Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France 2 le 4 octobre 2011, sur la mise en examen et le placement en détention provisoire du commissaire Michel Neyret, numéro deux de la police judiciaire de Lyon, les statistiques de la délinquance et l'annonce de Jean-Louis Borloo de ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 2012.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD Bonjour Claude GUEANT.
 
CLAUDE GUEANT Bonjour Roland SICARD.
 
ROLAND SICARD Le numéro deux de la police judiciaire de Lyon a été mis en examen, il est incarcéré pour corruption, trafic d’influence, j’en oublie, la liste est longue. C’est une affaire gravissime, c’est une affaire rarissime ?
 
CLAUDE GUEANT Oui c’est effectivement une affaire rarissime à ce niveau de responsabilité et de grade. C’est un véritable traumatisme pour la police nationale. Monsieur NEYRET a été considéré comme un très grand flic, très efficace, très chaleureux, il avait une personnalité très rayonnante, et enfin il est mis en examen, et nous en tirons les conséquences. Je vais le suspendre dès aujourd'hui, la police nationale souffre, mais cela étant elle est extrêmement exigeante en matière de déontologie et toutes les fautes sont sanctionnées avec rigueur, parce qu’elle a une mission, c’est de faire appliquer la loi. La loi ne se fait appliquer que de façon rigoureuse.
 
ROLAND SICARD Où est-ce qu’il est incarcéré d’ailleurs ?
 
CLAUDE GUEANT Il est incarcéré à la Santé.
 
ROLAND SICARD Alors comment vous expliquez cette frontière un petit peu opaque, un petit peu mince entre les policiers et les truands, est-ce que c’est indispensable ?
 
CLAUDE GUEANT Les policiers par leur métier fréquentent les truands et les observent avant de les arrêter. Ils peuvent avoir des contacts. Cela étant il y a une ligne jaune qu’il ne faut jamais franchir, c’est celle de la compromission, et il ne faut jamais faire quoi que ce soit d’illégal. Le législateur a introduit dans notre arsenal juridique un certain nombre de dispositions qui permettent de faire des choses qui ne sont pas tout à fait normales, mais toujours sous le contrôle d’un magistrat. Par exemple en matière de lutte contre les trafics de drogues, il y a une pratique qui s’appelle les livraisons surveillées qui consistent à fermer les yeux sur des échanges de drogues, sur des négociations de drogue pour permettre de remonter plus loin, plus efficacement les réseaux de trafiquants, mais toujours sous le contrôle d’un magistrat.
 
ROLAND SICARD Est-ce qu’il faut de nouvelles règles à la lumière de cette affaire ?
 
CLAUDE GUEANT Celles qui existent, suffisent, cela étant cette triste affaire est l’occasion d’un rappel à l’ensemble des services de la rigueur de la déontologie policière.
 
ROLAND SICARD Est-ce qu’il n’y a pas justement des policiers qui se prennent un petit peu pour des cowboys parfois ?
 
CLAUDE GUEANT Ca peut arriver, mais enfin écoutez, les policiers font leur travail.
 
ROLAND SICARD Vous disiez que la police était traumatisée par cette affaire.
 
CLAUDE GUEANT Oui, c’est vrai. C’est vrai parce que la police est faite d’hommes et de femmes qui vouent leur vie au respect de la loi et à la protection contre les délinquants et les criminels. Donc quand l’un d’entre eux tombe du mauvais côté, quand il prend le mauvais chemin, qui est de ne plus respecter la loi, évidemment ça fait un choc considérable.
 
ROLAND SICARD Est-ce que les conséquences qui seront tirées de cette affaire seront des conséquences aussi pour la police lyonnaise ? Est-ce que la police lyonnaise aujourd'hui est démantelée complètement ?
 
CLAUDE GUEANT La police lyonnaise effectivement est touchée particulièrement, la police judiciaire lyonnaise, parce que son numéro deux est mis en cause de façon grave, parce que d’autres personnes sont en garde à vue, qui pourraient être mises en examen, je ne veux pas préjuger, donc effectivement…
 
ROLAND SICARD Il pourrait y avoir d’autres suspensions ?
 
