Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, dans "Les Echos" le 14 octobre 2011, sur les élections professionnelles dans la fonction publique, sur les effectifs dans la fonction publique et l'impact sur la qualité du service public et sur les moyens des collectivités locales.

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- Les élections professionnelles se tiennent jeudi prochain. Craignez-vous, dans un climat tendu par les réformes, une poussée des syndicats contestataires ?
Ce scrutin doit être un grand rendez-vous de démocratie sociale. La fonction publique est dans une période de forte mutation qui nécessite un dialogue social renforcé et de qualité, dont la réforme de la représentativité des syndicats pose les bases. Leur poids et leurs moyens seront désormais basés sur leurs résultats électoraux et ils seront d’autant plus légitimes et renforcés dans leur rôle que la participation au scrutin sera élevée. C’est là notre objectif prioritaire avec en particulier Luc Chatel (Éducation) et Xavier Bertrand (Santé) : que les agents aillent voter, pas de savoir pour qui. Le taux de participation des dernières élections, de l’ordre de 64 %, constitue évidemment un point de référence même si la modification du corps électoral – pour la première fois les contractuels pourront voter – nous conduit à une certaine prudence.
- Le débat monte, y compris au sein de la majorité, sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette politique n’a-t-elle pas atteint aujourd’hui ses limites ?
Nous sommes dans un contexte budgétaire dont personne ne pourra s’exonérer et qui impose une forte maîtrise des dépenses. Chacun sait que le seul retour de la croissance ne suffira pas à rétablir les comptes publics. Le gouvernement a fait depuis 2007 le choix d’un système « gagnant-gagnant » avec des agents moins nombreux mais mieux rémunérés. Regardez les pays comme l’Angleterre, le Portugal, la Grèce ou l’Italie, qui n’ont pas fait assez d’efforts en temps voulus : ils sont à présent contraints de prendre en catastrophe des mesures bien plus violentes, en baissant les salaires, les pensions et en licenciant massivement. La France, elle, a eu une attitude responsable qui a porté ses fruits. Les agents et les syndicats en prennent aujourd’hui pleinement conscience.
- Faut-il pour autant poursuivre cette politique au-delà de 2012 ? Beaucoup estime qu’elle remet dangereusement en cause la qualité du service public...
Au contraire. C’est en ayant eu le courage de réduire les effectifs et de moderniser le service public que nous avons préservé sa qualité et garanti son avenir. Chacun sait que l’objectif de réductions des dépenses est incontournable. Or il passe inévitablement par des réductions d’effectifs. Le PS ment aux Français quand il prétend réaugmenter le nombre de postes. Qui peut prendre au sérieux ce concours Lépine de la démagogie ?! C’est irresponsable. Le vrai débat de la présidentielle devra porter sur la redéfinition du périmètre d’un État moderne. La RGPP a permis de progresser en ce sens mais l’État assume aujourd’hui encore certaines missions qui ne devraient pas forcément être de son ressort. Est-ce vraiment à lui, par exemple, d’assurer la maîtrise d’ouvrage des opérations de voirie dans les collectivités ou d’y gérer l’entretien de certains bâtiments ?
- Mais les collectivités peuvent-elles reprendre à leur charge des missions alors que l’État gèle désormais la dotation qu’il leur verse ?
Elles ne peuvent pas continuer à se tourner sans cesse vers l’État. Je rappelle qu’elles ont créé 500.000 postes en dix ans, soit une hausse de 25 % des effectifs, hors décentralisation et une hausse de plus de 70 % de leur masse salariale ! Elles ne peuvent plus s’exonérer d’une réflexion sur la maîtrise de leurs dépenses. A elles de lancer leur propre RGPP et de se moderniser pour gagner en efficacité à moindre coût. Je l’ai fait moi-même en tant que président du Conseil général de la Côte-d’Or, ce qui prouve bien que c’est possible. La recherche d’efficience s’impose à tous, pas uniquement à l’État.
- Vous allez ouvrir des négociations sur l’égalité professionnelle. Faut-il instaurer des quotas de femmes aux postes à responsabilités ?
Dans la fonction publique, il y a 60 % de femmes à la base et parfois moins de 10 % au sommet. Cela ne peut plus durer. C’est la raison pour laquelle j’ouvrirai prochainement des discussions avec les syndicats pour déterminer les mesures à prendre. Toutes les options sont sur la table, y compris des mesures contraignantes. Dans le public, le problème ne réside pas dans les inégalités salariales mais dans les inégalités de carrière. Certaines mesures devront permettre d’y remédier, comme la féminisation des jurys ou des efforts pour mieux équilibrer vie privée et vie professionnelle.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 9 novembre 2011