Texte intégral
Messieurs les Premier Ministres,
Madame la Vice-Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Cest un plaisir douvrir à nouveau ce colloque, qui est devenu, Cher Eric, un rendez-vous incontournable, un rendez-vous ouvert et stimulant.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont venus de loin pour réfléchir avec nous au monde qui est en train de se dessiner.
Lannée dernière, jévoquais ici le basculement de léconomie mondiale vers lEst et vers le Sud. Ce nest pas un hasard si mes derniers déplacements mont conduit en Corée du Sud et au Brésil. Cest une évidence désormais, lAsie, lAmérique latine mais aussi lAfrique seront désormais sur le devant de la scène.
En 2011 sest posée la question de la place de lEurope dans le monde de demain.
La crise des dettes souveraines lance à lensemble de la civilisation occidentale de nouveaux défis : celui de se réformer, de repenser son mode de vie et ses modes de gouvernance pour quils soient soutenables sur le long terme.
Plus largement, cette crise interroge lavenir du capitalisme dans son fonctionnement actuel : comment maîtriser collectivement ses forces contraires pour ne pas sombrer dans légoïsme? Comment prendre en compte les ressources rares ? Comment concilier les logiques du capital et du travail ? Comment éviter le creusement des inégalités ?
Comment, pour nous Français, préserver la protection sociale à laquelle nous tenons ?
Pour répondre à cet impératif, nous avons placé la compétitivité au cur de notre action.
Au cours de ces dernières décennies, notre modèle social a été fragilisé par une série de décisions incongrues, à commencer par la retraite à 60 ans au début des années 80, au mépris des données démographiques ; le passage aux 35 heures au tournant des années 2000, au mépris des évolutions engendrées par la montée en puissance des pays émergents.
Pendant ce temps, notre principal partenaire commercial, lAllemagne, engageait des réformes structurelles majeures.
Sous couvert de progrès social, ces décisions ont fragilisé les acquis des décennies précédentes.
Alors que nos exportations croissaient à la fin des années 90 au même rythme que celles de lAllemagne, cest à dire plus de 8 % par an, et que les exportations allemandes ont continué à croître sur la période 2001-2007 à un rythme annuel denviron 7,5 %, les exportations françaises nont progressé quà hauteur de 2,4 % par an pendant cette période.
Le résultat, cest quen 2009, les exportations françaises ne représentaient plus que 40 % de celles de lAllemagne, alors quelles en représentaient près de 60 % en 2000. Dans le même temps, entre 2000 et 2009, la population active industrielle en France a diminué en France de 535 000 emplois.
Avec le Président de la République, nous navons jamais cru à une France sans usines. La France a été et doit rester une terre de production.
Cest pour cela que nous avons fait la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt qui pesait sur les investissements des entreprises pour financer les collectivités locales, une réforme qui a été si difficile à faire accepter aux collectivités locales. Qui a été évidemment critiquée par lopposition mais qui était tout simplement indispensable, et dailleurs que, je le note, personne nenvisage de remettre en cause.
Cest pour cela que nous avons triplé le crédit dimpôt recherche, ce qui a permis à la France dêtre le premier pays en Europe pour le nombre demplois créés par des implantations de centres de Recherche et de Développement dentreprises étrangères.
Cest pour cela que nous avons décidé de créer le Fonds stratégique dinvestissement, qui depuis sa création, investit directement dans 58 entreprises employant 80.000 personnes en France, pour un total de près de 3 milliards deuros.
A un moment où les investisseurs institutionnels privés se retiraient, ce fonds a permis aussi dapporter en plus 3,1 milliards deuros de fonds propres à quelques 1.500 entreprises via ses investissements dans des fonds partenaires.
Cest aussi pour cela que nous avons rendu nos universités autonomes, multiplié les pôles de compétitivité sur notre territoire, et enfin en pleine crise des dettes souveraines, investi 35 milliards deuros dans lenseignement supérieur, la formation et la recherche, pour soutenir les secteurs qui porteront demain lavenir de notre économie française.
Ce programme a déjà permis, à lheure où nous parlons, dattribuer un peu plus de 17 milliards deuros à des projets qui nont été sélectionnés que sur un seul critère : leur excellence.
Quest-ce que nous disent aujourdhui tous les rapports sur la compétitivité de la France ?
Que le coût du travail est trop élevé dans notre pays, en particulier parce que les charges qui pèsent sur les salaires sont trop lourdes. Je ne prétends que cela soit le seul problème de notre compétitivité, mais ce problème de coût doit être abordé de front, et il doit lêtre dans le cadre dune réflexion globale sur lorganisation du travail, sur loptimisation de la dépense publique, sur la réduction des déficits, sur la formation, parce que tout cela se tient.
Quel est la nature de lenjeu?
A partir de la fin des années 90, la France a vu ses coûts salariaux progresser plus rapidement que ceux de ses voisins. Les coûts salariaux horaires en France, plus faibles denviron 15 % en 1998, ont progressivement rattrapé ceux de lAllemagne dans lindustrie manufacturière.
Cest encore plus visible dans le secteur des services aux entreprises. Les coûts salariaux horaires, comparables à la fin des années 1990, étaient en 2008 25 % plus bas en Allemagne quen France.
Lors de ses vux, il y a quelques jours le Président de la République nous a invités à poursuivre notre politique en matière de baisse du coût du travail.
A quatre mois des élections présidentielles, la vérité moblige à dire que bien des Gouvernements seraient dans ces circonstances tentés de mettre plutôt le pied sur le frein, plutôt que dengager une réforme de cette importance.
Mais je veux dire que les circonstances économiques ne nous permettent pas de nous mettre dans une position dattentisme avant le débat présidentiel.
Et lhonneur de la politique cest dagir pour la France jusquau terme du quinquennat.
Lhonneur de la politique cest douvrir des débats de fond avec les acteurs économiques et sociaux, sans crainte de livrer ses convictions et de les appliquer.
Nous avons décidé dengager la réforme du financement de notre système de protection sociale. Ce sera lun des thèmes du sommet de crise du 18 janvier avec les partenaires sociaux.
Dans le contexte économique que nous connaissons, il nest plus cohérent, il nest plus acceptable de faire porter sur le seul travail le poids du financement de toute la protection sociale.
Notre système de financement est né dans une période qui était une période faste, où notre croissance permettait de remplir les caisses. Mais aujourdhui, la croissance suit un rythme bien inférieur à celui de laugmentation des dépenses sociales.
