Texte intégral
J.-P. Elkabbach - Je vous invite à écouter la revue de presse de M. Grossiord tout à l'heure, mais peut-être avez-vous déjà lu, ce matin, la presse : "Les partenaires sociaux à Matignon" ; "L'ultimatum Seillière-Jospin" ; "La grande explication" ; "Le nouvel affrontement Jospin-Seillière." Le Président du Medef fait votre job d'opposants ?
- "Non, pas du tout. Le problème n'est pas de savoir s'il fait notre job d'opposants, comme vous dites, mais de savoir si le Medef va se retirer de la Sécurité sociale. Qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que je constate ? Je constate simplement que Jospin ce n'est pas le dialogue social ; Jospin a une conception des rapports sociaux comme on l'avait au XIXème siècle, avec l'affrontement des uns contre les autres. Ce n'est pas comme ça. Ce qui me préoccupe, moi, c'est cette fin du paritarisme. Quelles en sont les conséquences ? C'est à l'évidence l'échec du dialogue social et à l'évidence, l'étatisation de la Sécurité sociale."
Deux ou trois remarques. Premièrement, c'est L. Jospin, Premier ministre, qui reçoit les syndicats, tous les syndicats et peut-être pas l'opposition. Et deuxièmement, vous voulez dire que le Medef doit rester alors dans le système paritaire, qu'il ne doit pas s'en aller ?
- "Je constate que Jospin c'est l'absence de dialogue social, mais c'est aussi l'absence de dialogue politique. On le voit sur les réformes qu'il propose, notamment sur la réforme de la responsabilité pénale du Président de la République, la modification de la Constitution, c'est le refus du consensus et le refus du dialogue. Voilà la méthode Jospin. Je suis très préoccupé. Il y a le problème du financement des 35 heures. Là aussi, on voit la méthode Jospin : on fait des réformes et on ne les finance pas."
Puis-je vous demander, car vous ne m'avez pas répondu, si le Medef doit rester dans le système paritaire ?
- "Je vous dis oui, parce que je suis partisan du dialogue social."
Est-ce que vous demandez, comme L. Fabius, un assouplissement de l'application des 35 heures aux PME avant 2002 ?
- "Oui, mais je me demande pourquoi L. Fabius, qui fait partie du Gouvernement, a accepté que ce gouvernement fasse voter une loi dite pompeusement "de modernisation sociale", qui va à l'encontre de la souplesse qu'il recherche. "
Vous avez parlé du vote qui va avoir lieu cet après-midi par les députés socialistes du statut pénal qui a été mijoté pour le Président de la République d'après 2002. Est-ce pour vous un leurre entre socialistes, une manière d'échapper à A. Montebourg qui veut mettre en accusation le Président devant la Haute cour de justice ou c'est autre chose ?
- "C'est le recyclage de la proposition Montebourg. Il s'agit, au moment où la majorité plurielle implose - les Verts contestent, le PC critique, Chevènement sans arrêt fait entendre sa voix - de faire un leurre et ce leurre, c'est la proposition Ayrault de la responsabilité pénale du Président de la République. Alors, que l'on soit très clair : pour moi, il n'y a pas de tabou constitutionnel ; on peut vouloir modifier la Constitution ..."
Cela veut dire que vous allez faire, vous, opposition, des propositions dans ce sens sur ce problème ?
- "Nous n'arrêtons pas d'en faire. D'abord il faut partir d'un principe. Dans toute démocratie, c'est vraiment admis par tout le monde, il y a une protection particulière pour le chef de l'Etat, parce que sa fonction n'est pas une fonction ordinaire."
Un Président de la République ne peut pas être un citoyen ordinaire ?
