Texte intégral
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Vice-chancelier,
Mesdames et Messieurs les Présidents duniversité,
Monsieur le Député-maire,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je veux dabord vous dire le plaisir et lhonneur que je ressens à participer avec vous à cette cérémonie de remise des prix de la Chancellerie des Universités de Paris.
Et je voudrais commencer en adressant à tous les lauréats mes sincères et chaleureuses félicitations pour le travail que vous avez réalisé.
Je sais que la vie de thésard nest pas toujours facile. Je confiais dailleurs à mes voisins que javais moi-même commencé une thèse que je nai jamais finie. Jattendais juste que les électeurs me renvoient à mes études pour la terminer.
Je sais que cest une épreuve de solitude, de plongée dans la mêlée des données nationales et des travaux internationaux.
On rencontre léchec et le doute avant de saisir ce que lon cherche.
Mais pendant cette épreuve, vous avez développé une compétence décisive pour votre avenir, parce que cette thèse cest le premier jalon véritablement professionnel de votre engagement.
A lissue de ces premières années consacrées à la recherche, et à laube dune carrière que je vous souhaite prometteuse, vous pouvez être fiers de recevoir cette distinction que vous remet la Chancellerie des Universités de Paris.
Cet honneur, que vous devez légitimement ressentir et que vos familles et vos amis doivent éprouver, est à la mesure de ce que représente la recherche dans notre société.
Il y a aujourdhui un besoin de recherche plus fort que jamais.
Alors que le monde se transforme de manière chaque jour plus rapide, plus surprenante, notre nation a un impérieux besoin des lumières que vos travaux jettent sur ce qui nous entoure.
La mondialisation saccélère et elle efface les repères que nous avons hérités des générations successives. Nous vivons dans une ère du changement permanent où des distorsions se succédant sans cesse ont remplacé les progressives métamorphoses du passé.
LEurope contemporaine ne ressemble plus à celle qui sest construite après la Seconde Guerre mondiale.
Nos pays portent les mêmes noms. Mais que reste-t-il de nos aspirations ?
Lidéal de paix autour duquel notre continent a décidé de se réunir a épuisé ses vertus et nous devons nous rassembler autour de quelque chose de neuf.
Lidée de progrès, qui a porté lélan de générations successives vers un monde meilleur, qui a élevé notre humanité, semble contestée aujourdhui.
Certains lui préfèrent le retrait à lécart de la modernité et la peur, parce que des catastrophes qui peuvent être évitées surviennent malheureusement parfois, comme celle que nous avons connue au Japon.
Oui, nous vivons dans un monde nouveau, et nous en cherchons inlassablement le sens, cest-à-dire à la fois la signification et la direction que prend son mouvement.
Nous nous interrogeons sur les buts que nous devons nous assigner, comme société, comme citoyens, comme hommes et femmes.
Nous nous demandons quelles sont les valeurs que nous devons porter, les valeurs que nous devons servir.
Au nom de quoi vivons-nous ?
Devant ces questions fondamentales, les réponses se résument trop souvent à des réactions, et le temps de la pensée est négligé.
La radicalité ressurgit, à travers le populisme dont on observe partout la montée.
Beaucoup perdent le désir danimer les liens par lesquels ils appartiennent à la société et choisissent de se rétracter sur leur sphère privée. Ils se recroquevillent comme dans une caverne où ils ne verraient plus le ciel qui les effraie, au lieu daffronter la lumière parfois aveuglante de lavenir. La société du spectacle suscite la fascination de tous ceux qui se livrent à elle par faiblesse, avec ses idoles dun jour, dun mois, dune heure ; ses humeurs et ses plaisirs qui passent comme disparaît linstant.
Face à tout cela, vous, les chercheurs, les intellectuels, vous avez la responsabilité exigeante de défendre la noblesse de lesprit.
La noblesse de lesprit, cest ce qui pousse à chercher la vérité plutôt que la satisfaction procurée par les illusions qui apaisent, et les artefacts qui détournent de la pensée. Quest-ce que lesprit des Lumières qui a fait la France, sinon, justement, le courage de se servir de son propre entendement, comme lécrivait Emmanuel Kant ?
La noblesse de lesprit, cest aussi le choix constant de la lucidité plutôt que la soumission aux vents contraires de lémotion et au tiraillement des pulsions.
