Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés.
LEurope traverse des heures difficiles. Ce nest pas la première fois mais cette crise est certainement la plus sérieuse et la plus complexe de son Histoire. Le basculement de léconomie mondiale place lEurope sous un éclairage cruel qui met en lumière ses faiblesses. La peur des investisseurs face à la montagne des dettes accumulées depuis des décennies est lexpression dun doute fondamental sur la capacité politique et économique de notre Union à demeurer un des grands pôles du monde à venir.
Les Français sont légitimement désemparés devant la succession des évènements. La crise invite à sa table tout un cortège de faux prophètes et de populistes et nous sommes quant à nous, tous ensemble invités à agir avec sang-froid. LEurope doit sortir par le haut de cette crise et elle doit sortir de cette crise en se réinventant. Elle est mise au défi de montrer sa cohérence, sa crédibilité, sa force daction. Le déclin nest pas une fatalité et le Conseil européen de cette semaine sera un moment important pour reprendre la main.
Cette crise de la zone euro a commencé par toucher la Grèce, puis lIrlande, puis le Portugal. Aujourdhui, elle a atteint des pays du cur de la zone : lItalie ou encore lEspagne. La France nest pas épargnée et dailleurs, aucun pays ne lest. Des pays traditionnellement considérés comme très vertueux sont à leur tour affectés. Je pense à lAutriche, aux Pays-Bas, à la Finlande. Ces trois pays ont vu leurs écarts de taux avec lAllemagne se creuser de façon inédite. Et lAllemagne elle-même ne pourra être durablement épargnée si lampleur de la crise et sa contagion à lensemble de la zone euro se poursuivent.
Le coût dun éclatement de la zone euro serait exorbitant. Certains le chiffrent à près de 25 % du Produit Intérieur Brut pour les économies les plus fortes et à environ 50 % dans les pays dont léconomie est plus faible. Le continent européen serait en réalité ruiné. Lavertissement, envoyé par une Agence de notation hier, est un avertissement collectif qui concerne tous ces pays. On peut le juger inopportun. On peut considérer quil est excessif. On peut souligner à linfini le décalage entre le mode de raisonnement immédiat et brutal des marchés, et celui des Etats.
Mais en réalité, la question nest pas là. Et je veux dire au demeurant que je nindexe pas notre intérêt national et lintérêt de lEurope sur le seul avis des experts.
La vérité, cest que lEurope doit se réorganiser et quelle doit se désendetter. Ca cest un fait. Ce que nous dit cette agence, cest que pour les investisseurs, la zone euro et lEurope ont besoin dun cadre politique rigoureux, structuré, efficace, capable sur le moyen et sur le long terme de tenir ses engagements. Dune certaine façon, cest un appel à une gouvernance politique et économique plus solide. Et notre réponse est sans ambiguïté ; cette réponse cest laccord franco-allemand élaboré hier par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Il y a aussi dans lavis de cette Agence, un message dinquiétude sur la croissance et ses conséquences sur la tenue de notre trajectoire budgétaire. Je veux le dire sans ambigüité : nos engagements budgétaires sont intangibles et le Gouvernement fera tout pour quils soient strictement respectés. Notre budget 2012 est construit sur une hypothèse de croissance de 1 % mais, vous le savez, nous avons constitué une réserve de six milliards deuros, ce qui correspond très exactement à la différence entre notre prévision de croissance et celle aujourdhui de la plupart des Instituts, pour nous permettre dabsorber un aléa négatif sur la croissance. En tout état de cause, comme le reconnaissent les agences de notation elles-mêmes, notre Gouvernement a démontré sa réactivité et sa capacité à sajuster à toutes les circonstances et il continuera à le faire.
Mesdames et messieurs les députés, la crise actuelle nest pas une crise de lEuro. Cest une crise de la zone Euro et de sa gouvernance. Nous nous sommes dotés dune monnaie commune sans mettre en place les institutions politiques et financières nécessaires à sa stabilité et à sa solidité. Nous avons fait collectivement le choix de la facilité, en optant pour une fuite en avant dans lendettement. Cette dérive sest paradoxalement aggravée avec lEuro qui a joué un rôle danesthésiant et qui nous a permis de repousser au lendemain leffort que nous devions faire.
