Texte intégral
Bonjour à tous. Je voudrais vous remercier de vous être joints aussi nombreux à ce point de presse, à loccasion de mon déplacement en Tunisie avec une délégation dont je vais vous dire quelques mots. Cest un voyage de 24h que jai tenu à faire très rapidement ; 24h, cest court. Je pense dores et déjà quil faudra revenir pour un premier point détape. Néanmoins, cétait important pour moi de venir très vite.
Mon programme était concentré ce matin autour de rencontres ministérielles. Jai pu voir le ministre en charge de lEnvironnement et de lAgriculture, le ministre en charge du Transport et de lÉquipement et enfin celui en charge de lIndustrie, des Technologies et de lÉnergie. Javais commencé hier par un dîner avec des représentants de la société civile, aussi bien du monde associatif que du monde de lentreprise, et puis je poursuivrai tout à lheure avec quelques associations, encore le monde universitaire et, cet après-midi, des visites de terrain, notamment la visite dune station dassainissement, un sujet qui a été présent ce matin dans mes discussions avec mes homologues.
Je suis venue avec une délégation qui est composée de personnes qui servent de soutien, dans toutes sortes de dimensions, à laction de lÉtat. Ce nest pas une délégation de chefs dentreprise mais une délégation de personnalités qui ont vocation à accompagner laction publique en France mais qui peuvent aussi, dans le cadre de coopérations, laccompagner à létranger. Je voudrais vous citer leurs noms pour que vous puissiez en apprécier la variété et mieux appréhender quel est lesprit de ce déplacement que je fais aujourdhui en Tunisie.
Nous avons donc Tristan Mocilnikar, responsable des questions de développement durable pour lUnion pour la Méditerranée, à la Présidence de la République.
Nous avons Bernard Videau, de mon administration, et Christian Leyrit, vice-président du Conseil général de lécologie et du développement durable (CGEDD). Il sagit dun pool de 250 ingénieurs généraux et inspecteurs généraux de lenvironnement que nous utilisons comme expertise que nous pouvons projeter, en quelque sorte, sur tous les sujets du ressort de mon ministère qui comprend, je vous le rappelle le transport, le logement, lurbanisme, léquipement, lécologie et le développement durable ainsi que les énergies renouvelables.
Nous avons Philippe Lorec, conseiller auprès du directeur général de lénergie et du climat, avec lequel nous pouvons traiter des sujets comme le plan solaire méditerranéen ou le plan solaire tunisien ; Dov Zerah, directeur général de lAgence française de développement (AFD) ; Philippe Van de Maele qui est président de lAgence française de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME) ; André Merlin, président de Medgrid, qui travaille sur linterconnexion électrique autour de la Méditerranée ; Pierre Ducret qui est président directeur général de la filiale "Climat" de la Caisse des dépôts et de consignation (CDC), avec lequel il sagit notamment de valoriser, en termes de crédits carbone, des initiatives et des projets menés par ailleurs et Eric Francoz, représentant dInframed, qui travaille sur le financement des financements mixtes. Dans Inframed, vous retrouvez toutes sortes de partenaires financiers institutionnels du Nord et du Sud de la Méditerranée. Nous avons aussi Pascale Chabrillat, de la Caisse des dépôts et de consignation et Fabrice Bernard du Conservatoire du littoral, pour une coopération qui existe déjà et que lon pourrait renforcer, avec mon collègue de lenvironnement.
Vous voyez, lidée de cette délégation, cest de très vite nous mettre à lécoute de ce nouveau gouvernement et pouvoir proposer un soutien, entendre les nouvelles priorités, bref, être très opérationnels pour que nos coopérations, nos partenariats soient les plus efficaces possible et les mieux concentrés autour de ce que sont les priorités, aujourdhui, du peuple tunisien.
Je voudrais dabord dire, puisque je vais entrer, après, dans le très concret des différents projets, mon émotion. Je tenais beaucoup à venir, naturellement pour des raisons techniques, parce quil faut relancer rapidement ces coopérations, parce que nous avons des choses à faire, mais aussi à titre personnel pour partager ce moment historique avec le peuple tunisien qui a été un véritable pionnier, qui a lancé un mouvement sur un motif qui est celui des valeurs morales. On sait bien quil peut y avoir différentes motivations à un mouvement politique. Dans le mouvement que suit actuellement le peuple tunisien, il sagit clairement du rejet dun certain nombre dexcès, du rejet dun système corrompu et dune insurrection au nom de la dignité qui est celle du peuple tunisien. Pour ces motifs particuliers là, je tenais en plus à être présente très vite.
Dans mes rencontres, il y a eu deux axes principaux : écouter ce que disent mes différents partenaires en matière de nouvelles priorités. Il y a beaucoup de coopérations historiques qui se sont développées à travers le temps entre la France et la Tunisie. Il y a de la coopération institutionnelle mais il y a aussi de la coopération qui fait intervenir le secteur privé. Javais besoin dentendre dabord ce que disaient mes homologues tunisiens sur ce que sont aujourdhui leurs priorités pour que nous puissions ensemble réorienter, peut-être, un certain nombre de partenariats, notamment grâce aux nouveaux moyens que la France souhaite engager fortement avec les partenaires européens pour participer utilement de la nouvelle espérance qui parcourt aujourdhui la Tunisie et de la relance économique qui est nécessaire.
Comment est-ce quon fait pour choisir ensemble de mettre laccent sur tel ou tel projet parmi ceux qui existent ? Là, jai été très frappée par lunanimité qui traversait mes différents interlocuteurs ce matin. Dabord, il fallait que les projets se poursuivent. Il nétait pas question darrêter des projets, dattendre, de tout retravailler et de remettre en place. Non, non, il fallait que les projets se poursuivent. Il y a un besoin dactivité économique et demploi. Un projet qui est lancé et qui a créé de lemploi est aujourdhui un projet qui existe, qui a une valeur ajoutée. Il nest donc pas question de faire table rase du point de vue des coopérations.
En revanche, et là aussi jai trouvé une certaine unanimité parmi mes interlocuteurs, du point de vue technique mais peut-être surtout du point de vue géographique, il va y avoir de nouvelles priorités. Tous mes interlocuteurs ont souligné leur souhait de mettre laccent sur les régions du centre les plus défavorisées qui, peut-être, jusquà maintenant, ont fait lobjet de moins dattention par rapport à un littoral qui a pris les devants en matière de développement. Voilà quel était mon premier axe : Que fait-on des projets existants et comment choisit-on ceux sur lesquels on va mettre laccent ?
Et puis nous avons un certain nombre de nouveaux projets à construire ensemble. Notre souhait est très fort daccompagner le mieux possible ce formidable mouvement historique et pionnier quest en train de vivre la Tunisie. On ne va donc pas en rester seulement à lexistant et à faire le tri dans lexistant. Nous avons de nouveaux projets à monter ensemble.
Il y a peut-être une action qui va traverser les différents champs de mon ministère et cest le soutien technique. Jévoquais tout à lheure lexistence dun pool de 250 ingénieurs généraux et inspecteurs de lenvironnement qui regroupe toutes les compétences dont on peut rêver. Lidée, cest de pouvoir les mettre à disposition du gouvernement tunisien, quand il le souhaite, sur tel ou tel projet, en renfort et en accélérateur. Je vous donne un exemple : le collègue des Transports me disait quil était ennuyé par la durée de létude quon lui annonçait sur lautoroute du centre. Il évoquait une durée de 23 mois pour simplement étudier ce projet qui est clairement prioritaire au regard des enjeux de désenclavement des territoires les plus défavorisés. Jai proposé une mission dappui qui viendrait en soutien technique pour simplement accélérer les procédures. Sous réserve danalyse, on doit pouvoir diviser par deux ce délai. Ce travail du Conseil général de lécologie et du développement durable de mon ministère pourrait être engagé très rapidement puisque dès la semaine prochaine, autour de la mi-mars, un ingénieur général sera sur place, ici à Tunis, et fera le tour des différentes personnes auxquelles nous avons parlé ce matin pour regarder avec elles les priorités et les réorganiser en fonction de ce que souhaitent les autorités tunisiennes.
Cest un travail qui sera couplé avec le fonds détudes mis en place par lAFD à la suite du déplacement de ma collègue en charge des Finances Christine Lagarde, il y a dix jours. Le travail de techniciens des ingénieurs généraux sera donc couplé avec des moyens financiers qui seront ceux du fonds détudes et avec les experts de lUnion pour la Méditerranée qui ont une ancienneté sur tous ces sujets.