La noblesse de lesprit, cest le choix dassumer la dialectique et la contradiction pour trouver un chemin commun, et non de se conforter dans lornière de linvective et de la confrontation.
La noblesse de lesprit, cest le respect du temps long, du silence aussi.
Cest le devoir de protéger le sens des mots.
Aujourdhui, je suis là pour célébrer lintelligence française !
LUniversité est son creuset, et elle se trouve confrontée à un double défi : atteindre lexcellence, et offrir à tous la chance dy parvenir. Cest un objectif républicain.
Certains estiment que ces deux enjeux sont contradictoires. Pour eux, lexcellence se résumerait à la constitution dune élite, par élimination insidieuse de ceux qui ne peuvent pas lui appartenir.
Je pense le contraire : lexcellence hisse notre pays vers les sommets, elle loblige à une remise en cause permanente et salutaire, et elle se nourrit de la diversité des idées, des regards et des origines.
Et lUniversité doit être le lieu où se forment ceux qui, par leurs travaux, par leurs témoignages, deviendront les prospecteurs de lavenir et les gardiens de la civilisation.
Excellence et égalité des chances : les réformes que nous avons menées ont eu pour but dallier ces deux objectifs. Je ne veux pas prétendre que le sort de nos universités ait basculé du jour au lendemain sous le seul coup de ces réformes ! Les changements institutionnels ne résument pas et ne commandent pas la vie intime de nos universités, qui est dabord faite de passions, de destins entremêlés, de savoirs échangés
A cet égard, le terme de « système universitaire » est rudimentaire. Il ne dit rien du rapport parfois éclairant dune rencontre entre un élève et un enseignant; il ne dit rien de ses couloirs où séchangent les premières joutes intellectuelles de ceux qui ont vingt ans ; il ne dit rien de ses chercheurs qui ont une intuition décisive et joyeuse au moment où ils sy attendaient le moins ; il ne dit rien de ses bibliothèques silencieuses qui livrent leurs archives au thésard qui découvre la profondeur de son sujet autant quil se découvre lui-même.
Contrairement à ce qui est parfois dit, lUniversité française na jamais cessé de vibrer et de se transformer de lintérieur.
Ceci dit, de lavis de tous, lexcellence de la recherche et lattractivité de nos institutions dans la concurrence internationale du savoir devaient passer par une responsabilité plus grande offerte à nos universités. Trop duniformité mêlée à trop démiettement ne pouvaient que les affaiblir. Il fallait réagir. Cest le sens de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités qui a été adoptée en août 2007. Lobjectif était de leur offrir de nouvelles perspectives pour bâtir un véritable projet détablissement.
Aujourdhui 90 % des universités ont accédé à cette autonomie. A lété 2012, soit à léchéance de 5 ans fixée par la loi à la demande des présidents duniversité, toutes seront autonomes.
Les universités peuvent désormais recruter leurs enseignants et décider de leurs rémunérations par des mesures indemnitaires. Elles ont la possibilité de déterminer leur pédagogie et de conduire leurs programmes. Elles peuvent sassocier plus facilement à des laboratoires de recherche, à des entreprises, et créer des fondations pour diversifier leurs ressources. 41 fondations universitaires ont vu le jour depuis 2007.
Une telle évolution, qui semblait difficilement envisageable jusquen 2007, a été réussie grâce à limplication des responsables des universités, qui ont su mener à bien ces projets complexes. Elle est aussi loeuvre des organismes de recherche, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette évolution, avec ses succès et parfois ses revers, doit se poursuivre, elle doit se poursuivre sur le long terme parce que cest un changement de fond, cest un changement progressif sur lequel personne ne reviendra.
Ces nouvelles responsabilités accordées aux universités impliquent une nouvelle manière de voir les choses, pour faire coïncider avec la vision prospective de létablissement la gestion de ses moyens financiers, matériels et humains, ainsi que de ses contraintes internes et externes.
Cest le rôle du gouvernement daccompagner les universités dans ces tâches nouvelles, mais cest aussi celui des établissements de prendre en main leur destin.
Ce processus daccession aux responsabilités et aux compétences élargies a favorisé le développement dune politique de site avec la création de 21 pôles de recherche et denseignement supérieur qui impliquent 56 universités.