Maintenant, toutes les nations européennes, solidaires, doivent faire des efforts pour établir leur souveraineté financière. Cest un devoir moral vis-à-vis de nos enfants et cest devoir politique si nous voulons maitriser notre destin.
Cela vaut évidemment pour les Etats membres qui ont dévié de la trajectoire quils auraient dû suivre. Je veux dire à ce sujet, que les décisions prises par plusieurs de nos partenaires sont encourageantes. Après plusieurs semaines de très grandes incertitudes, la Grèce a donné des gages sur un soutien politique large pour mener les réformes attendues en contrepartie de laide exceptionnelle octroyée ces derniers mois. Ce qui permet dailleurs le déblocage dune nouvelle tranche de huit milliards deuros.
Les autres pays européens qui connaissent dimportantes difficultés de refinancement lItalie ou lEspagne notamment ont redit leur détermination à mettre en uvre de manière rigoureuse des politiques de redressement de leurs finances publiques. Et je veux profiter de loccasion pour dire le respect qui est le nôtre pour le plan extrêmement ambitieux que vient de présenter le gouvernement de Monsieur Mario Monti, en Italie.
Les dates de retour sous les 3 % ou de retour à léquilibre doivent être confirmées et elles doivent être sécurisées. Et je veux dire que sur point, aucune dérive nest permise. Les décisions se prennent avant tout au niveau national, mais lEurope doit accompagner nos efforts. Les derniers mois nous ont permis de faire davantage de progrès que nous nen avions faits en vingt ans en matière de gouvernance européenne. Les mesures qui ont été adoptées en septembre par le Conseil et par le Parlement européen, représentent déjà un acquis substantiel puisquelles permettront une surveillance accrue des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques. Lors du Sommet de la zone Euro du 26 octobre, nous avons ajouté plusieurs mesures, reprises dans les propositions que vient dadopter la Commission européenne.
Mais il nous faut aller plus loin et il nous faut aller plus fort, comme lont souligné hier le Président de la République et la Chancelière allemande.
Quest-ce que nous souhaitons ?
Dabord un gouvernement économique de la zone Euro. Parce que pour nous, lEurope cest dabord une affaire politique. Et cest par la politique que lEurope avance et cest par la politique que lon rend des comptes au peuple. Nous avons décidé au dernier sommet de la zone Euro que les chefs dEtat et de gouvernements se réuniraient au moins deux fois par an. Le Président de la République et la Chancelière allemande proposent désormais que ces réunions soient mensuelles, sur la base dordres du jour précis. Celles-ci devront permettre daborder les sujets de stabilité financière, mais aussi les sujets de convergence économique et fiscale, ainsi que notre stratégie de soutien à la croissance et à la compétitivité.
Cela fait plusieurs années que la France réclame la mise en place dun gouvernement économique de la zone Euro. Nous avons maintenant un accord solide avec lAllemagne pour le réaliser.
Ensuite, nous devons nous assurer de davantage de discipline au niveau européen. Cette discipline reposera dabord sur un volet préventif plus fort : cest la règle dor. Il faut que le principe et le contenu de cette règle dor soient fixés au niveau européen et quelle soit ensuite transposée par chaque Etat dans son droit national. La Cour de Justice, comme cest son rôle, pourra vérifier que la transposition a été correcte. Mais cest ensuite à chaque juge national quil appartiendra de lappliquer.
Bref, Mesdames et Messieurs les Député, comme le souhaitait la France, la Cour de Justice ne pourra en aucun cas se prononcer sur le budget dun Etat membre. Cette discipline reposera ensuite sur un volet correctif plus efficace. Lorsque le déficit dun Etat dépasse le seuil de 3 %, il sexposera à des sanctions. Des sanctions qui seront adoptées par le Conseil, sauf si une majorité qualifiée sy oppose.
Je crois Mesdames et Messieurs les Députés, quil est temps de comprendre que ça nest pas les sanctions qui minent la souveraineté nationale. Ce qui mine la souveraineté nationale cest le laxisme des Etats qui ignorent leurs engagements vis-à-vis de leurs partenaires.
