Texte intégral
Merci, mon cher Alain. Je suis très impressionné par votre accueil. Je sais très bien que ce sont les résultats du baccalauréat aujourd'hui, dans un quart d'heure. Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue dans cette salle, pour ce colloque, pour vous permettre d'avoir un cadre de réflexion sur un sujet absolument éminent qu'évoquait Alain BAUER, et avec les meilleurs spécialistes. Je remercie évidemment notre directeur général, Jérôme FOURNEL, d'être à vos côtés.
C'est aussi l'occasion pour moi de dire toute l'estime et l'amitié que j'ai pour Alain BAUER, que je ne vous présente pas. Au-delà d'être un chercheur, un homme de réflexion, un humaniste célèbre, c'est aussi un conseiller précieux pour l'exercice de toutes les missions régaliennes. Il l'est, chacun le sait, pour les missions de sécurité, de protection des biens, des personnes, pour les missions également de protection, de réflexion sur la manière dont la France peut se positionner dans le monde. Et qu'il s'investisse également sur ce terrain est à la fois la preuve supplémentaire de son éclectisme, mais aussi la manière de souligner la façon dont les enjeux sont importants autour de cette question essentielle de la lutte contre les contrefaçons dangereuses. C'est un enjeu économique. C'est un enjeu d'emploi. C'est un enjeu d'investissement. C'est un enjeu de protection, d'effort. Bref, la dimension de la lutte contre la contrefaçon n'est pas simplement de faire des stocks, présenter chaque année des résultats, brûler de la contrefaçon, faire de belles images à la télévision.
C'est un immense travail, considérable, jour après jour, pris par les douaniers, sous l'autorité du directeur général dans des directives qui sont importantes. Il faut aussi mesurer le risque pris par ces douaniers sur le terrain pour intercepter ces éléments de contrefaçon. Nous ne mesurons pas assez que c'est parfois au péril de leur vie, que, dans l'exercice de leur mission, ces interceptions ont lieu. Je voudrais tirer un coup de chapeau très amical et affectueux à Alain BAUER, dire aussi toute la reconnaissance de l'État aux douaniers et à la manière dont ils exercent leur mission.
Nous devons évidemment être intraitables contre cette forme de criminalité qui menace les consommateurs - je l'ai dit - par les risques qu'elle fait prendre et les entreprises par le chiffre d'affaires qu'elle leur fait perdre. La lutte contre la contrefaçon est clairement et directement, d'abord et avant tout, une manière d'éloigner une menace directe sur les emplois. Nous luttons contre la contrefaçon pour deux raisons qui méritent d'être rappelées. En veillant à la loyauté des échanges internationaux, en défendant l'innovation, la recherche, nous protégeons notre économie, celle de nos partenaires, donc des industries et des emplois. Je vais vous donner quelques chiffres si vous me le permettez en ce début de colloque. Dans un contexte de mondialisation accrue des échanges, la contrefaçon constitue un phénomène particulièrement dangereux. La contrefaçon est en augmentation constante. Elle représenterait 10 % du commerce mondial, soit 200 à 300 milliards d'euros de perte pour l'économie mondiale, dont 6 milliards pour la France, avec une perte d'environ 30 000 emplois. Quand nous parlons d'une réalité économique, de l'impact de ce dispositif scandaleux, inacceptable et intolérable, nous le mesurons mieux quand nous disons qu'une entreprise française sur deux s'estime actuellement touchée par la contrefaçon. Une entreprise française sur deux. Tous les secteurs d'activité sont plus ou moins impactés. Évidemment, tout dépend de la marge que nous pouvons faire sur ces produits. Mais une entreprise sur deux. C'est donc une réalité quotidienne pour beaucoup d'acteurs économiques dans notre pays.
Par ailleurs, si elle a pu être, par le passé, considérée comme une activité marginale, la contrefaçon est passée en quelques années, comme malheureusement beaucoup de développement du grand banditisme d'autres secteurs, du stade artisanal au stade industriel. Elle a d'ailleurs suivi la progression du commerce mondial sur internet. Désormais puissante, internationale, souvent dotée d'installations industrielles à la pointe de la technologie et de réseaux de distribution très structurés, elle s'est organisée en filière très réactive et extrêmement rentable. Nous estimons qu'un euro investi peut rapporter jusqu'à dix euros aux contrefacteurs. Les grandes organisations criminelles jouent d'ailleurs un rôle désormais central dans le trafic de cigarettes, par exemple.
