sans vous inquiéter jamais de savoir qui les payait.
Ecoutez.
C'est normal ? je ne suis pas juge, mais
Premièrement, il y a des accusations qui ont été portées contre moi, elles ne reposent sur rien. Les juges n'ont aucune preuve dans aucun domaine, pas plus sur les avions d'Elf que sur autre chose, voilà. J'ai d'ailleurs dit hier, en forme de boutade, que je préfèrerais Air France à Air Elf. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? D'ailleurs on me présente une liste de vols, sur lesquels il n'y a d'ailleurs pas mon nom, et on me dit " Est-ce que vous avez pris ces avions ", et puis on me demande ça, je vous signale au passage que nous sommes en 2001, sur ce qui s'est passé.
92, 95.
CP, en 92 et en 93 ? Tout ça n'est pas très sérieux. En 93, j'étais au gouvernement, je ne vois pas pourquoi j'aurais pris les avions d'Elf. En 92, j'étais un des dirigeants du RPR, quand je me déplaçais, c'est le RPR qui payait et lorsque ce n'était pas le RPR, mouvement politique, c'était le groupe du Sénat. Alors qu'on cesse donc chaque fois d'essayer de déterrer quelque chose et comme par hasard, on a sorti cette affaire à la veille du congrès. Alors, vous n'allez pas me dire que tout ça est innocent. D'autre part, j'attends encore que le Garde des Sceaux ou le juge qui instruit les affaires me concernant, portent plainte contre la violation du secret de l'instruction.
Vous demandez à Madame Lebranchu ?
Ecoutez, moi je lui ai déjà écrit à Madame Lebranchu, donc elle sait ce que je pense, mais je l'ai d'ailleurs dit au juge qui m'interrogeait ; j'ai dit " Est-ce que vous trouvez normal, Monsieur le Juge, que les procès verbaux de l'instruction se retrouvent dans la presse ? "
Qu'est-ce qu'il vous a répondu ?
J'attends encore, il m'a dit non il avait l'air de dire qu'il n'y pouvait rien, bon. Ce n'est plus le secret de l'instruction, c'est le secret de Polichinelle ! Naturellement, c'est une forme d'instruction publique qui ressemble au pilori, parce que, dans le même temps, vous n'avez pas, vous, la possibilité de vous défendre et de donner vos arguments. Quand un journal consacre deux pages à dire un certain nombre de choses, on ne va pas vous donner deux pages pour répondre, on ne va même pas vous donner deux paragraphes, voilà la réalité des choses. Alors ce que je trouve scandaleux, qu'il y ait une instruction judiciaire, nous verrons bien où elle va. Je le redis, il n'y a rien.
Vous en êtes certain, ils ne trouveront rien ? Rien ne sera établi de ces mises en examen
Ecoutez-moi, qu'on me regarde, qu'on voit comment je vis, ça me fait vraiment rire quand on dit qu'on va étudier et qu'on va analyser les finances du parti que je préside, tout le monde sait que nous sommes fauchés, j'en profite d'ailleurs pour lancer un appel, tenez que tous ceux qui le veulent nous aident. Alors, ce que je trouve scandaleux, c'est cette espèce d'exploitation de tout cela qui est anormale dans un système démocratique, c'est tout, je trouve que ce n'est pas normal. Je trouve que, ou bien il y a le secret de l'instruction, ou bien il n'y en a pas, mais dans ce cas, il faut changer de système.
Monsieur Pasqua, est-ce que vous êtes sûr de ne pas avoir commis, disons, des imprudences, des laisser aller, des
Je suis aussi sûr que de vous voir en ce moment, Monsieur Lapousterle, à Radio Monte Carlo. Je suis aussi sûr de ça, voyez-vous, je n'ai commis aucune imprudence, aucun délit, et d'ailleurs, il n'y a aucune preuve de quoi que ce soit. On m'accuse de quoi ? D'avoir fait remettre une décoration à Monsieur Gaydamak contre de l'argent ? D'avoir reçu de l'argent pour le financement du RPF ? Où y a-t-il la moindre preuve, le moindre centime ? Il n'y a rien ! Et donc, il est bien évident que je ne suis pas décidé à me laisser faire.