Mais nos efforts seraient vains sans davantage de solidarité entre les pays européens. Nous avons ensemble partagé les bénéfices de lEurope et de lEuro. Ensemble, nous devons maintenant la protéger contre les menaces de tension ou déclatement. Nous ne devons laisser aucun doute aux investisseurs sur notre détermination à défendre la zone Euro. Et à cet égard, nous devons affirmer clairement que les solutions qui ont été appliquées à la Grèce sont des solutions exceptionnelles et quelles ne sappliqueront plus à aucun autre Etat membre. Nous allons ainsi envoyer un message puissant : « en Europe, les Etats respectent et honorent leur signature souveraine. Cest un message central pour rebâtir la confiance ». Il ny aura pas à lavenir, dimplication des investisseurs privés dans la restructuration dune dette souveraine dans la zone Euro. Aucun épargnant ne risquera de perdre son argent en le prêtant à un pays de la zone Euro.
Mesdames et Messieurs les Députés, cest un point fondamental et cest sans doute le point le plus important de laccord qui a été conclu hier parce que la vérité cest que la crise que nous connaissons aujourdhui a démarré, en tout cas elle a pris la dimension que nous lui connaissons au moment où il a été décidé. Cétait dailleurs une demande forte de lAllemagne dimpliquer le secteur privé dans la restructuration de la dette souveraine de la Grèce. Eh bien, écarter ce risque cest revenir progressivement à un fonctionnement normal du financement des Etats de la zone Euro. Et cest la condition pour faire de lEuro et du système financier européen un pôle de stabilité et dattractivité pour les capitaux étrangers.
Plus de solidarité suppose dans notre esprit plusieurs choses.
Dabord, le renforcement de leffet de levier du Fonds européen de stabilité sur la base des décisions prises par les ministres des finances la semaine dernière.
Ensuite, la transformation du futur mécanisme européen de stabilité en un véritable fonds monétaire européen capable de venir en aide aux pays en difficulté. Ce fonds doit pouvoir prendre le relais du fonds européen de stabilité dès lannée prochaine et non pas en 2013 comme cela avait été prévu. Et il doit pouvoir prendre ses décisions à une majorité qualifiée et non plus à lunanimité comme cétait le cas précédemment. Quant à la Banque centrale européenne, son indépendance doit être intégralement respectée. Cest ainsi quelle pourra continuer à jouer le rôle déterminant qui est le sien dans cette période exceptionnelle.
Plus rigoureuse, plus solidaire, cette nouvelle gouvernance doit être aussi plus démocratique. Compte tenu de leur importance, les décisions dont nous avons besoin doivent être prises par des responsables politiques démocratiquement élus et rester sous le contrôle des Parlements nationaux. Personne ne souhaite un gouvernement des juges qui se substituerait à la délibération et à la décision démocratiques. Et il est clair que les sommets des Chefs dEtat et de gouvernement de la zone Euro seront la clef de voûte intergouvernementale de cette nouvelle gouvernance de la zone Euro.
Cest pour mettre en place ces éléments qui permettent de refonder la zone Euro, que nous avons besoin dun traité. Le Conseil européen de cette semaine devra déterminer quelle doit être la voie à suivre pour ce traité. Dans lidéal, il devrait prendre la forme dune révision des actuels traités européens et donc passer par un accord unanime des 27. Mais sil apparaît dès le week-end prochain que cela nest pas possible. Alors nous sommes déterminés à aller de lavant sans attendre, entre les 17 Etats membres de la zone Euro et ceux qui seraient volontaires pour les rejoindre, comme lont proposé hier le Président de la République et la Chancelière. Notre objectif cest de conclure un accord au mois de mars 2012. Celui-ci devant être ratifié avant la fin de lannée 2012.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Lintégralité de nos efforts vise à recréer la confiance en Europe et à préparer le chemin de la croissance. La crise a montré que ce qui était en jeu, cest moins le niveau de la dette publique en soi, que la soutenabilité de cette dette. Or, nous le savons bien, sans croissance il ny a pas de dette soutenable. A court terme, ce Conseil européen va lancer le « semestre européen». Lobjectif cest de fixer les priorités de nos politiques économiques dans lannée qui vient. Cest une étape significative pour coordonner les réformes. A moyen terme, nous voulons aussi déterminer le rythme de consolidation que nous devons adopter pour ne pas mettre en péril la croissance. Comment protéger la croissance tout en sécurisant nos objectifs budgétaires ? Cest la double nécessité qui préside à lensemble de nos choix.