Comme elle génère des profits considérables, la contrefaçon constitue une source de financement idéale pour de nombreuses activités criminelles. Sous le contrôle de réseaux organisés, la contrefaçon fait souvent appel aux mêmes infrastructures, aux mêmes réseaux de transport que d'autres activités illégales, comme le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes ou la contrebande de tabac.
Aucun secteur de l'activité économique n'est épargné. Le luxe bien sûr, les jouets, les équipements automobiles, les appareils domestiques, les produits alimentaires, les logiciels, les produits numériques, les cigarettes, ainsi que les médicaments, ce qui est évidemment une source de préoccupation dans les missions qui sont assignées aux douaniers.
Deuxième élément de réflexion que je souhaitais partager avec vous : l'idée que la contrefaçon menace directement la santé et la sécurité des personnes. Ce n'est pas juste un impact économique. Ce n'est pas juste de la destruction d'emploi, même si c'est déjà ensoi insupportable. C'est également une menace directe, notamment avec le développement de ce que j'évoquais à l'instant. Parce que pour gagner en rentabilité, les contrefacteurs n'hésitent pas à enfreindre les normes de fabrication des produits qu'ils copient. Je vous donnerai quelques exemples assez effrayants d'ailleurs : les jouets inflammables, les médicaments, les produits d'hygiène sur ou sous-dosés, les parfums allergéniques, les robots ménagers qui sont dépourvus de systèmes certifiés de sécurité, les pièces détachées automobiles non soumises aux tests de conformité. Et la liste est encore plus longue. Je vous fais grâce de la lecture exhaustive.
Par ailleurs, la fabrication des contrefaçons s'effectue en toute illégalité. L'emploi irrégulier de main-d'oeuvre, l'irrespect des normes environnementales naturellement, le recyclage des gains financiers obtenus dans d'autres activités illicites. C'est bien la raison pour laquelle la douane, cher Jérôme FOURNEL, s'investit dans la lutte contre la contrefaçon, notamment de médicaments et de cigarettes, selon une stratégie à plusieurs leviers, qui vont du contrôle à la coopération internationale.
Face à cela, comment l'État réagit-il ? Quelle est sa réponse ? Elle est double : le contrôle d'une part, la répression d'autre part. La circulation, la distribution des produits, du tabac, ne peuvent s'effectuer qu'au sein d'un réseau strictement encadré et surveillé par la douane. Cet encadrement constitue un premier obstacle à la contrefaçon. L'achat de cigarettes dans le réseau des buralistes en garantit l'authenticité et a contrario naturellement fait peser une présomption de contrefaçon sur les cigarettes qui sont achetées hors de ce réseau. De plus, notre Code général des impôts dispose que la commercialisation à distance de produits du tabac manufacturés est interdite en France métropolitaine et dans les départements d'Outre-mer. Cela inclut naturellement les ventes par internet. Et en ce qui concerne les médicaments, un point qui est en plein développement, le système est également encadré : les médicaments ne peuvent être distribués qu'au sein du réseau des officines.
Que ce soit aux frontières ou à l'intérieur du territoire national, la lutte contre la contrefaçon constitue un des objectifs permanents des douanes. Elles travaillent en lien avec la direction générale de la concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes et avec les autres forces répressives. Il y a, d'ailleurs, au cours de ces dernières années, une évolution très substantielle, sur la qualité des relations et la capacité qu'il y a eu de se rapprocher de toutes les autres forces répressives. D'ailleurs, toute la pertinence de votre colloque s'inscrit aussi dans cette politique : une meilleure coordination, un meilleur partage, un meilleur croisement des réseaux, des informations, des structures. Et donc, le gain de temps est un élément stratégique dans la guerre de mouvement qui est menée contre les contrefacteurs. Les actions notamment menées par la direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières, et le service national de la douane judiciaire, complètent cette réponse à la lutte contre la contrefaçon et au démantèlement des filières.
