Déclaration de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, sur le bilan de l'ouverture du marché des jeux en ligne et sur le rôle du Comité consultatif des jeux, Paris le 14 mars 2011.

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Circonstance : Installation du Comité consultatif des jeux, à Paris le 14 mars 2011

Texte intégral

Madame la Ministre, chère Chantal,
Monsieur le Président du Comité, cher François,
Monsieur le Vice-président du Comité, cher Jean-François,
Monsieur le Président de l’ARJEL, cher Jean-François,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui à Bercy à l’occasion de l’installation du Comité Consultatif des Jeux.
Avant d’ouvrir mon propos, je tiens à remercier Madame JOUANNO pour sa présence parmi nous, ainsi que Monsieur VILOTTE, pour le travail qu’il a accompli d’abord en tant que préfigurateur de l’autorité de régulation des jeux en ligne, puis, depuis mai, pour son rôle à la tête de cette nouvelle autorité.
1. Pour commencer, je voudrais dresser un premier bilan de l’ouverture du marché des jeux en ligne, premier bilan que j’estime très positif.
1.1. Il est aujourd’hui clair pour tout le monde qu’un marché et qu’une offre légale de jeux en ligne sont consolidés en France.
Permettez-moi de vous rappeler le contexte de l’année dernière : personne ne croyait le Gouvernement quand nous annoncions l’ouverture du marché avant le début de la Coupe du Monde de football. Et pourtant, c’est ce qui a été fait, sans qu’aucune critique ne soit formulée au sujet des conditions de délivrance des agréments.
L’ARJEL, installée le 21 mai de l’année dernière, a délivré les premiers agréments de paris sportifs quelques jours avant le début de la Coupe du Monde. A ce stade, 55 dossiers ont été instruits ou sont en cours d’instruction. En janvier 2011, l’autorité avait déjà délivré 48 agréments à 35 opérateurs, dans les trois domaines ouverts à la concurrence : paris sportifs, paris hippiques et poker.
Un marché légal est donc né. A la fin de l’année 2010, près de 2,9 millions de « comptes joueurs » ont été ouverts sur les sites des opérateurs agréés. Environ 2 millions de comptes sont actifs.
En volume, en 2009, le marché légal représentait 1/3 du marché. Il est estimé aujourd’hui à environ 80% du marché. Ainsi, en moins d’un an, le marché illégal est devenu minoritaire, il est devenu l’exception là où il était la règle.
Mais un marché légal, cela veut dire un marché contrôlé, respectueux de nos impératifs d’ordre public et d’ordre social. C’est la raison pour laquelle l’ARJEL a entamé des procédures de sanction vis-à-vis de plusieurs opérateurs agréés, afin qu’ils se mettent en conformité avec la loi. Soyez donc sans crainte, l’ARJEL veille au bon respect de la loi.
1.2 Ce combat contre le marché illégal a été mené par l’ARJEL avec détermination et succès.
L’ARJEL contrôle et surveille des centaines de sites Internet, en étroite coordination avec les services des douanes et du ministère de l’intérieur. Elle est en contact permanent avec les autorités judiciaires et plus particulièrement le TGI de Paris.
Cette coopération exemplaire a permis d’obtenir des résultats sans précédent.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour en remercier les principaux acteurs :
Pour les douanes :
- Jérôme FOURNEL, le directeur général ;
- Jean-Paul GARCIA, chef de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ;
- et Solange MORACCHINI, chef du service national de douanes judiciaires ;
Pour la police :
- Jean-Pierre ALEZRA, chef du service central des jeux ;
Pour la gendarmerie :
- le Général PATTIN, sous-directeur de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale ;
- le Colonel HUBERT, chef du Service technique de recherches judiciaires et de documentation ;
- et le Lieutenant-colonel FREYSSINET, chef de la division de lutte contre la cybercriminalité.
Dès l’ouverture du marché, l’ARJEL a mis en demeure les opérateurs de sites accessibles depuis la France et sur lesquels il était possible d’enregistrer des mises aux fins de parier. Pour certains d’entre eux, un signalement a pu être transmis au Parquet de Paris.
