Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Depuis 2004, la Polynésie française n'a cessé d'affronter des crises politiques qui ont empêché d'ancrer toute action publique dans la durée.
Ni la loi organique du 27 février 2004, ni même la réforme du 7 décembre 2007 n'ont permis de mettre un terme à l'instabilité politique locale, puisque 11 gouvernements se sont succédés en l'espace de quelques années, sans que jamais l'un d'entre eux ne parvienne à disposer d'une continuité suffisante à l'exercice de son action.
Ce qui va être au c'ur de nos échanges aujourd'hui, ce n'est ni plus ni moins que l'avenir d'un territoire de la République qui souhaite retrouver ses repères.
C'est pourquoi le Président de la République a souhaité la réforme institutionnelle que j'ai l'honneur de vous présenter, pour rétablir la stabilité politique et redonner ainsi du sens, de la cohérence et de la durée à l'action politique.
Alors, je vous le demande, choisissons ensemble les évolutions institutionnelles qui au-delà des femmes et des hommes d'aujourd'hui ouvrent des perspectives pour les polynésiens de demain.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chacun le sait : permettre de dégager une majorité dans les urnes ne sert à rien si celle-ci se délite au gré d'alliances opportunistes, qui servent des intérêts personnels et qui contredisent le vote des Polynésiens.
Sur ce point, j'ai bien conscience qu'en 2004 comme en 2007, mes prédécesseurs poursuivaient le même but et que les aléas et les renversements d'alliance ont eu raison de leurs bonnes intentions.
Alors il n'y a pas de "solution miracle", mais il nous appartient aujourd'hui de nous saisir de l'opportunité de ramener la stabilité politique qui manque tant à ce territoire.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Avant d'en venir à une présentation du contenu du projet de loi, je voudrais au préalable vous faire part des objectifs qui ont guidé la démarche que j'ai adoptée.
* le premier objectif que s'est assigné le Gouvernement est de rétablir la stabilité politique.
Il n'est pas normal que dans les heures qui suivent un scrutin, les adversaires d'hier deviennent des alliés de circonstance en détournant le résultat des urnes au profit non pas de l'intérêt général mais d'ambitions personnelles.
Ce qui est en jeu, c'est le respect du vote des Polynésiens, c'est-à-dire le respect de l'expression démocratique.
De très nombreux Polynésiens et Polynésiennes pensent que cette situation ne peut plus durer.
Cette instabilité chronique mine la Polynésie française, la ronge et finit par distendre les liens du vouloir vivre ensemble qui sont au c'ur de son projet de société et de sa tradition ancestrale.
* le second objectif consiste à redonner de la cohérence et de la durée à l'action politique, ce qui constitue une des conditions pour permettre à la Polynésie française d'exercer pleinement ses compétences.
A cet égard, le projet de loi qui vous est soumis n'entend pas remettre en cause l'autonomie qui est garanti par l'article 74 de la Constitution.
Mais cette autonomie ne peut servir de prétexte pour refuser l'intervention de l'Etat quand il s'agit de mettre un terme aux dérives !
Face à une situation économique qui se dégrade, un produit intérieur brut qui recule, un tourisme qui régresse et une commande publique qui ne parvient plus à soutenir la croissance du territoire, je comprends les doléances de la société civile polynésienne, qui appelle de ses v'ux un véritable effort de redressement budgétaire.
La Polynésie française ne peut plus vivre au dessus de ses moyens !
Je me félicite que cette prise de conscience soit de plus en plus souvent partagée par une partie de la classe politique locale et par de nombreux acteurs de la société civile polynésienne. Grâce à elle, la mission conduite tout au long de l'année 2010 par trois corps d'inspections pour diagnostiquer les causes de la crise a pu formuler des préconisations pour tenter de limiter l'hémorragie des finances publiques et ce, en accord avec les deux derniers gouvernements successifs.
Certaines de ces préconisations ont été reprises dans le projet de loi du gouvernement mais je me réjouis surtout que les débats parlementaires aient enrichis le texte d'autres propositions tout aussi symboliques et qui visent le même objectif de rationalisation des finances publiques.
A titre d'exemple, j'ai pris connaissance de l'amendement déposé par M. Bruno SANDRAS, qui vise à contingenter de manière réaliste le nombre de collaborateurs de cabinet. Je ne peux qu'émettre un avis favorable à cet amendement.
Cette convergence de propositions dans l'esprit du rapport Bolliet est aujourd'hui indispensable pour permettre à la Polynésie de respecter le plan de redressement des finances locales particulièrement strict qui conditionne le versement de la seconde tranche du prêt de 42 millions d'euros consenti, à ma demande, par l'Agence française de développement (AFD).