- "C'est un citoyen qui n'est pas au-dessus des lois mais qui bénéficie d'un privilège de juridiction. Si on veut étudier la responsabilité des hommes politiques quand ils sont au plus haut niveau de l'Etat - Président de la République, Premier ministre, ministres, députés -, il faut une réflexion d'ensemble. Pourquoi, dans cette proposition de loi, ne traiter que le Président de la République, ne pas traiter les ministres, les députés, et même ne pas traiter les diplomates étrangers en poste en France qui bénéficient d'un régime particulier ? Bref, oui à une réflexion sur l'évolution de la Constitution, sur ce point comme dans d'autres, mais pas maintenant."
Qui la fait et quand ?
- "Toutes les réformes constitutionnelles sont l'objet d'une longue réflexion et d'un consensus. Ne profitons pas d'une veille d'élection présidentielle pour faire de l'agitation partisane et politique sur la Constitution."
Donc, vous prendrez l'initiative en 2002, après l'élection présidentielle ?
- "Je souhaite, après les élections, qu'il y ait une réflexion sur l'adaptation de nos institutions à la société actuelle."
Est-ce que vous souhaitez que le Président de la République en parle lui-même, quand il décidera, peut-être le 14 Juillet ?
- "C'est sa responsabilité, ce n'est pas la mienne."
Naturellement, je n'attendais pas une autre réponse, mais sur le fond, parce qu'il vous écoute quelquefois ?
- "Non, de toute façon il ne m'a pas écouté. S'il me posait la question, je dirais que ce n'est pas une question essentielle aujourd'hui, il y a d'autres questions qui préoccupent les Français."
On a l'impression que c'est chacun qui a son arme : les socialistes en cela, l'immunité du Président, et vous, vous traitez de temps en temps, et peut-être insistance L. Jospin de "trotskiste", ou de "sournois" ou de "pas sincère." Peut-être allez-vous arrêter ?
- "Mais le problème n'est pas de savoir s'il est trotskiste ou pas, ou s'il l'a été ou pas, c'est : pourquoi il a menti et jusqu'à quand il a été trotskiste ? Voilà. Et pourquoi, depuis deux ou trois ans, il nie l'avoir été et maintenant il minimise son rôle au sein de cet appareil trotskiste. Voilà, c'est tout."
Oui, oui ... c'est tout ? Vous n'avez pas le sentiment, permettez monsieur Debré, que, de temps en temps, vous l'énervez - vous l'accusez d'être "un nerveux" -, vous le chatouillez et vous l'accusez ou vous le traitez de "chatouilleux" !
- "Quand on est au poste de responsabilités qui est le sien, on n'est pas nerveux, on reste serein. Mais pour être serein, il ne faut pas mentir sans arrêt."
Avez-vous remarqué que deux Français sur trois pensent que la cohabitation va se dégrader ? Faut-il que chaque camp salisse le camp d'en face ou le champion du camp d'en face ?
- "En tout cas ce n'est pas ma méthode. Mais il faut que le camp d'en face fasse attention à ce qu'il fait. On voit bien que la résolution Montebourg, après avoir calomnié et calomnié, on cherche l'institutionnalisation de la calomnie."
Peut-on parler d'Elf ?
- "Si cela vous fait plaisir, oui."
Ca ne me fait pas plaisir, c'est un fait. L. Le Floch-Prigent a dit, ici, à Europe, dimanche, et R. Dumas au Figaro, qu'Elf était un système d'Etat dont le patron est depuis l'origine le président de la République. Et F. Mitterrand, dit Le Floch-Prigent, lui aurait demandé de rencontrer, seul à seul, tête à tête, les chefs de l'opposition, en l'occurrence messieurs Giscard d'Estaing et Chirac, pour tout leur dire sans censure, et il affirme l'avoir fait une ou deux fois par an. Pouvez-vous démentir ?
- "Je ne sais pas. Je ne peux ni démentir ni infirmer. Simplement, je voudrais faire trois réflexions. D'abord, si monsieur Dumas sait, qu'il parle et qu'il dise ce qu'il sait. Il y a un article du Code, je crois que c'est l'article 40, qui donne obligation à tout personnage public - fonctionnaire ou non -, quand il a connaissance de faits délictueux, de les dénoncer avec précision au procureur de la République."