Certaines universités se sont même engagées dans des fusions en un seul établissement, comme à Strasbourg, à Marseille ou en Lorraine. Ces fusions donneront à ces universités réunies une dimension supérieure et une meilleure visibilité internationale. Ce sont les conditions pour quelles soient plus attractives, et pour quelles puissent accroître leur ambition scientifique dans la bataille du savoir.
Cette réforme institutionnelle sest accompagnée de mesures destinées à favoriser légalité des chances. Et je veux en parler parce que les trajectoires brillantes que nous honorons aujourdhui ont plus de sens encore si elles tirent vers le haut tous ceux qui hésitent et qui doutent de leur avenir.
Les lycéens doivent devenir les acteurs de leur orientation. Cest un préalable.
Choisir ses études supérieures par ignorance des disciplines existantes ou de leurs débouchés, ou pire, par défaut, est un gâchis. Et choisir de ne pas faire détudes supérieures par autocensure ou par peur de léchec, lest aussi.
Le processus « Admission Post Bac » a été mis en place pour amener les lycéens à construire leurs choix.
Un système dorientation est à mis à leur disposition pour les accompagner dans le ciblage des formations universitaires les mieux adaptées à leurs goûts et à leurs capacités.
De nouvelles perspectives ont aussi été ouvertes par le développement des admissions parallèles dans certaines formations et par celui de lalternance : le cap des 110 000 apprentis inscrits dans lenseignement supérieur a été franchi en 2010-2011, alors quils étaient moins de la moitié en 2001.
Enfin, chacun mesure le prix de la vie étudiante qui pèse sur les familles les plus modestes.
Nous avons instauré un 10ème mois de bourse pour les étudiants. Durant les cinq dernières années, il sest accompagné dune revalorisation des bourses de 20 % en moyenne, et dune augmentation de plus de 25 % du nombre de ses bénéficiaires. Le budget consacré au logement étudiant est passé de 64 millions deuros à 137, et notre objectif est de doubler le nombre de logements dédiés aux étudiants dici 2020 pour aboutir à 680 000 logements.
Tout ceci pour vous dire que la République choisit lexcellence et légalité des chances.
Et pour cela, elle y met les moyens financiers.
Entre 2007 et 2012, nous aurons augmenté de 9 Milliards deuros les moyens de lEnseignement supérieur et de la Recherche et augmenté de 20 % les crédits aux universités, sans compter les deux grandes mobilisations financières que sont les investissements davenir et leffort consenti dans le cadre du plan Campus.
Nous avons décidé de consacrer 5 Milliards deuros à ce plan exceptionnel destiné à faire émerger des campus dexcellence qui viendront renforcer le rayonnement de luniversité française.
10 campus ont été sélectionnés par un jury international, sur concours, puis 9 campus prometteurs et innovants ont été distingués.
Le second effort de la nation, cest le programme des investissements davenir lancé en 2009.
Sur les 35 Milliards deuros prévus, plus de 20 Milliards sont consacrés à la Recherche, à lEnseignement supérieur et à la Formation.
229 projets ont été sélectionnés et ils démarrent aujourdhui leurs activités.
Près de 70 % sont portés directement par une université ou par un groupement détablissements comprenant une université, parce que nous avons tenu à ce que luniversité soit au coeur du processus de transformation du paysage institutionnel français en matière dEnseignement supérieur et de Recherche.
Une deuxième vague dappels à projets est lancée, pour des premiers résultats attendus fin décembre 2011 et jusquen février 2012.
Parmi tous ces projets, les plus emblématiques sont les initiatives dexcellence, dotées de 7,7 Milliards deuros. Elles devront faire émerger en France 5 à 10 pôles pluridisciplinaires de rang international, capables de rivaliser avec les plus grandes universités du monde.
Vous en êtes les témoins, lexcellence de notre formation supérieure et de notre recherche est reconnue. Mais face à la crise et dans un contexte mondial qui a ses propres règles, classement de Shanghai ou pas, il faut mettre en commun toutes nos forces, afin dattirer les meilleurs, et afin de vous doffrir les conditions de travail optimales.