Dans notre monde ouvert, où le libre-échange est la règle, est-ce que nous pouvons continuer de faire payer la protection sociale par le seul travail des Français sans mettre à contribution les produits que nous importons ou dautres sources de financement ?
Cest ainsi quest née lidée de TVA que certains appellent "sociale", quand dautres préfèrent appeler "anti délocalisation". Je veux dire quil nest pas besoin de se quereller sur des mots. Et dailleurs tout ne se limite pas nécessairement à la TVA.
Depuis 10 ans, on débat, à droite comme à gauche, de cette question de lélargissement du financement de la protection sociale, mais sans jamais oser trancher.
Pourquoi ? Parce que lon oppose de façon factice le travail et le pouvoir dachat ; la production et la consommation. Or, au bout du compte, un emploi en moins cest du pouvoir dachat en moins et cest donc de la consommation en moins.
Depuis 2000, alors que nos exportateurs sont en concurrence avec les produits allemands sur pratiquement 90 % des marchés, lAllemagne a diminué les prélèvements sur le travail de 2,3 % du produit intérieur brut par rapport à notre pays.
Oui, nous devons faire évoluer lassiette sur laquelle évolue, repose le financement dune partie de notre protection sociale en cherchant à lélargir et en cherchant à la rendre plus favorable à la compétitivité de nos entreprises sur les marchés internationaux.
Je veux dire quà ce stade toutes les options sont ouvertes.
Nous ne devons nous interdire aucun débat, et nous avons besoin dentendre les arguments des partenaires sociaux.
Mais je veux aussi le dire solennellement devant vous ce matin, notre but est clair : notre fiscalité doit favoriser la création demplois productifs sur notre territoire !
Nous allons discuter de tous ces sujets le 18 janvier. Nous déciderons ensuite à la fin du mois de janvier. Et la réforme du financement de la protection sociale sera soumise au Parlement au mois de février.
Lemploi sera évidemment au cur de ce sommet social du 18 janvier. Il faut dire quen période de croissance, la France ne sest jamais distinguée par des très bons chiffres en la matière, et évidemment en période de crise nous accusons encore plus le coup.
Pas à pas nous approchons de ce que lon a appelé une flex-sécurité qui est encore à parfaire et qui ne donne pas encore tous les résultats escomptés.
Depuis 2007, nos réformes structurelles cherchent à rendre notre marché du travail plus favorable à la création demplois. Cest le sens de la loi de 2008 qui a notamment créé le mécanisme de ruptures conventionnelles. Cest le sens de la réforme de 2009 de notre système de formation professionnelle, et de la réforme des instruments daccompagnement des mutations économiques, qui a créé le contrat de sécurisation professionnelle.
Cest lobjet de notre politique de maitrise du coût du travail et dincitation au retour à lemploi avec le Revenu de Solidarité Active.
Cest enfin la priorité que nous avons accordée à lalternance, qui est la voie dinsertion professionnelle durable la plus efficace pour les jeunes.
Ces réformes ont commencé à produire des résultats, même si je suis bien conscient de leurs limites.
Au cur de la crise de 2008/2009, notre économie a détruit moins demplois que nous ne lavions anticipée, et elle a même créé sans doute plus demplois quelle ne laurait fait par le passé à croissance égale. Mais depuis quelques mois, le ralentissement de lactivité pèse à nouveau sur le marché du travail. Et donc nous avons le devoir de poursuivre et damplifier le travail de réforme structurelle qui a été engagé.
La priorité, cest dabord de prévenir les suppressions demplois !
Nous devons donner les moyens aux partenaires sociaux dadapter lorganisation du travail dans leurs entreprises aux évolutions de lenvironnement extérieur. Cette souplesse est indispensable pour préserver lemploi dans les périodes difficiles, ou dans les périodes de forte augmentation de la demande comme cest par exemple le cas aujourdhui dans le secteur aéronautique.
Cest la raison pour laquelle nous allons mettre sur la table du sommet de crise du 18 janvier la question des accords de compétitivité dans les entreprises.
Le recours à lactivité partielle a été essentiel lorsque nous lavons mobilisé il y a deux ans avec les partenaires sociaux. Il reste cependant perfectible, à la fois dans les modalités de son déclenchement et dans son financement. Nous devons aussi accélérer le retour à lemploi et dans les meilleures conditions possibles.
Cest lobjet des contrats aidés, qui cherchent à maintenir un lien direct entre le demandeur demploi et lactivité.
Nous devons aller plus loin.
Nous souhaitons enfin renforcer la formation professionnelle des demandeurs demploi.
Chaque année, un peu plus de 500.000 demandeurs demplois participent à des formations. Cest insuffisant, ce système doit être amélioré, il doit bénéficier à davantage de demandeurs demploi et les formations doivent être plus en adéquation avec les besoins du marché.
Mesdames et Messieurs,
Aucune des nations européennes ne peut prétendre pouvoir se sortir seules de la crise actuelle. Le temps est donc venu de poser les fondations dune Europe plus rigoureuse et en même temps dune Europe plus solidaire.
Nous devons refonder l'euro, et convaincre nos partenaires et les investisseurs que nous avons bien tiré toutes les leçons de la crise que nous affrontons.
Dabord, en défendant notre monnaie commune, comme nous lont fait et comme lont fait en particulier sans relâche le Président de la République française et la Chancelière Merkel ces derniers mois.
Cest pour préserver cette stabilité que nous nous sommes battus collectivement ces derniers mois. Nous avons mis ensemble en place, puis renforcé le fonds européen de stabilité financière. Nous avons défini et mis en uvre des programmes dassistance pour les Etats les plus en difficulté. A présent, nous devons bâtir sur ce socle.
Dès ce mois-ci, nous allons devoir traduire dans les textes laccord qui a été trouvé à la fin de lannée dernière sur la mise en place dun véritable fonds monétaire européen : nous devrons ratifier le traité établissant le "mécanisme européen de stabilité" et la révision correspondante du traité de lUnion européenne pour que ce fonds puisse entrer en service dès le mois de juillet 2012.
Dès le Conseil européen des 1er et 2 mars, nous ferons le point sur ladéquation de la capacité de prêt prévue à 500 milliards deuros pour faire face aux échéances de ces prochains mois en matière de refinancement des Etats membres.
