Texte intégral
Q - Puisque vos attributions relèvent du quai dOrsay, pouvez-nous nous donner des nouvelles de la Libye, savez-vous par exemple, où en est Mouammar Kadhafi ; est-il toujours à Tripoli, est-il prisonnier, avez-vous repéré sa trace ?
R - Je nai aucune information sur la situation de M. Kadhafi. Nous avons par contre suffisamment déléments convergents pour penser que le régime est en bout de course. On ne peut que se réjouir dune situation qui fait que des libyens qui ont vécu 40 ans de dictature, accèdent enfin à la démocratie, à la liberté. Cest en même temps une victoire de lOTAN et de la France avec, dans cette affaire, la détermination et la lucidité du chef de lEtat, Nicolas Sarkozy et dAlain Juppé.
Q - 40 ans de dictature et pourtant, que de complaisance vis-à-vis de Kadhafi.
R - On est passé dun monde arabe dans lequel on avait limpression quil ny avait que deux solutions : ou bien il y avait des régimes forts, voire dictatoriaux, ou bien il y avait le risque dune islamisation et dun fanatisme. Aujourdhui, on voit quil y a une autre voie, cest la voie de la démocratie...
Q - En êtes-vous certains, savez-vous qui va remplacer Kadhafi ?
R - Ecoutez, cest un beau risque à courir. En tout cas, ce que la France fait en Afrique et avec les pays arabes, cest quelle accompagne ses mouvements vers la liberté et la démocratie et quelle le fait avec clarté. Je dirais même que la France est en avant-garde, comme en Côte dIvoire, où nous avons fait respecter le droit et la démocratie, ou en Libye. Alain Juppé est très allant sur le fait de mettre la pression à linternational, avec lEurope, sur le Syrie. Je crois que cest une nouvelle politique de la France dans le continent africain.
Q - La France et lEurope doivent simpliquer en Libye pour sassurer quil y aura des élections libres et une vraie démocratie ? Ou bien cela va devenir laffaire des Libyens ?
R - Je crois que les Libyens sont maintenant maîtres de leur destin. Pour autant, nous devons les accompagner. Nous les avons accompagnés dans le retour à la liberté et à la démocratie, nous devons les accompagner maintenant sur le plan démocratique mais aussi sur le plan économique. Je pense que la France et lEurope doivent jouer un rôle majeur dans cette deuxième phase. En même temps, lappel que nous pourrions faire aussi, cest lappel à la modération des nouveaux dirigeants, de faire en sorte quils soient capables de réconcilier un peuple qui a été déchiré par une guerre civile et qui peut maintenant, et qui doit maintenant respecter les droits de lHomme dans cette avancée vers la démocratie.
Q - Vous êtes ministre chargé des Affaires européennes, vous constatez comme nous la dégringolade des bourses européennes et linquiétude qui grandit autour des banques, y compris les banques françaises, tous ces établissements fragilisés par la dette des Etats.
Redoutez-vous, Jean Leonetti, la poursuite cette semaine dune dégringolade des marchés financiers ?
R - Vous savez, les marchés financiers ont une logique du cours terme, une logique de la rentabilité à court terme. Ils sont fébriles et réagissent de manière quelquefois exagérée à des situations. Vous avez vu dailleurs la réaction inconsidérée vis-à-vis de la dégradation de la note américaine. Le politique, face à cette situation irrationnelle, doit apporter de la rationalité, de la lucidité, de la stabilité. Je me réjouis donc que le président de la République et Angela Merkel aient pris une initiative sur des points forts qui marquent une stabilité de la Zone euro qui, par ailleurs, est une zone plutôt stable.
Q - On ne peut pas dire que ce discours ait séduit les opérateurs financiers qui sinquiètent plutôt du long terme, puisquils disent quils risquent de ne pas trouver dans dix ans, largent prêté aujourdhui.