Quand vous avez dit à un moment : " je n'accepte pas les mises en examen ". Mais qu'est-ce que vous pouvez faire, Monsieur Pasqua ?
Utiliser les procédures, Monsieur Lapousterle, elles existent.
Tout à l'heure, vous faisiez allusion à Monsieur Gaydamak, que vous auriez aidé à obtenir une décoration, l'ordre du mérite..
Je ne l'ai pas aidé, j'ai demandé la décoration pour lui.
Vous avez dit que Jacques Chirac était parfaitement au courant de toute cette affaire et que vous dénonciez une sorte d'immixtion du pouvoir judiciaire dans le fonctionnement du pouvoir exécutif. Est-ce que vous pouvez vous expliquer un peu.
Je n'ai pas dit tout à fait ça. J'ai dit que Gaydamak a reçu une décoration pour les services rendus lors de la libération des pilotes de Bosnie. Je rappelle que, avant que nous nous en occupions, les services de renseignements français considéraient que les pilotes étaient morts. Nous nous en sommes occupés et la libération des pilotes est intervenue. Pour cela, il a fallu qu'un certain nombre de conditions soient réunies, notamment que nous ayons le soutien des services russes, etc. C'est en fonction de cela que Gaydamak s'est vu récompensé. On lui avait dit dès le départ qu'on lui manifesterait notre reconnaissance, reconnaissance sous quelle forme ? L'Etat n'a pas 36 manières de manifester sa reconnaissance. Les juges se mettent dans l'idée que cette médaille a été remise parce que, dans le même temps, il y a une subvention envoyée par une fondation à une association à laquelle j'ai appartenu. Ils ont donc considéré que c'était en quelque sorte une rétribution ? Je commencerai par dire que c'est une injure parce que je crois que j'ai fait suffisamment de choses dans ma vie, j'ai servi l'Etat, Marchiani aussi, nous avons un certain sens des services de l'Etat et s'il y a des gens susceptibles de vendre des médailles, j'espère qu'il n'y en a pas en France, mais en tous les cas, il faudrait les chercher ailleurs. Là-dessus, le juge a entendu le directeur de cabinet du président de la République, qui lui a dit qu'il n'était pas au courant des raisons, mais c'est évident qu'il n'est pas au courant des raisons pour lesquelles on a donné cette médaille. Mais je dis également que les juges n'ont pas à s'immiscer gans le fonctionnement de la Présidence de la république.
Ce que vous voulez dire c'est qu'ils n'ont pas même à poser la question ?
Pas du tout. Ca n'est pas de leur compétence.
Est-ce que tout ça, toutes ces procédures qui vont probablement vous suivre, Monsieur Pasqua, ne vous affaiblissent pas politiquement ?
Ecoutez, si j'en juge par l'enthousiasme des gens qui étaient hier à ma réunion, si j'en juge par l'accueil que je rencontre sur le terrain, etc.. je crois que les gens relativisent tout ça. Ils ont bien compris que, par une sorte de coïncidence sur laquelle je ne m'étendrai pas, ces affaires ont éclaté, comme par hasard, au moment où j'ai confirmé que j'étais candidat à la présidence de la République, voilà, c'est tout et les Français ne sont pas bêtes..