Le bilan des contrôles et sanctions de l’ARJEL est très positif :
- L’ARJEL contrôle de façon régulière 830 sites appartenant à toutes les catégories : paris sportifs, paris hippiques, poker et sites de jeux de casino gratuits ou payants ;
- Sur ces 830 sites, 410 ont fait l’objet d’une mise en demeure, dont 120 sites de casino en ligne ;
- Parmi les 410 mis en demeure, 125 sites ont régularisé leur situation, les 285 restants font l’objet de procédures en cours ;
- A ce jour, l’ARJEL a aussi procédé à 4 assignations devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 61 de la loi sur les jeux en ligne votée en 2010. Le 6 août dernier, le TGI de Paris a rendu une ordonnance faisant injonction aux fournisseurs d’accès Internet de bloquer l’accès aux sites proposant une offre illégale. C’est la preuve que notre dispositif fonctionne.
Créer un marché légal, contrôlé, combattre le marché illégal, voilà quels étaient les deux premiers objectifs de la loi. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que nous avons franchi cette première étape.
1.3 La loi de 2010 a par ailleurs mis en avant l’objectif de préservation de l’ordre social et de l’ordre public.
Je le rappelle : la situation antérieure à 2010 était celle d’un marché dans lequel des sites illégaux pouvaient proposer une offre de jeux en ligne sans contrainte de durée, sans limite de montant, sans contrôle sur l’âge des joueurs.
La loi du 12 mai 2010 a mis un terme à cette situation. Désormais, les opérateurs ont l’obligation de respecter ces dispositions, qui visent à lutter contre l’addiction et à protéger les mineurs.
En particulier, la limitation de l’offre de jeux, à laquelle veille l’ARJEL, est un frein logique au risque d’addiction, au même titre que le respect scrupuleux du taux de retour aux joueurs auquel s’astreignent les opérateurs.
D’ores et déjà, un certain nombre d’opérateurs de jeux en ligne communiquent sur les mesures qu’ils mettent en œuvre afin de prévenir l’addiction au jeu. Cette démarche prend notamment la forme de travaux effectués auprès d’instances de normalisation.
Je les encourage, je vous encourage à être force de propositions en la matière, car il ne peut y avoir de jeu légal que s’il est responsable.
Je constate également que l’autorisation de la publicité pour les opérateurs légaux n’a pas conduit à la déferlante parfois annoncée. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, par sa délibération de juin dernier, a privilégié la voie de la responsabilisation des annonceurs. Et je note que cette autorisation de publicité était indispensable pour permettre au marché légal de prendre son essor.
1.4. Enfin, en matière fiscale, les résultats sont en ligne avec nos objectifs.
Certains craignaient que l’État ne profite de l’ouverture du marché pour augmenter ses prélèvements, d’autres redoutaient au contraire que les recettes fiscales ne s’effondrent. Nous avions adopté une position neutre, avec une hypothèse de maintien des recettes fiscales. Je puis vous dire que nous sommes en ligne avec cet objectif pour l’année 2010.
Construire un marché légal, réduire le marché illégal, préserver l’ordre public et l’ordre social, préserver les recettes de l’Etat, voilà les 4 objectifs de la loi du 12 mai 2010. Pour chacun de ces objectifs, nous pouvons affirmer que nous sommes en très bonne voie.
J’ajoute – car beaucoup l’ont oublié – que l’adoption de cette loi a permis de clore la procédure d’infraction que la Commission européenne avait ouverte contre la France.
2. Je souhaiterais à présent faire un tour d’horizon des sujets d’avenir et envisager avec vous les enjeux auxquels nous serons confrontés durant les prochains mois.
2.1 Je reviens d’un mot sur la lutte contre le marché illégal, car c’est un combat permanent.
Notre prochaine cible est constituée de ce que l’on appelle « les gros joueurs », c''est-à-dire ceux qui jouent beaucoup. Ils représentent de l’ordre de 10 à 15% du marché et contournent les procédures de contrôle mises en place en téléchargeant des logiciels spécifiques. Ce n’est plus tolérable.
C’est un défi technique pour les identifier : nous allons nous y attaquer grâce aux équipes de cybers-douaniers, cyber-policiers et cyber-gendarmes.
C’est aussi un défi juridique : ces joueurs enfreignent régulièrement et délibérément la loi, il faudra donc les poursuivre et les exposer aux sanctions prévues par la loi, c''est-à-dire le blocage de leurs gains.