* J'en viens maintenant à la méthode que j'ai veillée à observer pour élaborer ce projet de loi.
La concertation était une des conditions de la réussite de cette réforme. C'est pourquoi je me suis mise à l'écoute de toutes les propositions constructives d'où qu'elles viennent.
* en mai 2010, j'ai confié au Conseiller d'Etat Barthélémy une mission, dont les conclusions ont servi de base à la réflexion commune.
* en septembre 2010, j'ai provoqué des rencontres à Paris avec les représentants des principales formations politiques polynésiennes.
* enfin, je me suis déplacée en Polynésie en octobre 2010 pour entendre et recevoir les personnalités de la société civile et, à nouveau les responsables politiques.
A travers cette écoute et grâce à la qualité des débats parlementaires et des travaux de votre commission des lois, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui devrait, je le crois, répondre à l'objectif de stabilité que l'ensemble des acteurs locaux a appelé de ses v'ux tout au long de la phase de concertation.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il me reste à vous présenter le contenu projet de loi organique qui vous est soumis.
* La première ligne directrice est simple : assurer la stabilité des institutions passe nécessairement par un ajustement du régime électoral.
- Alors que le projet du Gouvernement maintenait les 4 circonscriptions actuelles des archipels éloignés, appelées à élire 12 des 57 représentants à l'assemblée, mais procédait à la fusion des circonscriptions actuelles des Iles du Vent et des Iles-Sous-le-Vent, le Sénat a préféré créer une circonscription unique, divisée en 8 sections, dont le contour géographique et le nombre d'élus sont, en réalité, identiques à ma proposition.
Votre commission des lois partage cette conception. Je m'y rallie donc volontiers car elle présente incontestablement plus d'avantages que d'inconvénients et que l'ensemble des forces politiques représentatives ont adhéré progressivement à cette formule.
- Le projet de loi ne revient pas sur le mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne à deux tours, qui représente la diversité des opinions.
En revanche, j'ai acquis la conviction qu'il convient d'instaurer une prime forte attribuée à la liste qui obtient la majorité, pour limiter l'effet d'éparpillement de la représentation proportionnelle.
Sur ce point, votre commission partage l'analyse du Sénat et la mienne puisqu'elle maintient cette prime à un tiers des sièges et qu'elle les répartit à l'avance au sein des sections.
* Seconde ligne directrice de la réforme : améliorer le fonctionnement des institutions doit permettre dans la durée l'action de la majorité du gouvernement, c'est-à-dire de la majorité qui aura gagnée les élections.
Ma priorité, vous l'avez compris, c'est de veiller au respect du verdict des urnes en mettant un terme aux comportements opportunistes. Car ce qui est certain, c'est que la Polynésie française mérite mieux que les blocages et les dérives actuels.
Certaines mesures que j'ai proposées ne font plus débat, qu'il s'agisse de limiter à 2 mandats consécutifs la durée du mandat du président de la Polynésie française, ce qui peut aider au renouvellement de la classe politique polynésienne, ou bien encore la possibilité de renouveler de façon anticipée ou annuelle le bureau de l'assemblée uniquement en cas de démission de son président.
Ce que certains entendent encore contester concerne une des mesures à laquelle je suis particulièrement attachée et qui constitue la clé de voûte de la réforme. Je veux évidemment parler de la motion de défiance dont le dépôt et surtout le vote doivent être rendus plus difficiles.
Votre commission des lois partage d'ailleurs cette analyse puisqu'elle maintient, comme je l'avais proposé, le seuil de recevabilité de la motion en passant du quart au tiers des membres de l'assemblée et le seuil d'adoption à une majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Lorsque l'on est conscient des conséquences lourdes des renversements incessants de majorité provoqués par cette motion de défiance, que ce soit en termes de continuité de la mise en œuvre des politiques publiques en Polynésie française, du lien de confiance entre les Polynésiens et leurs élus ou de l'image de la Polynésie à l'extérieur, je m'étonne que certains souhaitent affaiblir le dispositif en abaissant le seuil d'adoption.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Grâce aux réformes statutaires qui se sont succédé depuis le début des années quatre-vingt, la Polynésie française a acquis une véritable liberté d'action. Cette liberté d'action lui a permis de mener à bien un processus d'émancipation progressif vis-à-vis de la métropole et d'assurer son développement économique, social et culturel.
Je forme le v'u que la contribution des uns et des autres et celle de votre commission fixent pour les années qui viennent une architecture institutionnelle qui permette à la démocratie locale de bien fonctionner et qui ramène la stabilité politique indispensable au renouveau du développement économique et social.
Je vous remercie.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 4 juillet 2011