Le Fonds monétaire international a également un rôle à jouer pour renforcer notre protection.
Pour la Grèce, le Portugal et lIrlande, il a déjà fourni près de 80 milliards de dollars. Les européens ont décidé de lui apporter une capacité de frappe supplémentaire dau moins 200 milliards deuros, sur la base de prêts bilatéraux des Etats membres de lUE.
Bref, l'Europe remet en ordre ses finances publiques, elle remet en ordre et son organisation avec un objectif : être plus efficace, plus réactive, plus collective, en un mot remédier aux défauts de sa conception originelle.
Tous nos efforts sont dirigés vers l'euro, auquel nous voulons donner un deuxième souffle à la fois comme moteur du marché intérieur, comme protecteur face aux chocs, mais aussi comme monnaie de réserve pour l'avenir dun continent européen qui n'a pas dit son dernier mot.
Dans les semaines qui viennent, nous devons réussir à faire au fond tout ce qui aurait dû être fait il y a 10 ans lorsque leuro a été mis en place. La vérité cest que nous nétions pas préparés à affronter la crise de 2011.
Nous nous étions dotés dune monnaie unique sans créer les institutions politiques et financières nécessaires à sa stabilité et à sa solidité. Eh bien nous allons désormais le faire, nous allons le faire au moins à 17 avec un traité intergouvernemental auquel, je lespère, participeront un maximum dEtats membres de lUnion européenne.
Nous voulons franchir une nouvelle étape dans lintégration de nos politiques économiques qui ne peuvent être conçues indépendamment les unes des autres.
Cela suppose que nous mettions en place une véritable Union budgétaire, une union budgétaire qui assure le respect des disciplines dictées par des règles dor dans chacun des Etats membres, et des sanctions plus automatiques en cas de dépassement des cibles de déficit public.
Cela suppose aussi et cela fait plusieurs années que je le réclame, une plus grande convergence entre nos politiques sociales et nos politiques fiscales. Je pense en particulier au rapprochement des règles en matière dimposition sur les sociétés. Je pense aussi à la mise en place dune taxe sur les transactions financières.
Il est normal que tous les secteurs participent à leffort collectif, y compris le secteur financier. Depuis 2008, la France a été de toutes les initiatives pour essayer de mieux réguler la finance.
Nous avons pris par souci déquité plusieurs décisions pour que ce secteur contribue à leffort de redressement des comptes publics. La taxe sur les bonus versés en 2010 sinscrivait dans cette logique, comme la contribution pour frais de contrôle mise en place en 2010 pour un montant dun peu plus de 160 millions deuros par an.
Cest aussi le sens de la nouvelle taxe sur le risque systémique, qui a rapporté près de 500 millions deuros lan dernier et qui incite les banques à réduire les risques quelles prennent.
Mais nous voulons aller plus loin.
Et vous le savez la France na eu de cesse de porter lidée dune taxe sur les transactions financières auprès de ses partenaires. Sous notre impulsion et sous limpulsion de lAllemagne la Commission européenne a présenté en septembre dernier une proposition de directive.
Le Président de la République la évoqué la semaine dernière : nous sommes déterminés à mettre en place cette taxe en 2012.
Mesdames et Messieurs,
La mise en place du nouveau traité intergouvernemental qui transcrira lensemble de ces engagements est soumise à un calendrier très serré. Nous devons boucler dès ce mois-ci la négociation pour pouvoir le signer au plus tard au mois de mars. Il faudra ensuite que les Etats signataires ratifient ce traité pour quil puisse entrer en vigueur dici la fin de lannée.
Rien ne serait plus stérile dans ce contexte que de se laisser enliser dans des débats doctrinaux : souverainisme ou fédéralisme, tenants de lEurope communautaire ou tenants de lEurope intergouvernementale.
Tout cela est très intéressant, mais nous avons à trouver des solutions efficaces et rapides, qui soient considérées comme légitimes par les citoyens dans chacun des Etats membres et par leurs représentants démocratiquement élus.
Et cest donc en nous appuyant sur la légitimité des élus, cest à dire des Chefs dEtat et de Gouvernement, des parlementaires nationaux et européens, et sur lefficacité de nos institutions - la Commission européenne et la Banque centrale européenne - que nous arriverons à trouver léquilibre adapté à lintégration politique et économique que nous appelons de nos vux.
Jen suis convaincu, lavenir de lEurope nest pas derrière elle !
La croissance des pays émergents ne signifie pas son déclin inéluctable, économique et géopolitique.
Vous ouvrez ce colloque sur "les valeurs" du monde de demain. Je crois que ce nest pas un hasard.
Cest lune des leçons de lannée 2011 qui a vu plusieurs régimes autoritaires se faire déborder par des peuples dont le goût de la liberté guidait les pas.
Naturellement, lHistoire de la liberté nest pas écrite, et les revers sont toujours possibles. Mais les valeurs de lEurope, humanistes, universalistes, restent puissantes et leur rayonnement continue de faire vibrer le monde.
LEurope a des atouts ! Nos sociétés démocratiques et ouvertes savèrent finalement plus robustes que les sociétés fermées, ces sociétés verrouillées que les réseaux de communication font un jour ou lautre vaciller.
En dépit de la crise et de la concurrence internationale, la part de lEurope dans les échanges commerciaux se maintient à plus de 26 %.
LEurope, cest le modèle le plus achevé dintégration régionale au monde. Cest la dynamique dun marché de 500 millions de consommateurs, qui est le premier marché au monde et la première puissance commerciale mondiale. Ce sont des infrastructures modernes, des entreprises performantes, des pôles dexcellence scientifiques, universitaires, technologiques.
LEurope cest une cohésion démocratique et sociale unique au monde.
Eh bien pour toutes ces raisons, jai la conviction que lUnion européenne a vocation à rester lun des espaces les plus prospères et les plus influents du XXIe siècle.
Sil se forme un nouveau monde, qui donne sa juste place à dautres continents, cela ne signifie pas que le modèle européen soit caduc.
Il est normal que la mondialisation conduise à un mouvement de rattrapage des pays émergents ; et il est logique que ce mouvement produise des tensions.
La mondialisation, cest lopportunité pour des millions de personnes de sortir de la pauvreté. Et cest, a fortiori, un défi pour les nations plus privilégiées dont lancienne prospérité est contestée.