Je veux dire que pour cette raison, la France sera très vigilante à ce que les dispositions que nous pourrions introduire dans les Traités soient équilibrées. Ces dispositions devront favoriser une meilleure coordination de nos politiques et pas uniquement budgétaires, mais aussi de nos politiques fiscales, sociales et en matière de régulation des marchés financiers. Une Europe au service de la croissance, cela signifie des programmes européens de recherche plus efficaces et mieux ciblés. Ca signifie développer comme la France la proposé le capital-risque européen. Ca signifie mettre en place un fonds européen des brevets. Ca veut dire aussi installer un environnement réglementaire qui soit favorable à léconomie numérique ou encore qui soit favorable à linstauration de gros champions européens dans la compétition mondiale.
Cest un des enjeux des discussions qui souvrent sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020. Le Conseil européen de jeudi et vendredi devra donner un mandat à la Présidence danoise pour progresser sur ce dossier avec comme objectif un accord avant la fin de lannée 2012.
Avec ce budget européen qui sera forcément contraint, il faudra préserver la Politique Agricole Commune tout en ciblant les dépenses les plus utiles à la croissance et à lemploi. Et derrière les chiffres, ce veut dire quil faudra progresser vers ce quon pourrait appeler «dépenser mieux», pour les politiques communes qui ne se sont pas aujourdhui adaptées au contexte de crise et au contexte de concurrence internationale. Je pense à la politique de cohésion et je pense à celle de linnovation et de la recherche.
Mesdames et Messieurs les Députés, aucune institution européenne na plus la crédibilité nécessaire pour revendiquer le monopole de lintérêt général européen.
Cest ensemble que nous travaillons à lintérêt général, à Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg mais aussi dans chacun des Etats membres et dans chacun des Parlements nationaux. Ici, vous êtes tous les interprètes de notre nation, mais lHistoire vous porte à être aussi ceux dune Europe qui a besoin de chacun dentre-nous. Au-delà des clivages, au-delà des échéances électorales, nous devons afficher une volonté politique commune. Nous devons afficher une volonté Française.
Ensemble, Mesdames et Messieurs les Députés, rappelons pourquoi nous nous battons pour sauver lEuro et pour sauver lEurope. Rappelons, sans démagogie, pourquoi nous ne distinguons pas lintérêt national de lintérêt européen. Rappelons pourquoi lunité franco-allemande est lun de nos biens les plus précieux et pourquoi, entre nos deux nations, il ne peut y avoir de vainqueur ou de vaincu, mais la volonté permanente davancer ensemble par des compromis et par le respect mutuel.
Ensemble, rappelons que lEurope cest bien plus que des institutions, cest une Culture, cest une Histoire, cest une rencontre entre des nations anciennes et brillantes. Je crois à la présence dune civilisation européenne. Lhumanisme. La solidarité. LEtat de droit. La confiance placée dans la science, dans linnovation ou dans le progrès. Toutes ces valeurs disent où commence et où sépanouit lEurope. Et je crois que ces valeurs peuvent faire de lEurope lun des grands pôles du XXIème siècle. Alors, ne laissons pas le monde s'habituer à une Europe faible et à une Europe déclinante que l'on pourrait traiter avec condescendance.
Quand je compare lEurope moderne à ce quelle était hier, je vois les résultats de laudace de nos pères. Je vois des hommes qui ont brisé une tradition millénaire de conflits et de violences. Je vois 17 pays soudés autour dune monnaie unique. Je vois 27 jeunesses appelées à grandir ensemble sans défiance. 27 peuples unis qui nous interdisent de jouer les blasés, ou les indifférents.
Mesdames et Messieurs les Députés, la crise nous impose de redéfinir le projet européen. Elle nous commande de nous affirmer comme une puissance capable de réagir rapidement et concrètement aux chocs.
Eh bien nous devons relever le défi et nous devons montrer que nous avons décidé d'être debout, dêtre nous-mêmes, dêtre debout et nous-mêmes pour la France et pour lEurope.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 décembre 2011
Mesdames et Messieurs les Députés.