A tous ceux qui sont aujourdhui récompensés, je dis que lenthousiasme qui les emporte est utile à notre pays. Aucune de leur recherche nest inutile, aucun domaine dinvestigation nest vain. Je crois à la force entraînante de lintelligence. Cest par la découverte dun savoir nouveau que vous forgerez de nouvelles connaissances, qui elles-mêmes donneront naissance à dautres connaissances qui élèveront la Nation, qui laideront dans sa compréhension du monde, et dans ses réalisations économiques.
Il y a 500 ans, Raphaël a peint lune de ses plus célèbres fresques intitulée lEcole dAthènes. Dans un décor magnifique qui pourrait être celui dune autre Sorbonne, autour dun escalier, on voit une cinquantaine de personnages vêtus de toges, à la mode antique, qui ne sont pas sans rappeler jallais dire les lauréats honorés aujourdhui mais aussi ceux qui les ont choisis. On y trouve, comme en cet instant, des représentants de chacune des grandes disciplines de lesprit, en hommage au pouvoir de la raison.
On y voit les mathématiques pratiques et les mathématiques spéculatives, comme des symboles de la recherche fondamentale et la recherche appliquée, mais aussi la philosophie, qui pourrait représenter lensemble des sciences humaines daujourdhui.
Au centre de cette grande fresque se détachent deux figures marquantes : Platon et Aristote. Le premier pointe son doigt vers le ciel et le second vers la terre. Cest là limage des deux continents entre lesquels vous naviguez : les contraintes de la nature et les espaces infinis de lesprit ; les profondes vallées de la réalité et les hauteurs de la pensée; le terreau fertile de notre société et le goût pour lexcellence qui vous guidera sans cesse dans vos travaux.
La recherche est une exigence.
La découverte de nouvelles connaissances est le ferment dune société qui veut maîtriser son destin, et qui, pour cela, ne renonce pas à sonder lucidement son âme afin de trouver les chemins raisonnables du progrès.
Votre tâche est déterminante, parce quelle est essentielle à notre avenir commun. Voilà simplement ce je suis venu vous dire, en célébrant tout à la fois vos mérites mais aussi vos responsabilités.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 décembre 2011
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Vice-chancelier,
Mesdames et Messieurs les Présidents duniversité,
Monsieur le Député-maire,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je veux dabord vous dire le plaisir et lhonneur que je ressens à participer avec vous à cette cérémonie de remise des prix de la Chancellerie des Universités de Paris.
Et je voudrais commencer en adressant à tous les lauréats mes sincères et chaleureuses félicitations pour le travail que vous avez réalisé.
Je sais que la vie de thésard nest pas toujours facile. Je confiais dailleurs à mes voisins que javais moi-même commencé une thèse que je nai jamais finie. Jattendais juste que les électeurs me renvoient à mes études pour la terminer.
Je sais que cest une épreuve de solitude, de plongée dans la mêlée des données nationales et des travaux internationaux.
On rencontre léchec et le doute avant de saisir ce que lon cherche.
Mais pendant cette épreuve, vous avez développé une compétence décisive pour votre avenir, parce que cette thèse cest le premier jalon véritablement professionnel de votre engagement.
A lissue de ces premières années consacrées à la recherche, et à laube dune carrière que je vous souhaite prometteuse, vous pouvez être fiers de recevoir cette distinction que vous remet la Chancellerie des Universités de Paris.
Cet honneur, que vous devez légitimement ressentir et que vos familles et vos amis doivent éprouver, est à la mesure de ce que représente la recherche dans notre société.
Il y a aujourdhui un besoin de recherche plus fort que jamais.
Alors que le monde se transforme de manière chaque jour plus rapide, plus surprenante, notre nation a un impérieux besoin des lumières que vos travaux jettent sur ce qui nous entoure.
La mondialisation saccélère et elle efface les repères que nous avons hérités des générations successives. Nous vivons dans une ère du changement permanent où des distorsions se succédant sans cesse ont remplacé les progressives métamorphoses du passé.
LEurope contemporaine ne ressemble plus à celle qui sest construite après la Seconde Guerre mondiale.
Nos pays portent les mêmes noms. Mais que reste-t-il de nos aspirations ?
Lidéal de paix autour duquel notre continent a décidé de se réunir a épuisé ses vertus et nous devons nous rassembler autour de quelque chose de neuf.
