Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le suivi et l'évaluation des contrats locaux de sécurité, Nantes le 11 juin 2001.

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Texte intégral

Monsieur le préfet de région,
Messieurs les préfets,
Monsieur le Procureur général,
Messieurs les procureurs,
Monsieur le président du conseil général,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
Je tiens d'abord à vous dire combien il m'est agréable d'être aujourd'hui à Nantes, en présence de Jean-Marc AYRAULT, pour ouvrir les travaux de la cinquième rencontre interrégionale des contrats locaux de sécurité.
Comme celles qui l'ont précédé depuis le début du mois de mai, elle vous permettra d'apporter votre contribution à la préparation de la rencontre nationale des contrats locaux de sécurité qui va se tenir à Paris le 25 Juin prochain.
Déjà, à la faveur des précédentes rencontres, plus de 1 500 partenaires et acteurs de la sécurité se sont mobilisés pour participer à une réflexion approfondie sur les contrats locaux de sécurité, signaler les difficultés auxquelles ils sont confrontés, qu'il faudra surmonter, mais aussi les réussites, qui doivent être valorisées, proposer des pistes d'actions pour améliorer la démarche de coproduction de sécurité.
Comme vous allez le faire aujourd'hui sur la question de l'évaluation, ils ont procédé à des échanges d'expériences, ils en ont tiré des enseignements sur des thèmes centraux des contrats locaux de sécurité : prévention et lutte contre la délinquance des mineurs, proximité, territoires, nouvelles thématiques des contrats.
1 - Depuis que le Gouvernement, dans le prolongement du colloque de Villepinte, a décidé de mettre en uvre une politique globale de sécurité, plus de 550 contrats locaux de sécurité ont été signés, et la réforme sans précédent que constitue la police de proximité est en train d'être généralisée, progressivement, sur l'ensemble des circonscriptions de police. Un partenariat actif entre le ministère de l'intérieur et celui de la justice a permis d'impulser une approche commune de la sécurité, comme en témoigne la nouvelle circulaire sur l'action publique signée par ma collègue, Marylise LEBRANCHU, ministre de la justice, circulaire longuement concertée avec mon ministère.
Police de proximité, contrats locaux de sécurité complétés par une politique pénale active, tels sont bien en effet les trois points d'appuis majeurs d'une politique qui repose sur le constat que la sécurité est - et ne peut être - que l'affaire de tous.
Ni la police, ni la justice ne peuvent, à elles seules, tout faire dans un domaine où la prévention, la sanction et l'éducation doivent être conjuguées et se conforter réciproquement. Pour que l'esprit citoyen guide le comportement de chaque individu, il faut que le respect des règles de vie sociale et des valeurs auxquelles nous sommes attachés s'impose à tous. C'est cela, et cela seulement, qui peut assurer la liberté de chacun.
Faire en sorte que sur tous points de son territoire, notre pays soit un pays de citoyens libres vivant dans des villes sûres, tel est l'enjeu des contrats locaux de sécurité. Le contrat local de sécurité est, dans le même temps, l'outil d'une plus grande justice sociale, tant il est vrai - le premier ministre l'avait rappelé dès 1997 - que l'insécurité frappe d'abord les plus faibles.
Outil de mobilisation et de cohérence entre tous ceux qui peuvent agir en partenaires de la co-production de sécurité, les contrats locaux de sécurité sont une démarche méthodique. Il faut en souligner toutes les exigences.
2 - Les rencontres qui viennent de se dérouler à Lyon, à Bordeaux, à Marseille, à Lille, ont déjà montré le chemin parcouru depuis trois ans. Même s'il reste encore du chemin à faire, le partenariat a contribué à rapprocher des cultures professionnelles, à faire naître une culture commune de la sécurité sans laquelle il serait vain d'affirmer que la sécurité est l'affaire de tous. Le partenariat, dans le respect des compétences et des responsabilité institutionnelles, est désormais bien engagé.
En participant aux contrats locaux de sécurité, des acteurs se sont trouvés engagés dans le champ de la sécurité plus qu'ils ne l'avaient jamais été auparavant. Je pense bien entendu aux élus locaux et le projet de loi sur la sécurité quotidienne comme les récentes instructions que j'ai données aux préfets vont encore y contribuer.
Des dialogues se sont noués sur des bases nouvelles entre ceux dont la mission est d'éduquer et ceux, policiers et juges, dont la mission est de faire respecter la loi ou de sanctionner ceux qui ne la respectent pas. De nouveaux acteurs, bailleurs sociaux, transporteurs publics, se sont impliqués, qui contribuent également à la production de sécurité.
