Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France Info le 15 décembre 2011, sur le bilan de la conférence de Durban, la prolongation de l'exploitation de la centrale de Fessenheim, la situation économique et le projet de l'UMP pour 2012.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN On va parler politique, bien sûr, avec le projet présidentiel de l’UMP, puisqu’il est présenté aujourd’hui. Mais d’abord, cette tempête qui menace la France, tout l’ouest notamment, la façade ouest, c’est la première tempête hivernale. C’est la première fois, aussi, que le dispositif « vagues-submersion » est activé. C’est une première ! Après les enseignements qu’on a tirés de la tempête Xynthia ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, on a tiré des leçons de la tempête Xynthia, on savait alerter sur les tempêtes, on le faisait. Mais pas sur le risque de submersion marine. Or…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Il fallait adapter le dispositif ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, ce n’est pas exactement le même risque et d’ailleurs, ce n’est pas forcément les mêmes réactions et les mêmes plans d’évacuation. Donc il y a aujourd’hui, une alerte météo spécifique, c’est un pictogramme, avec des vagues, on comprend assez bien, en cas de submersion. La submersion, elle peut être liée à la tempête, mais elle est liée aussi, à la marée. Elle est liée à différents phénomènes, qui font que vous pouvez avoir tempête sans submersion et vous pouvez à contrario avoir des gros risques de submersion sans tempête. En cas de submersion de risques, il faut rester chez soi, écoutez la radio. Donc au début, ça commence comme une tempête, mais les dispositifs d’évacuation sont différents et on peut être amené à évacuer beaucoup plus vite.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et effectivement, on se sera très vigilant dans les heures qui viennent, puisque le gros de la tempête est annoncé pour ce soir et cette nuit. Vous rentrez, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET de Durban, un sommet qui n’était visiblement pas à la hauteur, de vos espérances. Et on apprend en plus, que le Canada se retire du protocole. On a un petit peu envie de dire : tout ça pour ça ! Finalement !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, évidemment, on peut toujours voir le verre à moitié plein, ou le verre à moitié vide. Quand on voit l’urgence que représente la lutte contre le changement climatique, on se dit, et c’est la réalité, que les engagements de réduction, le rythme de réduction des émissions de gaz à effets de serre est insuffisant. C’est vrai, c’est, c’est insuffisant. On n’est pas sur le bon chemin, pour limiter la hausse de la température, à moins de 2 degrés Celsius. En même temps, ça fait 10 ans, qu’on attendait, de réussir à engager des négociations avec la Chine, l’Inde, et les Etats-Unis, sur leurs réductions d’émission. Dans le protocole de Kyoto, il y avait une minorité des émissions de gaz à effet mondial, représenté, il n’y avait pas les plus gros émetteurs. L’Union européenne, c’est 11 % des émissions de gaz à effet de serre mondial. Et c’est une part décroissante, parce que ça se passe en Chine, ça se passe en Inde, beaucoup, aujourd’hui, la croissante des émissions. Et puis les Etats-Unis se cachaient, derrière le refus de la Chine de négocier, pour eux-mêmes ne pas s’engager. Et ce qu’on a acquis à Durban, c’est ça, c’est l’engagement de la Chine, de l’Inde et des Etats-Unis, à négocier et se mettre d’accord ensemble avant 2015, pour des réductions d’émission avant 2020. Ce n’est pas assez, mais c’est énorme.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et ça c’est le verre à moitié plein donc ! Puisqu’on parle environnement, vous aviez dit, je crois que pour Fessenheim, pour la centrale nucléaire de Fessenheim, l’échéance à retenir, c’était janvier. On y est presque. Puisqu’on est en décembre. Est-ce que comme ça se dit en Alsace en ce moment, et comme ça s’écrit aussi, sur les sites Internet, vous allez décider de fermer la centrale. Est-ce que c’est ça, qui est en train de préparer le gouvernement, pour couper l’herbe sous le pied du Parti socialiste et d’Europe Ecologie Les Verts ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, je l’ai toujours dit, je le redis, pour faire une recommandation. J’ai besoin à la fois, d’avoir le travail de revue décennale de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, je l’ai reçu en juillet dernier.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Donc vous savez, ce qu’il y a dedans.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Donc je sais ce qu’il y a dedans.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et quelles sont les préconisations ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET L’Autorité de Sûreté Nucléaire recommande un certain nombre de travaux. Donc nous devons savoir si, ils sont techniquement possibles et qui auront un coût financier.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Elle est vieille la centrale de Fessenheim ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais ce n’est pas seulement une question d’âge. En l’occurrence ses travaux, ne sont pas liés à l’âge de la centrale, ils sont liés à la configuration. L’Autorité de Sûreté Nucléaire recommande qu’on crée une source d’eau alternative au grand canal d’Alsace. L’autorité de Sûreté Nucléaire constate que le radié, c'est-à-dire le plancher de la centrale est plus fin que dans d’autres centrales et demande à ce que sa taille soit augmentée. Et puis je l’ai dit à ce moment-là, et je le redis, il y a Fukushima qui est passé par-là, l’accident de Fukushima, le Premier ministre a lancé des audits de nos centrales nucléaires de sûreté après l’accident de Fukushima. Nous en aurons les résultats entre décembre et janvier. Moi, je veux attendre d’avoir les résultats de l’audit de Fukushima pour pouvoir tirer des conclusions sur Fessenheim. Donc à la fois…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Mais la fermeture n’est pas exclue ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET La fermeture n’est pas exclue, elle n’est pas non plus, à ce stade annoncée. Nous avons besoin de l’ensemble des décisions. Il ne faut pas aborder la sûreté nucléaire avec une démarche idéologique. Moi, je crains autant, les antis que les pros nucléaires religieux. Le nucléaire n’est pas…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est ce que fait le Parti socialiste, d’après vous ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Une religion.