Quand même dans cette affaire
Les Français, dans leur for intérieur, ils n'ont pas besoin qu'on leur explique longuement les choses, ils n'ont pas besoin d'une démonstration conduire par des juristes ou des spécialistes de sciences politiques, ils ont parfaitement compris. De même que lorsqu'ils voient les tracas que l'on essaie de faire à Monsieur Chirac, moi, je ne suis pas d'accord avec Jacques Chirac sur le plan politique, mais je considère que le président de la République doit être respecté, que la présidence de la République doit être respectée et lorsque je vois ce que fait Montebourg et l'attitude de Jospin qui, avec des mines de chat fourré là, parce que là maintenant il se régale - dire " Mais moi, je ne m'en occupe pas, je ne suis pas d'accord avec Montebourg ", n'est-ce pas, à qui fera-t-on croire..
Vous pensez que Montebourg est le bras armé de Lionel Jospin ?
D'abord que Montebourg veut faire parler de lui
Qu'il ne fait rien tout seul
Ca, c'est une évidence. En tous les cas, Madame Pégard, pensez-vous une seule minute que ce que fait Montebourg est de nature à contrarier Monsieur Jospin ?
Vous parliez à l'instant de Jacques Chirac. Où en sont vos relations avec lui aujourd'hui ?
Ca ne vous regarde pas.
Un petit peu, tout de même.
Non pas du tout, ça ne vous regarde pas.
Vous vous voyez toujours ou pas du tout, vous avez eu l'occasion de lui dire les raisons pour lesquelles vous seriez candidat à la présidence de la République ?
Ecoutez, il ne me l'a jamais demandé et je n'ai jamais éprouvé le besoin de le lui dire, même quand nous nous sommes rencontrés, et il le sait, il le sait très bien.
On parle de tout avec les amis.
Il sait que nous sommes en désaccord sur le plan politique, je le regrette d'ailleurs très profondément, parce que je considère qu'il n'avait pas été élu pour faire cette politique et qu'il a tourné le dos à ce que nous étions en droit, à ce que les Français étaient en droit d'attendre de lui.
Vous le regrettez pour lui ?
Je le regrette surtout pour la France, je le regrette aussi pour nous, c'est-à-dire pour tous ceux qui lui ont fait confiance pendant des dizaines d'années et qui l'ont mené où il est, ils ne l'ont pas fait pour qu'il conduise cette politique. Alors, il a le droit de changer d'opinion, il a le droit de changer de politique, mais alors il faut le dire.
Dans ce cadre-là, Charles Pasqua, est-ce que son éventuelle candidature - puisque sa femme a en tout cas annoncé qu'elle voudrait qu'il soit candidat, qu'il fut candidat - est-ce que vous pensez que sa candidature a un sens. S'il était candidat, est-ce que ça a un sens politique pour Jacques Chirac ?
Je ne comprends pas très bien ce que voulez dire.
Vous venez de nous dire que Jacques Chirac a fait le contraire de ce qu'il avait promis
Non, mais c'est vrai que
Pour être élu, donc je vous pose la question...
Ca, c'est mon opinion.
Est-ce que vous pensez qu'il doit être candidat ?
Non, mais ça c'est mon opinion et je pense que c'est l'opinion d'un certain nombre de Français, ce n'est pas l'opinion de Jacques Chirac. Jacques Chirac est de ceux qui pensent qu'il a été élu dans un contexte donné, je connais ce genre d'argumentation, il a été élu dans un contexte donné, que le contexte a changé et qu'il a essayé de faire pour le mieux, voilà pourquoi il sera candidat, je comprends ça très bien.
Vous ne doutez pas qu'il le soit ?
Pas une seule minute, je ne doute pas non plus que Monsieur Jospin le soit, à moins que d'ici là il soit revenu à ses premières amourspolitiques, je veux dire, qu'il redevienne le camarade Michel, ce qui ferait le plus grand plaisir à Arlette Laguiller et à d'autres et à Krivine.
Tout le monde dit à droit que le seul candidat, chaque fois qu'on interroge un homme politique, le seul candidat qui puisse gagner à droite, c'est Jacques Chirac.