Lidée de progrès, qui a porté lélan de générations successives vers un monde meilleur, qui a élevé notre humanité, semble contestée aujourdhui.
Certains lui préfèrent le retrait à lécart de la modernité et la peur, parce que des catastrophes qui peuvent être évitées surviennent malheureusement parfois, comme celle que nous avons connue au Japon.
Oui, nous vivons dans un monde nouveau, et nous en cherchons inlassablement le sens, cest-à-dire à la fois la signification et la direction que prend son mouvement.
Nous nous interrogeons sur les buts que nous devons nous assigner, comme société, comme citoyens, comme hommes et femmes.
Nous nous demandons quelles sont les valeurs que nous devons porter, les valeurs que nous devons servir.
Au nom de quoi vivons-nous ?
Devant ces questions fondamentales, les réponses se résument trop souvent à des réactions, et le temps de la pensée est négligé.
La radicalité ressurgit, à travers le populisme dont on observe partout la montée.
Beaucoup perdent le désir danimer les liens par lesquels ils appartiennent à la société et choisissent de se rétracter sur leur sphère privée. Ils se recroquevillent comme dans une caverne où ils ne verraient plus le ciel qui les effraie, au lieu daffronter la lumière parfois aveuglante de lavenir. La société du spectacle suscite la fascination de tous ceux qui se livrent à elle par faiblesse, avec ses idoles dun jour, dun mois, dune heure ; ses humeurs et ses plaisirs qui passent comme disparaît linstant.
Face à tout cela, vous, les chercheurs, les intellectuels, vous avez la responsabilité exigeante de défendre la noblesse de lesprit.
La noblesse de lesprit, cest ce qui pousse à chercher la vérité plutôt que la satisfaction procurée par les illusions qui apaisent, et les artefacts qui détournent de la pensée. Quest-ce que lesprit des Lumières qui a fait la France, sinon, justement, le courage de se servir de son propre entendement, comme lécrivait Emmanuel Kant ?
La noblesse de lesprit, cest aussi le choix constant de la lucidité plutôt que la soumission aux vents contraires de lémotion et au tiraillement des pulsions.
La noblesse de lesprit, cest le choix dassumer la dialectique et la contradiction pour trouver un chemin commun, et non de se conforter dans lornière de linvective et de la confrontation.
La noblesse de lesprit, cest le respect du temps long, du silence aussi.
Cest le devoir de protéger le sens des mots.
Aujourdhui, je suis là pour célébrer lintelligence française !
LUniversité est son creuset, et elle se trouve confrontée à un double défi : atteindre lexcellence, et offrir à tous la chance dy parvenir. Cest un objectif républicain.
Certains estiment que ces deux enjeux sont contradictoires. Pour eux, lexcellence se résumerait à la constitution dune élite, par élimination insidieuse de ceux qui ne peuvent pas lui appartenir.
Je pense le contraire : lexcellence hisse notre pays vers les sommets, elle loblige à une remise en cause permanente et salutaire, et elle se nourrit de la diversité des idées, des regards et des origines.
Et lUniversité doit être le lieu où se forment ceux qui, par leurs travaux, par leurs témoignages, deviendront les prospecteurs de lavenir et les gardiens de la civilisation.
Excellence et égalité des chances : les réformes que nous avons menées ont eu pour but dallier ces deux objectifs. Je ne veux pas prétendre que le sort de nos universités ait basculé du jour au lendemain sous le seul coup de ces réformes ! Les changements institutionnels ne résument pas et ne commandent pas la vie intime de nos universités, qui est dabord faite de passions, de destins entremêlés, de savoirs échangés
A cet égard, le terme de « système universitaire » est rudimentaire. Il ne dit rien du rapport parfois éclairant dune rencontre entre un élève et un enseignant; il ne dit rien de ses couloirs où séchangent les premières joutes intellectuelles de ceux qui ont vingt ans ; il ne dit rien de ses chercheurs qui ont une intuition décisive et joyeuse au moment où ils sy attendaient le moins ; il ne dit rien de ses bibliothèques silencieuses qui livrent leurs archives au thésard qui découvre la profondeur de son sujet autant quil se découvre lui-même.