Si je rentre dans le détail des différents secteurs, mon collègue en charge de lEnvironnement et de lAgriculture a beaucoup insisté sur lassainissement dans les zones et les quartiers les plus défavorisés. LAgence française de développement a développé une assez grande expertise sur le sujet des quartiers défavorisés et nous pourrons avoir un travail global sur lassainissement, léconomie dénergie et lurbanisme en nous fondant sur des activités qua déjà développées lAFD. Nous sommes là à la rencontre entre des compétences qui existent et un désir exprimé par le nouveau pouvoir tunisien de mettre laccent sur des quartiers défavorisés qui ont porté la révolution de jasmin.
Nous avons des coopérations qui existent et quil nous faut renforcer, en particulier dans cette période de troubles. Jai lu quelques articles dans la presse sur les risques qui se sont reportés sur les zones naturelles, les parcs. Nous avons un partenariat ancien avec le Conservatoire national du littoral, dont le représentant est ici, qui va être renforcé car il ne faut pas quune période intermédiaire, transitoire, se traduise par un abaissement des protections environnementales. Au contraire, il faut reconquérir ces avantages qui peuvent être de vrais avantages compétitifs. Je pense par exemple au tourisme durable.
Toujours dans la partie environnementale, il y a des problèmes de pollution chimique importants, notamment du fait des anciennes activités minières, sur lesquels nous allons pouvoir développer des coopérations dans la région de Kasserine et ailleurs. Là encore, il y a des recoupements entre des priorités géographiques et les compétences de mon ministère.
Enfin, nous avons évoqué le problème des ferrailles et cest lADEME qui va pouvoir travailler là-dessus avec le gouvernement tunisien. Il y a un potentiel de recyclage de la ferraille en Tunisie qui est trop peu utilisé. De mémoire, les besoins sélèvent à 600 000 tonnes par an et seulement 200 000 tonnes viennent du recyclage. Le reste est importé. Cest dommage parce quil y a des gisements locaux et le recyclage est à la fois bon pour lenvironnement, bon pour lemploi et bon pour lindustrie.
Si je viens du côté des transports, je vous donne un exemple de ce que je disais sur les nouvelles priorités. Jai bien senti que le projet de port en eaux profondes à Enfidha allait se poursuivre mais que, à laune de ce que je disais tout à lheure, lautoroute du centre serait considérée comme prioritaire. Cest la raison pour laquelle jai proposé une assistance technique sur lautoroute du centre. Probablement aussi une assistance financière sur le montage.
Nous avons parlé, avec mon collègue des Transports, de la formation. Il ma parlé de son souhait de professionnaliser tout le monde de la logistique. Il ma dit quaujourdhui les entreprises tunisiennes font chacune leur propre logistique, ce qui nuit fortement à leur compétitivité et à la fluidité de leurs échanges. Or, la France a des compétences à partager dans le domaine de la logistique.
Vous savez quà loccasion du déplacement du président de la République, en 2008, il avait été question de créer un nouveau type de visa, quelque chose qui sétait appelé limmigration circulaire. Pour 9000 personnes par an, lidée était davoir des séjours dun an, deux ans, trois ans en France, dans le cadre de parcours de formation. Aujourdhui, ce dispositif nest pas complètement utilisé et il y a des possibilités. Jai proposé à mon collègue en charge du Transport que lon utilise ces possibilités dans le monde de la logistique. Il sagit de former de jeunes Tunisiens à la logistique car cest manifestement un domaine qui nécessiterait des compétences en Tunisie. Cela permettrait de développer la compétitivité de lensemble de léconomie, ce à quoi nous pouvons aider à partir de la France.
Nous avons aussi fait une petite revue des programmes existants, loccasion de constater que des choses formidables qui avaient été lancées navaient peut-être pas encore donné tout leur potentiel. Nous avons par exemple parlé de loptimisation du port de Radès, un projet de lUnion pour la Méditerranée qui est engagé mais dont le ministre des Transports considère lui-même quil pourrait être beaucoup plus efficient. Il sagit daméliorer beaucoup les disponibilités en matière dimport-export à partir des ports de Tunisie. Vous voyez bien tout lintérêt que cela peut avoir pour lensemble de léconomie. Cest un sujet sur lequel, là aussi, on va pouvoir mettre à disposition des compétences pour avancer plus vite.
Enfin, dernière rencontre, le ministre de lIndustrie, de la Technologie et de lÉnergie. Là, la base de travail est encore mieux encadrée. Cest quasiment une base européenne. Vous savez quil y a ce quon appelle larticle 9 qui offre la possibilité de transférer les obligations en matière dénergies renouvelables, cest-à-dire, pour les pays de lUnion européenne qui doivent atteindre certains objectifs en matière dénergie renouvelable, la possibilité dacheter des électrons verts au sud de la Méditerranée. Cest quelque chose que lon peut faire en y associant des financements au titre du carbone, par exemple avec laide de la Caisse des dépôts climats. Il y a donc des moyens particuliers de rentabiliser ces projets très rapidement. Cela nécessite une meilleure interconnexion et je citais tout à lheure des membres de ma délégation qui travaillent sur ce sujet et qui, pour certains, ont voulu revoir leurs homologues tunisiens.
Nous avons plus particulièrement parlé, à court terme, dun projet auquel je suis très attaché qui est un projet de pompes solaires dans le milieu agricole. Là, nous sommes vraiment dans le croisement entre des compétences et des financements, dun côté, et les nouvelles priorités politiques puisquil sagit du développement durable des zones défavorisées. Cest un projet tripartite entre la France, la Tunisie et Monaco qui pourrait être réalisé sur 200 sites. Nous avons désigné parmi nous un chef de file qui est présent ici et qui est chargé de coordonner les travaux à la fois sur la dimension technique et sur la dimension financière, pour faire aboutir ce projet avant lété.
Question : La Tunisie a besoin dassistance en agriculture biologique. Nous avons un centre technique pour lagriculture biologique mais il nest plus opérationnel depuis dix ans. Dans le domaine du tourisme, nous avons été envahis par les tours opérateurs européens et nous avons un tourisme de masse qui nest pas fait pour notre pays, ne serait-ce que sur le plan de leau. Ce serait bien de développer lécotourisme dans les régions intérieures qui représentent un potentiel énorme. Enfin, nous avons actuellement un gouvernement de transition et la véritable autorité, cest le peuple : il faudrait prendre contact avec la société civile.
Réponse : Sur la question, du pouvoir, du peuple et de la société civile, croyez bien que je suis tout à fait consciente du moment particulier dans lequel se place ma visite en Tunisie. Certains de mes conseillers disaient la semaine dernière en voyant lévolution : on ne peut pas y aller, nous navons pas de correspondants, on ne sait pas très bien, il y a un remaniement... Moi, jai absolument voulu maintenir cette visite et lorganiser comme elle pouvait lêtre à ce moment particulier de lhistoire de la Tunisie, cest-à-dire des rencontres avec la société civile hier un dîner, aujourdhui un déjeuner avec des universitaires et en même temps des rencontres avec les ministres en place qui disent tous en début dentretien : voilà, nous considérons que nous sommes là pour quatre mois et nous nous posons la question dêtre utiles en lespace de quatre mois.
Jadmire beaucoup, jinsiste là-dessus, la grande sagesse avec laquelle les choses sont faites ici. Jai des interlocuteurs qui me disent : nous ne voulons pas tout arrêter, nous ne sommes pas là pour tout fracasser, il faut que léconomie continue. Nous voulons en revanche mettre en place nos priorités et nous disons très clairement ce quelles sont. Nous voulons faire ceci dans un temps limité qui est celui que nous donne cette période transitoire compliquée jusquau mois de juillet. Il me semble que notre responsabilité, à nous Français, cest dessayer de proposer le maximum de choses dans ce cadre là. Cela passe par des contacts avec la société civile, ce qui figure clairement dans les trois priorités du plan daction que nous mettons en place. La première priorité du plan daction, cest le développement de contacts avec la société civile. Et puis cela passe aussi par des liens institutionnels sur des coopérations qui doivent pouvoir trouver un écho au niveau institutionnel. Cest vrai que lorsquon travaille sur les infrastructures ou sur le port de Radès, on parle avec les autorités.