LEurope traverse des heures difficiles. Ce nest pas la première fois mais cette crise est certainement la plus sérieuse et la plus complexe de son Histoire. Le basculement de léconomie mondiale place lEurope sous un éclairage cruel qui met en lumière ses faiblesses. La peur des investisseurs face à la montagne des dettes accumulées depuis des décennies est lexpression dun doute fondamental sur la capacité politique et économique de notre Union à demeurer un des grands pôles du monde à venir.
Les Français sont légitimement désemparés devant la succession des évènements. La crise invite à sa table tout un cortège de faux prophètes et de populistes et nous sommes quant à nous, tous ensemble invités à agir avec sang-froid. LEurope doit sortir par le haut de cette crise et elle doit sortir de cette crise en se réinventant. Elle est mise au défi de montrer sa cohérence, sa crédibilité, sa force daction. Le déclin nest pas une fatalité et le Conseil européen de cette semaine sera un moment important pour reprendre la main.
Cette crise de la zone euro a commencé par toucher la Grèce, puis lIrlande, puis le Portugal. Aujourdhui, elle a atteint des pays du cur de la zone : lItalie ou encore lEspagne. La France nest pas épargnée et dailleurs, aucun pays ne lest. Des pays traditionnellement considérés comme très vertueux sont à leur tour affectés. Je pense à lAutriche, aux Pays-Bas, à la Finlande. Ces trois pays ont vu leurs écarts de taux avec lAllemagne se creuser de façon inédite. Et lAllemagne elle-même ne pourra être durablement épargnée si lampleur de la crise et sa contagion à lensemble de la zone euro se poursuivent.
Le coût dun éclatement de la zone euro serait exorbitant. Certains le chiffrent à près de 25 % du Produit Intérieur Brut pour les économies les plus fortes et à environ 50 % dans les pays dont léconomie est plus faible. Le continent européen serait en réalité ruiné. Lavertissement, envoyé par une Agence de notation hier, est un avertissement collectif qui concerne tous ces pays. On peut le juger inopportun. On peut considérer quil est excessif. On peut souligner à linfini le décalage entre le mode de raisonnement immédiat et brutal des marchés, et celui des Etats.
Mais en réalité, la question nest pas là. Et je veux dire au demeurant que je nindexe pas notre intérêt national et lintérêt de lEurope sur le seul avis des experts.
La vérité, cest que lEurope doit se réorganiser et quelle doit se désendetter. Ca cest un fait. Ce que nous dit cette agence, cest que pour les investisseurs, la zone euro et lEurope ont besoin dun cadre politique rigoureux, structuré, efficace, capable sur le moyen et sur le long terme de tenir ses engagements. Dune certaine façon, cest un appel à une gouvernance politique et économique plus solide. Et notre réponse est sans ambiguïté ; cette réponse cest laccord franco-allemand élaboré hier par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Il y a aussi dans lavis de cette Agence, un message dinquiétude sur la croissance et ses conséquences sur la tenue de notre trajectoire budgétaire. Je veux le dire sans ambigüité : nos engagements budgétaires sont intangibles et le Gouvernement fera tout pour quils soient strictement respectés. Notre budget 2012 est construit sur une hypothèse de croissance de 1 % mais, vous le savez, nous avons constitué une réserve de six milliards deuros, ce qui correspond très exactement à la différence entre notre prévision de croissance et celle aujourdhui de la plupart des Instituts, pour nous permettre dabsorber un aléa négatif sur la croissance. En tout état de cause, comme le reconnaissent les agences de notation elles-mêmes, notre Gouvernement a démontré sa réactivité et sa capacité à sajuster à toutes les circonstances et il continuera à le faire.
Mesdames et messieurs les députés, la crise actuelle nest pas une crise de lEuro. Cest une crise de la zone Euro et de sa gouvernance. Nous nous sommes dotés dune monnaie commune sans mettre en place les institutions politiques et financières nécessaires à sa stabilité et à sa solidité. Nous avons fait collectivement le choix de la facilité, en optant pour une fuite en avant dans lendettement. Cette dérive sest paradoxalement aggravée avec lEuro qui a joué un rôle danesthésiant et qui nous a permis de repousser au lendemain leffort que nous devions faire.