R - Ils réagissent beaucoup au cours terme, mais il faut effectivement construire un long terme. Lorsque Nicolas Sarkozy et Angela Merkel disent, en même temps, on fait une harmonisation fiscale, on applique aux dix-sept pays de la Zone euro la règle dor et on met en place la première pierre dun gouvernement économique européen, ils sont bien dans le long terme. LEurope évolue généralement par crise et là on a une chance inespérée de faire évoluer lEurope vers plus dintégration économique.
Q - Vous avez quand même constaté, là aussi comme nous, léchec de ce sommet de mardi dernier. On na pas compris ce quétait par exemple un gouvernement économique. Cest quoi ?
R - Ce nest pas forcément le fait de nommer un ministre des Affaires économiques de lEurope. Les Français ont bien compris une chose : on a une monnaie unique, comment peut-on avoir une monnaie unique et une divergence des politiques économiques et fiscales ?
Q - Qui va décider pour tout le monde alors ? Cest un gouvernement économique on imagine ?
R - LEurope fonctionne toujours à peu près de la même façon, cest-à-dire quil y a une initiative franco-allemande ; pourquoi franco-allemande ? Parce que cest, dune part, la tradition et, dautre part, parce que la France et lAllemagne représente 50 % du Produit intérieur brut de la Zone euro. Ensuite on essaie de convaincre lensemble des autres partenaires et on abouti finalement, on a un résultat.
Vous évoquiez tout à lheure Jacques Delors qui parlait du gouffre qui menace leuro. Je rappelle que leuro est une monnaie forte et que le déficit de la zone euro cumulé représente à peine 4,5 % du Produit intérieur brut, alors quil représente 10 % aux Etats-Unis et au Japon.
Q - Ouvrez les yeux disait Jacques Delors, vous ne refusez pas de les ouvrir ce matin ?
R - Ouvrir les yeux, cest poser les bases dune nouvelle Europe. On a assisté à une Europe naïve, à une Europe qui sélargissait et qui faisait rentrer dans la Zone euro des gens qui nétaient peut-être pas totalement préparés à cette Zone euro. Maintenant, nous passons à une Europe réaliste avec des droits et des devoirs, avec une solidarité affichée - lEurope la montrée avec la Grèce - mais en même temps avec une discipline.
Q - Mais vous navez pas répondu à ma question : vous redoutez cette semaine encore une dégringolade des marchés financiers ou vous pensez que la confiance va revenir ?
R - Je pense que progressivement la confiance va revenir. Le fait quen septembre et octobre les décisions qui ont été proposées par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel vont pouvoir être mises en uvre, vont être des éléments qui vont rassurer à moyen et à long terme.
Q - Selon Frédéric Oudéa, président directeur général de la Société générale hier dans le Journal du Dimanche, la société générale morfle ces jours-ci : les marchés attendent des décisions politiques qui tardent ! Cest votre faute.
R - Non. Je pense que les marchés attendent des décisions politiques et elles ont été proposées pendant la période de lété. Les marchés aimeraient bien que lon fasse une mutualisation de la dette et quils puissent tranquillement échanger leurs obligations portugaises contre des obligations européennes. Mais lintérêt des marchés, ce nest pas lintérêt des Etats et ce nest pas lintérêt général. Pour une fois, on a un retour du politique sur du solide, du concret et du long terme.
Q - Vous avez un peu dhumour Jean Leonetti ?
R - Jessaie.
Q - Vous êtes spécialiste de fin de vie, on vous a nommé aux Affaires européennes, cest un signe ?
R - Cest un signe que je sois cardiologue et que jai beaucoup réanimé de gens qui sont encore vivants et qui me disent : grâce à vous je suis encore vivant. Peut-être que si lEurope est encore vivante dans quelque temps, on lattribuera plus au cardiologue quau médecin de fin vie.
Q - Mais là le malade est quand même dans un sale état.