Sur la question du tourisme, nous sommes un peu sur la même ligne. Je suis absolument convaincue quà cette période de lhistoire du monde, où lon est en train de remettre en cause les systèmes de production et de consommation, vivre une révolution peut être une opportunité formidable pour partir sur de bonnes bases. Les bonnes bases, dans le monde contemporain, ce sont celles de la qualité, pour toutes les productions. La qualité, cest la demande des sociétés aujourdhui et cest là quil y a le plus de valeur ajoutée.
Qualité en matière alimentaire : quand on est dans le bio, on est sur des marchés à très forte valeur ajoutée. Il y a une demande considérable, en ce moment, en Europe. En France, nous sommes en train dessayer daugmenter nos surfaces mais énormément de produits bios consommés sont néanmoins importés. Ce sont des marchés qui ne vont faire que monter en puissance.
Est-ce que lon peut développer des coopérations dans le domaine de la formation à lagriculture biologique ? Très certainement. Honnêtement, nous nen avons pas parlé avec mon collègue de lAgriculture et de lEnvironnement ce matin mais on peut très bien le faire. Jajoute que lon peut travailler sur une base institutionnelle mais aussi sur une base associative. Il existe, à lAgence française de développement, des lignes de crédit pour travailler sur la coopération entre ONG qui sinsèrent tout à fait dans lesprit du plan daction France/Tunisie que je citais. On pourrait très bien imaginer le développement dune coopération dans le monde de lagriculture, en particulier dans la formation en bio.
Sur la question du tourisme vert, je suis totalement daccord avec vous. La Tunisie est un territoire qui a de belles ressources mais qui a aussi ses fragilités en matière denvironnement et de nature. Cest un profil qui doit appeler le développement dun tourisme à haute valeur ajoutée. De façon évidente, ce nest pas totalement ce qui a été fait jusquà maintenant et cest pour moi un axe du nouveau développement.
Cela ne veut pas dire que lon jette tout ce qui a été fait, encore une fois. Je respecte beaucoup la façon dont mes interlocuteurs prenaient les choses ce matin. On part de lexistant et il faut que léconomie tourne, mais il est certain que pour les nouveaux développements, il y a un travail important sur la montée en gamme et la qualité. Cest un travail à faire aussi du côté de lurbanisme. Je nen ai pas parlé tout à lheure mais jai proposé à mon collègue des Transports et de lÉquipement, qui est aussi en charge de lurbanisme, de travailler la coopération sur ce sujet parce quen fait, monter en gamme en qualité, cela veut dire aussi mieux maîtriser son territoire, cest-à-dire préserver des espaces, arrêter de considérer que la terre, cest du consommable. La terre, cest quand même la première richesse ; on choisit ce quon en fait et on essaye den tirer la plus grande valeur ajoutée et le meilleur pour lemploi et pour le rayonnement du pays. Cela nécessite une réflexion un peu en amont et je sens, du côté de mes interlocuteurs, quil y a vraiment le désir de la mettre en place.
Question : Pourriez-vous préciser ce quest la nouvelle politique de la France en matière de visa pour les jeunes Tunisiens ?
Réponse : En fait, cest un dispositif qui avait été mis en place en 2008, à loccasion de la visite dÉtat du président Nicolas Sarkozy en Tunisie. Il avait été ouvert à cette occasion la possibilité de 9000 personnes par an. Cette possibilité na pas été totalement exploitée et nous sommes plutôt à 2500 personnes par an. Ce que je propose, dans les parties qui sont les miennes, cest dutiliser cette possibilité qui existe de façon à renforcer les compétences de la Tunisie dans les domaines où elle en a besoin. Il ne sagit pas dun nouvel accord mais dune meilleure utilisation de quelque chose qui existe et qui nest pas bien mis en uvre.
Question : Avant la révolution, les associations ne recevaient aucun financement. Les fonds étaient versés au gouvernement et ils allaient ailleurs. Aujourdhui, nous souhaitons un programme clair, de lUnion européenne et de la France, pour des financements directs aux associations.
Réponse : Je travaille beaucoup, dans mon ministère, avec les associations. Nous avons préparé un grand mouvement de réformes qui est le Grenelle de lenvironnement, tournant beaucoup autour des associations. Jai un dîner, tous les mois, avec les associations du Grenelle de lenvironnement. Le dialogue sest établi dans la durée et cest quelque chose qui est maintenant très institutionnalisé, même sil est bizarre dutiliser ce terme pour des ONG. Cest vrai que cela génère pour moi une gêne en Tunisie parce que les associations sont très peu apparentes. Elles sont plutôt en cours de développement, de constitution.
Jai deux éléments de réponse à votre intervention. Dabord, lAgence française de développement a ouvert des lignes de crédit directement sur les associations, ce qui répond à votre question. Ce sont des lignes de crédit qui ne passent pas par les gouvernements mais par des coopérations associatives entre ONG du Nord et ONG des pays destinataires de laide. Naturellement, nous en parlions ce matin avec lAmbassadeur Boris Boillon, il y aura des possibilités pour la Tunisie. Il faut monter des projets concrets et on pourra les financer. Lobjectif sinsère vraiment dans le cadre du plan daction France/Tunisie dont je vous disais que le premier volet consistait à développer les contacts entre la société française et la société tunisienne.
La deuxième chose, cest que nous avons beaucoup parlé, ce matin au ministère de lEnvironnement, de gouvernance. Nous avons mis en avant ce qui est fait par le Conservatoire national du littoral. À chaque fois, localement, il y a la recherche dun nouveau type de gouvernance dans lequel on essaye dassocier la population locale, parce quon est dans la préservation de territoires. Cela ne sert à rien de signer un contrat gouvernemental sur la protection dun territoire si la population locale nest pas impliquée. Là, il y a un nouveau type de gouvernance qui sest développé, dont nous essayons de faire la promotion et que nous aimerions voir se développer autour des autres genres de coopération.
On peut avoir des coopérations institutionnelles et des coopérations gouvernementales dans lesquelles la société civile trouve sa place. Cest quelque chose à construire dans la durée. Il est normal que, spontanément, à loccasion des évolutions récentes, cela ne se mette pas en place tout de suite mais je suis sûre que la volonté est là et mon collègue de lEnvironnement, ce matin, était très attentif à cette possibilité.
Question : Vous avez évoqué laccord sur la gestion concertée des migrations signé en avril 2008. Cet accord na pas eu lefficacité escomptée pour deux raisons majeures. Dune part, les profils correspondant aux 77 métiers ciblés nexistent pas en Tunisie. Par ailleurs, il ny a pas eu la communication souhaitable autour de cet accord, ni en France, ni en Tunisie, alors quil est fondé sur la possibilité de contrats de travail à durée déterminée, à signer entre les entreprises françaises et les candidats tunisiens. Je suggère donc la révision de la liste des 77 métiers ainsi quune publicité active auprès des entreprises françaises et des candidats tunisiens à lemploi.
Réponse : Cest en effet de cela quil est question. Aujourdhui, sur 9000 possibilités par an, on ne compte effectivement que 2500 candidats. Je fais remarquer en passant que la Tunisie doit être le consulat dans lequel le taux de rejet des demandes de visa est le plus faible au monde. Je crois quil y a seulement 10% des demandeurs qui nobtiennent pas leur visa. Mais on na pas réussi à faire se rencontrer loffre et la demande et cest bien lobjet poursuivi. Mon collègue en charge des Transports me proposait là un secteur sur lequel il y a manifestement quelque chose dintéressant à construire, quelque chose qui sera intéressant en retour pour léconomie tunisienne. Il est vraiment très frappant de voir quil y a si peu de logistique organisée. La Tunisie est une économie exportatrice et cest curieux de constater que chaque artisan est obligé de se préoccuper des conditions dexportation de ses propres produits. Il y a donc bien là le souhait de faire mieux rencontrer loffre et la demande.
Question : On déplore la remise en cause des engagements annoncés pour le Grenelle de lenvironnement, la crise économique étant passée par là. Est-ce quil restera vraiment des financements pour les projets concrets dans des pays comme la Tunisie ?