CLAUDE GUEANT Je ne sais pas, tout dépend des décisions judiciaires.
 
ROLAND SICARD Autre affaire embarrassante, Le Monde d’hier citait deux rapports de gendarmerie qui sembleraient montrer que les gendarmes sont incités à minimiser le nombre des agressions, pour quelles raisons ?
 
CLAUDE GUEANT Non, pas du tout, ce sont des instructions, ce ne sont pas des rapports, et des instructions qui correspondent tout à fait aux instructions que j’ai donné aux deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie. J’observe que le Parti Socialiste est à nouveau en train de faire de la politique politicienne à propos d’une affaire sérieuse qui est la sécurité des Français. De quoi s’agit-il ? Quand on lit l’instruction, elle est extrêmement claire, elle demande aux gendarmes de redoubler d’efforts dans la lutte contre la violence sous toutes ces formes, contrôle des infractions sous toutes leurs formes. Alors ce n’est pas parce qu’on a une élection présidentielle et des élections législatives l’année prochaine, qu’on va tout d’un coup arrêter la lutte contre la délinquance, au contraire, on n’est pas condamné parce qu’il y a des élections présidentielles, à être nul, non on continue. Que dit l’instruction par exemple ? C’est qu’en matière de lutte contre la drogue, il faut s’occuper non seulement des consommateurs individuels mais des grands trafics. Alors est-ce que le Parti Socialiste nous incite à ne pas lutter contre les trafiquants ? Nous observons, c’est vrai, je l’ai dit déjà une certaine recrudescence des cambriolages en France, l’instruction dit, luttez contre les cambriolages, faites en sorte que par exemple, les pelotons d’autoroute lorsqu’ils sortent de l’autoroute fassent un peu de patrouilles dans le secteur qui se trouve aux abords afin de rassurer davantage, de faire plus de présence sur la voie publique, de prévenir davantage les cambriolages. Est-ce qu’il ne faut pas lutter contre les cambriolages ?
 
ROLAND SICARD Mais est-ce que vous ne dites pas aussi aux gendarmes, il y a eu une agression, si c’est possible ne l’enregistrez pas ?
 
CLAUDE GUEANT Non, là encore effectivement la présentation qui a été faite est absolument contraire et je déplore cette dérive parce que quand vous lisez Le Monde pour dire les choses comme elles sont, qui publie cette information hier, il y a un décalage formidable entre le titre et le texte. Quand vous lisez l’instruction, vous vous apercevez que simplement le directeur général de la gendarmerie dit, qualifiez mieux les infractions, par exemple lorsqu’il y a des vols avec violence, voyez bien si c’est un vol ou une violence, afin d’éviter les doubles comptes. On n’est pas quand même condamner à compter deux fois la même infraction.
 
ROLAND SICARD Alors il y a eu une photo, une affaire qui a choqué beaucoup de Français, c’est des hommes politiques qui fréquentent des négociants d’armes, est-ce que ça c’est des photos qui vous choquent ? Par exemple on a vu Brice HORTEFEUX ou Jean-François COPE dans la piscine de monsieur TAKIEDDINE ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, chacun a sa vie et fait ses choix, mais je ferais une remarque de caractère général, c’est que tant que quelqu’un n’est pas condamné par la justice, il est par définition innocent. Ce n’est plus tard que l’on sait qu’il y a problème et je crois que c’est à la lumière de cette considération qu’il faut observer une photo comme celle là.
 
ROLAND SICARD Mais il ne faudrait pas des règles un petit peu plus strictes là-dessus ?
 
CLAUDE GUEANT Mais écoutez, ce n’est pas une question de règle, je le dis, quand quelqu’un n’est pas condamné, il est innocent par définition. Il n’a rien à se reprocher. Ce n’est que plus tard et en l’espèce il s’agit de beaucoup d’années plus tard qu’on se rend compte qu’il y a peut-être problème. Je dis peut-être parce que la justice est saisie, elle ne s’est pas prononcée.
 