2.2. Le deuxième défi qui est devant nous est celui de la stabilisation de notre dispositif fiscal. Je pense en particulier à la taxe affectée sur les paris hippiques, au profit de la filière équine.
Lors de l’élaboration de la loi, le Gouvernement et le Parlement ont souhaité clarifier l’existence d’une mission de service public, à laquelle contribuent les sociétés de courses : celle de l’amélioration de l’espèce équine, de la promotion de l’élevage chevalin, de la formation dans le secteur des courses et du développement rural.
En contrepartie, les sociétés de course doivent percevoir une taxe affectée. Dans l’attente de la décision de la Commission européenne à laquelle la taxe a été notifiée, nous avons adopté un dispositif tout à fait acceptable mais transitoire.
Je le redis ici : la taxe affectée doit être mise en œuvre. Ce dispositif était inscrit dans le projet de loi initial, transmis à Bruxelles et validé par le collège des Commissaires. Nous irons donc défendre ce juste retour devant la Commission, avec les parlementaires et les sociétés de course concernées.
2.3. Par ailleurs, nous avons devant nous le défi de l’éthique sportive.
Je voudrais ici particulièrement remercier pour ses travaux Monsieur Jean-François LAMOUR, qui est à l’origine du « droit au pari ». C’est une innovation très utile et qui, j’en suis sûr, fera école.
Ce dispositif a vocation à financer la lutte contre la tricherie et contre la corruption des sportifs, qui aurait pour conséquence de fausser les paris. C’est un défi très important et une lutte difficile, principalement en raison de son caractère international.
Jean-François VILOTTE remettra dans les jours prochains un rapport sur ce sujet ; je souhaite qu’avec Chantal JOUANNO, nous en fassions un thème de la clause de revoyure.
2.4 Un autre chantier concernant les jeux en ligne découlera de la publication du livre vert de la Commission européenne, qui devrait intervenir avant la fin du mois de mars.
Ce travail initié par le commissaire au marché intérieur Michel BARNIER a pour ambition de lancer, à l’échelle européenne, une consultation et un débat sur la question des jeux en ligne. Dès lors que le livre vert aura été rendu public, les parties, organisations et individus intéressés seront invités à exprimer leur avis sur les propositions émises par la Commission.
C’est une excellente initiative, qui permet d’envisager à l’échelon européen un dispositif que nous avons déjà engagé au niveau national.
La parution de ce livre vert est un rendez-vous d’importance auquel nous devons nous préparer. Par ce biais, nous pourrons ouvrir la voie à une plus grande coopération entre les Etats-membres, enrichir nos propres pratiques et faire rayonner nos choix de régulation dans toute l’Union.
2.5 Enfin, je voudrais aussi vous dire qu’il y a des sujets que je ne considère pas opportun d’ouvrir.
La loi sur les jeux en ligne a ouvert à la concurrence le marché des paris sportifs, des paris hippiques et du poker en ligne. Nous l’avons fait pour rétablir l’État de droit, pour sortir d’une situation devenue ingérable.
Il n’en est pas de même pour les activités dans le réseau physique, qui sont portées par les monopoles existants. Le marché « en dur » est contrôlé et respecte nos règles en matière d’ordre public et social. Il n’est donc pas question d’ouvrir ces activités de jeu à la concurrence.
3. Dans ce contexte, quelle ambition peut-on se fixer pour la clause de revoyure et quel sera le rôle du Comité Consultatif des Jeux ?
Comme vous le savez, la loi a prévu une clause de revoyure, qui prend la forme d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement dans les dix-huit mois suivant l’adoption de la Loi, c''est-à-dire d’ici au début du mois de novembre 2011. Je considère cette date comme une date butoir et je souhaite donc être en mesure de remettre un tel rapport au Parlement dès la rentrée 2011.
Comme je viens de le dire, la loi votée par le Parlement est une bonne loi, qui remplit ses objectifs à l’heure où nous parlons. Je ne vois donc pas de raison de procéder à des bouleversements majeurs. Il n’en demeure pas moins que des ajustements sont possibles et souhaitables. C’est bien l’objet de la clause de revoyure.