Réponse : Sur le Grenelle de lenvironnement, mon engagement comme celui du président de la République qui la réaffirmé récemment avec le Premier ministre, est bien de tout mettre en uvre. On pourrait prendre sujet par sujet ce qui est en train de se faire. Les financements du Grenelle ont été maintenus et on y a rajouté même des financements du plan de relance, au moment de la crise, et maintenant des financements du grand emprunt. Cest donc quelque chose qui se poursuit. Je vous donne des exemples : nous avions dabord annoncé 800 millions deuros sur les transports en commun en site propre en province et là, je viens dannoncer la deuxième tranche qui sélève à 600 millions deuros. Il y avait un milliard deux cent cinquante millions deuros annoncés dans le Grenelle pour le financement des travaux sur la précarité énergétique pour les personnes qui nont pas la trésorerie nécessaire pour financer des travaux de rénovation thermique. Cette somme est au rendez-vous : 750 millions deuros de lAgence de lhabitat et 500 millions deuros du grand emprunt. Il y a une chose sur laquelle le Grenelle de lenvironnement ne sest pas mis en place et qui nest pas prévue pour 2012, cest la taxe carbone. Le président de la République a voulu pousser la taxe carbone mais cela na pas été facile. Cela a rencontré le problème de léchec de la conférence de Copenhague et de la crise économique. En dehors de la taxe carbone, il y a des débats sujet par sujet mais il ny a pas de renoncement au Grenelle de lenvironnement. Au contraire, je me bats pied à pied pour que tout puisse être mis en uvre.
Vous me demandez, dans ce contexte budgétairement tendu qui est une réalité aujourdhui du fait de la crise, comment est-ce que la France est en mesure daider. Voyez, ce qui ma beaucoup frappée, cest que la plupart des projets que jai évoqués aujourdhui avec mes homologues sont financés ou finançables.
Sur lassainissement, il y a aujourdhui des projets qui sont financés. Le sujet, cest plutôt : est-ce quil y a un changement de priorités ? Est-ce que cest vraiment cela que vous voulez quon fasse ? Est-ce quon y va ?
On a tendance à sinquiéter des financements et on a raison mais ils ne sont pas toujours le seul problème. En loccurrence, sur beaucoup des projets de coopération que jai évoqués ce matin avec mes homologues, les financements sont là et ne représentent pas le problème principal qui peut être le montage technique, le calendrier ou encore des choix à faire. Encore une fois, il est complètement légitime quun nouveau pouvoir qui se met en place puisse redire quels sont ses choix et ses priorités. Nous, nous sommes là pour faire en sorte que cela puisse se passer de la manière la plus fluide possible.
Question : Avez vous évoqué avec vos interlocuteurs le problème de la sécurité alimentaire de façon à prévenir les phénomènes de famine ? Avez-vous parlé de la formation aux métiers de lenvironnement et avez-vous une idée des sommes affectées aux dossiers de votre compétence qui ont été dilapidées par le régime précédent ?
Réponse : Ce matin, avec mon homologue de lAgriculture et de lEnvironnement, nous avons beaucoup parlé environnement, assainissement et nous navons pas évoqué la question de la sécurité alimentaire dont je sais quelle est une cause de souci aujourdhui, avec la très grande fluctuation du prix des matières premières sur les cours agricoles. Ceci dit, cest une préoccupation constante du président de la République, en France, qui sinvestit beaucoup dans le G8 et dans le G20 pour quil puisse y avoir un encadrement de ces fluctuations importantes qui cassent certaines agricultures plus fragiles et qui font souffrir les populations.
La question de la formation, nous lavons un peu évoquée. Je me garderai bien de donner des conseils en matière de formation aux métiers de lenvironnement parce que je ne trouve pas moi-même que ce qui est fait en France soit parfait. Cest très inégal, aussi bien du côté de la formation complémentaire que de la formation initiale. Pour le moment, les objectifs de formation dans le domaine de lenvironnement inscrit dans le Grenelle de lenvironnement sont bien engagés dans le secteur du bâtiment, pour toutes sortes de raisons historiques, mais les résultats sont assez insuffisants dans dautres secteurs.
Nous avons évoqué la question sans avoir didées formidables mais je comptais aussi en parler au déjeuner avec le monde universitaire parce que toutes les bonnes idées ne viennent pas forcément du sérail, comme le soulignait votre collègue.
Dernière chose sur la question de largent dilapidé. Je nai aucune évaluation mais jai une conviction très forte. Cest que sur une occasion historique comme celle que vous êtes en train de vivre, notre responsabilité à nous était de revenir vous voir très vite et de vous dire : voilà quels sont les projets qui étaient en cours ; voilà quels sont les projets qui existent. Nous avons eu plein didées dans le cadre de lUnion pour la Méditerranée mais cest à vous de nous dire aujourdhui ce que vous voulez dans ces projets là.
Mon engagement aujourdhui consiste à faire en sorte que tous les nouveaux investissements correspondent bien aux priorités du peuple tunisien aujourdhui. Maintenant, évaluer dans quelle mesure, par le passé, ils ont pu rencontrer ou ne pas rencontrer ces priorités, franchement, jen suis incapable.
Question : Les médias français utilisent toujours lexpression révolution de jasmin pour désigner la révolution tunisienne et je crois que cest péjoratif car cette révolution a fait plus de 200 martyrs.
Réponse : Écoutez, je nutiliserai plus ce terme et je me ferai lécho de cette remarque. Je dois préciser que, dans mon esprit, ce nétait pas quelque chose de péjoratif ni de négateur vis à vis des 200 martyrs que vous soulignez. Je pense que ce terme a émergé parce que le jasmin est tellement associé à la Tunisie mais quil ne venait pas en minoration du terme révolution. Mais sil ne plait pas aux Tunisiens eux-mêmes, il nest pas question de lutiliser et on en trouvera un autre.
Question : Il se vend aujourdhui des séjours all inclusive en Tunisie à 269 euros et pour un euro supplémentaire, vous pouvez inviter une seconde personne. Cela fait à peu près 8 euros TTC par personne et par jour. Les touristes français et européens ne dépensent pas un sou et nencouragent pas léconomie marchande. Or la Tunisie possède un potentiel extraordinaire en tourisme écologique. Il faudrait vraiment changer ce tourisme de masse.
Réponse : Vous nimaginez pas à quel point jadhère à ce vous dîtes là. En fait, le tourisme qui sest développé est trop souvent indifférencié. Cest mer et soleil, en quelque sorte. Mer et soleil en Tunisie, cela doit pouvoir être différent. Cest cette valeur ajoutée là qui fera une vraie différence pour léconomie tunisienne et qui permettra de développer le tourisme à lintérieur des terres en valorisant le territoire, en valorisant lhistoire et le patrimoine, avec une forte dimension culturelle. Quand il y a un désir de faire la connaissance dun peuple, on peut aller dans des endroits plus originaux et participer dun vrai développement.
Je suis absolument convaincue que lavenir du tourisme pour un pays comme la Tunisie qui est en train de prendre un tournant, cela doit être un tourisme de qualité. Il y a des exemples à travers le monde déconomie réussie qui sest développée à travers le tourisme de qualité. Très souvent, dans ce cas là, il y a eu association entre un projet très construit de tourisme de qualité et une protection de lenvironnement remarquable.
Je prends lexemple très particulier du Costa Rica qui nest pas applicable, je mempresse de le dire, dans un pays comme la Tunisie. On y a développé un tourisme de très grande qualité avec une valeur ajoutée considérable sans surexploitation des ressources. Certains pays dAfrique subsaharienne ont opté eux aussi pour le tourisme de qualité et on observe aujourdhui de fortes différences entre ceux qui ont choisi un tourisme ordinaire et ceux qui ont choisi un tourisme de qualité.
En même temps, on ne peut pas raisonnablement tout arrêter. Ce quil faut, cest à la fois vivre de lexistant et, pour lavenir, construire quelque chose de différent. Je pense que cela participera aussi de la construction dune image, dune identité tunisienne à laquelle, me semble-t-il, le peuple tunisien aspire fortement. La Tunisie, ce nest pas mer et soleil. La Tunisie, cest une histoire, cest aujourdhui un peuple qui a été pionnier dans ce mouvement de révolution et de changement qui traverse les pays dAfrique du Nord, au nom dune certaine dignité.
Cela aussi, cest quelque chose à valoriser. Cela va se construire dans le temps. Il va falloir faire la démonstration que la Tunisie est aussi une culture, une ambition particulière et cela aura des effets induits sur le tourisme. Le tourisme peut en fait partager quelque chose avec lidéal national qui sexprime très fortement en ce moment. Cela demande à être mis en musique techniquement à travers loffre touristique et probablement valorisé médiatiquement.