Mais cette phase de rattrapage atteindra un jour son terme et les problèmes qui sont aujourdhui les nôtres seront aussi ceux des nouveaux pays industrialisés.
En attendant, lEurope doit prendre conscience de ses atouts et elle doit sortir de sa déprime.
La crise nous oblige à "faire mieux avec moins". Nous avons pour nous la qualité de notre capital humain, de nos infrastructures et de nos technologies. Le sommet européen du 30 janvier devra marquer une première étape dans la reconquête de la croissance, parce que lEurope, ca ne doit pas seulement être la discipline budgétaire, aussi indispensable soit-elle.
LEurope cest aussi le niveau pertinent pour donner un nouveau souffle à linnovation.
A court terme, nous devons utiliser tous les leviers européens pour soutenir lactivité, et pour amortir le choc dune croissance faible, voire même dune croissance négative pour les prochains mois.
Cela implique un véritable agenda européen au service de lemploi et de la compétitivité.
Nous devons cibler les interventions des fonds européens sur ceux qui en ont le plus besoin à commencer par les demandeurs demploi les plus durement frappés par la crise ou les régions les plus fragiles.
Ceci implique aussi de pouvoir mobiliser davantage les fonds structurels pour lutter contre les problèmes de financement des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises.
Nous devrons mettre en place dès 2012 certains des instruments envisagés pour le moyen terme, je pense au Fonds européen de capital-risque qui permettrait de renforcer lactivité du Fonds européen dinvestissement et de concentrer son action sur les technologies clés.
Nous devons miser sur les dépenses davenir : l'innovation, la formation, l'industrie.
Et pour cela, il faut que nous ayons laudace de simplifier de façon massivement la mise en uvre des politiques européennes dinnovation et de recherche.
Après trente ans de discussions, il faut que le brevet européen, si crucial pour la compétitivité des entreprises, voit le jour. Et il faut au fond que la crise serve daccélérateur à cette prise de décisions qui a toujours été une des faiblesses de cette Union européenne. Ca fait dailleurs plusieurs mois que je plaide pour que lEurope crée un Fonds européen des brevets.
Examinons ensemble et rapidement comment mettre en place, au plan européen, des initiatives sur le modèle des "investissements d'avenir".
Il faut mettre aussi en uvre une stratégie numérique européenne.
Il faut assurer la continuité des politiques de recherche qui engagent des travaux sur des cycles longs, en particulier pour les secteurs à haute intensité technologique et capitalistique, comme la construction aéronautique, le secteur spatial, les nanotechnologies, et le nucléaire de nouvelle génération.
Le renforcement de la compétitivité de lindustrie et des services européens passe aussi par lapprofondissement du marché intérieur : cest le renforcement de la convergence fiscale pour éviter les transferts injustifiés de bases taxables et pour réduire les distorsions économiques liées à lhétérogénéité des règles applicables dans les Etats membres ; cest lharmonisation des cadres juridiques permettant le développement dentreprises pouvant véritablement exploiter le potentiel du marché intérieur ; cest lamélioration de laccès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics et, cest la mise en place des outils qui assurent la protection des entreprises européennes face aux réglementations et aux pratiques déloyales de certains pays tiers.
La France porte depuis des années ce thème de la réciprocité dans les échanges internationaux. Pour mon Gouvernement, cest une question defficacité économique, mais aussi une question de principe. Le marché européen est aujourdhui lun, sinon le ouvert du monde. Cest une bonne chose pour les consommateurs européens. Mais il est normal quen contrepartie, les entreprises européennes puissent disposer dun même accès aux marchés de nos partenaires.
Le cas le plus caractéristique concerne laccès aux marchés publics. Les marchés publics cest près de 15 % du produit intérieur national, dans la plupart des économies, ce qui est considérable.
Or, laccord qui était en vigueur sur ce sujet depuis 1996 nétait pas satisfaisant, parce que plusieurs pays signataires continuaient de favoriser leurs opérateurs nationaux par différents procédés. Avec François Baroin, Eric Besson, Pierre Lellouche, nous en avons fait un cheval de bataille parce quil nest plus admissible de voir des entreprises européennes perdre systématiquement des marchés dans certains pays et, en même temps, être concurrencées sur leur propre territoire.
Le mois dernier, laccord sur les marchés publics signé à Genève, et qui prévoit notamment des avancées sur laccès au marché japonais pour les entreprises du secteur ferroviaire, montre la direction offensive à suivre.
En parallèle, il est légitime que lUnion européenne se dote dun instrument défensif vis-à-vis des pays qui ne joueraient pas le jeu, comme la Commission européenne sy est engagée, à linitiative de plusieurs pays et notamment de la France.
Mesdames et Messieurs,
Dans ces temps incertains où chacun saccorde sur la nécessité dun nouvel équilibre mondial, loccasion est venue pour nos pays de repenser leur rôle et de sengager avec lénergie et la conviction des nouveaux débuts.
En réponse aux problèmes que tous nos Etats rencontrent, repoussons ensemble ces prophètes du chaos, ces populistes qui, jouent sur les peurs, qui abaissent lhonneur du politique dont la tâche est de trouver des voies de passage entre le passé et lavenir, entre nos nations et luniversalité de lhumanité.
En réponse au chômage et aux inégalités, je ne crois pas au protectionnisme, je ne crois pas aux lignes Maginot.
Pour les européens, cela na aucun sens : les deux tiers du commerce de l'Union européenne se font entre ses membres !
En revanche, il faut se donner les moyens de redonner davantage de compétitivités à nos entreprises pour que "produire en France" et "produire en Europe" soient une réalité.
Pour nous Français, cela passe par un vrai travail avec les partenaires sociaux pour sortir par le haut de nos handicaps que nous trainons encore sur le coût du travail et sur son organisation.
Je ne crois pas non plus aux retours en arrière, aux stratégies illusoires de dévaluations massives liées aux projets irréalistes de retour aux monnaies dantan.
Je ne crois pas aux boucs émissaires, à commencer par les agences de notation qui ne sont que des indicateurs parmi dautres. Et je veux dire quau demeurant, nous nagissons pas pour elles, mais nous agissons pour notre souveraineté économique, financière et sociale.
Je crois, Mesdames et Messieurs, à la responsabilité assumée devant les erreurs du passé, je crois à la légitimité et à la gravité de la politique, et je crois à la force des projets ancrés dans les valeurs de courage et de fraternité.