S'il sait quoi ?
- "S'il sait qui a touché des commissions, comment cela s'est passé et quels ont été les circuits, qu'il le dise et qu'il ne se réfugie pas dans des insinuations. Première remarque. Deuxième remarque de monsieur Dumas, et qui est très grave sur le fonctionnement de la justice : il dit effectivement qu'il y a des affaires qui n'avancent pas, qu'on évite de procéder à certaines investigations, que certaines investigations n'ont pas été faites à l'encontre de monsieur Moatti - que je ne connais pas, mais qui serait un proche de monsieur Jospin. Si c'est vrai, c'est très grave. Effectivement, quand on regarde le panorama judiciaire, on voit qu'il y a des affaires qui n'avancent pas du tout. Je prends deux exemples au hasard : l'affaire Destrade, sur le financement occulte du PS."
C'est l'affaire d'à côté ...
- "Non, mais attendez : elle est en panne depuis six ans ! Depuis six ans, il ne se passe rien. L'affaire de la Mnef, que tout le monde connaît, qui mettrait en cause - d'après ce qu'on dit - des proches du Premier ministre actuel. En panne, depuis plusieurs années !"
Ce sont deux affaires que je traiterais avec quelqu'un de gauche. Mais aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir J.-L. Debré. Je voudrais, moi, savoir si, par exemple, ce qu'a dit Le Floch-Prigent - car on l'a entendu - à savoir que les Présidents de la République, les secrétaires généraux de l'Elysée, les ministres du Budget et de l'Economie étaient au courant de la pratique des commissions opaques destinées aux pays qui vendent un permis pétrolier à la France ?
- "Ce n'est pas à moi à vous dire, je ne le sais pas."
Vous ne savez pas s'il y avait des commissions opaques ou occultes ?
- "Non. Je ne m'occupais pas de cela et je ne me suis jamais occupé de cela. Le problème n'est pas là. Si R. Dumas sait, qu'il le dise, et qu'il le dise de manière précise. Mais il y a des remarques sur le fond qui sont plus importantes que la mise en accusation de telle ou telle personne : c'est cette justice à deux vitesses dans les affaires politiques. Et deuxièmement - au moins aussi grave - c'est ce que monsieur Dumas dit et ne cesse de répéter : ces violations systématiques du secret de l'instruction, qui sont orientées. Or, il le constate, aucun garde des Sceaux - en tout cas pas madame Guigou garde des Sceaux - n'a jamais diligenté la moindre enquête pour savoir qui était à l'origine de ces violations du secret de l'instruction et pourquoi on les avait faites. Je trouve cela surprenant."
Vous êtes en train de donner raison à R. Dumas, ou je me trompe ?
- "Je donne raison à ceux qui considèrent que la justice ne fonctionne pas aujourd'hui. Nous avons, pour nous résumer, des affaires qui ne bougent pas et nous avons des violations systématiques du secret de l'instruction. Or, la justice ne fonctionne que s'il y a la présomption d'innocence et le secret de l'instruction."
Cela veut dire que le moment est peut-être venu pour la justice d'instruire tout le vrai dossier d'Elf ?
- "Je pense que le moment est venu d'instruire tous les faits dont elle est saisie et que ceux qui connaissent un certain nombre d'informations le disent, conformément à la loi."
Il faut une commission d'enquête parlementaire ?
- "Je pense que la justice est capable de le faire."
Mais elle ne le fait pas, vous le dites vous-même !
- "Mais une commission d'enquête sur des faits dont la justice est saisie, ce n'est pas possible par les textes juridiques."
Le Floch-Prigent affirme que tout le monde utilisait les cinq avions d'Elf ou ceux qu'Elf affrétait, y compris Air France ; il cite DL, l'UDF, tout le RPR, qui passaient par un service dirigé chez Elf par A. Tarallo. A. Madelin a confirmé. Est-ce que vous, pour le RPR, vous pouvez confirmer ?