Nous avons également mis en place, au niveau national, un plan d'action destiné à améliorer la lutte contre les fraudes sur internet et les trafics liés au commerce électronique, car internet - c'est un constat d'évidence sur ce sujet, comme sur tant d'autres - a démultiplié les voies d'accès aux produits contrefaits. Ce plan d'action comprenait notamment la création du nouveau service cyberdouane. Les résultats sont assez impressionnants. La douane a intercepté près de 7 millions d'articles de contrefaçon l'an dernier, contre 200 000 environ en 1994. En l'espace de 15 ans, vous voyez la différence d'unités, la différence de volume d'activité. Vous voyez d'ailleurs la différence de l'évolution de ce marché.
Ces dernières années, nos services douaniers ont saisi plusieurs centaines de milliers de médicaments contrefaits. L'an dernier, les services douaniers ont saisi 57 tonnes de cigarettes de contrefaçon. Je renouvelle évidemment toutes mes félicitations aux douaniers. Pour avoir été ministre de l'Outre-mer pendant deux ans, je n'ai jamais oublié les conditions d'interception, plus pour du trafic de cocaïne et de stupéfiants, mais il y avait aussi de la contrefaçon, dans tous ces parcs caribéens, extraordinairement dangereux, extraordinairement actifs, extraordinairement denses. Vraiment, je ne peux qu'encourager les uns et les autres à regarder les reportages sur les conditions d'action et d'intervention des douaniers pour mieux les soutenir et leur apporter justement un soutien public et permanent, pour les encourager, parce que leur tâche est difficile.
Troisième élément de réflexion que je souhaitais avoir avec vous : la nécessité pour l'État de continuer en permanence à adapter nos réponses. Premièrement, pour améliorer notre connaissance des flux logistiques de contrefaçon, nous avons besoin de développer nos partenariats avec les professionnels. Ce lien avec les acteurs directement concernés par la contrefaçon est très important. Il y a le développement d'accords européens entre l'office de lutte anti-fraude et les cigarettiers, par exemple, qui contribuent à lutter contre le commerce illicite des produits du tabac, grâce au renforcement de la traçabilité des cigarettes. La France a également conclu des accords bilatéraux, avec les principaux cigarettiers, afin de lutter de concert contre la contrebande et contre la contrefaçon. La coopération s'appuie - c'est assez logique - sur l'échange d'informations, sur une aide technique en matière d'authentification.
En juin de cette année, la direction générale des droits indirects, en partenariat avec les entreprises du médicament, dont je salue le représentant ici présent, a également signé avec les laboratoires pharmaceutiques une déclaration de principes relative à la lutte contre les médicaments contrefaits et falsifiés. Cette déclaration permet un meilleur échange d'informations avec la direction générale des droits indirects et les professionnels du médicament, l'échange de bonnes pratiques et l'accroissement de la formation du public. Concernant les perspectives de victoire, même si c'est un travail permanent, quotidien, il n'y aura pas un jour une annonce publique et officielle pour dire qu'il n'y aura plus de contrefaçon. Mais il y aura une action tellement déterminée, tellement récurrente, tellement régulière, tellement puissante de la part de l'État et des acteurs économiques que c'est un élément de dissuasion. Comme dans une partie d'échecs, la menace est plus importante que l'exécution. Si le filet a une maille suffisamment étroite et que même les petits poissons n'échappent pas à ce filet, c'est cet élément de dissuasion qui fait réfléchir.
Mais pour cela, il faut aussi le partage de l'opinion. Il faut que l'opinion s'approprie ce combat et qu'elle se l'approprie sur le plan économique. Il faut donc qu'elle ait une conscience claire de la réalité de l'impact sur le plan économique et de la destruction des emplois. Il faut que l'opinion s'approprie le soutien à l'action des douaniers, ne le vive pas comme une mauvaise manière lorsqu'elle est contrôlée, mais plutôt comme un élément de protection. C'est vrai pour les douanes, pour la lutte contre la contrefaçon, pour la lutte contre la contrebande. C'est vrai globalement pour tout ce qui concerne la protection des biens et des personnes en matière de missions régaliennes. Et donc, nous avons besoin du soutien de l'opinion. Nous avons besoin de gagner cette bataille de l'opinion.