Voilà le message résolu que je voulais partager avec vous.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 janvier 2012
Madame la Vice-Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Cest un plaisir douvrir à nouveau ce colloque, qui est devenu, Cher Eric, un rendez-vous incontournable, un rendez-vous ouvert et stimulant.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont venus de loin pour réfléchir avec nous au monde qui est en train de se dessiner.
Lannée dernière, jévoquais ici le basculement de léconomie mondiale vers lEst et vers le Sud. Ce nest pas un hasard si mes derniers déplacements mont conduit en Corée du Sud et au Brésil. Cest une évidence désormais, lAsie, lAmérique latine mais aussi lAfrique seront désormais sur le devant de la scène.
En 2011 sest posée la question de la place de lEurope dans le monde de demain.
La crise des dettes souveraines lance à lensemble de la civilisation occidentale de nouveaux défis : celui de se réformer, de repenser son mode de vie et ses modes de gouvernance pour quils soient soutenables sur le long terme.
Plus largement, cette crise interroge lavenir du capitalisme dans son fonctionnement actuel : comment maîtriser collectivement ses forces contraires pour ne pas sombrer dans légoïsme? Comment prendre en compte les ressources rares ? Comment concilier les logiques du capital et du travail ? Comment éviter le creusement des inégalités ?
Comment, pour nous Français, préserver la protection sociale à laquelle nous tenons ?
Pour répondre à cet impératif, nous avons placé la compétitivité au cur de notre action.
Au cours de ces dernières décennies, notre modèle social a été fragilisé par une série de décisions incongrues, à commencer par la retraite à 60 ans au début des années 80, au mépris des données démographiques ; le passage aux 35 heures au tournant des années 2000, au mépris des évolutions engendrées par la montée en puissance des pays émergents.
Pendant ce temps, notre principal partenaire commercial, lAllemagne, engageait des réformes structurelles majeures.
Sous couvert de progrès social, ces décisions ont fragilisé les acquis des décennies précédentes.
Alors que nos exportations croissaient à la fin des années 90 au même rythme que celles de lAllemagne, cest à dire plus de 8 % par an, et que les exportations allemandes ont continué à croître sur la période 2001-2007 à un rythme annuel denviron 7,5 %, les exportations françaises nont progressé quà hauteur de 2,4 % par an pendant cette période.
Le résultat, cest quen 2009, les exportations françaises ne représentaient plus que 40 % de celles de lAllemagne, alors quelles en représentaient près de 60 % en 2000. Dans le même temps, entre 2000 et 2009, la population active industrielle en France a diminué en France de 535 000 emplois.
Avec le Président de la République, nous navons jamais cru à une France sans usines. La France a été et doit rester une terre de production.
Cest pour cela que nous avons fait la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt qui pesait sur les investissements des entreprises pour financer les collectivités locales, une réforme qui a été si difficile à faire accepter aux collectivités locales. Qui a été évidemment critiquée par lopposition mais qui était tout simplement indispensable, et dailleurs que, je le note, personne nenvisage de remettre en cause.
Cest pour cela que nous avons triplé le crédit dimpôt recherche, ce qui a permis à la France dêtre le premier pays en Europe pour le nombre demplois créés par des implantations de centres de Recherche et de Développement dentreprises étrangères.
Cest pour cela que nous avons décidé de créer le Fonds stratégique dinvestissement, qui depuis sa création, investit directement dans 58 entreprises employant 80.000 personnes en France, pour un total de près de 3 milliards deuros.
A un moment où les investisseurs institutionnels privés se retiraient, ce fonds a permis aussi dapporter en plus 3,1 milliards deuros de fonds propres à quelques 1.500 entreprises via ses investissements dans des fonds partenaires.
Cest aussi pour cela que nous avons rendu nos universités autonomes, multiplié les pôles de compétitivité sur notre territoire, et enfin en pleine crise des dettes souveraines, investi 35 milliards deuros dans lenseignement supérieur, la formation et la recherche, pour soutenir les secteurs qui porteront demain lavenir de notre économie française.
Ce programme a déjà permis, à lheure où nous parlons, dattribuer un peu plus de 17 milliards deuros à des projets qui nont été sélectionnés que sur un seul critère : leur excellence.
Quest-ce que nous disent aujourdhui tous les rapports sur la compétitivité de la France ?
Que le coût du travail est trop élevé dans notre pays, en particulier parce que les charges qui pèsent sur les salaires sont trop lourdes. Je ne prétends que cela soit le seul problème de notre compétitivité, mais ce problème de coût doit être abordé de front, et il doit lêtre dans le cadre dune réflexion globale sur lorganisation du travail, sur loptimisation de la dépense publique, sur la réduction des déficits, sur la formation, parce que tout cela se tient.
Quel est la nature de lenjeu?
A partir de la fin des années 90, la France a vu ses coûts salariaux progresser plus rapidement que ceux de ses voisins. Les coûts salariaux horaires en France, plus faibles denviron 15 % en 1998, ont progressivement rattrapé ceux de lAllemagne dans lindustrie manufacturière.
Cest encore plus visible dans le secteur des services aux entreprises. Les coûts salariaux horaires, comparables à la fin des années 1990, étaient en 2008 25 % plus bas en Allemagne quen France.
Lors de ses vux, il y a quelques jours le Président de la République nous a invités à poursuivre notre politique en matière de baisse du coût du travail.
A quatre mois des élections présidentielles, la vérité moblige à dire que bien des Gouvernements seraient dans ces circonstances tentés de mettre plutôt le pied sur le frein, plutôt que dengager une réforme de cette importance.
Mais je veux dire que les circonstances économiques ne nous permettent pas de nous mettre dans une position dattentisme avant le débat présidentiel.
Et lhonneur de la politique cest dagir pour la France jusquau terme du quinquennat.
Lhonneur de la politique cest douvrir des débats de fond avec les acteurs économiques et sociaux, sans crainte de livrer ses convictions et de les appliquer.
Nous avons décidé dengager la réforme du financement de notre système de protection sociale. Ce sera lun des thèmes du sommet de crise du 18 janvier avec les partenaires sociaux.
Dans le contexte économique que nous connaissons, il nest plus cohérent, il nest plus acceptable de faire porter sur le seul travail le poids du financement de toute la protection sociale.
Notre système de financement est né dans une période qui était une période faste, où notre croissance permettait de remplir les caisses. Mais aujourdhui, la croissance suit un rythme bien inférieur à celui de laugmentation des dépenses sociales.