C'est ce que pensent notamment les élus et les élus ont une préoccupation essentielle, c'est d'être eux-mêmes réélus et donc, ils se disent : "Dans le contexte actuel, quel est celui qui peut le mieux garantir notre réélection ? ". Personne ne peut savoir dans quel contexte s'engageront les prochaines élections présidentielles et personne ne peut savoir ce qui en sortira. J'espère simplement qu'elles seront l'occasion d'un vrai débat et qu'on ne se contentera pas de dire " Il faut élire le plus sympa ou le plus diplômé, ou le plus ceci, ou le plus cela ". J'espère que les élections présidentielles - comme d'ailleurs ça doit être, c'est la règle - seront l'occasion de confronter les idées que l'on se fait de l'avenir de la France et des Français et ce qu'on envisage de faire pour la société française, pour que les Français y vivent mieux et chacun
Ce sont les Français qui décident.
Et chacun s'y sente à sa place.
Dans le cadre du second tour des présidentielles, est-ce que vous soutiendriez, quel que soit le candidat de droite est-ce que vous soutiendriez le candidat de droite arrivée en tête, pardon, quel qu'il soit ?
J'avoue que je ne comprends pas très bien cette question, parce que si je suis candidat, au risque de paraître à vos yeux et à ceux de vos interlocuteurs.
C'est pour gagner, vous allez arriver en tête.
C'est pour être moi-même présent au second tour, ce n'est pas pour apporter mes voix à qui que ce soit.
Au cas où ?
D'autre partnon, mais il ne faut pas raisonner comme ça, parce que quand on est candidat à une élection, on est candidat avec un programme ; plus qu'un programme, on est candidat avec un projet, avec des idées. Si d'aventure, on n'est pas présent au second tour, c'est aux électeurs de se déterminer, ce n'est pas à vous, vous n'êtes pas propriétaire. Ce n'est pas un fonds de commerce, une candidature. Enfin, les choses, dans mon esprit, sont ainsi.
Lionel Jospin a reconnu, cette semaine, qu'il avait été trotskiste - vous y faisiez allusion tout à l'heure - est-ce que vous le saviez qu'il l'avait été, vous qui avez été ministre de l'intérieur ? Est-ce que c'était un secret de Polichinelle ?
Très honnêtement, je crois que c'était un secret un peu un secret de Polichinelle, non je veux dire par là que, d'ailleurs on avait peu de moyens au ministère de l'intérieur de le savoir, puisque lorsque les socialistes sont arrivés au gouvernement en 1981, ils ont fait détruire toutes les archives des mouvements d'extrême gauche, à tel point d'ailleurs que lorsque nous avons dû engager la lutte contre Action directe, il a fallu que nous essayions de retrouver un certain nombre de renseignements qui nous ont fait cruellement défaut.
Et quand on dit que les RG, en ce moment, ont produit des documents pendant toutes ces années sur l'état de l'extrême gauche en France.
Ecoutez, alors ça, peut-être à partir de 1986, parce que quand je suis arrivé au gouvernement en 1986, je vous le dis de la manière la plus claire, les archives concernant les mouvements d'extrême gauche n'existaient pas.
Mais vous avez demandé qu'on refasse, qu'on reconstitue ?
On a essayé de retrouver de différentes manières, de différentes façons, les choses.
Est-ce que cela vous choque que Lionel Jospin ait été trotskiste ?
Qu'il ait été trotskiste, non ça ne me choque pas particulièrement, je crois que ce qu'il y a de choquant plutôt dans l'attitude de Lionel Jospin, c'est qu'il a menti, il a pris tous les Français pour des imbéciles. Je rappelle quel était son slogan : " Je fais ce que je fis et je dis ce que je fais ". C'est un menteur, il a menti, c'est clair, voilà. Il aurait mieux valu qu'il le reconnaisse.
Il a dit qu'il n'avait pas à s'expliquer.
