Interview de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, à Europe 1 le 24 décembre 2010, sur la situation dans les aéroports en raison de la pénurie de produits de dégivrage.

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Média : Europe 1

Texte intégral

G. Cahour.-  Bonjour Thierry Mariani.
 
Bonjour.
 
Les départs pour Noël sérieusement compliqués par la neige et le verglas. Nous allons commencer avec les aéroports. 2.000 personnes ont dormi dans les aérogares de Roissy Charles de Gaulle. D'abord, vous nous confirmez ce chiffre, Thierry Mariani ?
 
Oui, 2 000 et à peu près 2-3 000 ont aussi dormi dans les chambres d'hôtels.
 
A minuit, on a appris que finalement 50 % des vols étaient annulés aujourd'hui. Qu'est-ce qui s'est passé pour que brusquement la situation dégénère au milieu de la nuit ?
 
Qu'est-ce qui s'est passé ? Eh bien, jusqu'à 16 heures - 17 heures, les choses allaient à peu près bien, c'est-à-dire que comme prévu on avait 25 % d'annulations des vols mais les 75 % restants devaient partir. En réalité, il a neigé quasiment toute la journée, une neige fine sur Roissy, contrairement à Orly, avec une neige qui est collante. Et en réalité qu'est-ce qui a grippé, si je puis dire ? C'est le dégivrage. A savoir, qu'avant, on ne va pas rentrer dans les détails, mais on dégivrait en gros entre 40 et 45 avions chaque heure, on est passé à cause de cette neige collante à 4 avions à l'heure par machine - il y en sept, 4x7 = 28, si je sais bien compter. Donc, à 28 avions par heure...
 
... au lieu de 45, en temps normal.
 
Au lieu de 45 en temps normal, pour dégivrer, mais en réalité il nous en faudrait 70 en temps de départ normal. Et rajoutez à ce moment que la neige étant collante, il faut encore plus de produits, forcément, puisque le dégivrage dure plus longtemps. Donc, ce qui veut dire : 1) toute une série d'annulations absolument pas prévues parce que le dégivrage n'allait pas assez vite ; et 2) comme le dégivrage devait être plus fort, plus dense, compte tenu de la qualité de la neige, plus d'utilisation de produits.
 
Et donc, rupture de stock de produits ?
 
Et du coup, inquiétudes très sérieuses sur les stocks de produits pour la journée d'aujourd'hui.
 
Ca veut dire que là, ce matin, on ne peut plus dégivrer les avions ?
 
Si, si, ça veut dire, je vais vous dire, je vais être très clair, vous voyez, mon dernier point que j'ai fait à 3 h 32...
 
... vous êtes en train de regarder votre Blackberry.
 
Ben oui, parce qu'il nous reste assez de glycol pour traiter demain 140 départs en attendant les livraisons du matin par avion, +20 avions, et par camion +30 avions. Donc, si j'additionne 140 et 30 = 170 et 20 = 190. Ce qui fait à peu près qu'à cette heure-ci on peut espérer de pouvoir traiter aux alentours de 200 avions en décollage.
 
Mais il y en a 1 600.
 
Non, il y a 50 % de réduction, étant entendu aussi qu'on attend...
 
... oui, mais bon, ça fait quand même toujours plus de... ça fait 750 avions, quoi.
 
Absolument !
 
800 ?
 
Ca, c'est l'état des prévisions si la neige reste de la même qualité et si on a besoin autant de produits.
 
Donc, ça veut dire qu'on ne pourra pas dégivrer tous les avions aujourd'hui.
 
Ca veut dire qu'on ne pourra pas dégivrer tous les avions aujourd'hui s'il continue de neiger avec la même neige.
 
Comment expliquer qu'on ait autant manqué de produits de dégivrage ?
 
Parce que les responsables d'Aéroports de Paris nous disent qu'on a une conjonction d'évènements rapprochés, on en est à la troisième vague, qui ne s'est jamais produit depuis l'ouverture de Roissy. Deuxièmement, tous les aéroports d'Europe ont le même problème, vous vous souvenez peut-être que Bruxelles a dû fermer pour ça il y a quelques jours. Et troisièmement, je dis ça sans sourire, l'usine, la principale usine qui produit le glycol en France...
 
... donc, ce produit de dégivrage.
 
Voilà, se trouve à Fos-sur-Mer, et elle était en grève pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le trafic aérien, et sa production recommence à partir de lundi.
 
