Allocution de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, sur la traduction budgétaire des révisions des prévisions de croissance économique pour la France en 2011, à l'Assemblée nationale le 31 août 2011.

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Circonstance : Audition de la ministre du budget devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi avant toute chose de saluer les membres de la commission des finances, devant laquelle il ne m’avait pas encore été donné de m’exprimer depuis ma prise de fonctions. C’est désormais chose faite, avec la présentation de cette lettre rectificative au projet de loi de finances rectificative.
Je veux également joindre mes remerciements à ceux de François BAROIN et vous dire que le Gouvernement est conscient des contraintes que ces délais d’examen particulièrement resserrés font peser sur votre commission. En vous mobilisant ainsi, vous adressez un signe très fort de la détermination de la France à répondre rapidement et efficacement à la crise.
C’est pour cette même raison que le Gouvernement a fait le choix de traduire immédiatement dans ce texte les conséquences budgétaires qu’emporte la révision des hypothèses économiques, et notamment de l’hypothèse de croissance pour 2011.
Ce faisant, nous faisons preuve de lucidité et de responsabilité : de lucidité, parce qu’il aurait été facile, à quelques mois d’une échéance cruciale pour notre pays, de se voiler la face et de ne pas prendre en compte le ralentissement de la croissance mondiale ; et de responsabilité, puisque nous vous proposons aujourd’hui de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que nous tiendrons nos objectifs de réduction du déficit en 2011.
Vous le savez, cette première série de mesures sera complétée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au total, l’effort supplémentaire annoncé par le Premier Ministre représentera 1 milliard d’euros en 2011 et 11 milliards d’euros en 2012.
* 1 milliard d’euros d’effort pour sécuriser l’objectif de réduction à 5,7 % du déficit *
Je veux le souligner, ces efforts sont bien dosés. Car si la conjoncture a évolué, nos objectifs, eux, restent intangibles. Premier objectif : le respect de notre trajectoire de finances publiques, qui est très claire. Nos déficits seront ramenés à 5,7 % en 2011, à 4,5 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. Deuxième objectif : une réduction des déficits qui ne casse pas la croissance.
Les efforts supplémentaires annoncés par le Premier Ministre ont été calibrés pour assurer le respect de ces engagements qui, vous le savez bien évidemment, portent sur le déficit public, lequel couvre le champ de l’ensemble des administrations publiques : de l’Etat, bien sûr, mais aussi des collectivités locales, des administrations de sécurité sociale et des organismes divers d’administration centrale.
Pour déterminer l’ampleur de cet effort, nous avons donc pris en compte l’effet de la révision des hypothèses économiques sur l’ensemble des administrations publiques. Il s’agit d’une démarche logique, qui garantit la sincérité de la prévision de déficit public retenue par le Gouvernement et nous permet aujourd’hui de prendre des décisions proportionnées.
Or la révision de nos prévisions économiques a des effets contrastés sur les finances publiques. D’un côté, elle pèse sur l’Etat, dont les recettes et les dépenses sont plus sensibles aux variations de la conjoncture. Ainsi, l’inflation étant supérieure aux prévisions, la charge de la dette liée aux obligations indexées est accrue de 1,4 milliard d’euros.
De même, le ralentissement de l’activité et les premiers encaissements de l’impôt des sociétés nous amènent à réviser son produit à la baisse de 3 milliards d’euros. C’est pourquoi nous proposons dès ce collectif une mesure qui réduit cette dégradation de 0,5 milliard. J’y reviendrai dans un instant.
Si ces deux facteurs liés à la conjoncture pèsent sur le solde budgétaire de l’Etat à hauteur de 4,4 milliards d’euros, nous anticipons dans le même temps des effets positifs qui améliorent la situation des autres administrations publiques.
Bien entendu, nous aurons l’occasion de détailler l’ensemble de ces prévisions lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
D’ores et déjà, nous estimons que les recettes des administrations de sécurité sociale seront supérieures de 2 à 2,5 milliards à ce que nous attendions. De même, nous anticipons désormais une amélioration de la situation des collectivités locales et des organismes divers d’administration centrale, qui devrait être, au minimum, de l’ordre 1,5 milliard d’euros.
Avec 1 milliard de mesures de redressement qui auront un impact sur les comptes publics dès 2011, nous sommes donc en mesure de sécuriser notre objectif de réduction du déficit de l’ensemble des administrations publiques à 5,7 %. Notre prévision de déficit reste donc inchangée.
