Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à RMC le 22 avril 2011, sur les travaux de recherche et l'exploration des huiles et gaz de schiste en France.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Merci d'être avec nous ce matin. Alors, on est un petit peu surpris du pré-rapport, là, sur le gaz de schiste, on pensait que le combat était quasiment gagné. Je dis « le combat », parce que vous savez que Jean- Jacques BOURDIN est à la tête, notamment, des protestations contre le gaz de schiste. On connaît les effets terribles...
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Elle a beaucoup de têtes la protestation.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Mais oui, on connaît les effets... - dont la vôtre, justement - mais il y a d'autres, au gouvernement, comme Eric BESSON, qui semblent quand même avoir parti gain de cause. Je lis, je lis cette phrase du rapport, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET : « Il serait dommageable pour l'économie et pour l'emploi, que notre pays aille jusqu'à s'interdire de disposer d'une évaluation approfondie de la richesse potentielle. Il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des textes (sic) d'exploration ».
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Christophe JAKUBYSZYN, d'abord, j'invite tous ceux qui s'intéressent au sujet, à lire le rapport, et non pas une phrase du rapport.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Non, mais on l'a lu, on l'a lu.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et que ce n'est pas vous... non, mais je parle pour les auditeurs, et moi je n'en fais pas du tout la même lecture que vous. Moi, ce rapport me confirme dans ma première intuition, qui je crois était la bonne, qui est que ces permis d'exploration n'auraient jamais du être donnés, avant une évaluation environnementale, poussée, parce qu'en fait, ce que conclut ce rapport, c'est qu'il n'y a pas du tout assez d'éléments pour conclure et les conclusions, en tout cas, à ce stade, qu'en tire le gouvernement, c'est annulation des permis d'exploration qui ont été donnés...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Alors, vous êtes sûre de ça ? Parce que, Eric BESSON nous disait que, comme on avait donné ces permis, que des frais avaient été engagés, ça allait coûter très cher à l'Etat d'annuler ces décrets.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ça peut être contentieux...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Eh oui !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ... c'est-à-dire qu'il est possible que les entreprises nous collent au tribunal parce qu'on annule, mais moi je crois qu'il faut annuler quand même. Personnellement, ma position ça a été la suspension, le temps du rapport, et je crois que le rapport est clair, il n'y a pas des éléments aujourd'hui, pour garantir en aucune manière, une exploitation qui puisse être environnementalement propre, et donc il faut annuler. Et pour le reste, ce que le rapport conclut, je vous le dis, c'est que l'on ne peut pas conclure, c'est qu'on n'a pas les éléments pour dire aujourd'hui : « on peut exploiter proprement les gaz de schiste ». Alors, c'est un rapport d'ingénieurs, et le rapport conclut aussi, et c'est bien normal, que si on ne fait pas un minimum d'exploration, on ne saura jamais ce qu'il y a. C'est le rôle des ingénieurs que de le dire. Le rôle des politiques, après, sur cette base-là, c'est de prendre des décisions. Dernière chose...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET...
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET La position du gouvernement est non seulement d'annuler les autorisations, mais aussi de réformer le code minier. C'est très important, parce que le code minier est quelque chose de très antique, qui aujourd'hui, en fait, peut servir par exemple à contourner les lois sur l'eau. La loi sur l'eau, elle a beaucoup évolué depuis des décennies, le code minier, lui, n'a pas évolué. Et à travers le code minier, vous pouvez faire des choses qui, moi, me semblent peu pertinentes au regard par exemple des lois sur l'eau, ou de la charte constitutionnelle de l'environnement. Donc il faut en profiter pour réformer le code minier.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, ce rapport, il n'y a pas que vous et moi qui l'aie lu, j'ai reçu un communiqué de Washington, de Washington, de TOREADOR. Vous connaissez TOREADOR ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, c'est une des sociétés qui détient des permis.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN La compagnie américaine TOREADOR se félicite des recommandations contenues dans le rapport émis au gouvernement français sur les conditions de l'exploitation des huiles de schiste du Bassin parisien : « Nous notons avec intérêt la proposition de diligenter une phase de tests, réglementée et supervisée par les autorités », dit TOREADOR.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Eh bien écoutez, c'est très bien s'ils se félicitent, ça permettra peut-être de nous donner de meilleures chances, qu'ils n'attaquent pas les annulations de permis. Moi, je suis pour... Il faut regarder les choses de manière très simple. L'urgence, pour moi, c'est après la suspension...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ce que vous avez fait, effectivement, vous nous l'aviez annoncé sur RMC, effectivement.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On a suspendu toute opération de fracturation hydraulique, de prendre les moyens, et les parlementaires se proposent de les prendre, d'assurer de manière permanente, qu'on n'ira pas vers la fracturation hydraulique en ce moment en France. Ce que montre le rapport, c'est qu'aujourd'hui les opérations de fracturation hydraulique ne peuvent pas être faites...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Je rappelle que pour fracturer la roche, on injecte d'énormes quantités d'eau, de sable et de produits chimiques surtout.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Voilà. Ce que montre le rapport c'est qu'aujourd'hui on ne peut pas avoir de garanties et qu'une opération de fracturation hydraulique, en grandes quantités, comme ça s'est fait aux Etats-Unis, puisse être faite de manière respectueuse de l'environnement, ce n'est pas possible. Bon. Après, que les missionnés nous disent, encore une fois : « vous ne pouvez pas savoir ce qu'il y a dans le sous-sol si vous n'y avez pas regardé au moins un peu », et dans ce cas-là, meilleur moyen d'y regarder, c'est d'avoir des puits expérimentaux, contrôlés par l'Etat, avec des comités Grenelle, sur instrumentés, c'est le rôle des missionnés, et ça donnera lieu à un débat à l'intérieur du gouvernement. Mais, ce qui importe...
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Il y a un débat, on voit bien qu'il y a différentes sensibilités, quand on reçoit...
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bien sûr qu'il y a différentes sensibilités !
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Quand on reçoit Eric BESSON, il est assez allant, il dit : « C'est dommage de ne pas profiter, peut-être, de cette mine d'or qu'il y a sous nos pieds ».
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, attendez, c'est normal qu'il y ait différentes sensibilités. Moi, ça ne me pose pas de problème. Je vous le dis, depuis le début je suis très réservée sur le seul principe d'avoir donné des permis d'exploration, avant d'aller au bout de l'évaluation environnementale, et j'observe que j'ai été suivie par le Premier ministre, en tout point, sur cette position, avec d'abord la suspension des permis, puis aujourd'hui le projet d'annulation des permis. Qu'il y ait après, encore une fois, des ingénieurs, pour dire : « mais vous ne pourrez pas savoir ce qu'il y a, tant que vous n'avez pas regardé », est normal. Il ne faut pas en faire un drame.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, vous resterez vigilante, on l'a compris, eh bien, nous aussi. Merci Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 avril 2011