Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la politique de coopération entre les régions et l'industrie cinématographique, Cannes le 15 mai 2001.

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Circonstance : Commission nationale du film France, 54ème Festival international du film, à Cannes le 15 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, je voudrais remercier Alain TERZIAN, et à travers lui, l'ensemble de la Commission Nationale du Film France, ainsi que le directeur général du CNC, M. David KESSLER, de m'avoir invité à m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Pour le ministre de la Décentralisation culturelle que je suis, c'est en effet un plaisir de pouvoir saluer, ce matin, en plein cur du Festival International du Film, les représentantes et représentants des 23 commissions locales du film, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, à leurs côtés, font que notre pays peut s'enorgueillir de son soutien à la création cinématographique.
Ce plaisir est d'autant plus grand que ce rendez-vous incontournable du cinéma mondial qu'est le festival de Cannes se déroule dans une région qui ne manque pas elle-même d'atouts pour accueillir les tournages de cinéma.
Tous ceux qui ont assisté, hier soir, à la projection de l'un des quatre films français retenus en sélection officielle ont pu le vérifier, puisque " Roberto Succo " de Cédric KAHN a été pour l'essentiel tourné en Provence-Alpes Côte d'Azur, grâce, notamment, au soutien des commissions locales du film de Marseille et du Var, que je tiens, ici, tout particulièrement à saluer, comme je tiens à remercier l'ensemble des collectivités territoriales qui s'investissent dans l'accueil des tournages en collaborant avec ces 23 commissions locales que vous représentez.
Ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappelez, hier, devant les élus de la Région Centre, à l'occasion de la remise des insignes de Chevalier des Arts et Lettres à Jean-Raymond GARCIA, dont chacun connaît ici l'action exemplaire, ces collectivités jouent en effet un rôle déterminant pour le développement du 7ème art dans notre pays, rôle qui peut, demain, être renforcé.
En avril dernier, devant les producteurs et les industries techniques, réunis au Stade de France, j'insistais sur le rôle des villes, des départements et des régions qui sont désormais des partenaires incontournables de l'action publique en faveur du cinéma, et avec lesquels, Catherine TASCA et moi-même, entendons développer les coopérations.
Nous pensons, notamment qu'une plus grande implication de leur part dans les actions et projets de la Commission Nationale du Film France pourrait donner un nouveau souffle au développement du cinéma partout en France, en contribuant à endiguer cette délocalisation des tournages que nous constatons et qui demeure au cur de nos préoccupations.
Nous savons les raisons qui font que les productions s'installent dans des studios allemands ou anglais pour tourner des scènes qui se déroulent en France. Le " dumping " fiscal, la forte attractivité de certains " gros " studios européens, au regard de la faiblesse structurelle et financière des studios français, sont des facteurs qui encouragent cette délocalisation.
Il est donc, à nos yeux, particulièrement important qu'en plus du soutien qu'elles apportent déjà à la production et à la diffusion du cinéma et de l'audiovisuel, les collectivités territoriales puissent davantage encore participer à l'organisation de l'accueil des tournages en région.
C'est le sens même de la priorité donnée par le CNC au renforcement de la concertation et de la coopération avec les collectivités, en soutenant notamment les Commissions du film, régionales, départementales et communales, qui proposent gratuitement leurs services d'information et d'assistance aux producteurs et réalisateurs français et étrangers.
Une politique qui - malgré les délocalisations que j'évoquais à l'instant - doit nous encourager à valoriser nos savoir-faire. La force d'attraction de notre pays pour les tournages étrangers n'est en effet pas à sous-estimer. La liste est ainsi longue de ceux qui ont choisi notre territoire en 2001. Je pense par exemple à " Femme Fatale " de Brian de Palma [I-d-F et PACA], à " Double Down " de Neil Jordan [entièrement tourné en PACA], à " The Truth About Charlie " de Jonathan Demme [I-d-F et Martinique].
Certes des incitations fiscales existent ailleurs en Europe, mais n'oublions pas que les pays qui proposent de tels dispositifs n'ont pas de compte de soutien. Et si nous sommes actuellement en train de réfléchir à la modernisation de nos mécanismes, il n'est absolument pas question de lâcher la proie pour l'ombre.