Parce que les criminels ne sont pas à la traîne des évolutions technologiques. Ils se jouent aussi de nos structures administratives, des frontières. Et dès que des succès sont remportés par nos services, les opérateurs criminels réfléchissent immédiatement à la faille qu'il y a eu dans leur système pour essayer d'en inventer une autre. J'ai bien noté les propositions qui visent à procéder à un meilleur marquage des produits manufacturés. L'idée est certainement à creuser au niveau européen d'un dispositif mis en place par les fabricants à partir d'un cahier des charges publiques permettant d'identifier le lieu de production, les marchés de destination de chaque produit concerné. Évidemment, il faut que nous allions dans ce sens. Le Comité national anti-contrefaçon a d'ailleurs travaillé sur des solutions d'authentification des produits manufacturés.
Notre stratégie passe aussi par une nécessaire dimension européenne et internationale. Nous participons au processus de négociation découlant de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac actuellement en cours, afin notamment d'élaborer un protocole de lutte contre le commerce illicite de produits du tabac. Ce protocole a pour objectif d'établir un régime global de contrôle de la distribution et de la circulation des produits du tabac. Enfin, les négociations du Traité anti-contrefaçon constituent l'occasion de faire progresser ces questions au niveau mondial.
Voilà, mon cher Alain, quelques éléments de réflexion à partager avec vous. Nous allons évidemment continuer à agir pour protéger. Je regrette vivement de ne pouvoir être à vos côtés toute la journée pour partager vos réflexions. Il y a quelques sujets sur le feu, et notamment un débat d'orientation des finances publiques - c'est à cela que je pensais - cet après-midi, dont la représentation nationale.
En vous souhaitant à nouveau la bienvenue, en m'excusant auprès de vous de ne pouvoir rester à vos côtés et en vous souhaitant bonne réussite dans l'organisation de ce colloque et vous dire que, évidemment, je suis à votre disposition de moment venu pour reprendre toute idée qui pourrait être développée et nous permettre de lutter un peu plus encore contre la contrefaçon.
Merci.
Source http://www.drmcc.org, le 5 janvier 2011
C'est aussi l'occasion pour moi de dire toute l'estime et l'amitié que j'ai pour Alain BAUER, que je ne vous présente pas. Au-delà d'être un chercheur, un homme de réflexion, un humaniste célèbre, c'est aussi un conseiller précieux pour l'exercice de toutes les missions régaliennes. Il l'est, chacun le sait, pour les missions de sécurité, de protection des biens, des personnes, pour les missions également de protection, de réflexion sur la manière dont la France peut se positionner dans le monde. Et qu'il s'investisse également sur ce terrain est à la fois la preuve supplémentaire de son éclectisme, mais aussi la manière de souligner la façon dont les enjeux sont importants autour de cette question essentielle de la lutte contre les contrefaçons dangereuses. C'est un enjeu économique. C'est un enjeu d'emploi. C'est un enjeu d'investissement. C'est un enjeu de protection, d'effort. Bref, la dimension de la lutte contre la contrefaçon n'est pas simplement de faire des stocks, présenter chaque année des résultats, brûler de la contrefaçon, faire de belles images à la télévision.
C'est un immense travail, considérable, jour après jour, pris par les douaniers, sous l'autorité du directeur général dans des directives qui sont importantes. Il faut aussi mesurer le risque pris par ces douaniers sur le terrain pour intercepter ces éléments de contrefaçon. Nous ne mesurons pas assez que c'est parfois au péril de leur vie, que, dans l'exercice de leur mission, ces interceptions ont lieu. Je voudrais tirer un coup de chapeau très amical et affectueux à Alain BAUER, dire aussi toute la reconnaissance de l'État aux douaniers et à la manière dont ils exercent leur mission.