Maintenant, toutes les nations européennes, solidaires, doivent faire des efforts pour établir leur souveraineté financière. Cest un devoir moral vis-à-vis de nos enfants et cest devoir politique si nous voulons maitriser notre destin.
Cela vaut évidemment pour les Etats membres qui ont dévié de la trajectoire quils auraient dû suivre. Je veux dire à ce sujet, que les décisions prises par plusieurs de nos partenaires sont encourageantes. Après plusieurs semaines de très grandes incertitudes, la Grèce a donné des gages sur un soutien politique large pour mener les réformes attendues en contrepartie de laide exceptionnelle octroyée ces derniers mois. Ce qui permet dailleurs le déblocage dune nouvelle tranche de huit milliards deuros.
Les autres pays européens qui connaissent dimportantes difficultés de refinancement lItalie ou lEspagne notamment ont redit leur détermination à mettre en uvre de manière rigoureuse des politiques de redressement de leurs finances publiques. Et je veux profiter de loccasion pour dire le respect qui est le nôtre pour le plan extrêmement ambitieux que vient de présenter le gouvernement de Monsieur Mario Monti, en Italie.
Les dates de retour sous les 3 % ou de retour à léquilibre doivent être confirmées et elles doivent être sécurisées. Et je veux dire que sur point, aucune dérive nest permise. Les décisions se prennent avant tout au niveau national, mais lEurope doit accompagner nos efforts. Les derniers mois nous ont permis de faire davantage de progrès que nous nen avions faits en vingt ans en matière de gouvernance européenne. Les mesures qui ont été adoptées en septembre par le Conseil et par le Parlement européen, représentent déjà un acquis substantiel puisquelles permettront une surveillance accrue des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques. Lors du Sommet de la zone Euro du 26 octobre, nous avons ajouté plusieurs mesures, reprises dans les propositions que vient dadopter la Commission européenne.
Mais il nous faut aller plus loin et il nous faut aller plus fort, comme lont souligné hier le Président de la République et la Chancelière allemande.
Quest-ce que nous souhaitons ?
Dabord un gouvernement économique de la zone Euro. Parce que pour nous, lEurope cest dabord une affaire politique. Et cest par la politique que lEurope avance et cest par la politique que lon rend des comptes au peuple. Nous avons décidé au dernier sommet de la zone Euro que les chefs dEtat et de gouvernements se réuniraient au moins deux fois par an. Le Président de la République et la Chancelière allemande proposent désormais que ces réunions soient mensuelles, sur la base dordres du jour précis. Celles-ci devront permettre daborder les sujets de stabilité financière, mais aussi les sujets de convergence économique et fiscale, ainsi que notre stratégie de soutien à la croissance et à la compétitivité.
Cela fait plusieurs années que la France réclame la mise en place dun gouvernement économique de la zone Euro. Nous avons maintenant un accord solide avec lAllemagne pour le réaliser.
Ensuite, nous devons nous assurer de davantage de discipline au niveau européen. Cette discipline reposera dabord sur un volet préventif plus fort : cest la règle dor. Il faut que le principe et le contenu de cette règle dor soient fixés au niveau européen et quelle soit ensuite transposée par chaque Etat dans son droit national. La Cour de Justice, comme cest son rôle, pourra vérifier que la transposition a été correcte. Mais cest ensuite à chaque juge national quil appartiendra de lappliquer.
Bref, Mesdames et Messieurs les Député, comme le souhaitait la France, la Cour de Justice ne pourra en aucun cas se prononcer sur le budget dun Etat membre. Cette discipline reposera ensuite sur un volet correctif plus efficace. Lorsque le déficit dun Etat dépasse le seuil de 3 %, il sexposera à des sanctions. Des sanctions qui seront adoptées par le Conseil, sauf si une majorité qualifiée sy oppose.
Je crois Mesdames et Messieurs les Députés, quil est temps de comprendre que ça nest pas les sanctions qui minent la souveraineté nationale. Ce qui mine la souveraineté nationale cest le laxisme des Etats qui ignorent leurs engagements vis-à-vis de leurs partenaires.
