Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la Poste et la libéralisation des services postaux en Europe, Paris, 20 juin 2001.

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Circonstance : Cloture du colloque intitulé "Postes européennes : libéralisation et service public, entre mythes et réalités", à Paris, le 20 juin 2001

Texte intégral

Déclaration de M. Christian Pierret,
Secrétaire d'Etat à l'Industrie
Postes européennes : libéralisation et service public,
Entre mythes et réalités
20/06/2001

Monsieur le Vice-Président du Sénat,
Mesdames et Mmessieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez, tout au long de cette journée, évoqué les mythes et les réalités du secteur postal en Europe. A mon tour maintenant de vous livrer ma vision de ces mythes et réalités. A trois mythes, j'opposerai en effet trois réalités :
- au mythe de postes en déclin face aux nouvelles technologies et à l'internationalisation des échanges, j'opposerai la réalité de postes qui peuvent utiliser ces évolutions comme des réservoirs de développement ;
- au mythe d'une poste française en repli, j'opposerai la réalité de 4 ans de croissance et de dynamisme ;
- au mythe d'une volonté européenne de libéralisation à tout va du secteur, j'opposerai la réalité d'un Parlement européen et d'un très large ensemble d'Etats membres décidés à faire prévaloir un service public dynamique, efficace et solidaire.
Ce sont ces réalités, ancrées dans la vie économique, nourries d'un dialogue régulier avec les dirigeants de la Poste et son personnel, qui sont les nôtres depuis 4 ans.

1 - Le développement des échanges et les nouvelles technologies sont un nouveau moteur de croissance pour les postes européennes.
Le Ministre de l'industrie que je suis perçoit quotidiennement la réalité de la " nouvelle économie ". Elle n'a jamais été pour moi un phénomène purement boursier ou uniquement sectoriel, mais une révolution qui touche tous les secteurs économiques : à travers une nouvelle approche de la relation avec la clientèle, par la fidélisation que permet une offre de plus en plus " sur mesure " ; à travers aussi de nouvelles relations avec les fournisseurs, les sous-traitants, bref, une nouvelle manière de produire et de vendre.
Les postes se trouvent au coeur de cette évolution. Et je suis particulièrement satisfait que, dès le contrat d'objectifs et de progrès signé en 1998, nous ayons pu faire du développement de La Poste dans la société de l'information une priorité. La Poste française a ainsi pris une longueur d'avance au plan européen : les "1000 accès à Internet" dans les bureaux de poste sont maintenant connus de tous ; je citerai aussi la création de la " lettre suivie ", le développement d'une offre complète de services aux cyber-marchands, le lancement des services POSTECS qui permettront des échanges électroniques sûrs à l'échelle internationale. C'est une nouvelle poste, innovante et moderne, projetée dans l'avenir, qui voit ainsi le jour.
Le développement des échanges offre aux opérateurs postaux des potentialités de développement nouvelles pour la livraison de produits. Toutes les entreprises européennes ont pris la mesure de cet enjeu : constituer des réseaux capables de transporter des objets à une échelle européenne et mondiale. C'est la réalisation du marché intérieur entreprise depuis 1992 par l'Union européenne qui trouve ainsi une matérialisation physique. Là encore, dans le cadre du contrat d'objectifs et de progrès, la Poste française construit son avenir.
Elle s'est affirmée en quelques mois comme l'un des trois premiers opérateurs de colis en Europe : deuxième opérateur en Allemagne, quatrième au Royaume-Uni, leader en France, présente dans une quinzaine de pays européens, disposant d'un accord commercial avec l'intégrateur Fedex. C'est un motif de satisfaction qui doit conduire La Poste à poursuivre dans cette voie. 1er opérateur de l'Union Européenne par son trafic et 2ème par son chiffre d'affaires, elle dispose de sérieux atouts.
Un premier mythe, celui du déclin inéluctable des postes, a ainsi été écorné. Je vais maintenant m'attacher au second mythe : celui d'une poste française en repli.