Nous devons évidemment être intraitables contre cette forme de criminalité qui menace les consommateurs - je l'ai dit - par les risques qu'elle fait prendre et les entreprises par le chiffre d'affaires qu'elle leur fait perdre. La lutte contre la contrefaçon est clairement et directement, d'abord et avant tout, une manière d'éloigner une menace directe sur les emplois. Nous luttons contre la contrefaçon pour deux raisons qui méritent d'être rappelées. En veillant à la loyauté des échanges internationaux, en défendant l'innovation, la recherche, nous protégeons notre économie, celle de nos partenaires, donc des industries et des emplois. Je vais vous donner quelques chiffres si vous me le permettez en ce début de colloque. Dans un contexte de mondialisation accrue des échanges, la contrefaçon constitue un phénomène particulièrement dangereux. La contrefaçon est en augmentation constante. Elle représenterait 10 % du commerce mondial, soit 200 à 300 milliards d'euros de perte pour l'économie mondiale, dont 6 milliards pour la France, avec une perte d'environ 30 000 emplois. Quand nous parlons d'une réalité économique, de l'impact de ce dispositif scandaleux, inacceptable et intolérable, nous le mesurons mieux quand nous disons qu'une entreprise française sur deux s'estime actuellement touchée par la contrefaçon. Une entreprise française sur deux. Tous les secteurs d'activité sont plus ou moins impactés. Évidemment, tout dépend de la marge que nous pouvons faire sur ces produits. Mais une entreprise sur deux. C'est donc une réalité quotidienne pour beaucoup d'acteurs économiques dans notre pays.
Par ailleurs, si elle a pu être, par le passé, considérée comme une activité marginale, la contrefaçon est passée en quelques années, comme malheureusement beaucoup de développement du grand banditisme d'autres secteurs, du stade artisanal au stade industriel. Elle a d'ailleurs suivi la progression du commerce mondial sur internet. Désormais puissante, internationale, souvent dotée d'installations industrielles à la pointe de la technologie et de réseaux de distribution très structurés, elle s'est organisée en filière très réactive et extrêmement rentable. Nous estimons qu'un euro investi peut rapporter jusqu'à dix euros aux contrefacteurs. Les grandes organisations criminelles jouent d'ailleurs un rôle désormais central dans le trafic de cigarettes, par exemple.
Comme elle génère des profits considérables, la contrefaçon constitue une source de financement idéale pour de nombreuses activités criminelles. Sous le contrôle de réseaux organisés, la contrefaçon fait souvent appel aux mêmes infrastructures, aux mêmes réseaux de transport que d'autres activités illégales, comme le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes ou la contrebande de tabac.
Aucun secteur de l'activité économique n'est épargné. Le luxe bien sûr, les jouets, les équipements automobiles, les appareils domestiques, les produits alimentaires, les logiciels, les produits numériques, les cigarettes, ainsi que les médicaments, ce qui est évidemment une source de préoccupation dans les missions qui sont assignées aux douaniers.
Deuxième élément de réflexion que je souhaitais partager avec vous : l'idée que la contrefaçon menace directement la santé et la sécurité des personnes. Ce n'est pas juste un impact économique. Ce n'est pas juste de la destruction d'emploi, même si c'est déjà ensoi insupportable. C'est également une menace directe, notamment avec le développement de ce que j'évoquais à l'instant. Parce que pour gagner en rentabilité, les contrefacteurs n'hésitent pas à enfreindre les normes de fabrication des produits qu'ils copient. Je vous donnerai quelques exemples assez effrayants d'ailleurs : les jouets inflammables, les médicaments, les produits d'hygiène sur ou sous-dosés, les parfums allergéniques, les robots ménagers qui sont dépourvus de systèmes certifiés de sécurité, les pièces détachées automobiles non soumises aux tests de conformité. Et la liste est encore plus longue. Je vous fais grâce de la lecture exhaustive.
Par ailleurs, la fabrication des contrefaçons s'effectue en toute illégalité. L'emploi irrégulier de main-d'oeuvre, l'irrespect des normes environnementales naturellement, le recyclage des gains financiers obtenus dans d'autres activités illicites. C'est bien la raison pour laquelle la douane, cher Jérôme FOURNEL, s'investit dans la lutte contre la contrefaçon, notamment de médicaments et de cigarettes, selon une stratégie à plusieurs leviers, qui vont du contrôle à la coopération internationale.