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Aborder la question de manière idéologique ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bien sûr ! Bien sûr ! Et de manière politique. Ce n’est pas, il y a des questions…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Mais c’est politique, ce sera au coeur de la campagne ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Que ce soit politique, et que ce soit au coeur de la campagne, qu’il y ait un débat politique sur le sujet de l’avenir nucléaire, mais la sûreté centrale par centrale, vous me pardonnerez, moi, quand je regarde les dossiers en matière de sûreté, j’essaie de balayer de ma tête, les considérations idéologiques.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors ce qui sera aussi, au coeur de la campagne à venir, c’est évidemment les questions économiques. Nicolas SARKOZY en tout début de semaine dans LE MONDE, Alain JUPPE ce matin, dans LES ECHOS, tout le monde au gouvernement monte au créneau, en ce moment, pour dire que finalement, si la France perd son triple A, ce n’est pas si grave que ça. On avait cru comprendre pourtant, que c’était un trésor national ? On s’est trompé ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Dans la vie, chacun peut le comprendre, c’est mieux d’avoir une bonne note, qu’une mauvaise note. En même temps, même si ce n’est pas une chance, c’est un inconvénient en plus, à surmonter. L’exemple des Etats-Unis par exemple, a montré qu’on pouvait vivre avec et l’économie continuait à tourner. Je rappelle que les Etats-Unis, ils ont perdu leur triple A, il y a plusieurs mois derrière.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN On n’est peut-être pas tout à fait dans la même situation ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ce n’est pas une chance, je ne vous dirais pas que ce serait indifférent ou tant mieux ! Mais on peut vivre avec.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et si les agences dégradent la France, c’est quand même un mauvais signe. Ca veut dire que le plan de Bruxelles, finalement, elles n’y croient pas !?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je crois qu’il ne faut pas raisonner comme ça. On a une crise générale de la zone euro. On a bien d’ailleurs, les évènements ont bien montré et l’attitude des agences de notation a bien montré que c’est une crise de l’ensemble de la zone euro, contrairement à ce que voulait faire croire certains en France, qui accusaient la gestion du gouvernement, ou qui disaient qu’on ne faisait pas ce qu’on devait. Ce n’est pas la réalité. C’est un problème de confiance. Est-ce que les décisions prises à Bruxelles, suffisent à rétablir la confiance ? Est-ce qu’on ne va pas avoir une période de transition avec leurs mises en oeuvre ? Parce qu’on a besoin quand même, de quelques semaines ou de quelques mois, pour leurs mises en oeuvre. C’est une question qui existe. Mais le sujet, c’est le rebond au sortir de toute cette période-là. Et moi, je crois que la France est un grand pays, avec des grands atouts, que les Français ont des cartes à jouer, dans la nouvelle phase de la mondialisation qui s’ouvre et que tout ça ne dépend que de 3 agences de notation, dont on nous parle beaucoup.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, on a parlé de la campagne électorale. On pourrait peut-être parler du projet UMP, puisque a priori, il est présenté aujourd’hui. Un projet, toujours pas de candidat, ai-je envie de vous dire ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, mais ce n’est pas un problème.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Ah !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est le projet du parti. Ce n’est pas le projet du candidat. Le parti travaille…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Donc ça va faire comme au Parti socialiste finalement, un candidat d’un côté et un parti de l’autre ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, parce que le Parti socialiste, ce n’est pas clair ! Moi, je vous dis les choses clairement. C’est le projet du parti. Ce n’est pas le projet du candidat. Le candidat, quand il sera candidat, pourra reprendre dedans, ce qui l’intéresse, et élaborer son propre projet. Au Parti socialiste, ça n’a jamais été clair ! On n’a pas compris, si ce qui était dans le projet, était revendiqué ou pas par François HOLLANDE ? L’accord entre les Verts et le PS, il est revendiqué ou pas par François HOLLANDE ? Déjà, je vais vous dire, on ne comprend ce qu’il y a dans l’accord. Parce qu’il y a plusieurs versions qui courent, moi, je n’ai pas réussi à avoir version définitive de l’accord entre Les Verts et le PS. Et je n’ai toujours pas compris si François HOLLANDE le revendiquait ou pas ?
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et vous, dans ce projet UMP, vous faites quoi exactement, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ? Vous êtes un des snipers de l’UMP en direction du Front national, par exemple ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET J’ai entendu ce mot tout à l’heure, sur votre antenne, « sniper » je ne me reconnais pas tout à fait dedans. Mais moi, j’essaie de mettre en enfant, tout simplement mes convictions qui sont, je le redis, qu’en dépit de cette crise qui est considérable, de la vie qui est dur en ce moment, la France a des atouts, et nous ne devons pas désespérer. On a vécu une phase de mondialisation qui était une mondialisation, standardisation des produits, on cherchait à avoir tous les mêmes produits, les t-shirts, les téléphones, le moins chers possible, forcément produits en Chine. Parce que les critères de la mondialisation, c’était les salaires au plus bas coût, c’était l’accès aux matières premières, la France n’avait pas du tout là-dedans. On arrive dans une phase de la mondialisation, différenciation, identité, on veut des produits qui nous ressemblent, on veut de la proximité, on a besoin de sobriété notamment énergétique de qualité, ça, c’est bon pour la France, ce moment de la France revient en dépit, de toutes les difficultés du moment que je vois bien, et que je vis bien.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 19 décembre 2011