R - Le malade est toujours dans un sale état quand la politique cède le pas à léconomique ou au financier. Et aujourdhui la volonté du président de la République, cest que la politique revienne au premier plan.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 août 2011
R - Je nai aucune information sur la situation de M. Kadhafi. Nous avons par contre suffisamment déléments convergents pour penser que le régime est en bout de course. On ne peut que se réjouir dune situation qui fait que des libyens qui ont vécu 40 ans de dictature, accèdent enfin à la démocratie, à la liberté. Cest en même temps une victoire de lOTAN et de la France avec, dans cette affaire, la détermination et la lucidité du chef de lEtat, Nicolas Sarkozy et dAlain Juppé.
Q - 40 ans de dictature et pourtant, que de complaisance vis-à-vis de Kadhafi.
R - On est passé dun monde arabe dans lequel on avait limpression quil ny avait que deux solutions : ou bien il y avait des régimes forts, voire dictatoriaux, ou bien il y avait le risque dune islamisation et dun fanatisme. Aujourdhui, on voit quil y a une autre voie, cest la voie de la démocratie...
Q - En êtes-vous certains, savez-vous qui va remplacer Kadhafi ?
R - Ecoutez, cest un beau risque à courir. En tout cas, ce que la France fait en Afrique et avec les pays arabes, cest quelle accompagne ses mouvements vers la liberté et la démocratie et quelle le fait avec clarté. Je dirais même que la France est en avant-garde, comme en Côte dIvoire, où nous avons fait respecter le droit et la démocratie, ou en Libye. Alain Juppé est très allant sur le fait de mettre la pression à linternational, avec lEurope, sur le Syrie. Je crois que cest une nouvelle politique de la France dans le continent africain.
Q - La France et lEurope doivent simpliquer en Libye pour sassurer quil y aura des élections libres et une vraie démocratie ? Ou bien cela va devenir laffaire des Libyens ?
R - Je crois que les Libyens sont maintenant maîtres de leur destin. Pour autant, nous devons les accompagner. Nous les avons accompagnés dans le retour à la liberté et à la démocratie, nous devons les accompagner maintenant sur le plan démocratique mais aussi sur le plan économique. Je pense que la France et lEurope doivent jouer un rôle majeur dans cette deuxième phase. En même temps, lappel que nous pourrions faire aussi, cest lappel à la modération des nouveaux dirigeants, de faire en sorte quils soient capables de réconcilier un peuple qui a été déchiré par une guerre civile et qui peut maintenant, et qui doit maintenant respecter les droits de lHomme dans cette avancée vers la démocratie.
Q - Vous êtes ministre chargé des Affaires européennes, vous constatez comme nous la dégringolade des bourses européennes et linquiétude qui grandit autour des banques, y compris les banques françaises, tous ces établissements fragilisés par la dette des Etats.
Redoutez-vous, Jean Leonetti, la poursuite cette semaine dune dégringolade des marchés financiers ?
R - Vous savez, les marchés financiers ont une logique du cours terme, une logique de la rentabilité à court terme. Ils sont fébriles et réagissent de manière quelquefois exagérée à des situations. Vous avez vu dailleurs la réaction inconsidérée vis-à-vis de la dégradation de la note américaine. Le politique, face à cette situation irrationnelle, doit apporter de la rationalité, de la lucidité, de la stabilité. Je me réjouis donc que le président de la République et Angela Merkel aient pris une initiative sur des points forts qui marquent une stabilité de la Zone euro qui, par ailleurs, est une zone plutôt stable.
Q - On ne peut pas dire que ce discours ait séduit les opérateurs financiers qui sinquiètent plutôt du long terme, puisquils disent quils risquent de ne pas trouver dans dix ans, largent prêté aujourdhui.