Cette volonté de cohérence est aussi l'axe sur lequel repose la police de proximité. Celle-ci est étroitement liée au contrat local de sécurité qui représente le cadre naturel du partenariat dont la police de proximité a besoin. Comme le reste du contrat ce cadre doit évoluer et s'adapter à la demande de sécurité.
Il ne s'agit pas pour l'Etat, premier responsable en la matière, de contractualiser, et encore moins de déléguer à d'autres, ce qui relève du fonctionnement ou de l'organisation de la police. Il s'agit, en revanche, de contractualiser sur des objectifs en partant d'une analyse plus complète de la demande sociale de sécurité.
Toutes ces avancées vont dans le sens d'une amélioration de la cohérence entre les modes de travail et d'organisation de l'ensemble des acteurs potentiels de la sécurité. Mais il faut encore aller plus loin, ce qui est l'un des premiers enjeux de l'évaluation des contrats locaux de sécurité, le thème qui nous réunit aujourd'hui.
3 - L'évaluation, c'est à dire la démarche qui a pour but de comparer les résultats obtenus aux objectifs assignés, est indispensable pour que les enseignements de l'expérience portent leurs fruits et que les contrats locaux de sécurité évoluent et soient de plus en plus efficaces. Dans ce but, l'évaluation se doit d'être une appréciation détaillée de chacun des aspects du contrat.
Je voudrais évoquer certains d'entre eux qui revêtent à mon sens une importance particulière.
Ø Les emplois jeunes mis au service de la sécurité, qu'ils soient adjoints de sécurité dans la police nationale ou agents de médiation sociale recrutés par les collectivités locales et les associations, sont étroitement liés à la démarche des contrats locaux de sécurité.
L'insertion des premiers dans la police nationale sera poursuivie. J'étais, il y a quelques jours, avec Elisabeth GUIGOU et nous avons pu annoncer à la fois la pérennisation du dispositif des adjoints de sécurité et la poursuite des efforts d'insertion en leur faveur.
Dans le cadre du projet de loi sur la sécurité quotidienne, le gouvernement a souhaité leur donner la qualité d'agent de police judiciaire adjoint, et améliorer la situation sociale des familles de ceux qui pourraient être victimes d'un drame à l'occasion de leurs fonctions.
C'est pour le gouvernement une façon de rendre hommage à la contribution essentielle qu'ils apportent au déploiement de la police de proximité, et au renforcement du lien entre les citoyens et la police.
Concernant les agents locaux de médiation sociale, il y a certainement, avec l'expérience acquise depuis trois ans, des pistes d'approfondissement, qu'il s'agisse de leur recrutement, de leur formation, de leur statut et de leurs attributions. Là aussi la démarche d'évaluation doit aboutir à des améliorations et des adaptations tenant compte des évolutions de la demande de sécurité.
En effet, le recrutement d'agent locaux de médiation sociale a été le moyen de développer, dans les contrats, des actions de proximité qui n'auraient pas été possibles sans eux : renforcement de l'accueil ou de la présence humaine dans les lieux et les transports publics, renforcement des actions socio-éducatives dans les clubs sportifs, par exemple. La place de ces agents de médiation, pour importante qu'elle soit, doit sans doute évoluer. Le rapport rendu par Yvon ROBERT au ministre de la Ville peut nous y aider.
Ø L'élargissement du champ des contrats locaux de sécurité à des thématiques qu'ils ont encore trop peu explorées est aussi un axe de travail que l'évaluation ne doit pas ignorer.
La rencontre de Lille, vendredi dernier, a mis en évidence le fait que des thématiques peu évoquées dans les contrats à leurs débuts s'étaient naturellement développées. Les conventions passées avec des organismes nationaux pour renforcer certaines thématiques dans les contrats locaux de sécurité ont porté leurs fruits : sécurité du commerce, sécurité dans les transports publics par exemple. Cette rencontre a également montré que d'autres perspectives peuvent être développées. Ainsi, la prévention et la lutte contre la violence dans le sport a trouvé un nouveau souffle avec la coopération qui s'est établie depuis un an entre le ministère de la jeunesse et des sports et le ministère de l'intérieur, qui doit aboutir à la passation d'avenants " sport " dans les contrats locaux de sécurité. A nous de trouver de nouvelles pistes, de nouveaux domaines où la sécurité gagnerait à être produite par contractualisation entre l'Etat, les collectivités locales et les professionnels concernés.