- "Non, je ne sais pas. En tout cas ce que je peux vous dire ..."
Non ?
- "Ce que je peux vous dire, c'est que moi je ne les ai jamais pris."
Cela ne suffit pas. Vous êtes un leader, le responsable du RPR !
- "Je suis responsable du groupe parlementaire. Je ne sais pas. Quand on affirme des choses, on donne des faits précis. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai jamais eu connaissance d'utilisation des avions Elf par les gens qui étaient autour de moi."
Mais ça ne veut pas dire que cela ne se faisait pas, ni ici, ni là, ni les socialistes, puisqu'il l'a dit.
- "Puisqu'il le dit, je veux bien le croire mais qu'il donne des faits précis. Encore une fois, on en revient aux textes fondamentaux, à l'article du Code de procédure pénale qui donne obligation à quelqu'un qui connaît des faits délictueux à les dénoncer au procureur de la République. Alors, que messieurs Tarallo, Le Floch-Prigent, Dumas et autres ne se réfugient pas dans des allusions. Ils donnent des faits précis."
Monsieur Le Floch-Prigent a été interrogé mardi dernier, à Nanterre, sur un ancien premier adjoint de la mairie de Paris, P. Violet, qui est resté, paraît-il, 13 ans - de 1983 à 1995 - cadre salarié d'Elf sans y mettre les pieds. Est-ce que ça vous semble possible ? Est-ce que, là aussi, vous demandez qu'il y ait une enquête ?
- "Demandez à ce monsieur de répondre à cette question. Ce n'est pas à moi. Moi, je ne connais pas."
Je reviens à des problèmes politiques - on sort un peu de l'affaire Elf. Quand vous entendez le Premier ministre, qui prépare avec L. Fabius le budget 2002, déclarer qu'il faut cesser d'associer la gauche à la culture de la dépense, pensez-vous qu'il parle juste et bien ?
- "Il parle juste, mais c'est une condamnation très dure pour tout ce qu'il a fait jusqu'à présent."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 19 juin 2001)
- "Non, pas du tout. Le problème n'est pas de savoir s'il fait notre job d'opposants, comme vous dites, mais de savoir si le Medef va se retirer de la Sécurité sociale. Qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que je constate ? Je constate simplement que Jospin ce n'est pas le dialogue social ; Jospin a une conception des rapports sociaux comme on l'avait au XIXème siècle, avec l'affrontement des uns contre les autres. Ce n'est pas comme ça. Ce qui me préoccupe, moi, c'est cette fin du paritarisme. Quelles en sont les conséquences ? C'est à l'évidence l'échec du dialogue social et à l'évidence, l'étatisation de la Sécurité sociale."
Deux ou trois remarques. Premièrement, c'est L. Jospin, Premier ministre, qui reçoit les syndicats, tous les syndicats et peut-être pas l'opposition. Et deuxièmement, vous voulez dire que le Medef doit rester alors dans le système paritaire, qu'il ne doit pas s'en aller ?
- "Je constate que Jospin c'est l'absence de dialogue social, mais c'est aussi l'absence de dialogue politique. On le voit sur les réformes qu'il propose, notamment sur la réforme de la responsabilité pénale du Président de la République, la modification de la Constitution, c'est le refus du consensus et le refus du dialogue. Voilà la méthode Jospin. Je suis très préoccupé. Il y a le problème du financement des 35 heures. Là aussi, on voit la méthode Jospin : on fait des réformes et on ne les finance pas."
Puis-je vous demander, car vous ne m'avez pas répondu, si le Medef doit rester dans le système paritaire ?
- "Je vous dis oui, parce que je suis partisan du dialogue social."
Est-ce que vous demandez, comme L. Fabius, un assouplissement de l'application des 35 heures aux PME avant 2002 ?