Contrairement à ce qui est parfois dit, lUniversité française na jamais cessé de vibrer et de se transformer de lintérieur.
Ceci dit, de lavis de tous, lexcellence de la recherche et lattractivité de nos institutions dans la concurrence internationale du savoir devaient passer par une responsabilité plus grande offerte à nos universités. Trop duniformité mêlée à trop démiettement ne pouvaient que les affaiblir. Il fallait réagir. Cest le sens de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités qui a été adoptée en août 2007. Lobjectif était de leur offrir de nouvelles perspectives pour bâtir un véritable projet détablissement.
Aujourdhui 90 % des universités ont accédé à cette autonomie. A lété 2012, soit à léchéance de 5 ans fixée par la loi à la demande des présidents duniversité, toutes seront autonomes.
Les universités peuvent désormais recruter leurs enseignants et décider de leurs rémunérations par des mesures indemnitaires. Elles ont la possibilité de déterminer leur pédagogie et de conduire leurs programmes. Elles peuvent sassocier plus facilement à des laboratoires de recherche, à des entreprises, et créer des fondations pour diversifier leurs ressources. 41 fondations universitaires ont vu le jour depuis 2007.
Une telle évolution, qui semblait difficilement envisageable jusquen 2007, a été réussie grâce à limplication des responsables des universités, qui ont su mener à bien ces projets complexes. Elle est aussi loeuvre des organismes de recherche, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette évolution, avec ses succès et parfois ses revers, doit se poursuivre, elle doit se poursuivre sur le long terme parce que cest un changement de fond, cest un changement progressif sur lequel personne ne reviendra.
Ces nouvelles responsabilités accordées aux universités impliquent une nouvelle manière de voir les choses, pour faire coïncider avec la vision prospective de létablissement la gestion de ses moyens financiers, matériels et humains, ainsi que de ses contraintes internes et externes.
Cest le rôle du gouvernement daccompagner les universités dans ces tâches nouvelles, mais cest aussi celui des établissements de prendre en main leur destin.
Ce processus daccession aux responsabilités et aux compétences élargies a favorisé le développement dune politique de site avec la création de 21 pôles de recherche et denseignement supérieur qui impliquent 56 universités.
Certaines universités se sont même engagées dans des fusions en un seul établissement, comme à Strasbourg, à Marseille ou en Lorraine. Ces fusions donneront à ces universités réunies une dimension supérieure et une meilleure visibilité internationale. Ce sont les conditions pour quelles soient plus attractives, et pour quelles puissent accroître leur ambition scientifique dans la bataille du savoir.
Cette réforme institutionnelle sest accompagnée de mesures destinées à favoriser légalité des chances. Et je veux en parler parce que les trajectoires brillantes que nous honorons aujourdhui ont plus de sens encore si elles tirent vers le haut tous ceux qui hésitent et qui doutent de leur avenir.
Les lycéens doivent devenir les acteurs de leur orientation. Cest un préalable.
Choisir ses études supérieures par ignorance des disciplines existantes ou de leurs débouchés, ou pire, par défaut, est un gâchis. Et choisir de ne pas faire détudes supérieures par autocensure ou par peur de léchec, lest aussi.
Le processus « Admission Post Bac » a été mis en place pour amener les lycéens à construire leurs choix.
Un système dorientation est à mis à leur disposition pour les accompagner dans le ciblage des formations universitaires les mieux adaptées à leurs goûts et à leurs capacités.
De nouvelles perspectives ont aussi été ouvertes par le développement des admissions parallèles dans certaines formations et par celui de lalternance : le cap des 110 000 apprentis inscrits dans lenseignement supérieur a été franchi en 2010-2011, alors quils étaient moins de la moitié en 2001.
Enfin, chacun mesure le prix de la vie étudiante qui pèse sur les familles les plus modestes.
Nous avons instauré un 10ème mois de bourse pour les étudiants. Durant les cinq dernières années, il sest accompagné dune revalorisation des bourses de 20 % en moyenne, et dune augmentation de plus de 25 % du nombre de ses bénéficiaires. Le budget consacré au logement étudiant est passé de 64 millions deuros à 137, et notre objectif est de doubler le nombre de logements dédiés aux étudiants dici 2020 pour aboutir à 680 000 logements.