Dans notre monde ouvert, où le libre-échange est la règle, est-ce que nous pouvons continuer de faire payer la protection sociale par le seul travail des Français sans mettre à contribution les produits que nous importons ou dautres sources de financement ?
Cest ainsi quest née lidée de TVA que certains appellent "sociale", quand dautres préfèrent appeler "anti délocalisation". Je veux dire quil nest pas besoin de se quereller sur des mots. Et dailleurs tout ne se limite pas nécessairement à la TVA.
Depuis 10 ans, on débat, à droite comme à gauche, de cette question de lélargissement du financement de la protection sociale, mais sans jamais oser trancher.
Pourquoi ? Parce que lon oppose de façon factice le travail et le pouvoir dachat ; la production et la consommation. Or, au bout du compte, un emploi en moins cest du pouvoir dachat en moins et cest donc de la consommation en moins.
Depuis 2000, alors que nos exportateurs sont en concurrence avec les produits allemands sur pratiquement 90 % des marchés, lAllemagne a diminué les prélèvements sur le travail de 2,3 % du produit intérieur brut par rapport à notre pays.
Oui, nous devons faire évoluer lassiette sur laquelle évolue, repose le financement dune partie de notre protection sociale en cherchant à lélargir et en cherchant à la rendre plus favorable à la compétitivité de nos entreprises sur les marchés internationaux.
Je veux dire quà ce stade toutes les options sont ouvertes.
Nous ne devons nous interdire aucun débat, et nous avons besoin dentendre les arguments des partenaires sociaux.
Mais je veux aussi le dire solennellement devant vous ce matin, notre but est clair : notre fiscalité doit favoriser la création demplois productifs sur notre territoire !
Nous allons discuter de tous ces sujets le 18 janvier. Nous déciderons ensuite à la fin du mois de janvier. Et la réforme du financement de la protection sociale sera soumise au Parlement au mois de février.
Lemploi sera évidemment au cur de ce sommet social du 18 janvier. Il faut dire quen période de croissance, la France ne sest jamais distinguée par des très bons chiffres en la matière, et évidemment en période de crise nous accusons encore plus le coup.
Pas à pas nous approchons de ce que lon a appelé une flex-sécurité qui est encore à parfaire et qui ne donne pas encore tous les résultats escomptés.
Depuis 2007, nos réformes structurelles cherchent à rendre notre marché du travail plus favorable à la création demplois. Cest le sens de la loi de 2008 qui a notamment créé le mécanisme de ruptures conventionnelles. Cest le sens de la réforme de 2009 de notre système de formation professionnelle, et de la réforme des instruments daccompagnement des mutations économiques, qui a créé le contrat de sécurisation professionnelle.
Cest lobjet de notre politique de maitrise du coût du travail et dincitation au retour à lemploi avec le Revenu de Solidarité Active.
Cest enfin la priorité que nous avons accordée à lalternance, qui est la voie dinsertion professionnelle durable la plus efficace pour les jeunes.
Ces réformes ont commencé à produire des résultats, même si je suis bien conscient de leurs limites.
Au cur de la crise de 2008/2009, notre économie a détruit moins demplois que nous ne lavions anticipée, et elle a même créé sans doute plus demplois quelle ne laurait fait par le passé à croissance égale. Mais depuis quelques mois, le ralentissement de lactivité pèse à nouveau sur le marché du travail. Et donc nous avons le devoir de poursuivre et damplifier le travail de réforme structurelle qui a été engagé.
La priorité, cest dabord de prévenir les suppressions demplois !
Nous devons donner les moyens aux partenaires sociaux dadapter lorganisation du travail dans leurs entreprises aux évolutions de lenvironnement extérieur. Cette souplesse est indispensable pour préserver lemploi dans les périodes difficiles, ou dans les périodes de forte augmentation de la demande comme cest par exemple le cas aujourdhui dans le secteur aéronautique.
Cest la raison pour laquelle nous allons mettre sur la table du sommet de crise du 18 janvier la question des accords de compétitivité dans les entreprises.
Le recours à lactivité partielle a été essentiel lorsque nous lavons mobilisé il y a deux ans avec les partenaires sociaux. Il reste cependant perfectible, à la fois dans les modalités de son déclenchement et dans son financement. Nous devons aussi accélérer le retour à lemploi et dans les meilleures conditions possibles.
Cest lobjet des contrats aidés, qui cherchent à maintenir un lien direct entre le demandeur demploi et lactivité.
Nous devons aller plus loin.
Nous souhaitons enfin renforcer la formation professionnelle des demandeurs demploi.
Chaque année, un peu plus de 500.000 demandeurs demplois participent à des formations. Cest insuffisant, ce système doit être amélioré, il doit bénéficier à davantage de demandeurs demploi et les formations doivent être plus en adéquation avec les besoins du marché.
Mesdames et Messieurs,
Aucune des nations européennes ne peut prétendre pouvoir se sortir seules de la crise actuelle. Le temps est donc venu de poser les fondations dune Europe plus rigoureuse et en même temps dune Europe plus solidaire.
Nous devons refonder l'euro, et convaincre nos partenaires et les investisseurs que nous avons bien tiré toutes les leçons de la crise que nous affrontons.
Dabord, en défendant notre monnaie commune, comme nous lont fait et comme lont fait en particulier sans relâche le Président de la République française et la Chancelière Merkel ces derniers mois.
Cest pour préserver cette stabilité que nous nous sommes battus collectivement ces derniers mois. Nous avons mis ensemble en place, puis renforcé le fonds européen de stabilité financière. Nous avons défini et mis en uvre des programmes dassistance pour les Etats les plus en difficulté. A présent, nous devons bâtir sur ce socle.
Dès ce mois-ci, nous allons devoir traduire dans les textes laccord qui a été trouvé à la fin de lannée dernière sur la mise en place dun véritable fonds monétaire européen : nous devrons ratifier le traité établissant le "mécanisme européen de stabilité" et la révision correspondante du traité de lUnion européenne pour que ce fonds puisse entrer en service dès le mois de juillet 2012.
Dès le Conseil européen des 1er et 2 mars, nous ferons le point sur ladéquation de la capacité de prêt prévue à 500 milliards deuros pour faire face aux échéances de ces prochains mois en matière de refinancement des Etats membres.
Le Fonds monétaire international a également un rôle à jouer pour renforcer notre protection.