ROLAND SICARD Autrement dit pour vous, il n’y a pas de problème en la matière ? Ca ne vous choque pas ?
 
CLAUDE GUEANT Il faut effectivement faire très attention, mais quand vous rencontrez quelqu’un, vous ne savez pas forcément ses activités. Enfin vous savez c’est très compliqué. Je vais vous citer une petite anecdote, voici quelques temps, je donnais une interview à des collègues de la presse écrite, et qui me disaient mais vous rencontrez telle personne, ce n’est pas très bien. Je dis, écoutez, quand on rencontre quelqu’un, on ne lui demande pas une fiche et d’ailleurs si vous imaginiez que j’avais demandé une fiche de police vous concernant vous que je rencontre, vous seriez à juste titre choqué.
 
ROLAND SICARD Sur le plan politique, le week-end a été marqué par l’abandon de Jean-Louis BORLOO, bonne affaire pour Nicolas SARKOZY ?
 
CLAUDE GUEANT Ca clarifie les choses à droite, Jean-Louis BORLOO est un homme d’Etat qui a travaillé longtemps avec Nicolas SARKOZY, qui a été pendant quatre ans son ministre, il a fait un travail considérable à la tête d’un ministère nouveau et ambitieux, il était le numéro deux du gouvernement. Il s’est efforcé de rassembler la famille centriste, de lui donner une identité, et il a tâté le terrain, je dirais, dans la perspective de la présidentielle. Il s’est rendu compte que sa candidature risquait de faire plus de torts au principal candidat de sa famille politique que de biens. Il y avait d’autres hypothèses dans lesquelles, perçant mieux dans les sondages d’opinions il pouvait envisager d’avoir un apport plus positif, il en a tiré les conséquences. J’ajoute que…
 
ROLAND SICARD Vous pensez qu’il va soutenir Nicolas SARKOZY ?
 
CLAUDE GUEANT Je pense que oui bien sûr. Il faut lui faire sa place dans la famille majoritaire bien entendu. Je crois que ce qu’il a fait pour faire vivre la famille centriste et je l’ai dit à plusieurs reprises est quelque chose de salutaire, il doit continuer à le faire. J’ajoute qu’il, apporter une autre explication qui le connaissant me parait absolument certaine, c’est qu’il observe que la France est dans une situation difficile, comme l’ensemble du monde, la crise financière est toujours là, des décisions considérables s’imposent compte tenu des défis que nous avons à affronter, il n’a pas voulu apporter de la perturbation politicienne par rapport à cela et je crois qu’il faut saluer cette décision.
 
ROLAND SICARD Quand vous lisez dans la presse, qu’on parle de fin de règne s’agissant de la fin du quinquennat de Nicolas SARKOZY, comment vous réagissez ?
 
CLAUDE GUEANT Je réagis de deux façons, d’abord, c’est vrai que nous sommes en fin de quinquennat, c’est un truisme. D’autre part le président n’est absolument pas affaibli, je saisi l’occasion que vous donnez, Roland SICARD, pour répéter qu’un certain nombre de propos, d’approximations, de contre vérités qui sont déversés à longueur de journée, le concernant sont absolument scandaleuses et traduisent une véritable dérive de notre vie politique, sont dangereuses pour notre démocratie.
 
ROLAND SICARD Par exemple ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, quand on le met par exemple en cause dans l’affaire dite de Karachi, c’est absolument invraisemblable. C’est absolument invraisemblable. Quand quelqu’un et Robert BOURGI en l’espèce donne une interview au journal du Dimanche pour dire il y a eu des alimentations d’argent dans le passé, ça s’est arrêté en 2005, certains disent, Nicolas SARKOZY est concerné. Bon c’est complètement faux puisque précisément la personne qui dénonce la pratique dit qu’il n’est pas concerné. Enfin c’est de l’amalgame qui est insoutenable, je le dis très clairement.
 
ROLAND SICARD Merci Claude GUEANT.
 
CLAUDE GUEANT Je vous en prie.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 4 octobre 2011