- "Oui, mais je me demande pourquoi L. Fabius, qui fait partie du Gouvernement, a accepté que ce gouvernement fasse voter une loi dite pompeusement "de modernisation sociale", qui va à l'encontre de la souplesse qu'il recherche. "
Vous avez parlé du vote qui va avoir lieu cet après-midi par les députés socialistes du statut pénal qui a été mijoté pour le Président de la République d'après 2002. Est-ce pour vous un leurre entre socialistes, une manière d'échapper à A. Montebourg qui veut mettre en accusation le Président devant la Haute cour de justice ou c'est autre chose ?
- "C'est le recyclage de la proposition Montebourg. Il s'agit, au moment où la majorité plurielle implose - les Verts contestent, le PC critique, Chevènement sans arrêt fait entendre sa voix - de faire un leurre et ce leurre, c'est la proposition Ayrault de la responsabilité pénale du Président de la République. Alors, que l'on soit très clair : pour moi, il n'y a pas de tabou constitutionnel ; on peut vouloir modifier la Constitution ..."
Cela veut dire que vous allez faire, vous, opposition, des propositions dans ce sens sur ce problème ?
- "Nous n'arrêtons pas d'en faire. D'abord il faut partir d'un principe. Dans toute démocratie, c'est vraiment admis par tout le monde, il y a une protection particulière pour le chef de l'Etat, parce que sa fonction n'est pas une fonction ordinaire."
Un Président de la République ne peut pas être un citoyen ordinaire ?
- "C'est un citoyen qui n'est pas au-dessus des lois mais qui bénéficie d'un privilège de juridiction. Si on veut étudier la responsabilité des hommes politiques quand ils sont au plus haut niveau de l'Etat - Président de la République, Premier ministre, ministres, députés -, il faut une réflexion d'ensemble. Pourquoi, dans cette proposition de loi, ne traiter que le Président de la République, ne pas traiter les ministres, les députés, et même ne pas traiter les diplomates étrangers en poste en France qui bénéficient d'un régime particulier ? Bref, oui à une réflexion sur l'évolution de la Constitution, sur ce point comme dans d'autres, mais pas maintenant."
Qui la fait et quand ?
- "Toutes les réformes constitutionnelles sont l'objet d'une longue réflexion et d'un consensus. Ne profitons pas d'une veille d'élection présidentielle pour faire de l'agitation partisane et politique sur la Constitution."
Donc, vous prendrez l'initiative en 2002, après l'élection présidentielle ?
- "Je souhaite, après les élections, qu'il y ait une réflexion sur l'adaptation de nos institutions à la société actuelle."
Est-ce que vous souhaitez que le Président de la République en parle lui-même, quand il décidera, peut-être le 14 Juillet ?
- "C'est sa responsabilité, ce n'est pas la mienne."
Naturellement, je n'attendais pas une autre réponse, mais sur le fond, parce qu'il vous écoute quelquefois ?
- "Non, de toute façon il ne m'a pas écouté. S'il me posait la question, je dirais que ce n'est pas une question essentielle aujourd'hui, il y a d'autres questions qui préoccupent les Français."
On a l'impression que c'est chacun qui a son arme : les socialistes en cela, l'immunité du Président, et vous, vous traitez de temps en temps, et peut-être insistance L. Jospin de "trotskiste", ou de "sournois" ou de "pas sincère." Peut-être allez-vous arrêter ?
- "Mais le problème n'est pas de savoir s'il est trotskiste ou pas, ou s'il l'a été ou pas, c'est : pourquoi il a menti et jusqu'à quand il a été trotskiste ? Voilà. Et pourquoi, depuis deux ou trois ans, il nie l'avoir été et maintenant il minimise son rôle au sein de cet appareil trotskiste. Voilà, c'est tout."
