Message de M. Michel Rocard, ministre du plan et de l'aménagement du territoire, sur l'économie sociale, Paris le 22 septembre 1982.

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Circonstance : Congrès annuel des sociétaires du crédit coopératif

Texte intégral

Lors de la rencontre nationale du Crédit Coopératif de l'an dernier à laquelle vous m'aviez convié, je vous avais indiqué combien était vif mon désir de traduire rapidement dans les faits les engagements pris par François MITTERRAND en tant que candidat à la présidence de la République et confirmés le 9 juin devant la délégation du groupement national de la Coopération.
Je vous indiquais que l'économie sociale ferait l'objet de la part du Gouvernement d'une attention soutenue. Le moment est venu de dresser un premier bilan. La notion même d'économie sociale est maintenant retenue aussi bien sur le plan administratif que parmi les interlocuteurs de la vie économique.
Il y a un an, lorsque pour la première fois le terme "économie sociale" a été employé, le Conseil d'État l'avait écarté, ne faisant pas partie selon lui de la panoplie juridique française. Aujourd'hui, nous discutons devant le même Conseil d'État d'un projet de loi relatif au développement de certaines activités d'économie sociale. C'est qu'entre temps, il s'est passé beaucoup de choses. Une délégation à l'économie sociale, que probablement chacun de vous connaît, a été créée ; un délégué à l'économie sociale a été nommé par le Conseil des Ministres. Cette délégation a été placé au côté du Premier ministre qui a bien voulu la mettre à ma disposition. Dès sa mise en place, cette délégation s'est attachée à se faire connaître, à nous faire connaître et reconnaître par les institutions locales, départementales, régionales.
J'ai moi-même participé à de nombreux congrès, répondu à de non moins nombreuses demandes de rencontres, d'interviews. Le Ministère du Plan et de l'Aménagement du Territoire est devenu également, je crois pouvoir le dire, le Ministère de l'économie sociale, même s'il convient à cet égard de rappeler qu'il n'est pas le Ministère de tutelle - comme on dit - de l'économie sociale, c'est-à-dire qu'il ne gère pas les fonds que les pouvoirs publics peuvent mettre à la disposition de l'économie sociale et que demeurent gérés par les différents Ministères techniques.
Je disais, il y a un an, qu'une politique de développement de l'économie sociale devait s'articuler autour de deux idées.
La première idée était l'amélioration du cadre juridique, financier et fiscal ; la deuxième idée, une politique active d'encouragement tenant compte de la spécificité des diverses composantes. Sur ces deux points, les choses ont fortement avancé.
L'amélioration du cadre juridique s'est traduite par la mise en forme et l'examen d'un projet de loi comportant la création de deux statuts : celui de la coopérative artisanale et celui de la coopération maritime. L'amélioration des deux autres, celui des unions de coopératives, et celui des coopératives H.L.M., enfin, la modification du taux de rémunération des parts sociales.
Parallèlement, des dispositifs fiscaux ont été soit clarifiés, soit créés. Je pense au statut fiscal de la ristourne ainsi qu'aux diverses dispositions fiscales qui doivent accompagner les statuts de l'artisanat et des coopératives maritimes.
Il faut mentionner enfin l'amélioration toute récente du statut fiscal des indemnités ASSEDIC remise dans le capital des sociétés coopératives ouvrières de production.
Cet ensemble de mesures fiscales est d'ailleurs plus important qu'il n'y parait car il faut voir la reconnaissance d'une spécificité toute particulière reconnue enfin au capital coopératif. C'est d'ailleurs parce que les Pouvoirs Publics ont maintenant une claire conscience des problèmes que pose le financement des coopératives lié à cette nature du capital, que le projet de création de l'institut de développement de l'économie sociale est aujourd'hui bien lancé. Nous en avions largement débattu l'an dernier, il fallait toutefois résoudre d'innombrables problèmes et surtout faire en sorte que les solutions adoptées pour l'économie sociale soient clairement insérées dans le dispositif général d'incitation à l'épargne préparé par M. le Ministre de l'économie et des Finances.