J’ajoute que ces mesures auront un impact immédiat sur le solde budgétaire de l’Etat, en redressant ses recettes – et en particulier l’impôt sur les sociétés. Quant aux dépenses, elles respecteront strictement la norme du « 0 valeur » grâce à l’annulation de 460 millions supplémentaires. Nous limitons ainsi la dégradation du solde budgétaire à 3,4 milliards d’euros dans ce collectif.
Je rappelle enfin que les mesures qui seront mises en place dès cette année représentent près de 6,2 milliards d’euros en 2012, soit plus de la moitié de l’effort supplémentaire total de 11 milliards d’euros annoncé par le Premier Ministre.
* Les 5 mesures de redressement applicables dès 2011 *
J’en viens maintenant aux 5 mesures de recettes qui figurent dans ce collectif et qui s’organisent autour de deux grands axes.
Premier axe : l’équité. Chacun sera appelé à prendre sa part du redressement des comptes de la nation. Mais par souci de justice, il sera demandé plus à ceux qui ont davantage : c’est pourquoi les grandes entreprises et les ménages les plus aisés contribueront à hauteur de 82 % à cet effort supplémentaire, qui pèsera à 45% sur les entreprises et à 37 % sur les détenteurs de patrimoine.
Cet effort, nous l’avons réparti équitablement entre les entreprises. La première mesure proposée par le Gouvernement s’appliquera essentiellement aux grands groupes. Il s’agit de la limitation de la possibilité offerte aux entreprises bénéficiaires de reporter leurs déficits. Cette évolution fiscale constitue la première étape de la convergence fiscale entre la France et l’Allemagne, voulue par le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel.
J’ajoute que cette convergence permettra de renforcer l’équité fiscale : une entreprise ne pourra plus imputer de déficits au-delà de 60 % de son bénéfice. Quel que soit le montant de leurs déficits passés, les entreprises bénéficiaires devront donc payer un impôt sur les sociétés calculé sur 40 % au moins de leur résultat.
Cette mesure s’assimile donc à la création d’une imposition minimale pour les grandes entreprises et constitue à ce titre un changement majeur. Ce sont en effet les grandes entreprises qui sont concernées à titre principal par cette mesure : elle s’appliquera en effet à la fraction des bénéfices supérieurs à 1 million d’euros, générant ainsi une recette supplémentaire de 0,5 milliard d’euros dès 2011 et de 1,5 milliard d’euros en 2012.
Nous avons également réparti cet effort équitablement entre les ménages, en demandant plus aux Français les plus aisés.
La deuxième mesure proposée par le Gouvernement porte ainsi sur les revenus du patrimoine : le taux des prélèvements sociaux qui leur est applicable augmentera de 1,2 %.
Cette hausse permettra de rapprocher l’imposition des revenus du capital de celle des revenus du travail. Elle se traduira dès 2011, par 190 millions de recettes supplémentaires. Nos évaluations montrent que les 5 % des ménages les plus aisés acquitteront à eux seuls 700 millions de prélèvements sociaux supplémentaires, pour une mesure dont le rendement total est de 1,3 milliards en année pleine.
Troisième mesure, qui s’inscrit elle aussi dans notre logique de répartition équitable des efforts : la suppression de l’abattement sur les plus-values immobilières dont bénéficient les propriétaires en raison de la durée de détention.
Pour l’heure, vous le savez, ce dispositif extrêmement favorable prévoit qu’à partir de la 5e année, les détenteurs d’un bien immobilier bénéficient chaque année d’un abattement de 10 % supplémentaires sur leurs plus-values en cas de cession. Et cela conduit aujourd’hui de très nombreux propriétaires à attendre avant de vendre, ce qui entretient la pénurie de logements dont souffre notre pays et donc la hausse des prix.
Ce régime d’abattement selon la durée de détention est donc une niche inefficace, puisqu’elle n’augmente pas le nombre de logements disponibles, alors même qu’elle coûte 2,2 milliards d’euros aux finances publiques en année pleine.
C’est pourquoi nous vous proposons de la supprimer, sauf naturellement pour les résidences principales et certaines exonérations spécifiques : cela permettra de disposer de 200 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2011 et de faire revenir sur le marché des logements que leurs propriétaires n’auraient sans cela pas mis en vente avant trois, quatre ou cinq années.