Non. En réalité, je crois qu'il a été amené maintenant à le dire parce qu'un certain nombre de dirigeants de l'OCI ont commencé à livrer des précisions. Il ne faut pas oublier qu'il a d'abord dit que c'était son frère, on savait très bien que c'était lui, voilà. Le fond du problème, il est là et pas qu'il ait été trotskiste ou pas. Après tout, si on n'est pas révolutionnaire quand on est jeune, c'est un peu triste
Les Français s'en souviendront.
Il y a des révolutionnaires dans tous les camps.
Et les Français s'en souviendront le jour venu.
Oh, je crois qu'il sera jugé sur autre chose. Je crois que tout ça contribue à ternir son image, ça écorne un peu son image, parce qu'il s'était fait un fonds de commerce de la franchise, etc.. Ca, il est évident que sur ce plan, son image en a pris un coup.
Mais puisque nous sommes à l'heure des révélations, il y a beaucoup d'internautes, d'auditeurs qui nous demandent quelles étaient vos relations avec le SAC.
Ah, il faudrait que les internautes, qui posent cette question, sachent d'abord ce qu'est le SAC. Alors, s'ils veulent des précisions, ils n'ont qu'à me les demander, je les leur donnerai. J'ai été vice-président du Service d'Action Civique, de 1965 jusqu'au départ du Général de Gaulle. Je rappelle ce qu'était le SAC, à l'époque. Le SAC avait été constitué avec des gens qui venaient de la France libre, des anciens des maquis, etc et de gens qui étaient prêts à se faire tuer pour le Général de Gaulle, si nécessaire. Après qu'il y ait eu une dérive et qu'il y ait eu d'autres gens, c'est une autre histoire, mais ne doutez pas une seule minute que, moi-même, si j'avais dû me faire tuer pour le Général de Gaulle, je l'aurais fait. Alors peut-être que ce sont des choses qui, aujourd'hui, sont difficiles à comprendre, mais pour ceux qui avaient suivi le Général de Gaulle dans la guerre et qui se faisaient une certaine idée de la France, ils auraient considéré cela comme tout à fait normal. J'ajouterais, au passage, je le rappelle, qu'un certain nombre de personnes envisageaient de tuer le Général de Gaulle.
Jean-Pierre Chevènement, aujourd'hui, Monsieur Pasqua, a demandé la création d'un pôle républicain pour changer la donne, c'est l'expression qu'il a utilisée, est-ce que c'est un programme que vous pourriez, un objectif que vous pourriez signer finalement avec lui ?
Vous plaisantez ou vous êtes sérieux ?
Non j'essaie d'être sérieux, je vous pose la question.
Mais Monsieur Chevènement est à gauche.
Un pôle républicain
La différence, écoutez Monsieur Lapousterle, ne jouons pas sur les mots. Moi, j'ai rompu avec mon camp, j'ai quitté le RPR, j'ai rompu avec Jacques Chirac auquel me liaient des liens depuis des dizaines d'années et pour des raisons de fond. Aujourd'hui, je ne suis plus dans ce camp. Monsieur Chevènement est toujours dans le sien, il est toujours avec le Parti socialiste, le Parti communiste, etc.. Que dans le même temps il aille à la pêche aux voix, ça c'est son droit. Ca n'enlève rien à ses qualités, je ne conteste pas les sentiments républicains de Jean Pierre Chevènement, mais je dis simplement qu'il ne faut pas non plus donner dans l'équivoque, voilà. Lui, c'est lui, moi c'est moi, c'est clair.
Florence Kuntz qui est député européen que l'on sait proche de vous, assistait hier au congrès du MDC, est-ce qu'elle portait tout de même un message ? Est-ce que vous pensez que les deux rives se retrouveront un jour, puisque naguère on parlait du rapprochement ?
Mais non.
Des deux rives, la vôtre et celle de Jean Pierre Chevènement ?
Oui, mais je sais bien que cette idée a existé, qu'elle a séduit beaucoup de gens
Y compris dans votre propre entourage.