Nous savons en effet que l'une des premières richesses du cinéma et de l'audiovisuel français est la diversité de ses intervenants et une tradition de concertation permanente. Là se situe une partie de notre " exception culturelle ": dans cette spécificité de la chaîne du cinéma français, où chaque maillon est essentiel à l'autre. C'est là sa force. Là, son originalité.
Et je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'exprimer à Cannes, pour réaffirmer, un an après les turbulences qui ont secoué le cinéma français lors du lancement des cartes d'abonnement, que Catherine TASCA et moi-même sommes résolument attachés à défendre le maintien et la solidité de cette chaîne. Non, la France n'est pas à la traîne, particulièrement en ces temps d'embellie de notre cinéma.
Et si les collectivités territoriales participent déjà, sous différentes formes, à des actions permettant le développement de la création cinématographique et audiovisuelle, c'est avec elles, désormais, que nous devons pouvoir compter.
C'est pourquoi, à travers les conventions de développement cinématographique et audiovisuel avec les Conseils régionaux, le CNC a entrepris d'accompagner financièrement les Régions qui souhaitent créer un fonds régional d'aide à la production, ou bien accroître, ou élargir, l'action qu'elles conduisent déjà.
De 1997 à 2000, le Ministère de la Culture a ainsi engagé un montant total de près de 20MF pour accompagner 11 Conseils régionaux dans leurs interventions en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle. Mais la récente mésaventure du département de la Charente avec " Les destinées sentimentales " d'Olivier Assayas a soulevé des interrogations quant à la marge de manuvre des collectivités territoriales en matière d'aide à la production.
Il fallait trouver une base juridique solide aux interventions lorsqu'elles apportent une aide directe aux producteurs. Et je suis sûr que la modification législative du Code général des collectivités territoriales intervenue fin 2000 permettra de lever la relative insécurité juridique qui freinait jusqu'ici le développement de ces actions.
Une circulaire générale d'application de la loi sera prochainement signée par le Ministre de l'Intérieur. En étroite liaison avec celui-ci, le CNC travaille actuellement à l'élaboration d'une autre circulaire consacrée, elle, exclusivement au cinéma et à l'audiovisuel.
Mais parce que nous sommes sincèrement convaincus que les élus sont de plus en plus nombreux à souhaiter s'engager - toutes les rencontres que je peux avoir avec eux me confortent dans cette conviction - , je tiens à vous dire que ne nous arrêterons pas en si bon chemin.
Ainsi, pour préparer l'application de la loi et faire en sorte que les collectivités s'en saisissent au plus tôt, avec la Commission Nationale du Film France, les acteurs de terrain et les collectivités territoriales concernées, le Ministère de la Culture organisera une série de tables rondes sur ce thème en région, de août à décembre 2001.
Nous allons aussi réfléchir aux modalités d'évolution et de renforcement de la coopération engagée avec les collectivités en faveur de la production et des tournages en région. En nous appuyant sur les services déconcentrés de l'État, et en particulier les DRAC, des concertations avec les différents partenaires concernés vont ainsi être engagées très bientôt.
Par ailleurs, comme vous le savez, les fonds d'aide à la production, créés à l'initiative des collectivités, contribuent déjà à une réelle décentralisation des activités cinématographiques et audiovisuelles, en apportant un soutien significatif à la jeune création.
C'est pourquoi le Ministère de la culture et de la communication est favorable non seulement au développement de la coopération avec les collectivités, mais également à une augmentation des moyens consacrés par l'État à cette politique.
Parce que je considère que votre action en région demeure irremplaçable et que votre présence sur le terrain est un des facteurs qui peuvent inciter les producteurs, notamment étrangers, à installer leurs équipes ici plutôt qu'ailleurs, je veux, pour conclure, vous assurer de la détermination des pouvoirs publics à développer leur coopération avec vous.
En effet, si ce sont les artistes, les industries techniques et l'économie locale qui profitent de votre travail, je n'oublie pas que derrière ces mots, ces fonctions, ce sont d'abord, et avant tout, des milliers d'hommes et de femmes qui en bénéficient
Merci de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 15 mai 2001)