Oui, oui ... c'est tout ? Vous n'avez pas le sentiment, permettez monsieur Debré, que, de temps en temps, vous l'énervez - vous l'accusez d'être "un nerveux" -, vous le chatouillez et vous l'accusez ou vous le traitez de "chatouilleux" !
- "Quand on est au poste de responsabilités qui est le sien, on n'est pas nerveux, on reste serein. Mais pour être serein, il ne faut pas mentir sans arrêt."
Avez-vous remarqué que deux Français sur trois pensent que la cohabitation va se dégrader ? Faut-il que chaque camp salisse le camp d'en face ou le champion du camp d'en face ?
- "En tout cas ce n'est pas ma méthode. Mais il faut que le camp d'en face fasse attention à ce qu'il fait. On voit bien que la résolution Montebourg, après avoir calomnié et calomnié, on cherche l'institutionnalisation de la calomnie."
Peut-on parler d'Elf ?
- "Si cela vous fait plaisir, oui."
Ca ne me fait pas plaisir, c'est un fait. L. Le Floch-Prigent a dit, ici, à Europe, dimanche, et R. Dumas au Figaro, qu'Elf était un système d'Etat dont le patron est depuis l'origine le président de la République. Et F. Mitterrand, dit Le Floch-Prigent, lui aurait demandé de rencontrer, seul à seul, tête à tête, les chefs de l'opposition, en l'occurrence messieurs Giscard d'Estaing et Chirac, pour tout leur dire sans censure, et il affirme l'avoir fait une ou deux fois par an. Pouvez-vous démentir ?
- "Je ne sais pas. Je ne peux ni démentir ni infirmer. Simplement, je voudrais faire trois réflexions. D'abord, si monsieur Dumas sait, qu'il parle et qu'il dise ce qu'il sait. Il y a un article du Code, je crois que c'est l'article 40, qui donne obligation à tout personnage public - fonctionnaire ou non -, quand il a connaissance de faits délictueux, de les dénoncer avec précision au procureur de la République."
S'il sait quoi ?
- "S'il sait qui a touché des commissions, comment cela s'est passé et quels ont été les circuits, qu'il le dise et qu'il ne se réfugie pas dans des insinuations. Première remarque. Deuxième remarque de monsieur Dumas, et qui est très grave sur le fonctionnement de la justice : il dit effectivement qu'il y a des affaires qui n'avancent pas, qu'on évite de procéder à certaines investigations, que certaines investigations n'ont pas été faites à l'encontre de monsieur Moatti - que je ne connais pas, mais qui serait un proche de monsieur Jospin. Si c'est vrai, c'est très grave. Effectivement, quand on regarde le panorama judiciaire, on voit qu'il y a des affaires qui n'avancent pas du tout. Je prends deux exemples au hasard : l'affaire Destrade, sur le financement occulte du PS."
C'est l'affaire d'à côté ...
- "Non, mais attendez : elle est en panne depuis six ans ! Depuis six ans, il ne se passe rien. L'affaire de la Mnef, que tout le monde connaît, qui mettrait en cause - d'après ce qu'on dit - des proches du Premier ministre actuel. En panne, depuis plusieurs années !"
Ce sont deux affaires que je traiterais avec quelqu'un de gauche. Mais aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir J.-L. Debré. Je voudrais, moi, savoir si, par exemple, ce qu'a dit Le Floch-Prigent - car on l'a entendu - à savoir que les Présidents de la République, les secrétaires généraux de l'Elysée, les ministres du Budget et de l'Economie étaient au courant de la pratique des commissions opaques destinées aux pays qui vendent un permis pétrolier à la France ?
- "Ce n'est pas à moi à vous dire, je ne le sais pas."
Vous ne savez pas s'il y avait des commissions opaques ou occultes ?