Pour y parvenir, je mobiliserai tous les acteurs concernés : les institutionnels d’abord, autour du Comité Consultatif des Jeux, de l’ARJEL, des parlementaires concernés, du CSA, ensuite les acteurs de ce marché que sont les opérateurs, les associations familiales et le monde sportif.
Nous procéderons de deux manières :
- d’une part, je m’appuierai sur les travaux des deux rapporteurs Jean-François LAMOUR et François TRUCY, qui les rendront respectivement avant l’été, ainsi que bien sûr, sur les travaux du Comité Consultatif des Jeux et des commissions spécialisées de l’ARJEL, auxquels je demande de me transmettre leurs propositions pour cette date.
- d’autre part, je procéderai, avec mon cabinet, à partir du mois de mai, aux auditions nécessaires pour compléter ces travaux et en tirer une synthèse.
Quels sont les sujets que la clause de revoyure devra aborder ?
Elle a vocation à traiter l’ensemble des articles de la loi ; pour ma part, plusieurs objectifs principaux me semblent déterminants :
- D’abord, la prise en compte des enjeux sociaux, sous ses deux aspects : la protection des mineurs et la lutte contre l’addiction. Ces deux sujets ont fait l’objet de nombreuses discussions avant l’adoption de la loi, et d’ailleurs, nous y avons intégré plusieurs dispositifs. A cet égard, l’effet de la publicité devra être mesuré. Je considère qu’il revient plus particulièrement au Comité Consultatif des Jeux et à son observatoire de nous éclairer en la matière, et de nous indiquer si des modifications sont nécessaires.
- Ensuite, la préservation de l’ordre public, là aussi sous tous ses aspects : la lutte contre le blanchiment d’argent, contre l’offre illégale et contre les risques de fraude et de triche. Plusieurs questions techniques sont, je crois, restées en suspens. Il importe de les faire progresser.
- Troisièmement, l’efficacité et le respect des obligations faites aux opérateurs agréés devront être audités : y a-t-il matière à allègement ? Ou faut-il, a contrario, renforcer certains dispositifs ?
- L’offre de jeu et son impact sur les filières feront de plus l’objet d’une analyse approfondie. Je pense en particulier à la filière hippique, mais aussi à la filière sportive.
- Enfin, deux sujets seront à l’ordre du jour de la clause de revoyure même s’ils ne m’apparaissent pas prioritaires : la fiscalité et le périmètre de l’ouverture.
Dans ce contexte, l’existence d’un Comité Consultatif des Jeux est une chance. Je souhaite ici remercier chaleureusement François TRUCY sans lequel ce comité n’existerait pas : c’est sa ténacité et sa détermination qui permettent qu’un tel comité soit installé aujourd’hui.
Le Comité consultatif des jeux est un organisme d’observation et d’analyse qui nous permettra d’avoir une meilleure connaissance des profils des consommateurs de jeux au sens large, et pas uniquement des jeux en ligne.
Son champ d’action est très vaste, car il peut rendre des avis aux ministres du Budget et de l’Intérieur sur l’ensemble des questions relatives au secteur des jeux. Je souhaite qu’il puisse conduire un effort particulier sur la lutte contre l’addiction, notamment au travers de l’observatoire.
Vous avez souhaité, cher François TRUCY, qu’un observatoire des jeux soit créé et c’est à présent chose faite.
Je remercie chacun de ses membres, Charles COPPOLANI, son président, Hélène GISSEROT qui présidera également la commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs, qui se substitue au COJER, que Madame GISSEROT a présidé avec brio.
Je remercie également le docteur Marc VALLEUR, Jeanne ETIEMBLE, Christiane THERRY au titre des personnalités qualifiées, Jean-Pol TASSIN et Jean-Michel COSTES, au titre des professionnels de la lutte contre l’addiction au jeu, et Corinne GRIFFOND, représentante des associations familiales. Nous comptons sur votre expertise pour nous aider à progresser sur ces questions d’addiction.
Mesdames, Messieurs,
Madame la Ministre, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les membres du Comité consultatif des Jeux et de l’observatoire, je terminerai en vous souhaitant tous mes vœux de réussite pour la difficile mission qui vous échoit.
Je ne doute pas, du reste, de votre capacité à la remplir avec efficacité et dévouement.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 16 mars 2011