C'est de cela dont je parle, les autres, ça m'est égal. Ca a séduit beaucoup de gens, mais quelle est la réalité des choses ? Lorsqu'on parle de cette manière, qu'est-ce qu'on constate ? Les gens de droite, qui soutiennent cette idée, sont tout à fait prêts à rejoindre des gens de gauche et à faire un bout de chemin avec eux, mais où sont les gens de gauche ?. Où sont les gens de gauche qui sont venus, qui nous ont rejoint au moment des européennes, etc ? Où était Monsieur Chevènement à ce moment là ? Où étaient ses amis ? Où siègent-ils au Parlement européen ? Ils siègent au sein du groupe socialiste, le groupe socialiste européen, qu'est-ce qu'il est ? Il est fédéraliste. Alors, je crois qu'il ne faut pas donner dans l'équivoque, il faut que les choses soient claires. Cela étant, Florence Kuntz qui, entre temps, a quitté mon groupe pour le mouvement européen, qui est toujours membre du RPF, qu'elle soit allée à la réunion de Chevènement, c'est son droit le plus absolu.
Vous étiez au courant ? Vous aviez approuvé ? Elle vous l'avait dit avant ?
Je n'ai rien approuvé du tout, parce qu'elle n'est pas sous mes ordres et je ne suis pas son chef, bon. Je l'ai vue, elle m'a dit qu'elle avait l'intention d'aller à la réunion de Chevènement, cela ne l'empêchera pas de me soutenir le moment venu. Je lui ai dit " Ecoutez ma chère Florence, vous faites ce que vous voulez, nous sommes tous des citoyens libres, chacun va et fait ce qu'il veut ", c'est clair.
Un problème que vous avez juste évoque, Monsieur Pasqua, après-demain l'Assemblée Nationale va discuter de la fameuse proposition de loi de Monsieur Ayrault, qui est le président du groupe socialiste, tendant à faire que le président soit un président citoyen et donc que ne lui appartienne plus le privilège de juridiction qui et le sien.
Je trouve la démarche de Monsieur Ayrault, c'est comment dirais-je, c'est un attrape-nigauds. Monsieur Ayrault veut apporter la preuve que Jospin n'était pour rien dans les démarches de Montebourg, mais dans le même temps, il porte un sérieux coup aux privilèges du président de la République. Je crois que pendant toute la durée de sa présence à la tête de l'Etat, il doit y avoir une immunité du président de la République.
Même pour ce qui a été fait avant ?
Il y a une immunité et un privilège de juridiction, autrement n'importe qui pourrait porter plainte contre le président de la République, ça n'existe pas ça, on ne peut avoir ce type de situation dans le fonctionnement de l'Etat. Que, par contre, on fasse en sorte, s'il y a des choses à reprocher au président de la République, que les délais de prescription soient suspendus, ça c'est normal, et que lorsqu'il redevient un citoyen comme un autre, s'il a des comptes à rendre, qu'il les rende, mais pas pendant qu'il est président de la République. Dans aucun pays au monde pratiquement cela n'existe, en tous les cas nulle part en Europe. Vous savez comment ça s'appelle ça. Ca s'appelle de la démagogie et le manque du sens des responsabilités. Voilà comment ça s'appelle.
Quand vous avez vu que les Irlandais avaient voté non à un référendum sur le traité de Nice, ça vous a fait plaisir, Monsieur Pasqua ?
D'abord j'ai considéré que les Irlandais avaient bien de la chance de pouvoir s'exprimer eux-mêmes et de décider de ce qui leur paraît nécessaire pour leur pays, ce qui n'est pas le cas chez nous. Et je crois que le non des Irlandais ne va pas inciter Monsieur Chirac à consulter les Français par la voie du référendum. Dans le même temps, j'ai vu que Monsieur Bayrou s'était rallié à l'idée du référendum, ce qui pour moi, évidemment, est une très grande satisfaction. Comme dirait Bayrou : " Il y a plus de joie au ciel, il y a des gens qui se repentent pour un saint qui persévère ".