Mais nos efforts seraient vains sans davantage de solidarité entre les pays européens. Nous avons ensemble partagé les bénéfices de lEurope et de lEuro. Ensemble, nous devons maintenant la protéger contre les menaces de tension ou déclatement. Nous ne devons laisser aucun doute aux investisseurs sur notre détermination à défendre la zone Euro. Et à cet égard, nous devons affirmer clairement que les solutions qui ont été appliquées à la Grèce sont des solutions exceptionnelles et quelles ne sappliqueront plus à aucun autre Etat membre. Nous allons ainsi envoyer un message puissant : « en Europe, les Etats respectent et honorent leur signature souveraine. Cest un message central pour rebâtir la confiance ». Il ny aura pas à lavenir, dimplication des investisseurs privés dans la restructuration dune dette souveraine dans la zone Euro. Aucun épargnant ne risquera de perdre son argent en le prêtant à un pays de la zone Euro.
Mesdames et Messieurs les Députés, cest un point fondamental et cest sans doute le point le plus important de laccord qui a été conclu hier parce que la vérité cest que la crise que nous connaissons aujourdhui a démarré, en tout cas elle a pris la dimension que nous lui connaissons au moment où il a été décidé. Cétait dailleurs une demande forte de lAllemagne dimpliquer le secteur privé dans la restructuration de la dette souveraine de la Grèce. Eh bien, écarter ce risque cest revenir progressivement à un fonctionnement normal du financement des Etats de la zone Euro. Et cest la condition pour faire de lEuro et du système financier européen un pôle de stabilité et dattractivité pour les capitaux étrangers.
Plus de solidarité suppose dans notre esprit plusieurs choses.
Dabord, le renforcement de leffet de levier du Fonds européen de stabilité sur la base des décisions prises par les ministres des finances la semaine dernière.
Ensuite, la transformation du futur mécanisme européen de stabilité en un véritable fonds monétaire européen capable de venir en aide aux pays en difficulté. Ce fonds doit pouvoir prendre le relais du fonds européen de stabilité dès lannée prochaine et non pas en 2013 comme cela avait été prévu. Et il doit pouvoir prendre ses décisions à une majorité qualifiée et non plus à lunanimité comme cétait le cas précédemment. Quant à la Banque centrale européenne, son indépendance doit être intégralement respectée. Cest ainsi quelle pourra continuer à jouer le rôle déterminant qui est le sien dans cette période exceptionnelle.
Plus rigoureuse, plus solidaire, cette nouvelle gouvernance doit être aussi plus démocratique. Compte tenu de leur importance, les décisions dont nous avons besoin doivent être prises par des responsables politiques démocratiquement élus et rester sous le contrôle des Parlements nationaux. Personne ne souhaite un gouvernement des juges qui se substituerait à la délibération et à la décision démocratiques. Et il est clair que les sommets des Chefs dEtat et de gouvernement de la zone Euro seront la clef de voûte intergouvernementale de cette nouvelle gouvernance de la zone Euro.
Cest pour mettre en place ces éléments qui permettent de refonder la zone Euro, que nous avons besoin dun traité. Le Conseil européen de cette semaine devra déterminer quelle doit être la voie à suivre pour ce traité. Dans lidéal, il devrait prendre la forme dune révision des actuels traités européens et donc passer par un accord unanime des 27. Mais sil apparaît dès le week-end prochain que cela nest pas possible. Alors nous sommes déterminés à aller de lavant sans attendre, entre les 17 Etats membres de la zone Euro et ceux qui seraient volontaires pour les rejoindre, comme lont proposé hier le Président de la République et la Chancelière. Notre objectif cest de conclure un accord au mois de mars 2012. Celui-ci devant être ratifié avant la fin de lannée 2012.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Lintégralité de nos efforts vise à recréer la confiance en Europe et à préparer le chemin de la croissance. La crise a montré que ce qui était en jeu, cest moins le niveau de la dette publique en soi, que la soutenabilité de cette dette. Or, nous le savons bien, sans croissance il ny a pas de dette soutenable. A court terme, ce Conseil européen va lancer le « semestre européen». Lobjectif cest de fixer les priorités de nos politiques économiques dans lannée qui vient. Cest une étape significative pour coordonner les réformes. A moyen terme, nous voulons aussi déterminer le rythme de consolidation que nous devons adopter pour ne pas mettre en péril la croissance. Comment protéger la croissance tout en sécurisant nos objectifs budgétaires ? Cest la double nécessité qui préside à lensemble de nos choix.