Tout ceci pour vous dire que la République choisit lexcellence et légalité des chances.
Et pour cela, elle y met les moyens financiers.
Entre 2007 et 2012, nous aurons augmenté de 9 Milliards deuros les moyens de lEnseignement supérieur et de la Recherche et augmenté de 20 % les crédits aux universités, sans compter les deux grandes mobilisations financières que sont les investissements davenir et leffort consenti dans le cadre du plan Campus.
Nous avons décidé de consacrer 5 Milliards deuros à ce plan exceptionnel destiné à faire émerger des campus dexcellence qui viendront renforcer le rayonnement de luniversité française.
10 campus ont été sélectionnés par un jury international, sur concours, puis 9 campus prometteurs et innovants ont été distingués.
Le second effort de la nation, cest le programme des investissements davenir lancé en 2009.
Sur les 35 Milliards deuros prévus, plus de 20 Milliards sont consacrés à la Recherche, à lEnseignement supérieur et à la Formation.
229 projets ont été sélectionnés et ils démarrent aujourdhui leurs activités.
Près de 70 % sont portés directement par une université ou par un groupement détablissements comprenant une université, parce que nous avons tenu à ce que luniversité soit au coeur du processus de transformation du paysage institutionnel français en matière dEnseignement supérieur et de Recherche.
Une deuxième vague dappels à projets est lancée, pour des premiers résultats attendus fin décembre 2011 et jusquen février 2012.
Parmi tous ces projets, les plus emblématiques sont les initiatives dexcellence, dotées de 7,7 Milliards deuros. Elles devront faire émerger en France 5 à 10 pôles pluridisciplinaires de rang international, capables de rivaliser avec les plus grandes universités du monde.
Vous en êtes les témoins, lexcellence de notre formation supérieure et de notre recherche est reconnue. Mais face à la crise et dans un contexte mondial qui a ses propres règles, classement de Shanghai ou pas, il faut mettre en commun toutes nos forces, afin dattirer les meilleurs, et afin de vous doffrir les conditions de travail optimales.
A tous ceux qui sont aujourdhui récompensés, je dis que lenthousiasme qui les emporte est utile à notre pays. Aucune de leur recherche nest inutile, aucun domaine dinvestigation nest vain. Je crois à la force entraînante de lintelligence. Cest par la découverte dun savoir nouveau que vous forgerez de nouvelles connaissances, qui elles-mêmes donneront naissance à dautres connaissances qui élèveront la Nation, qui laideront dans sa compréhension du monde, et dans ses réalisations économiques.
Il y a 500 ans, Raphaël a peint lune de ses plus célèbres fresques intitulée lEcole dAthènes. Dans un décor magnifique qui pourrait être celui dune autre Sorbonne, autour dun escalier, on voit une cinquantaine de personnages vêtus de toges, à la mode antique, qui ne sont pas sans rappeler jallais dire les lauréats honorés aujourdhui mais aussi ceux qui les ont choisis. On y trouve, comme en cet instant, des représentants de chacune des grandes disciplines de lesprit, en hommage au pouvoir de la raison.
On y voit les mathématiques pratiques et les mathématiques spéculatives, comme des symboles de la recherche fondamentale et la recherche appliquée, mais aussi la philosophie, qui pourrait représenter lensemble des sciences humaines daujourdhui.
Au centre de cette grande fresque se détachent deux figures marquantes : Platon et Aristote. Le premier pointe son doigt vers le ciel et le second vers la terre. Cest là limage des deux continents entre lesquels vous naviguez : les contraintes de la nature et les espaces infinis de lesprit ; les profondes vallées de la réalité et les hauteurs de la pensée; le terreau fertile de notre société et le goût pour lexcellence qui vous guidera sans cesse dans vos travaux.
La recherche est une exigence.
La découverte de nouvelles connaissances est le ferment dune société qui veut maîtriser son destin, et qui, pour cela, ne renonce pas à sonder lucidement son âme afin de trouver les chemins raisonnables du progrès.
Votre tâche est déterminante, parce quelle est essentielle à notre avenir commun. Voilà simplement ce je suis venu vous dire, en célébrant tout à la fois vos mérites mais aussi vos responsabilités.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 décembre 2011