Est-ce qu'un référendum en France donnerait le même résultat qu'en Irlande, selon vous, aujourd'hui ?
C'est probable, c'est probable, mais je crois que ceux qui nous gouvernent ne se rendent pas bien compte, parce qu'ils ont perdu le contact des réalités. Ils prennent un certain nombre de décisions, ils ne se rendent pas compte que, en réalité, ils n'ont pas assumé leurs responsabilités dans la conduite de l'Europe, que l'Europe est devenue de plus en plus bureaucratique, technocratique. Quand je parle de l'Europe, je veux parler des fonctionnaires, des technocrates, de ceux qui, en réalité, animent la commission de Bruxelles et qui finalement compliquent la vie des Européens, au lieu de s'occuper de l'essentiel, voilà. Alors je crois que tout cela, il faudra y mettre bon ordre, mais ils ne le voient pas, pas plus qu'ils ne voient probablement les conséquences du passage à l'euro. Et à ce propos, puisque Monsieur Bayrou vient de se convertir à l'idée du référendum, je souhaiterais qu'il fasse comme moi une demande de référendum au président de la République, qui s'était engagé dans sa campagne électorale à consulter les Français par la voie du référendum avant la disparition du Franc. Mois, je ne suis pas du tout pour qu'on supprime l'euro. Il doit exister comme monnaie commune, mais qu'on ne supprime pas le Franc. J'ai d'ailleurs l'intention de faire campagne pour que le Franc demeure, mais ce qui n'est pas le moindre des paradoxes, mais enfin ça ne l'est qu'en apparence, ma première démarche consistera à aller à Berlin pour demander aux Allemands de garder le mark.
Vous pensez que la mise en place de l'euro va être très difficile ?
Je pense qu'elle occasionnera beaucoup de déboires dans des quantités de domaines, qu'il s'agisse des petites et moyennes entreprises qui ne sont absolument pas prêtes, qu'il s'agisse des citoyens eux-mêmes, des personnes âgées, etc. Evidemment, les gens qui sont à un certain niveau ne connaîtront pas ces problèmes. Tous ceux, par exemple, qui ont des cartes de crédit, peuvent très bien payer demain avec des cartes de crédit. Ils s'apercevront simplement que, tout d'un coup sur leur compte en banque, il y a beaucoup moins d'argent, il y aura la même valeur, mais ça aura changé.
Pourquoi, Monsieur Pasqua, avez-vous dit à vos militants : " ceux qui vont me suivre en baveront " ?
Parce qu'il faut qu'ils se rendent compte d'une chose, n'est-ce-pas, je souhaite que ceux qui vont s'engager dans cette bataille derrière moi, n'attendent rien pour eux et ils doivent savoir également qu'une campagne présidentielle, ce sera dur, que les coups ne nous seront pas ménagés, ils le voient d'ores et déjà et moi, je ne promets rien, je ne promets ni des postes de député, ni quoi que ce soit. Je ne combinerai avec personne, personne n'a rien à attendre. Ce que j'aurais aimé, c'est que la télévision, qui a passé quelques images, peu mais quelques-unes unes, montre la réaction de la salle au moment où j'ai dit ça, parce que la salle a applaudi avec enthousiasme, parce que les gens qui s'engagent ne s'engagent pas pour avoir quoi que ce soit, ils s'engagent pour la France.
C'est du Churchill, ça, du sang et des larmes, non ?
Oui dans une certaine mesure, c'est ça, il ne faut rien attendre pour soi-même, il faut donner, c'est tout à fait autre chose. Il faut donner tout ce qu'on peut donner pour la France, voilà ce qu'on est en droit de dire aux gens qui veulent s'engager dans cette bataille.
Merci d'avoir été avec nous Charles Pasqua.
Merci beaucoup, au revoir.
(Début de l'interview sous la référence 013001748-001)
(source http://www.rpfie.org, le 21 juin 2001)