Je veux dire que pour cette raison, la France sera très vigilante à ce que les dispositions que nous pourrions introduire dans les Traités soient équilibrées. Ces dispositions devront favoriser une meilleure coordination de nos politiques et pas uniquement budgétaires, mais aussi de nos politiques fiscales, sociales et en matière de régulation des marchés financiers. Une Europe au service de la croissance, cela signifie des programmes européens de recherche plus efficaces et mieux ciblés. Ca signifie développer comme la France la proposé le capital-risque européen. Ca signifie mettre en place un fonds européen des brevets. Ca veut dire aussi installer un environnement réglementaire qui soit favorable à léconomie numérique ou encore qui soit favorable à linstauration de gros champions européens dans la compétition mondiale.
Cest un des enjeux des discussions qui souvrent sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020. Le Conseil européen de jeudi et vendredi devra donner un mandat à la Présidence danoise pour progresser sur ce dossier avec comme objectif un accord avant la fin de lannée 2012.
Avec ce budget européen qui sera forcément contraint, il faudra préserver la Politique Agricole Commune tout en ciblant les dépenses les plus utiles à la croissance et à lemploi. Et derrière les chiffres, ce veut dire quil faudra progresser vers ce quon pourrait appeler «dépenser mieux», pour les politiques communes qui ne se sont pas aujourdhui adaptées au contexte de crise et au contexte de concurrence internationale. Je pense à la politique de cohésion et je pense à celle de linnovation et de la recherche.
Mesdames et Messieurs les Députés, aucune institution européenne na plus la crédibilité nécessaire pour revendiquer le monopole de lintérêt général européen.
Cest ensemble que nous travaillons à lintérêt général, à Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg mais aussi dans chacun des Etats membres et dans chacun des Parlements nationaux. Ici, vous êtes tous les interprètes de notre nation, mais lHistoire vous porte à être aussi ceux dune Europe qui a besoin de chacun dentre-nous. Au-delà des clivages, au-delà des échéances électorales, nous devons afficher une volonté politique commune. Nous devons afficher une volonté Française.
Ensemble, Mesdames et Messieurs les Députés, rappelons pourquoi nous nous battons pour sauver lEuro et pour sauver lEurope. Rappelons, sans démagogie, pourquoi nous ne distinguons pas lintérêt national de lintérêt européen. Rappelons pourquoi lunité franco-allemande est lun de nos biens les plus précieux et pourquoi, entre nos deux nations, il ne peut y avoir de vainqueur ou de vaincu, mais la volonté permanente davancer ensemble par des compromis et par le respect mutuel.
Ensemble, rappelons que lEurope cest bien plus que des institutions, cest une Culture, cest une Histoire, cest une rencontre entre des nations anciennes et brillantes. Je crois à la présence dune civilisation européenne. Lhumanisme. La solidarité. LEtat de droit. La confiance placée dans la science, dans linnovation ou dans le progrès. Toutes ces valeurs disent où commence et où sépanouit lEurope. Et je crois que ces valeurs peuvent faire de lEurope lun des grands pôles du XXIème siècle. Alors, ne laissons pas le monde s'habituer à une Europe faible et à une Europe déclinante que l'on pourrait traiter avec condescendance.
Quand je compare lEurope moderne à ce quelle était hier, je vois les résultats de laudace de nos pères. Je vois des hommes qui ont brisé une tradition millénaire de conflits et de violences. Je vois 17 pays soudés autour dune monnaie unique. Je vois 27 jeunesses appelées à grandir ensemble sans défiance. 27 peuples unis qui nous interdisent de jouer les blasés, ou les indifférents.
Mesdames et Messieurs les Députés, la crise nous impose de redéfinir le projet européen. Elle nous commande de nous affirmer comme une puissance capable de réagir rapidement et concrètement aux chocs.
Eh bien nous devons relever le défi et nous devons montrer que nous avons décidé d'être debout, dêtre nous-mêmes, dêtre debout et nous-mêmes pour la France et pour lEurope.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 décembre 2011