Source http://www.ambassadefrance-tn.org, le 15 mars 2011
Mon programme était concentré ce matin autour de rencontres ministérielles. Jai pu voir le ministre en charge de lEnvironnement et de lAgriculture, le ministre en charge du Transport et de lÉquipement et enfin celui en charge de lIndustrie, des Technologies et de lÉnergie. Javais commencé hier par un dîner avec des représentants de la société civile, aussi bien du monde associatif que du monde de lentreprise, et puis je poursuivrai tout à lheure avec quelques associations, encore le monde universitaire et, cet après-midi, des visites de terrain, notamment la visite dune station dassainissement, un sujet qui a été présent ce matin dans mes discussions avec mes homologues.
Je suis venue avec une délégation qui est composée de personnes qui servent de soutien, dans toutes sortes de dimensions, à laction de lÉtat. Ce nest pas une délégation de chefs dentreprise mais une délégation de personnalités qui ont vocation à accompagner laction publique en France mais qui peuvent aussi, dans le cadre de coopérations, laccompagner à létranger. Je voudrais vous citer leurs noms pour que vous puissiez en apprécier la variété et mieux appréhender quel est lesprit de ce déplacement que je fais aujourdhui en Tunisie.
Nous avons donc Tristan Mocilnikar, responsable des questions de développement durable pour lUnion pour la Méditerranée, à la Présidence de la République.
Nous avons Bernard Videau, de mon administration, et Christian Leyrit, vice-président du Conseil général de lécologie et du développement durable (CGEDD). Il sagit dun pool de 250 ingénieurs généraux et inspecteurs généraux de lenvironnement que nous utilisons comme expertise que nous pouvons projeter, en quelque sorte, sur tous les sujets du ressort de mon ministère qui comprend, je vous le rappelle le transport, le logement, lurbanisme, léquipement, lécologie et le développement durable ainsi que les énergies renouvelables.
Nous avons Philippe Lorec, conseiller auprès du directeur général de lénergie et du climat, avec lequel nous pouvons traiter des sujets comme le plan solaire méditerranéen ou le plan solaire tunisien ; Dov Zerah, directeur général de lAgence française de développement (AFD) ; Philippe Van de Maele qui est président de lAgence française de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME) ; André Merlin, président de Medgrid, qui travaille sur linterconnexion électrique autour de la Méditerranée ; Pierre Ducret qui est président directeur général de la filiale "Climat" de la Caisse des dépôts et de consignation (CDC), avec lequel il sagit notamment de valoriser, en termes de crédits carbone, des initiatives et des projets menés par ailleurs et Eric Francoz, représentant dInframed, qui travaille sur le financement des financements mixtes. Dans Inframed, vous retrouvez toutes sortes de partenaires financiers institutionnels du Nord et du Sud de la Méditerranée. Nous avons aussi Pascale Chabrillat, de la Caisse des dépôts et de consignation et Fabrice Bernard du Conservatoire du littoral, pour une coopération qui existe déjà et que lon pourrait renforcer, avec mon collègue de lenvironnement.
Vous voyez, lidée de cette délégation, cest de très vite nous mettre à lécoute de ce nouveau gouvernement et pouvoir proposer un soutien, entendre les nouvelles priorités, bref, être très opérationnels pour que nos coopérations, nos partenariats soient les plus efficaces possible et les mieux concentrés autour de ce que sont les priorités, aujourdhui, du peuple tunisien.
Je voudrais dabord dire, puisque je vais entrer, après, dans le très concret des différents projets, mon émotion. Je tenais beaucoup à venir, naturellement pour des raisons techniques, parce quil faut relancer rapidement ces coopérations, parce que nous avons des choses à faire, mais aussi à titre personnel pour partager ce moment historique avec le peuple tunisien qui a été un véritable pionnier, qui a lancé un mouvement sur un motif qui est celui des valeurs morales. On sait bien quil peut y avoir différentes motivations à un mouvement politique. Dans le mouvement que suit actuellement le peuple tunisien, il sagit clairement du rejet dun certain nombre dexcès, du rejet dun système corrompu et dune insurrection au nom de la dignité qui est celle du peuple tunisien. Pour ces motifs particuliers là, je tenais en plus à être présente très vite.
Dans mes rencontres, il y a eu deux axes principaux : écouter ce que disent mes différents partenaires en matière de nouvelles priorités. Il y a beaucoup de coopérations historiques qui se sont développées à travers le temps entre la France et la Tunisie. Il y a de la coopération institutionnelle mais il y a aussi de la coopération qui fait intervenir le secteur privé. Javais besoin dentendre dabord ce que disaient mes homologues tunisiens sur ce que sont aujourdhui leurs priorités pour que nous puissions ensemble réorienter, peut-être, un certain nombre de partenariats, notamment grâce aux nouveaux moyens que la France souhaite engager fortement avec les partenaires européens pour participer utilement de la nouvelle espérance qui parcourt aujourdhui la Tunisie et de la relance économique qui est nécessaire.
Comment est-ce quon fait pour choisir ensemble de mettre laccent sur tel ou tel projet parmi ceux qui existent ? Là, jai été très frappée par lunanimité qui traversait mes différents interlocuteurs ce matin. Dabord, il fallait que les projets se poursuivent. Il nétait pas question darrêter des projets, dattendre, de tout retravailler et de remettre en place. Non, non, il fallait que les projets se poursuivent. Il y a un besoin dactivité économique et demploi. Un projet qui est lancé et qui a créé de lemploi est aujourdhui un projet qui existe, qui a une valeur ajoutée. Il nest donc pas question de faire table rase du point de vue des coopérations.
En revanche, et là aussi jai trouvé une certaine unanimité parmi mes interlocuteurs, du point de vue technique mais peut-être surtout du point de vue géographique, il va y avoir de nouvelles priorités. Tous mes interlocuteurs ont souligné leur souhait de mettre laccent sur les régions du centre les plus défavorisées qui, peut-être, jusquà maintenant, ont fait lobjet de moins dattention par rapport à un littoral qui a pris les devants en matière de développement. Voilà quel était mon premier axe : Que fait-on des projets existants et comment choisit-on ceux sur lesquels on va mettre laccent ?
Et puis nous avons un certain nombre de nouveaux projets à construire ensemble. Notre souhait est très fort daccompagner le mieux possible ce formidable mouvement historique et pionnier quest en train de vivre la Tunisie. On ne va donc pas en rester seulement à lexistant et à faire le tri dans lexistant. Nous avons de nouveaux projets à monter ensemble.
Il y a peut-être une action qui va traverser les différents champs de mon ministère et cest le soutien technique. Jévoquais tout à lheure lexistence dun pool de 250 ingénieurs généraux et inspecteurs de lenvironnement qui regroupe toutes les compétences dont on peut rêver. Lidée, cest de pouvoir les mettre à disposition du gouvernement tunisien, quand il le souhaite, sur tel ou tel projet, en renfort et en accélérateur. Je vous donne un exemple : le collègue des Transports me disait quil était ennuyé par la durée de létude quon lui annonçait sur lautoroute du centre. Il évoquait une durée de 23 mois pour simplement étudier ce projet qui est clairement prioritaire au regard des enjeux de désenclavement des territoires les plus défavorisés. Jai proposé une mission dappui qui viendrait en soutien technique pour simplement accélérer les procédures. Sous réserve danalyse, on doit pouvoir diviser par deux ce délai. Ce travail du Conseil général de lécologie et du développement durable de mon ministère pourrait être engagé très rapidement puisque dès la semaine prochaine, autour de la mi-mars, un ingénieur général sera sur place, ici à Tunis, et fera le tour des différentes personnes auxquelles nous avons parlé ce matin pour regarder avec elles les priorités et les réorganiser en fonction de ce que souhaitent les autorités tunisiennes.
Cest un travail qui sera couplé avec le fonds détudes mis en place par lAFD à la suite du déplacement de ma collègue en charge des Finances Christine Lagarde, il y a dix jours. Le travail de techniciens des ingénieurs généraux sera donc couplé avec des moyens financiers qui seront ceux du fonds détudes et avec les experts de lUnion pour la Méditerranée qui ont une ancienneté sur tous ces sujets.