R - Ils réagissent beaucoup au cours terme, mais il faut effectivement construire un long terme. Lorsque Nicolas Sarkozy et Angela Merkel disent, en même temps, on fait une harmonisation fiscale, on applique aux dix-sept pays de la Zone euro la règle dor et on met en place la première pierre dun gouvernement économique européen, ils sont bien dans le long terme. LEurope évolue généralement par crise et là on a une chance inespérée de faire évoluer lEurope vers plus dintégration économique.
Q - Vous avez quand même constaté, là aussi comme nous, léchec de ce sommet de mardi dernier. On na pas compris ce quétait par exemple un gouvernement économique. Cest quoi ?
R - Ce nest pas forcément le fait de nommer un ministre des Affaires économiques de lEurope. Les Français ont bien compris une chose : on a une monnaie unique, comment peut-on avoir une monnaie unique et une divergence des politiques économiques et fiscales ?
Q - Qui va décider pour tout le monde alors ? Cest un gouvernement économique on imagine ?
R - LEurope fonctionne toujours à peu près de la même façon, cest-à-dire quil y a une initiative franco-allemande ; pourquoi franco-allemande ? Parce que cest, dune part, la tradition et, dautre part, parce que la France et lAllemagne représente 50 % du Produit intérieur brut de la Zone euro. Ensuite on essaie de convaincre lensemble des autres partenaires et on abouti finalement, on a un résultat.
Vous évoquiez tout à lheure Jacques Delors qui parlait du gouffre qui menace leuro. Je rappelle que leuro est une monnaie forte et que le déficit de la zone euro cumulé représente à peine 4,5 % du Produit intérieur brut, alors quil représente 10 % aux Etats-Unis et au Japon.
Q - Ouvrez les yeux disait Jacques Delors, vous ne refusez pas de les ouvrir ce matin ?
R - Ouvrir les yeux, cest poser les bases dune nouvelle Europe. On a assisté à une Europe naïve, à une Europe qui sélargissait et qui faisait rentrer dans la Zone euro des gens qui nétaient peut-être pas totalement préparés à cette Zone euro. Maintenant, nous passons à une Europe réaliste avec des droits et des devoirs, avec une solidarité affichée - lEurope la montrée avec la Grèce - mais en même temps avec une discipline.
Q - Mais vous navez pas répondu à ma question : vous redoutez cette semaine encore une dégringolade des marchés financiers ou vous pensez que la confiance va revenir ?
R - Je pense que progressivement la confiance va revenir. Le fait quen septembre et octobre les décisions qui ont été proposées par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel vont pouvoir être mises en uvre, vont être des éléments qui vont rassurer à moyen et à long terme.
Q - Selon Frédéric Oudéa, président directeur général de la Société générale hier dans le Journal du Dimanche, la société générale morfle ces jours-ci : les marchés attendent des décisions politiques qui tardent ! Cest votre faute.
R - Non. Je pense que les marchés attendent des décisions politiques et elles ont été proposées pendant la période de lété. Les marchés aimeraient bien que lon fasse une mutualisation de la dette et quils puissent tranquillement échanger leurs obligations portugaises contre des obligations européennes. Mais lintérêt des marchés, ce nest pas lintérêt des Etats et ce nest pas lintérêt général. Pour une fois, on a un retour du politique sur du solide, du concret et du long terme.
Q - Vous avez un peu dhumour Jean Leonetti ?
R - Jessaie.
Q - Vous êtes spécialiste de fin de vie, on vous a nommé aux Affaires européennes, cest un signe ?
R - Cest un signe que je sois cardiologue et que jai beaucoup réanimé de gens qui sont encore vivants et qui me disent : grâce à vous je suis encore vivant. Peut-être que si lEurope est encore vivante dans quelque temps, on lattribuera plus au cardiologue quau médecin de fin vie.
Q - Mais là le malade est quand même dans un sale état.
R - Le malade est toujours dans un sale état quand la politique cède le pas à léconomique ou au financier. Et aujourdhui la volonté du président de la République, cest que la politique revienne au premier plan.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 août 2011