Ø Enfin l'originalité de la démarche des contrats locaux de sécurité tient aussi à ce qu'elle est porteuse d'une demande sociale de sécurité. Il est essentiel de faire en sorte que les contrats locaux de sécurité continuent à répondre à cette demande et par conséquent soient en permanence à l'écoute des habitants.
L'évaluation des actions doit se placer dans l'axe de la concertation, l'action en matière de sécurité doit être aussi participative que possible, elle ne se conçoit plus en dehors de la participation des habitants.
Comment, en effet, pourrait-on se satisfaire d'une évaluation qui ne donnerait pas voix au chapitre à ceux aux bénéfice desquels elle prétend être menée ? Les habitants, j'en suis convaincu, peuvent être considérés comme de vrais experts de l'évaluation et je ne saurais trop insister sur l'importance d'organiser, soigneusement et démocratiquement, la participation des habitants non seulement à la conception du contrat local de sécurité mais encore à l'évaluation de ses effets.
La méthodologie fondée, notamment, sur des groupes de travail qui a été développée, ici, à Nantes par l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure mérite d'être largement évoquée au cours de vos travaux.
4 - Les contrats locaux de sécurité ont suscité une dynamique qui ne peut atteindre ses objectifs et avoir d'effet durable que si elle s'entretient. L'évaluation, c'est faire vivre le contrat local de sécurité, c'est permettre son adaptation en continu. Elle doit être une préoccupation constante de ceux qui le pilotent.
C'est pourquoi, bien que la rencontre thématique d'aujourd'hui soit la dernière de la série avant la rencontre nationale, elle n'est pas la moindre, car en ayant pour thèmes le suivi et l'évaluation des contrats locaux de sécurité, elle porte sur deux des aspects méthodologiques majeurs de ces contrats, mais en même temps sur ce qui est déterminant pour leur efficacité.
J'attends de cette journée qu'elle apporte des réponses à ces questions essentielles, qu'elle mette l'accent sur les actions réussies, qu'elle pointe les difficultés qu'ensemble nous aurons à résoudre. A la suite de vos réflexions, nous aurons à fabriquer des outils communs, qui permettront à l'ensemble des acteurs de continuer à produire de la sécurité.
Car la demande qui, me semble-t-il, s'est exprimée lors des rencontres interrégionales, et qui, j'en suis sûr, s'exprimera ici, c'est avant tout une demande d'outils, de méthode, je dirais même de technicité et de professionnalisme.
Lors de la rencontre prévue le 25 juin à Paris, je compte sur vos travaux d'aujourd'hui pour que nous puissions dire que nous avons donné un nouvel élan, une nouvelle dimension aux contrats locaux de sécurité en en faisant l'instrument d'un partenariat concret de proximité.
Si au terme de ces rencontres nous avons pu utiliser l'expérience des uns pour permettre aux autres d'avancer, si nous avons pu repérer des bonnes pratiques, si nous avons pu déterminer comment évaluer, contrat par contrat, sur la base d'indicateurs partagés par les acteurs locaux et les habitants, l'impact de nos politiques, je crois que nous aurons fait progresser à la fois la sécurité et la démocratie.
Je remercie le préfet Blangy, organisateur de cette rencontre, pour avoir réuni, dans un délai rapide et sur un thème qui peut paraître ardu, les principaux acteurs de la sécurité.
Je remercie également Jean-Marc AYRAULT : le choix de Nantes pour tenir cette réunion n'est pas innocent. C'est pour moi une façon de rendre hommage au rôle essentiel de cette ville dans la question de l'évaluation des contrats locaux de sécurité. Et ce rôle, elle le doit à l'implication de ses élus, qui ont su reconnaître l'évaluation comme un élément capital du contrat et de sa vitalité.
Pour que les contrats vivent, évaluons-les, évaluons-les méthodiquement, démocratiquement, dans le souci qui doit nous habiter en permanence d'assurer un service public de qualité, c'est-à-dire avec la capacité d'adaptation et d'écoute qui en fait toute la grandeur, et aussi toute la difficulté.
Parce que l'insécurité est une injustice sociale et fragilise le pacte républicain, la lutte contre ce fléau doit s'affirmer comme une priorité essentielle pour tous les responsables publics et, au-delà, mobiliser l'ensemble de la société dans la lutte contre la violence sous toutes ses formes. C'est le sens de l'action que mène le gouvernement.
Mobilisons encore davantage, autour du contrat républicain, nos énergies, nos compétences et notre imagination, afin d'assurer, partout et pour tous, la sécurité garante de nos libertés.

(source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 juin 2001)