Si je rentre dans le détail des différents secteurs, mon collègue en charge de lEnvironnement et de lAgriculture a beaucoup insisté sur lassainissement dans les zones et les quartiers les plus défavorisés. LAgence française de développement a développé une assez grande expertise sur le sujet des quartiers défavorisés et nous pourrons avoir un travail global sur lassainissement, léconomie dénergie et lurbanisme en nous fondant sur des activités qua déjà développées lAFD. Nous sommes là à la rencontre entre des compétences qui existent et un désir exprimé par le nouveau pouvoir tunisien de mettre laccent sur des quartiers défavorisés qui ont porté la révolution de jasmin.
Nous avons des coopérations qui existent et quil nous faut renforcer, en particulier dans cette période de troubles. Jai lu quelques articles dans la presse sur les risques qui se sont reportés sur les zones naturelles, les parcs. Nous avons un partenariat ancien avec le Conservatoire national du littoral, dont le représentant est ici, qui va être renforcé car il ne faut pas quune période intermédiaire, transitoire, se traduise par un abaissement des protections environnementales. Au contraire, il faut reconquérir ces avantages qui peuvent être de vrais avantages compétitifs. Je pense par exemple au tourisme durable.
Toujours dans la partie environnementale, il y a des problèmes de pollution chimique importants, notamment du fait des anciennes activités minières, sur lesquels nous allons pouvoir développer des coopérations dans la région de Kasserine et ailleurs. Là encore, il y a des recoupements entre des priorités géographiques et les compétences de mon ministère.
Enfin, nous avons évoqué le problème des ferrailles et cest lADEME qui va pouvoir travailler là-dessus avec le gouvernement tunisien. Il y a un potentiel de recyclage de la ferraille en Tunisie qui est trop peu utilisé. De mémoire, les besoins sélèvent à 600 000 tonnes par an et seulement 200 000 tonnes viennent du recyclage. Le reste est importé. Cest dommage parce quil y a des gisements locaux et le recyclage est à la fois bon pour lenvironnement, bon pour lemploi et bon pour lindustrie.
Si je viens du côté des transports, je vous donne un exemple de ce que je disais sur les nouvelles priorités. Jai bien senti que le projet de port en eaux profondes à Enfidha allait se poursuivre mais que, à laune de ce que je disais tout à lheure, lautoroute du centre serait considérée comme prioritaire. Cest la raison pour laquelle jai proposé une assistance technique sur lautoroute du centre. Probablement aussi une assistance financière sur le montage.
Nous avons parlé, avec mon collègue des Transports, de la formation. Il ma parlé de son souhait de professionnaliser tout le monde de la logistique. Il ma dit quaujourdhui les entreprises tunisiennes font chacune leur propre logistique, ce qui nuit fortement à leur compétitivité et à la fluidité de leurs échanges. Or, la France a des compétences à partager dans le domaine de la logistique.
Vous savez quà loccasion du déplacement du président de la République, en 2008, il avait été question de créer un nouveau type de visa, quelque chose qui sétait appelé limmigration circulaire. Pour 9000 personnes par an, lidée était davoir des séjours dun an, deux ans, trois ans en France, dans le cadre de parcours de formation. Aujourdhui, ce dispositif nest pas complètement utilisé et il y a des possibilités. Jai proposé à mon collègue en charge du Transport que lon utilise ces possibilités dans le monde de la logistique. Il sagit de former de jeunes Tunisiens à la logistique car cest manifestement un domaine qui nécessiterait des compétences en Tunisie. Cela permettrait de développer la compétitivité de lensemble de léconomie, ce à quoi nous pouvons aider à partir de la France.
Nous avons aussi fait une petite revue des programmes existants, loccasion de constater que des choses formidables qui avaient été lancées navaient peut-être pas encore donné tout leur potentiel. Nous avons par exemple parlé de loptimisation du port de Radès, un projet de lUnion pour la Méditerranée qui est engagé mais dont le ministre des Transports considère lui-même quil pourrait être beaucoup plus efficient. Il sagit daméliorer beaucoup les disponibilités en matière dimport-export à partir des ports de Tunisie. Vous voyez bien tout lintérêt que cela peut avoir pour lensemble de léconomie. Cest un sujet sur lequel, là aussi, on va pouvoir mettre à disposition des compétences pour avancer plus vite.
Enfin, dernière rencontre, le ministre de lIndustrie, de la Technologie et de lÉnergie. Là, la base de travail est encore mieux encadrée. Cest quasiment une base européenne. Vous savez quil y a ce quon appelle larticle 9 qui offre la possibilité de transférer les obligations en matière dénergies renouvelables, cest-à-dire, pour les pays de lUnion européenne qui doivent atteindre certains objectifs en matière dénergie renouvelable, la possibilité dacheter des électrons verts au sud de la Méditerranée. Cest quelque chose que lon peut faire en y associant des financements au titre du carbone, par exemple avec laide de la Caisse des dépôts climats. Il y a donc des moyens particuliers de rentabiliser ces projets très rapidement. Cela nécessite une meilleure interconnexion et je citais tout à lheure des membres de ma délégation qui travaillent sur ce sujet et qui, pour certains, ont voulu revoir leurs homologues tunisiens.
Nous avons plus particulièrement parlé, à court terme, dun projet auquel je suis très attaché qui est un projet de pompes solaires dans le milieu agricole. Là, nous sommes vraiment dans le croisement entre des compétences et des financements, dun côté, et les nouvelles priorités politiques puisquil sagit du développement durable des zones défavorisées. Cest un projet tripartite entre la France, la Tunisie et Monaco qui pourrait être réalisé sur 200 sites. Nous avons désigné parmi nous un chef de file qui est présent ici et qui est chargé de coordonner les travaux à la fois sur la dimension technique et sur la dimension financière, pour faire aboutir ce projet avant lété.
Question : La Tunisie a besoin dassistance en agriculture biologique. Nous avons un centre technique pour lagriculture biologique mais il nest plus opérationnel depuis dix ans. Dans le domaine du tourisme, nous avons été envahis par les tours opérateurs européens et nous avons un tourisme de masse qui nest pas fait pour notre pays, ne serait-ce que sur le plan de leau. Ce serait bien de développer lécotourisme dans les régions intérieures qui représentent un potentiel énorme. Enfin, nous avons actuellement un gouvernement de transition et la véritable autorité, cest le peuple : il faudrait prendre contact avec la société civile.
Réponse : Sur la question, du pouvoir, du peuple et de la société civile, croyez bien que je suis tout à fait consciente du moment particulier dans lequel se place ma visite en Tunisie. Certains de mes conseillers disaient la semaine dernière en voyant lévolution : on ne peut pas y aller, nous navons pas de correspondants, on ne sait pas très bien, il y a un remaniement... Moi, jai absolument voulu maintenir cette visite et lorganiser comme elle pouvait lêtre à ce moment particulier de lhistoire de la Tunisie, cest-à-dire des rencontres avec la société civile hier un dîner, aujourdhui un déjeuner avec des universitaires et en même temps des rencontres avec les ministres en place qui disent tous en début dentretien : voilà, nous considérons que nous sommes là pour quatre mois et nous nous posons la question dêtre utiles en lespace de quatre mois.
Jadmire beaucoup, jinsiste là-dessus, la grande sagesse avec laquelle les choses sont faites ici. Jai des interlocuteurs qui me disent : nous ne voulons pas tout arrêter, nous ne sommes pas là pour tout fracasser, il faut que léconomie continue. Nous voulons en revanche mettre en place nos priorités et nous disons très clairement ce quelles sont. Nous voulons faire ceci dans un temps limité qui est celui que nous donne cette période transitoire compliquée jusquau mois de juillet. Il me semble que notre responsabilité, à nous Français, cest dessayer de proposer le maximum de choses dans ce cadre là. Cela passe par des contacts avec la société civile, ce qui figure clairement dans les trois priorités du plan daction que nous mettons en place. La première priorité du plan daction, cest le développement de contacts avec la société civile. Et puis cela passe aussi par des liens institutionnels sur des coopérations qui doivent pouvoir trouver un écho au niveau institutionnel. Cest vrai que lorsquon travaille sur les infrastructures ou sur le port de Radès, on parle avec les autorités.