2 - La Poste française va bien.
Elle va beaucoup mieux qu'il y a 5 ans. 5 chiffres simples illustreront je crois suffisamment cette réalité :
- de 1996 à 2000, le chiffre d'affaires de la Poste a augmenté de 18 MdsF, soit 5% de croissance annuelle, pour atteindre 105 MdsF en 2000 ;
- en 2000, les résultats de la Poste sont positifs pour la quatrième année consécutive, avec 945 MF de bénéfices;
- 24 MdsF ont été investi sur 4 ans, soit 2,5 fois plus que durant les 4 années précédentes ;
- le poids des frais financiers du groupe a été divisé par deux depuis 1997 par rapport à la capacité d'autofinancement ;
- le prix du timbre n'a pas augmenté, conformément au contrat d'objectifs et de progrès, alors qu'il avait augmenté de 7% entre 1993 et 1996.
Je félicite les dirigeants de La Poste et son personnel pour cette réussite, que j'explique par 4 facteurs :
- tout d'abord, La Poste a su se projeter dans l'avenir, celui de nouveaux potentiels de développements, celui de la recherche de la satisfaction des attentes de ses clients. La Poste incarne l'excellence du service public : la relation qui s'établit entre le public et les postiers est profonde et affective. C'est ce capital immense que La Poste met au service de la modernité.
- ensuite, elle a su associer son personnel à ce projet et à des avancées importantes : mise en uvre des 35 heures, embauche de 5000 emplois jeunes hier, de 20 000 personnes au total sur les années 99 et 2000, amélioration de la situation des agents contractuels, négociation en cours d'un accord d'intéressement. Il me paraît essentiel que les personnels de La Poste soient associés au niveau territorial approprié à la définition et à la mise en place de nouveaux projets, comme la mise en place de Soft. Cela a été je crois la clé du succès de l'aménagement-réduction du temps de travail. Le personnel de La Poste est soudé par des valeurs communes. C'est un atout incomparable. La qualité du dialogue social à La Poste est le garant de cette mobilisation des postiers autour d'objectifs partagés.
- elle a approfondi son dialogue avec les élus en matière de présence postale territoriale, et, je n'hésite pas à le dire, elle doit continuer à le faire avec esprit d'écoute et inventivité.
- enfin, l'Etat a accompagné ce mouvement avec détermination, conformément au contrat de plan, en confortant l'autonomie de l'entreprise et en assumant ses obligations : par exemple en stabilisant les charges de La Poste au titre des retraites de ses agents, en mettant fin à la centralisation des fonds des CCP au Trésor, par exemple encore, en donnant à La Poste pleine compétence en matière immobilière, avec la réforme de son régime domanial, en cours d'examen au Parlement. C'est dans cet esprit que je viens de lancer avec Laurent Fabius et La Poste les travaux préparatoires au prochain contrat d'objectifs et de progrès qui devra, dans le cadre du statut de la Poste, je suis très clair sur ce point, poursuivre et amplifier cette dynamique.

3 - L'Europe d'un service universel postal dynamique, efficace et solidaire.
Troisième mythe auquel je vais m'attaquer, celui d'une Europe de l'ultra-libéralisme postal.
Certes, il existe des forces de proposition en Europe qui font de la mise en place d'une concurrence pure et parfaite sur le marché postal un objectif affiché, un objectif qui s'est traduit, dans le seul pays européen à l'avoir pratiqué, par une forte hausse des tarifs, une réduction drastique des implantations postales et une baisse de la qualité du service.
Mais cette Europe n'est pas celle que nous construisons ensemble avec nos partenaires et pour laquelle Lionel JOSPIN vient de tracer des perspectives d'évolution. Là encore, je vais appuyer mon propos sur des réalités :
- le vote du Parlement européen tout d'abord qui le 15 décembre 2000, avec une forte mobilisation des élus français, a récusé la perspective du tout libéral. C'est un élément essentiel puisque les directives dans le domaine postal sont soumises à une procédure de co-décision entre le Parlement européen et le Conseil ;
- les Sommets de Nice et de Stockolm, qui tout en confirmant le calendrier de travail qui doit être le nôtre, ont insisté et sur la nécessaire prise en compte du vote du Parlement européen et sur la spécificité des missions d'intérêt économique général en Europe ;
- nos partenaires au sein du Conseil télécommunications qui sont nombreux à partager les vues défendues par la France, tout comme 10 opérateurs postaux européens et de nombreux syndicats ont pu s'associer à la vision d'un service public dynamique, efficace et solidaire.
Dans ces conditions, je suis d'un optimisme raisonné et réaliste sur l'évolution de nos travaux au plan communautaire dans les prochains mois. Disposer d'un cadre juridique clair et lisible, maintenir dans la durée un périmètre de services réservés aux opérateurs de service universel suffisamment large pour permettre de financer les charges liées à ce service universel, c'est-à-dire la desserte en tout point du territoire, à un prix unique : tels sont pour moi les objectifs qui doivent guider l'élaboration d'une nouvelle directive, tels sont les objectifs sur lesquels je pense recueillir l'accord de nos partenaires.
C'est par un mélange d'utopie, de volonté politique et de souci constant du développement économique au service des peuples qu'a progressé la construction européennne. C'est de cette même démarche, de cette même volonté et de ces mêmes valeurs dont doit bénéficier le secteur postal.

(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 21 juin 2001)