Pour la Grèce, le Portugal et lIrlande, il a déjà fourni près de 80 milliards de dollars. Les européens ont décidé de lui apporter une capacité de frappe supplémentaire dau moins 200 milliards deuros, sur la base de prêts bilatéraux des Etats membres de lUE.
Bref, l'Europe remet en ordre ses finances publiques, elle remet en ordre et son organisation avec un objectif : être plus efficace, plus réactive, plus collective, en un mot remédier aux défauts de sa conception originelle.
Tous nos efforts sont dirigés vers l'euro, auquel nous voulons donner un deuxième souffle à la fois comme moteur du marché intérieur, comme protecteur face aux chocs, mais aussi comme monnaie de réserve pour l'avenir dun continent européen qui n'a pas dit son dernier mot.
Dans les semaines qui viennent, nous devons réussir à faire au fond tout ce qui aurait dû être fait il y a 10 ans lorsque leuro a été mis en place. La vérité cest que nous nétions pas préparés à affronter la crise de 2011.
Nous nous étions dotés dune monnaie unique sans créer les institutions politiques et financières nécessaires à sa stabilité et à sa solidité. Eh bien nous allons désormais le faire, nous allons le faire au moins à 17 avec un traité intergouvernemental auquel, je lespère, participeront un maximum dEtats membres de lUnion européenne.
Nous voulons franchir une nouvelle étape dans lintégration de nos politiques économiques qui ne peuvent être conçues indépendamment les unes des autres.
Cela suppose que nous mettions en place une véritable Union budgétaire, une union budgétaire qui assure le respect des disciplines dictées par des règles dor dans chacun des Etats membres, et des sanctions plus automatiques en cas de dépassement des cibles de déficit public.
Cela suppose aussi et cela fait plusieurs années que je le réclame, une plus grande convergence entre nos politiques sociales et nos politiques fiscales. Je pense en particulier au rapprochement des règles en matière dimposition sur les sociétés. Je pense aussi à la mise en place dune taxe sur les transactions financières.
Il est normal que tous les secteurs participent à leffort collectif, y compris le secteur financier. Depuis 2008, la France a été de toutes les initiatives pour essayer de mieux réguler la finance.
Nous avons pris par souci déquité plusieurs décisions pour que ce secteur contribue à leffort de redressement des comptes publics. La taxe sur les bonus versés en 2010 sinscrivait dans cette logique, comme la contribution pour frais de contrôle mise en place en 2010 pour un montant dun peu plus de 160 millions deuros par an.
Cest aussi le sens de la nouvelle taxe sur le risque systémique, qui a rapporté près de 500 millions deuros lan dernier et qui incite les banques à réduire les risques quelles prennent.
Mais nous voulons aller plus loin.
Et vous le savez la France na eu de cesse de porter lidée dune taxe sur les transactions financières auprès de ses partenaires. Sous notre impulsion et sous limpulsion de lAllemagne la Commission européenne a présenté en septembre dernier une proposition de directive.
Le Président de la République la évoqué la semaine dernière : nous sommes déterminés à mettre en place cette taxe en 2012.
Mesdames et Messieurs,
La mise en place du nouveau traité intergouvernemental qui transcrira lensemble de ces engagements est soumise à un calendrier très serré. Nous devons boucler dès ce mois-ci la négociation pour pouvoir le signer au plus tard au mois de mars. Il faudra ensuite que les Etats signataires ratifient ce traité pour quil puisse entrer en vigueur dici la fin de lannée.
Rien ne serait plus stérile dans ce contexte que de se laisser enliser dans des débats doctrinaux : souverainisme ou fédéralisme, tenants de lEurope communautaire ou tenants de lEurope intergouvernementale.
Tout cela est très intéressant, mais nous avons à trouver des solutions efficaces et rapides, qui soient considérées comme légitimes par les citoyens dans chacun des Etats membres et par leurs représentants démocratiquement élus.
Et cest donc en nous appuyant sur la légitimité des élus, cest à dire des Chefs dEtat et de Gouvernement, des parlementaires nationaux et européens, et sur lefficacité de nos institutions - la Commission européenne et la Banque centrale européenne - que nous arriverons à trouver léquilibre adapté à lintégration politique et économique que nous appelons de nos vux.
Jen suis convaincu, lavenir de lEurope nest pas derrière elle !
La croissance des pays émergents ne signifie pas son déclin inéluctable, économique et géopolitique.
Vous ouvrez ce colloque sur "les valeurs" du monde de demain. Je crois que ce nest pas un hasard.
Cest lune des leçons de lannée 2011 qui a vu plusieurs régimes autoritaires se faire déborder par des peuples dont le goût de la liberté guidait les pas.
Naturellement, lHistoire de la liberté nest pas écrite, et les revers sont toujours possibles. Mais les valeurs de lEurope, humanistes, universalistes, restent puissantes et leur rayonnement continue de faire vibrer le monde.
LEurope a des atouts ! Nos sociétés démocratiques et ouvertes savèrent finalement plus robustes que les sociétés fermées, ces sociétés verrouillées que les réseaux de communication font un jour ou lautre vaciller.
En dépit de la crise et de la concurrence internationale, la part de lEurope dans les échanges commerciaux se maintient à plus de 26 %.
LEurope, cest le modèle le plus achevé dintégration régionale au monde. Cest la dynamique dun marché de 500 millions de consommateurs, qui est le premier marché au monde et la première puissance commerciale mondiale. Ce sont des infrastructures modernes, des entreprises performantes, des pôles dexcellence scientifiques, universitaires, technologiques.
LEurope cest une cohésion démocratique et sociale unique au monde.
Eh bien pour toutes ces raisons, jai la conviction que lUnion européenne a vocation à rester lun des espaces les plus prospères et les plus influents du XXIe siècle.
Sil se forme un nouveau monde, qui donne sa juste place à dautres continents, cela ne signifie pas que le modèle européen soit caduc.
Il est normal que la mondialisation conduise à un mouvement de rattrapage des pays émergents ; et il est logique que ce mouvement produise des tensions.
La mondialisation, cest lopportunité pour des millions de personnes de sortir de la pauvreté. Et cest, a fortiori, un défi pour les nations plus privilégiées dont lancienne prospérité est contestée.
Mais cette phase de rattrapage atteindra un jour son terme et les problèmes qui sont aujourdhui les nôtres seront aussi ceux des nouveaux pays industrialisés.