Sur la question du tourisme, nous sommes un peu sur la même ligne. Je suis absolument convaincue quà cette période de lhistoire du monde, où lon est en train de remettre en cause les systèmes de production et de consommation, vivre une révolution peut être une opportunité formidable pour partir sur de bonnes bases. Les bonnes bases, dans le monde contemporain, ce sont celles de la qualité, pour toutes les productions. La qualité, cest la demande des sociétés aujourdhui et cest là quil y a le plus de valeur ajoutée.
Qualité en matière alimentaire : quand on est dans le bio, on est sur des marchés à très forte valeur ajoutée. Il y a une demande considérable, en ce moment, en Europe. En France, nous sommes en train dessayer daugmenter nos surfaces mais énormément de produits bios consommés sont néanmoins importés. Ce sont des marchés qui ne vont faire que monter en puissance.
Est-ce que lon peut développer des coopérations dans le domaine de la formation à lagriculture biologique ? Très certainement. Honnêtement, nous nen avons pas parlé avec mon collègue de lAgriculture et de lEnvironnement ce matin mais on peut très bien le faire. Jajoute que lon peut travailler sur une base institutionnelle mais aussi sur une base associative. Il existe, à lAgence française de développement, des lignes de crédit pour travailler sur la coopération entre ONG qui sinsèrent tout à fait dans lesprit du plan daction France/Tunisie que je citais. On pourrait très bien imaginer le développement dune coopération dans le monde de lagriculture, en particulier dans la formation en bio.
Sur la question du tourisme vert, je suis totalement daccord avec vous. La Tunisie est un territoire qui a de belles ressources mais qui a aussi ses fragilités en matière denvironnement et de nature. Cest un profil qui doit appeler le développement dun tourisme à haute valeur ajoutée. De façon évidente, ce nest pas totalement ce qui a été fait jusquà maintenant et cest pour moi un axe du nouveau développement.
Cela ne veut pas dire que lon jette tout ce qui a été fait, encore une fois. Je respecte beaucoup la façon dont mes interlocuteurs prenaient les choses ce matin. On part de lexistant et il faut que léconomie tourne, mais il est certain que pour les nouveaux développements, il y a un travail important sur la montée en gamme et la qualité. Cest un travail à faire aussi du côté de lurbanisme. Je nen ai pas parlé tout à lheure mais jai proposé à mon collègue des Transports et de lÉquipement, qui est aussi en charge de lurbanisme, de travailler la coopération sur ce sujet parce quen fait, monter en gamme en qualité, cela veut dire aussi mieux maîtriser son territoire, cest-à-dire préserver des espaces, arrêter de considérer que la terre, cest du consommable. La terre, cest quand même la première richesse ; on choisit ce quon en fait et on essaye den tirer la plus grande valeur ajoutée et le meilleur pour lemploi et pour le rayonnement du pays. Cela nécessite une réflexion un peu en amont et je sens, du côté de mes interlocuteurs, quil y a vraiment le désir de la mettre en place.
Question : Pourriez-vous préciser ce quest la nouvelle politique de la France en matière de visa pour les jeunes Tunisiens ?
Réponse : En fait, cest un dispositif qui avait été mis en place en 2008, à loccasion de la visite dÉtat du président Nicolas Sarkozy en Tunisie. Il avait été ouvert à cette occasion la possibilité de 9000 personnes par an. Cette possibilité na pas été totalement exploitée et nous sommes plutôt à 2500 personnes par an. Ce que je propose, dans les parties qui sont les miennes, cest dutiliser cette possibilité qui existe de façon à renforcer les compétences de la Tunisie dans les domaines où elle en a besoin. Il ne sagit pas dun nouvel accord mais dune meilleure utilisation de quelque chose qui existe et qui nest pas bien mis en uvre.
Question : Avant la révolution, les associations ne recevaient aucun financement. Les fonds étaient versés au gouvernement et ils allaient ailleurs. Aujourdhui, nous souhaitons un programme clair, de lUnion européenne et de la France, pour des financements directs aux associations.
Réponse : Je travaille beaucoup, dans mon ministère, avec les associations. Nous avons préparé un grand mouvement de réformes qui est le Grenelle de lenvironnement, tournant beaucoup autour des associations. Jai un dîner, tous les mois, avec les associations du Grenelle de lenvironnement. Le dialogue sest établi dans la durée et cest quelque chose qui est maintenant très institutionnalisé, même sil est bizarre dutiliser ce terme pour des ONG. Cest vrai que cela génère pour moi une gêne en Tunisie parce que les associations sont très peu apparentes. Elles sont plutôt en cours de développement, de constitution.
Jai deux éléments de réponse à votre intervention. Dabord, lAgence française de développement a ouvert des lignes de crédit directement sur les associations, ce qui répond à votre question. Ce sont des lignes de crédit qui ne passent pas par les gouvernements mais par des coopérations associatives entre ONG du Nord et ONG des pays destinataires de laide. Naturellement, nous en parlions ce matin avec lAmbassadeur Boris Boillon, il y aura des possibilités pour la Tunisie. Il faut monter des projets concrets et on pourra les financer. Lobjectif sinsère vraiment dans le cadre du plan daction France/Tunisie dont je vous disais que le premier volet consistait à développer les contacts entre la société française et la société tunisienne.
La deuxième chose, cest que nous avons beaucoup parlé, ce matin au ministère de lEnvironnement, de gouvernance. Nous avons mis en avant ce qui est fait par le Conservatoire national du littoral. À chaque fois, localement, il y a la recherche dun nouveau type de gouvernance dans lequel on essaye dassocier la population locale, parce quon est dans la préservation de territoires. Cela ne sert à rien de signer un contrat gouvernemental sur la protection dun territoire si la population locale nest pas impliquée. Là, il y a un nouveau type de gouvernance qui sest développé, dont nous essayons de faire la promotion et que nous aimerions voir se développer autour des autres genres de coopération.
On peut avoir des coopérations institutionnelles et des coopérations gouvernementales dans lesquelles la société civile trouve sa place. Cest quelque chose à construire dans la durée. Il est normal que, spontanément, à loccasion des évolutions récentes, cela ne se mette pas en place tout de suite mais je suis sûre que la volonté est là et mon collègue de lEnvironnement, ce matin, était très attentif à cette possibilité.
Question : Vous avez évoqué laccord sur la gestion concertée des migrations signé en avril 2008. Cet accord na pas eu lefficacité escomptée pour deux raisons majeures. Dune part, les profils correspondant aux 77 métiers ciblés nexistent pas en Tunisie. Par ailleurs, il ny a pas eu la communication souhaitable autour de cet accord, ni en France, ni en Tunisie, alors quil est fondé sur la possibilité de contrats de travail à durée déterminée, à signer entre les entreprises françaises et les candidats tunisiens. Je suggère donc la révision de la liste des 77 métiers ainsi quune publicité active auprès des entreprises françaises et des candidats tunisiens à lemploi.
Réponse : Cest en effet de cela quil est question. Aujourdhui, sur 9000 possibilités par an, on ne compte effectivement que 2500 candidats. Je fais remarquer en passant que la Tunisie doit être le consulat dans lequel le taux de rejet des demandes de visa est le plus faible au monde. Je crois quil y a seulement 10% des demandeurs qui nobtiennent pas leur visa. Mais on na pas réussi à faire se rencontrer loffre et la demande et cest bien lobjet poursuivi. Mon collègue en charge des Transports me proposait là un secteur sur lequel il y a manifestement quelque chose dintéressant à construire, quelque chose qui sera intéressant en retour pour léconomie tunisienne. Il est vraiment très frappant de voir quil y a si peu de logistique organisée. La Tunisie est une économie exportatrice et cest curieux de constater que chaque artisan est obligé de se préoccuper des conditions dexportation de ses propres produits. Il y a donc bien là le souhait de faire mieux rencontrer loffre et la demande.
Question : On déplore la remise en cause des engagements annoncés pour le Grenelle de lenvironnement, la crise économique étant passée par là. Est-ce quil restera vraiment des financements pour les projets concrets dans des pays comme la Tunisie ?