Face à cela, comment l'État réagit-il ? Quelle est sa réponse ? Elle est double : le contrôle d'une part, la répression d'autre part. La circulation, la distribution des produits, du tabac, ne peuvent s'effectuer qu'au sein d'un réseau strictement encadré et surveillé par la douane. Cet encadrement constitue un premier obstacle à la contrefaçon. L'achat de cigarettes dans le réseau des buralistes en garantit l'authenticité et a contrario naturellement fait peser une présomption de contrefaçon sur les cigarettes qui sont achetées hors de ce réseau. De plus, notre Code général des impôts dispose que la commercialisation à distance de produits du tabac manufacturés est interdite en France métropolitaine et dans les départements d'Outre-mer. Cela inclut naturellement les ventes par internet. Et en ce qui concerne les médicaments, un point qui est en plein développement, le système est également encadré : les médicaments ne peuvent être distribués qu'au sein du réseau des officines.
Que ce soit aux frontières ou à l'intérieur du territoire national, la lutte contre la contrefaçon constitue un des objectifs permanents des douanes. Elles travaillent en lien avec la direction générale de la concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes et avec les autres forces répressives. Il y a, d'ailleurs, au cours de ces dernières années, une évolution très substantielle, sur la qualité des relations et la capacité qu'il y a eu de se rapprocher de toutes les autres forces répressives. D'ailleurs, toute la pertinence de votre colloque s'inscrit aussi dans cette politique : une meilleure coordination, un meilleur partage, un meilleur croisement des réseaux, des informations, des structures. Et donc, le gain de temps est un élément stratégique dans la guerre de mouvement qui est menée contre les contrefacteurs. Les actions notamment menées par la direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières, et le service national de la douane judiciaire, complètent cette réponse à la lutte contre la contrefaçon et au démantèlement des filières.
Nous avons également mis en place, au niveau national, un plan d'action destiné à améliorer la lutte contre les fraudes sur internet et les trafics liés au commerce électronique, car internet - c'est un constat d'évidence sur ce sujet, comme sur tant d'autres - a démultiplié les voies d'accès aux produits contrefaits. Ce plan d'action comprenait notamment la création du nouveau service cyberdouane. Les résultats sont assez impressionnants. La douane a intercepté près de 7 millions d'articles de contrefaçon l'an dernier, contre 200 000 environ en 1994. En l'espace de 15 ans, vous voyez la différence d'unités, la différence de volume d'activité. Vous voyez d'ailleurs la différence de l'évolution de ce marché.
Ces dernières années, nos services douaniers ont saisi plusieurs centaines de milliers de médicaments contrefaits. L'an dernier, les services douaniers ont saisi 57 tonnes de cigarettes de contrefaçon. Je renouvelle évidemment toutes mes félicitations aux douaniers. Pour avoir été ministre de l'Outre-mer pendant deux ans, je n'ai jamais oublié les conditions d'interception, plus pour du trafic de cocaïne et de stupéfiants, mais il y avait aussi de la contrefaçon, dans tous ces parcs caribéens, extraordinairement dangereux, extraordinairement actifs, extraordinairement denses. Vraiment, je ne peux qu'encourager les uns et les autres à regarder les reportages sur les conditions d'action et d'intervention des douaniers pour mieux les soutenir et leur apporter justement un soutien public et permanent, pour les encourager, parce que leur tâche est difficile.
Troisième élément de réflexion que je souhaitais avoir avec vous : la nécessité pour l'État de continuer en permanence à adapter nos réponses. Premièrement, pour améliorer notre connaissance des flux logistiques de contrefaçon, nous avons besoin de développer nos partenariats avec les professionnels. Ce lien avec les acteurs directement concernés par la contrefaçon est très important. Il y a le développement d'accords européens entre l'office de lutte anti-fraude et les cigarettiers, par exemple, qui contribuent à lutter contre le commerce illicite des produits du tabac, grâce au renforcement de la traçabilité des cigarettes. La France a également conclu des accords bilatéraux, avec les principaux cigarettiers, afin de lutter de concert contre la contrebande et contre la contrefaçon. La coopération s'appuie - c'est assez logique - sur l'échange d'informations, sur une aide technique en matière d'authentification.