Le projet de loi sur l'épargne comporte à cet égard une novation qui ne vous a probablement pas échappé. Il prévoit que les titres participatifs peuvent être émis par des coopératives et constitués en S.A. Pour des raisons techniques, il semble hélas bien difficile d'élargir ce champ.
D'autres problèmes ont retenu notre attention au cours de cette année, qui entrent bien dans le cadre des engagements pris devant vous il y a un an : la circulaire sur les marchés publics actuellement en voie de rédaction pour permettre d'améliorer la situation actuelle, la circulaire de M. le Ministre de la Justice pour faciliter les reprises d'entreprises en coopératives. Tout ceci s'inscrit bien dans notre volonté d'améliorer le cadre juridique, financier et fiscal mais nous sommes allés plus loin et nous avons commencé à donner un contenu à ce que nous appelons une politique active pour l'économie sociale.
Les réunions régionales organisées par la délégation à l'économie sociale, la mise en place de délégués régionaux, l'utilisation du budget de la délégation pour favoriser les études, les recherches dans le domaine de l'économie sociale, les nombreuses interventions du Ministre d'État pour insérer la représentation de l'économie sociale dans les conseils économiques et sociaux régionaux sont autant de manifestations concrètes de la mise en place progressive de cette politique. Nous ne sommes pas au bout de nos peines et ce que vous avez dit ce matin montre que nous avons encore de nombreux chantiers à ouvrir. Pour l'année à venir, nous pouvons nous fixer les priorités suivantes :
- d'une part, assurer que les textes de loi qui vont être votés soient effectivement appliqués. Cela veut dire que nous aurons à préparer ensemble les décrets d'application. Nous devrons terminer la mise en place des délégués régionaux de la délégation à l'économie sociale et pour cela nous continuerons à solliciter le concours des forces régionales de l'économie sociale.
L'institut de développement de l'économie sociale qui va être créé devra au cours de cette année faire la preuve de son utilité. Enfin, nous devrons aborder l'un des points qui peut apparaître comme le plus délicat, celui de l'association des salariés au fonctionnement des structures coopératives. Je continue en effet, à penser que le secteur coopératif doit être plus que tout autre le lieu où peuvent se mener des expériences exemplaires de reconstitution d'une communauté de travail.
Enfin, l'année prochaine verra probablement le vote par le Parlement de la nouvelle loi sur la vie associative. Avec le concours de l'ensemble des ministères intéressés et tenant compte de l'ensemble des remarques que la plupart d'entre vous avez faites, ce projet de loi ne pourra être interprété comme un retour en arrière ou comme une volonté de main mise de l'État sur le monde associatif. Par exemple, en ce qui concerne la reconnaissance d'utilité sociale, qui a suscité tant d'inquiétudes, nous sommes maintenant arrivés à une solution qui distingue totalement cette reconnaissance de l'obtention de fonds publics. Cette différenciation apparaissait légitimement fondamentale aux représentants des associations. Nous continuons en revanche, à nous interroger sur la nécessité ou non de distinguer à l'intérieur du monde associatif deux catégories : les associations gestionnaires et les autres. Sur ce point, l'année qui vient permettra sans doute de trouver une solution satisfaisante pour le monde associatif.
Je suis sûr pour ma part qu'avec le concours actif de l'ensemble des mouvements de l'économie sociale, l'année qui vient marquera une étape nouvelle dans l'affirmation de la force que représente ce mouvement, et qu'une politique dynamique pourra être l'un des axes novateurs du IXe Plan, dont l'élaboration lorsque nous nous retrouverons dans un an sera pratiquement achevée.
Je me permets d'ajouter 2 remarques personnelles :
- la première vise l'intercoopération. Nous souhaiterions que prenant le relais de la délégation à l'économie sociale, vos mouvements et institutions démontrent par des faits leur capacité et leur volonté de traiter des affaires ensembles.
- la deuxième concerne les aspects régionaux de la planification. Le Ministère et la délégation souhaitent en effet que chaque plan régional comporte un volet « Economie Sociale ». Mais respectueux de l'autonomie des régions nous ne pouvons qu'offrir nos services pour vous aider.