Réponse : Sur le Grenelle de lenvironnement, mon engagement comme celui du président de la République qui la réaffirmé récemment avec le Premier ministre, est bien de tout mettre en uvre. On pourrait prendre sujet par sujet ce qui est en train de se faire. Les financements du Grenelle ont été maintenus et on y a rajouté même des financements du plan de relance, au moment de la crise, et maintenant des financements du grand emprunt. Cest donc quelque chose qui se poursuit. Je vous donne des exemples : nous avions dabord annoncé 800 millions deuros sur les transports en commun en site propre en province et là, je viens dannoncer la deuxième tranche qui sélève à 600 millions deuros. Il y avait un milliard deux cent cinquante millions deuros annoncés dans le Grenelle pour le financement des travaux sur la précarité énergétique pour les personnes qui nont pas la trésorerie nécessaire pour financer des travaux de rénovation thermique. Cette somme est au rendez-vous : 750 millions deuros de lAgence de lhabitat et 500 millions deuros du grand emprunt. Il y a une chose sur laquelle le Grenelle de lenvironnement ne sest pas mis en place et qui nest pas prévue pour 2012, cest la taxe carbone. Le président de la République a voulu pousser la taxe carbone mais cela na pas été facile. Cela a rencontré le problème de léchec de la conférence de Copenhague et de la crise économique. En dehors de la taxe carbone, il y a des débats sujet par sujet mais il ny a pas de renoncement au Grenelle de lenvironnement. Au contraire, je me bats pied à pied pour que tout puisse être mis en uvre.
Vous me demandez, dans ce contexte budgétairement tendu qui est une réalité aujourdhui du fait de la crise, comment est-ce que la France est en mesure daider. Voyez, ce qui ma beaucoup frappée, cest que la plupart des projets que jai évoqués aujourdhui avec mes homologues sont financés ou finançables.
Sur lassainissement, il y a aujourdhui des projets qui sont financés. Le sujet, cest plutôt : est-ce quil y a un changement de priorités ? Est-ce que cest vraiment cela que vous voulez quon fasse ? Est-ce quon y va ?
On a tendance à sinquiéter des financements et on a raison mais ils ne sont pas toujours le seul problème. En loccurrence, sur beaucoup des projets de coopération que jai évoqués ce matin avec mes homologues, les financements sont là et ne représentent pas le problème principal qui peut être le montage technique, le calendrier ou encore des choix à faire. Encore une fois, il est complètement légitime quun nouveau pouvoir qui se met en place puisse redire quels sont ses choix et ses priorités. Nous, nous sommes là pour faire en sorte que cela puisse se passer de la manière la plus fluide possible.
Question : Avez vous évoqué avec vos interlocuteurs le problème de la sécurité alimentaire de façon à prévenir les phénomènes de famine ? Avez-vous parlé de la formation aux métiers de lenvironnement et avez-vous une idée des sommes affectées aux dossiers de votre compétence qui ont été dilapidées par le régime précédent ?
Réponse : Ce matin, avec mon homologue de lAgriculture et de lEnvironnement, nous avons beaucoup parlé environnement, assainissement et nous navons pas évoqué la question de la sécurité alimentaire dont je sais quelle est une cause de souci aujourdhui, avec la très grande fluctuation du prix des matières premières sur les cours agricoles. Ceci dit, cest une préoccupation constante du président de la République, en France, qui sinvestit beaucoup dans le G8 et dans le G20 pour quil puisse y avoir un encadrement de ces fluctuations importantes qui cassent certaines agricultures plus fragiles et qui font souffrir les populations.
La question de la formation, nous lavons un peu évoquée. Je me garderai bien de donner des conseils en matière de formation aux métiers de lenvironnement parce que je ne trouve pas moi-même que ce qui est fait en France soit parfait. Cest très inégal, aussi bien du côté de la formation complémentaire que de la formation initiale. Pour le moment, les objectifs de formation dans le domaine de lenvironnement inscrit dans le Grenelle de lenvironnement sont bien engagés dans le secteur du bâtiment, pour toutes sortes de raisons historiques, mais les résultats sont assez insuffisants dans dautres secteurs.
Nous avons évoqué la question sans avoir didées formidables mais je comptais aussi en parler au déjeuner avec le monde universitaire parce que toutes les bonnes idées ne viennent pas forcément du sérail, comme le soulignait votre collègue.
Dernière chose sur la question de largent dilapidé. Je nai aucune évaluation mais jai une conviction très forte. Cest que sur une occasion historique comme celle que vous êtes en train de vivre, notre responsabilité à nous était de revenir vous voir très vite et de vous dire : voilà quels sont les projets qui étaient en cours ; voilà quels sont les projets qui existent. Nous avons eu plein didées dans le cadre de lUnion pour la Méditerranée mais cest à vous de nous dire aujourdhui ce que vous voulez dans ces projets là.
Mon engagement aujourdhui consiste à faire en sorte que tous les nouveaux investissements correspondent bien aux priorités du peuple tunisien aujourdhui. Maintenant, évaluer dans quelle mesure, par le passé, ils ont pu rencontrer ou ne pas rencontrer ces priorités, franchement, jen suis incapable.
Question : Les médias français utilisent toujours lexpression révolution de jasmin pour désigner la révolution tunisienne et je crois que cest péjoratif car cette révolution a fait plus de 200 martyrs.
Réponse : Écoutez, je nutiliserai plus ce terme et je me ferai lécho de cette remarque. Je dois préciser que, dans mon esprit, ce nétait pas quelque chose de péjoratif ni de négateur vis à vis des 200 martyrs que vous soulignez. Je pense que ce terme a émergé parce que le jasmin est tellement associé à la Tunisie mais quil ne venait pas en minoration du terme révolution. Mais sil ne plait pas aux Tunisiens eux-mêmes, il nest pas question de lutiliser et on en trouvera un autre.
Question : Il se vend aujourdhui des séjours all inclusive en Tunisie à 269 euros et pour un euro supplémentaire, vous pouvez inviter une seconde personne. Cela fait à peu près 8 euros TTC par personne et par jour. Les touristes français et européens ne dépensent pas un sou et nencouragent pas léconomie marchande. Or la Tunisie possède un potentiel extraordinaire en tourisme écologique. Il faudrait vraiment changer ce tourisme de masse.
Réponse : Vous nimaginez pas à quel point jadhère à ce vous dîtes là. En fait, le tourisme qui sest développé est trop souvent indifférencié. Cest mer et soleil, en quelque sorte. Mer et soleil en Tunisie, cela doit pouvoir être différent. Cest cette valeur ajoutée là qui fera une vraie différence pour léconomie tunisienne et qui permettra de développer le tourisme à lintérieur des terres en valorisant le territoire, en valorisant lhistoire et le patrimoine, avec une forte dimension culturelle. Quand il y a un désir de faire la connaissance dun peuple, on peut aller dans des endroits plus originaux et participer dun vrai développement.
Je suis absolument convaincue que lavenir du tourisme pour un pays comme la Tunisie qui est en train de prendre un tournant, cela doit être un tourisme de qualité. Il y a des exemples à travers le monde déconomie réussie qui sest développée à travers le tourisme de qualité. Très souvent, dans ce cas là, il y a eu association entre un projet très construit de tourisme de qualité et une protection de lenvironnement remarquable.
Je prends lexemple très particulier du Costa Rica qui nest pas applicable, je mempresse de le dire, dans un pays comme la Tunisie. On y a développé un tourisme de très grande qualité avec une valeur ajoutée considérable sans surexploitation des ressources. Certains pays dAfrique subsaharienne ont opté eux aussi pour le tourisme de qualité et on observe aujourdhui de fortes différences entre ceux qui ont choisi un tourisme ordinaire et ceux qui ont choisi un tourisme de qualité.
En même temps, on ne peut pas raisonnablement tout arrêter. Ce quil faut, cest à la fois vivre de lexistant et, pour lavenir, construire quelque chose de différent. Je pense que cela participera aussi de la construction dune image, dune identité tunisienne à laquelle, me semble-t-il, le peuple tunisien aspire fortement. La Tunisie, ce nest pas mer et soleil. La Tunisie, cest une histoire, cest aujourdhui un peuple qui a été pionnier dans ce mouvement de révolution et de changement qui traverse les pays dAfrique du Nord, au nom dune certaine dignité.
Cela aussi, cest quelque chose à valoriser. Cela va se construire dans le temps. Il va falloir faire la démonstration que la Tunisie est aussi une culture, une ambition particulière et cela aura des effets induits sur le tourisme. Le tourisme peut en fait partager quelque chose avec lidéal national qui sexprime très fortement en ce moment. Cela demande à être mis en musique techniquement à travers loffre touristique et probablement valorisé médiatiquement.
Source http://www.ambassadefrance-tn.org, le 15 mars 2011