Donc, là, on est obligé d'importer le fameux glycol, le produit pour dégivrer les avions, sans quoi ils ne peuvent pas décoller.
 
Ah ben, quand je dis « importer », vous avez noté qu'il y a un camion qui arrive, en réalité il arrive d'Allemagne, et qui devrait nous permettre 30 départs, et il y a un avion des Etats-Unis qui arrive avec du produit glycol et qui devrait atterrir tout à l'heure.
 
Quand ça ?
 
Dans la matinée.
 
Et ça, ça ne nous permettra pas de passer le week-end ? Comment on va terminer le week-end parce qu'on nous annonce du froid, donc probablement, là, ça ne sera plus de la neige mais ça sera, quoi, une sorte de verglas sur les pistes, sur les avions ?
 
Tout dépend, je répète, des conditions météo, de la qualité de la neige, etc. Hier, jusqu'à 18 heures, on nous annonçait que les choses se présentaient bien.
 
S'il n'y a pas de neige mais du froid, il faut encore dégivrer les avions.
 
Je ne suis pas spécialiste du dégivrage, bien que...mais s'il n'y a pas de neige et qu'il y a un froid pas intense, on n'est pas forcément obligé de dégivrer les avions.
 
Est-ce que quelque part vous dénoncez un manque de prévision d'Aéroports de Paris ?
 
Là, le problème est de faire partir le plus d'avions parce que ce soir c'est la veillée de Noël. Moins il y aura de personnes dans les aéroports, mieux tout le monde se portera.
 
Il semble qu'il y ait aussi des problèmes d'information. On a entendu plusieurs témoignages qui sont arrivés au téléphone rouge d'Europe 1, pour nous dire « on est dans l'avion, on n'est pas informé, on ne sait pas ce qu'on va devenir ».
 
C'est exact qu'on a des problèmes d'information très nets. C'est exact aussi que..., vous savez quand vous voyez sur vos écrans ou à votre radio qu'il y a des problèmes, qu'il y a des milliers de passagers qui attendent à Roissy, vous avez aussi du personnel qui doit venir travailler, qui se dit peut-être... voilà, donc on a aussi des absentéismes de personnel dans certaines compagnies. On a ce qu'on appelle le phénomène de butée d'équipage. Qu'est-ce que c'est qu'un problème de butée d'équipage ? En clair, l'équipage monte dans l'avion, il reste 3-4 heures en attendant qu'on le dégivrage...
 
Donc, le manque d'information c'est dû au manque de personnel ?
 
Non, non, le manque d'information c'est dû au fait que la météo n'est pas prévisible à la minute et que quand la piste est obstruée, on ne sait pas exactement à quel moment la neige va s'arrêter.
 
Thierry Mariani, on va passer aux gares. Les gares, est-ce que là aussi il va y avoir des annulations de trains ?
 
Non, à priori, non, non. Les gares, le dernier communiqué, il y aura du retard parce qu'il y a de la neige.
 
Et les trains roulent moins vite.
 
Les trains roulent moins vite, donc il y aura du retard, mais normalement, d'après les informations que j'ai, la totalité des trains devrait être assurée.
 
Et la route, est-ce que vous déconseillez aux gens qui nous écoutent de prendre la route pour aller fêter Noël ?
 
Ecoutez, s'il neige, effectivement, comme on nous l'annonce, sur certaines régions, il vaut toujours mieux reporter son départ. Ceci dit, c'est la veillée de Noël, et je sais quand même qu'on a aussi envie de vivre en famille.
 
Vous avez peur qu'il y ait plus d'accidents que pour les autres vagues de neige de ces dernières semaines, parce que Noël, franchement, on a envie d'y aller, on tente le coup, non ?
 
Absolument ! Non, hier, on a eu quelques problèmes mais finalement sur la route ça ne s'est pas si mal passé que ça. Tout dépendra de la neige qui tombera aujourd'hui éventuellement.
 
Vous naviguez à vue ?
 
Non, je navigue en fonction de la météo.
 
Donc, à vue !
 
A vue, je pense que les techniciens de la météo ont aussi des informations, mais quand la météo enchaîne événement sur évènement, ça enchaîne problème sur problème.
 
Merci Thierry MARIANI d'être passé ce matin, en direct sur EUROPE 1.
 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 décembre 2010