En juin de cette année, la direction générale des droits indirects, en partenariat avec les entreprises du médicament, dont je salue le représentant ici présent, a également signé avec les laboratoires pharmaceutiques une déclaration de principes relative à la lutte contre les médicaments contrefaits et falsifiés. Cette déclaration permet un meilleur échange d'informations avec la direction générale des droits indirects et les professionnels du médicament, l'échange de bonnes pratiques et l'accroissement de la formation du public. Concernant les perspectives de victoire, même si c'est un travail permanent, quotidien, il n'y aura pas un jour une annonce publique et officielle pour dire qu'il n'y aura plus de contrefaçon. Mais il y aura une action tellement déterminée, tellement récurrente, tellement régulière, tellement puissante de la part de l'État et des acteurs économiques que c'est un élément de dissuasion. Comme dans une partie d'échecs, la menace est plus importante que l'exécution. Si le filet a une maille suffisamment étroite et que même les petits poissons n'échappent pas à ce filet, c'est cet élément de dissuasion qui fait réfléchir.
Mais pour cela, il faut aussi le partage de l'opinion. Il faut que l'opinion s'approprie ce combat et qu'elle se l'approprie sur le plan économique. Il faut donc qu'elle ait une conscience claire de la réalité de l'impact sur le plan économique et de la destruction des emplois. Il faut que l'opinion s'approprie le soutien à l'action des douaniers, ne le vive pas comme une mauvaise manière lorsqu'elle est contrôlée, mais plutôt comme un élément de protection. C'est vrai pour les douanes, pour la lutte contre la contrefaçon, pour la lutte contre la contrebande. C'est vrai globalement pour tout ce qui concerne la protection des biens et des personnes en matière de missions régaliennes. Et donc, nous avons besoin du soutien de l'opinion. Nous avons besoin de gagner cette bataille de l'opinion.
Parce que les criminels ne sont pas à la traîne des évolutions technologiques. Ils se jouent aussi de nos structures administratives, des frontières. Et dès que des succès sont remportés par nos services, les opérateurs criminels réfléchissent immédiatement à la faille qu'il y a eu dans leur système pour essayer d'en inventer une autre. J'ai bien noté les propositions qui visent à procéder à un meilleur marquage des produits manufacturés. L'idée est certainement à creuser au niveau européen d'un dispositif mis en place par les fabricants à partir d'un cahier des charges publiques permettant d'identifier le lieu de production, les marchés de destination de chaque produit concerné. Évidemment, il faut que nous allions dans ce sens. Le Comité national anti-contrefaçon a d'ailleurs travaillé sur des solutions d'authentification des produits manufacturés.
Notre stratégie passe aussi par une nécessaire dimension européenne et internationale. Nous participons au processus de négociation découlant de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac actuellement en cours, afin notamment d'élaborer un protocole de lutte contre le commerce illicite de produits du tabac. Ce protocole a pour objectif d'établir un régime global de contrôle de la distribution et de la circulation des produits du tabac. Enfin, les négociations du Traité anti-contrefaçon constituent l'occasion de faire progresser ces questions au niveau mondial.
Voilà, mon cher Alain, quelques éléments de réflexion à partager avec vous. Nous allons évidemment continuer à agir pour protéger. Je regrette vivement de ne pouvoir être à vos côtés toute la journée pour partager vos réflexions. Il y a quelques sujets sur le feu, et notamment un débat d'orientation des finances publiques - c'est à cela que je pensais - cet après-midi, dont la représentation nationale.
En vous souhaitant à nouveau la bienvenue, en m'excusant auprès de vous de ne pouvoir rester à vos côtés et en vous souhaitant bonne réussite dans l'organisation de ce colloque et vous dire que, évidemment, je suis à votre disposition de moment venu pour reprendre toute idée qui pourrait être développée et nous permettre de lutter un peu plus encore contre la contrefaçon.
Merci.
Source http://www.drmcc.org, le 5 janvier 2011