La durée de détention ne sera donc plus prise en compte pour la taxation des plus-values immobilières. Celles-ci seront toutefois imposées sur leur valeur réelle, car l’inflation sera prise en compte.
J’en viens maintenant aux mesures qui répondent à la deuxième priorité du Gouvernement : la suppression des niches fiscales et sociales dont l’efficacité est aujourd’hui moins justifiée. Nous poursuivrons donc notre effort pour réduire le nombre de dispositifs dérogatoires qui minent les bases de nos prélèvements obligatoires et affaiblissent l’égalité devant l’impôt.
Mais à un moment où la croissance est encore convalescente, nous avons fait le choix de ne remettre en cause ni les niches qui soutiennent l’emploi et à la croissance ni les niches qui ont une légitimité sociale.
C’est pourquoi nous avons concentré nos efforts sur les niches qui ne font plus la preuve de leur efficacité.
La quatrième mesure proposée par le Gouvernement, c’est ainsi la suppression de l’exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d’assurance dont bénéficiaient les contrats dits « solidaires et responsables ».
L’objectif de cette exonération partielle, c’était, je le rappelle, de favoriser l’émergence de contrats de complémentaires santé qui contribuent à la maîtrise des dépenses d’assurance-maladie. Force est de constater que cet objectif est atteint, puisque les contrats « solidaires et responsables » représentent 90 % des complémentaires « santé ». On est donc passé d’une situation où ces contrats étaient l’exception à une situation où ils sont devenus la règle.
Le Gouvernement vous propose d’en tirer toutes les conséquences : en supprimant l’exonération partielle de TSCA dont ils bénéficiaient et en la remplaçant par un malus sur les autres contrats, qui prend la forme d’un taux majoré de 9 %, nous transformons d’un dispositif où nous favorisions les contrats « responsables et solidaires » à un dispositif où nous pénalisons les contrats qui ne répondent pas à ces critères.
Il s’agit là d’une démarche parfaitement cohérente, avec à la clef une recette estimée de 100 millions d’euros en 2011 et de 1,1 milliard d’euros en année pleine.
Enfin, et c’est la cinquième mesure qui figure dans ce texte, le Gouvernement vous propose de rétablir le taux normal de TVA sur les entrées des parcs à thème. Comme vous le savez, la décision de leur appliquer le taux réduit remonte à 1986, à un moment où ce secteur était embryonnaire et où son modèle économique était encore incertain. Il en va différemment aujourd’hui. Les parcs à thème ont trouvé leur place dans le paysage et ont su développer d’autres recettes que les droits d’entrée : je pense à l’hôtellerie, à la restauration ou bien encore aux produits dérivés.
Il n’y a donc plus de réelle justification à ce que les parcs à thème bénéficient d’une TVA à 5,5 % alors que l’entrée dans un parc aquatique est taxée à 19,6 %. La suppression de cette niche permettra de retrouver 12 millions d’euros de recettes en 2011 et 90 millions en 2012.
Mesdames et Messieurs les députés,
Ce collectif marque, vous l’aurez compris, une nouvelle étape dans le chemin qui conduit notre pays vers le désendettement. Il s’appuie pour l’essentiel sur des efforts en recettes, qui viennent s’ajouter aux effets de notre politique déterminée de maîtrise des dépenses.
Grâce à l’application des normes de dépense, grâce au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’Etat ou bien encore grâce au respect de l’ONDAM, nous sommes parvenus, en l’espace de 4 années à peine, à mettre un coup d’arrêt à la progression continue des dépenses publiques depuis 30 ans. En 2010 et en 2011, ce sont 16 milliards que nous aurons économisé chaque année par rapport au rythme qui était le nôtre auparavant.
Comme l’a annoncé le Premier Ministre, nous renforcerons encore nos efforts en 2012, avec 1 milliard de dépenses en moins dont nous aurons à déterminer ensemble la répartition. Car je veux le souligner : la maîtrise de la dépense publique est la condition sine qua non de la réduction des déficits. La seule hausse des recettes ne saurait en aucun cas suffire.
Vous le savez mieux que quiconque et je sais que je peux compter sur la commission des finances pour accompagner le Gouvernement dans cette voie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 1er septembre 2011