- "Non. Je ne m'occupais pas de cela et je ne me suis jamais occupé de cela. Le problème n'est pas là. Si R. Dumas sait, qu'il le dise, et qu'il le dise de manière précise. Mais il y a des remarques sur le fond qui sont plus importantes que la mise en accusation de telle ou telle personne : c'est cette justice à deux vitesses dans les affaires politiques. Et deuxièmement - au moins aussi grave - c'est ce que monsieur Dumas dit et ne cesse de répéter : ces violations systématiques du secret de l'instruction, qui sont orientées. Or, il le constate, aucun garde des Sceaux - en tout cas pas madame Guigou garde des Sceaux - n'a jamais diligenté la moindre enquête pour savoir qui était à l'origine de ces violations du secret de l'instruction et pourquoi on les avait faites. Je trouve cela surprenant."
Vous êtes en train de donner raison à R. Dumas, ou je me trompe ?
- "Je donne raison à ceux qui considèrent que la justice ne fonctionne pas aujourd'hui. Nous avons, pour nous résumer, des affaires qui ne bougent pas et nous avons des violations systématiques du secret de l'instruction. Or, la justice ne fonctionne que s'il y a la présomption d'innocence et le secret de l'instruction."
Cela veut dire que le moment est peut-être venu pour la justice d'instruire tout le vrai dossier d'Elf ?
- "Je pense que le moment est venu d'instruire tous les faits dont elle est saisie et que ceux qui connaissent un certain nombre d'informations le disent, conformément à la loi."
Il faut une commission d'enquête parlementaire ?
- "Je pense que la justice est capable de le faire."
Mais elle ne le fait pas, vous le dites vous-même !
- "Mais une commission d'enquête sur des faits dont la justice est saisie, ce n'est pas possible par les textes juridiques."
Le Floch-Prigent affirme que tout le monde utilisait les cinq avions d'Elf ou ceux qu'Elf affrétait, y compris Air France ; il cite DL, l'UDF, tout le RPR, qui passaient par un service dirigé chez Elf par A. Tarallo. A. Madelin a confirmé. Est-ce que vous, pour le RPR, vous pouvez confirmer ?
- "Non, je ne sais pas. En tout cas ce que je peux vous dire ..."
Non ?
- "Ce que je peux vous dire, c'est que moi je ne les ai jamais pris."
Cela ne suffit pas. Vous êtes un leader, le responsable du RPR !
- "Je suis responsable du groupe parlementaire. Je ne sais pas. Quand on affirme des choses, on donne des faits précis. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai jamais eu connaissance d'utilisation des avions Elf par les gens qui étaient autour de moi."
Mais ça ne veut pas dire que cela ne se faisait pas, ni ici, ni là, ni les socialistes, puisqu'il l'a dit.
- "Puisqu'il le dit, je veux bien le croire mais qu'il donne des faits précis. Encore une fois, on en revient aux textes fondamentaux, à l'article du Code de procédure pénale qui donne obligation à quelqu'un qui connaît des faits délictueux à les dénoncer au procureur de la République. Alors, que messieurs Tarallo, Le Floch-Prigent, Dumas et autres ne se réfugient pas dans des allusions. Ils donnent des faits précis."
Monsieur Le Floch-Prigent a été interrogé mardi dernier, à Nanterre, sur un ancien premier adjoint de la mairie de Paris, P. Violet, qui est resté, paraît-il, 13 ans - de 1983 à 1995 - cadre salarié d'Elf sans y mettre les pieds. Est-ce que ça vous semble possible ? Est-ce que, là aussi, vous demandez qu'il y ait une enquête ?
- "Demandez à ce monsieur de répondre à cette question. Ce n'est pas à moi. Moi, je ne connais pas."
Je reviens à des problèmes politiques - on sort un peu de l'affaire Elf. Quand vous entendez le Premier ministre, qui prépare avec L. Fabius le budget 2002, déclarer qu'il faut cesser d'associer la gauche à la culture de la dépense, pensez-vous qu'il parle juste et bien ?
- "Il parle juste, mais c'est une condamnation très dure pour tout ce qu'il a fait jusqu'à présent."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 19 juin 2001)