En attendant, lEurope doit prendre conscience de ses atouts et elle doit sortir de sa déprime.
La crise nous oblige à "faire mieux avec moins". Nous avons pour nous la qualité de notre capital humain, de nos infrastructures et de nos technologies. Le sommet européen du 30 janvier devra marquer une première étape dans la reconquête de la croissance, parce que lEurope, ca ne doit pas seulement être la discipline budgétaire, aussi indispensable soit-elle.
LEurope cest aussi le niveau pertinent pour donner un nouveau souffle à linnovation.
A court terme, nous devons utiliser tous les leviers européens pour soutenir lactivité, et pour amortir le choc dune croissance faible, voire même dune croissance négative pour les prochains mois.
Cela implique un véritable agenda européen au service de lemploi et de la compétitivité.
Nous devons cibler les interventions des fonds européens sur ceux qui en ont le plus besoin à commencer par les demandeurs demploi les plus durement frappés par la crise ou les régions les plus fragiles.
Ceci implique aussi de pouvoir mobiliser davantage les fonds structurels pour lutter contre les problèmes de financement des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises.
Nous devrons mettre en place dès 2012 certains des instruments envisagés pour le moyen terme, je pense au Fonds européen de capital-risque qui permettrait de renforcer lactivité du Fonds européen dinvestissement et de concentrer son action sur les technologies clés.
Nous devons miser sur les dépenses davenir : l'innovation, la formation, l'industrie.
Et pour cela, il faut que nous ayons laudace de simplifier de façon massivement la mise en uvre des politiques européennes dinnovation et de recherche.
Après trente ans de discussions, il faut que le brevet européen, si crucial pour la compétitivité des entreprises, voit le jour. Et il faut au fond que la crise serve daccélérateur à cette prise de décisions qui a toujours été une des faiblesses de cette Union européenne. Ca fait dailleurs plusieurs mois que je plaide pour que lEurope crée un Fonds européen des brevets.
Examinons ensemble et rapidement comment mettre en place, au plan européen, des initiatives sur le modèle des "investissements d'avenir".
Il faut mettre aussi en uvre une stratégie numérique européenne.
Il faut assurer la continuité des politiques de recherche qui engagent des travaux sur des cycles longs, en particulier pour les secteurs à haute intensité technologique et capitalistique, comme la construction aéronautique, le secteur spatial, les nanotechnologies, et le nucléaire de nouvelle génération.
Le renforcement de la compétitivité de lindustrie et des services européens passe aussi par lapprofondissement du marché intérieur : cest le renforcement de la convergence fiscale pour éviter les transferts injustifiés de bases taxables et pour réduire les distorsions économiques liées à lhétérogénéité des règles applicables dans les Etats membres ; cest lharmonisation des cadres juridiques permettant le développement dentreprises pouvant véritablement exploiter le potentiel du marché intérieur ; cest lamélioration de laccès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics et, cest la mise en place des outils qui assurent la protection des entreprises européennes face aux réglementations et aux pratiques déloyales de certains pays tiers.
La France porte depuis des années ce thème de la réciprocité dans les échanges internationaux. Pour mon Gouvernement, cest une question defficacité économique, mais aussi une question de principe. Le marché européen est aujourdhui lun, sinon le ouvert du monde. Cest une bonne chose pour les consommateurs européens. Mais il est normal quen contrepartie, les entreprises européennes puissent disposer dun même accès aux marchés de nos partenaires.
Le cas le plus caractéristique concerne laccès aux marchés publics. Les marchés publics cest près de 15 % du produit intérieur national, dans la plupart des économies, ce qui est considérable.
Or, laccord qui était en vigueur sur ce sujet depuis 1996 nétait pas satisfaisant, parce que plusieurs pays signataires continuaient de favoriser leurs opérateurs nationaux par différents procédés. Avec François Baroin, Eric Besson, Pierre Lellouche, nous en avons fait un cheval de bataille parce quil nest plus admissible de voir des entreprises européennes perdre systématiquement des marchés dans certains pays et, en même temps, être concurrencées sur leur propre territoire.
Le mois dernier, laccord sur les marchés publics signé à Genève, et qui prévoit notamment des avancées sur laccès au marché japonais pour les entreprises du secteur ferroviaire, montre la direction offensive à suivre.
En parallèle, il est légitime que lUnion européenne se dote dun instrument défensif vis-à-vis des pays qui ne joueraient pas le jeu, comme la Commission européenne sy est engagée, à linitiative de plusieurs pays et notamment de la France.
Mesdames et Messieurs,
Dans ces temps incertains où chacun saccorde sur la nécessité dun nouvel équilibre mondial, loccasion est venue pour nos pays de repenser leur rôle et de sengager avec lénergie et la conviction des nouveaux débuts.
En réponse aux problèmes que tous nos Etats rencontrent, repoussons ensemble ces prophètes du chaos, ces populistes qui, jouent sur les peurs, qui abaissent lhonneur du politique dont la tâche est de trouver des voies de passage entre le passé et lavenir, entre nos nations et luniversalité de lhumanité.
En réponse au chômage et aux inégalités, je ne crois pas au protectionnisme, je ne crois pas aux lignes Maginot.
Pour les européens, cela na aucun sens : les deux tiers du commerce de l'Union européenne se font entre ses membres !
En revanche, il faut se donner les moyens de redonner davantage de compétitivités à nos entreprises pour que "produire en France" et "produire en Europe" soient une réalité.
Pour nous Français, cela passe par un vrai travail avec les partenaires sociaux pour sortir par le haut de nos handicaps que nous trainons encore sur le coût du travail et sur son organisation.
Je ne crois pas non plus aux retours en arrière, aux stratégies illusoires de dévaluations massives liées aux projets irréalistes de retour aux monnaies dantan.
Je ne crois pas aux boucs émissaires, à commencer par les agences de notation qui ne sont que des indicateurs parmi dautres. Et je veux dire quau demeurant, nous nagissons pas pour elles, mais nous agissons pour notre souveraineté économique, financière et sociale.
Je crois, Mesdames et Messieurs, à la responsabilité assumée devant les erreurs du passé, je crois à la légitimité et à la gravité de la politique, et je crois à la force des projets ancrés dans les valeurs de courage et de fraternité.
Voilà le message résolu que je voulais partager avec vous.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 janvier 2012