Interview de M. Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, dans "Pro Domo" du 29 mars 2012, sur son programme en matière de logement.

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Média : Pro Domo

Texte intégral

Question 1 : Pour faire face à la crise du logement actuel, quel sera votre programme pour relancer la construction et l’offre en général ?
La seule bonne réponse à la crise du logement est de construire plus. C’est pourquoi les droits à construire viennent d’être majorés de 30 % pour trois ans. Cette politique ambitieuse permettra de construire rapidement de nouveaux logements sans être dans l’obligation de trouver préalablement du foncier disponible.
Question 2 : Quelle sera votre stratégie pour favoriser l’accession à la propriété des classes moyennes et modestes ? (…)
Malgré des records de construction, la France est le seul pays dont le prix des logements augmente alors que nous traversons une succession de crises. Les classes moyennes ont de plus en plus de difficultés à accéder à la propriété et cette situation paralyse le parcours résidentiel. La relance du parcours résidentiel ne pourra se faire que si les prix baissent, et les prix baisseront si nous construisons plus, beaucoup plus, et évidemment là où il faut. De plus, j’ai proposé de réduire de moitié les droits de mutation à titre onéreux. Cela contribuera également à faire baisser les prix de l’accession à la propriété.
Question 3 : Que pensez-vous du dispositif du PTZ + (version 2012) ? Savez vous que ce dispositif pénalise ce qu’on appelle la zone C (villes moyennes, zones rurales) et les familles à revenus modestes en particulier ? (…)
Je ne partage pas votre constat sur le PTZ+ qui a déjà profité à plus de 300 000 ménages. Ce dispositif est un formidable levier qui permet à de nombreux ménages de bénéficier de conditions avantageuses pour accéder à la propriété. Il s’inscrit dans la dynamique globale de notre action depuis 2007. J’ai ainsi voulu mettre en place un environnement général favorable à l’accession à la propriété. Je reste décidé à favoriser la propriété, que je sais être le rêve de la majorité d’entre nous et la meilleure manière de préserver son pouvoir d’achat à la retraite.
Question 4 : Quelle est votre perception des atouts et avantages offerts par la maison individuelle, habitat rêvé pour plus de 8 % des Français ? (…)
La maison individuelle est plébiscitée par les Français car elle offre un cadre de vie idéal. Grâce à la majoration de 30 % des droits à construire pendant 3 ans, les propriétaires pourront effectuer les travaux nécessaires afin d’agrandir leur maison ou créer une autre maison sur le même terrain, pour pouvoir l’adapter aux évolutions de la famille, aux évolutions de la vie ou acquérir un revenu supplémentaire.
Question 5 : Êtes-vous d’accord avec la politique actuelle consistant à tenter de réhabiliter le centre des villes au détriment de la maison individuelle en zones périurbaines et en contradiction avec les possibilités financières d’acquisition des classes moyennes ? (…)
La politique actuelle ne se fait aucunement « au détriment » de la maison individuelle. Notre politique du logement est globale et vise à assurer que chaque Français puisse se loger dans de bonnes conditions, au centre, en périphérie, ou en dehors des villes. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité engager une politique ambitieuse dans ce domaine. Par exemple, l’éco prêt à taux zéro permet d’encourager les propriétaires à effectuer des travaux d’isolation thermique.
Question 6 : (…) La construction de la maison individuelle est réglementée par le CCMI (…) imposé aux parties (constructeur et maîtres d’ouvrage) par la loi du 19 décembre 1990. Or, une maison sur deux est construite dans l’illégalité mettant en péril la sécurité financière du consommateur (…) Que comptez-vous faire pour remédier à cet état de fait (…)
Le contournement du contrat de construction est presque aussi ancien que le contrat de construction lui-même. Je sais la difficulté et la nécessité de faire respecter les exigences d’une concurrence saine et loyale en la matière. Il ne faut donc pas cesser d’insister sur l’information du maître d’ouvrage, qui doit être parfaitement informé de l’étendue des engagements et du contenu de la prestation de ceux qui n’ont pas recours au contrat de construction de maisons individuelles.
Question 7 : Pensez-vous que, par une politique fiscale plus adaptée et une remise en cause de la taxation sur les plus-values, notamment, votre Gouvernement pourrait rétablir une offre plus abondante de terrains à bâtir et ainsi en faire baisser le coût ?
Je conviens que la taxation des plus-values, lorsqu’elle concerne des terrains nus, n’est pas très opportunément conçue puisqu’elle incite à détenir longtemps le bien pour bénéficier à plein de l’exonération fiscale. L’offre de foncier serait en effet sensiblement accrue et les prix baisseraient si les modalités de taxation des plus-values suivaient la logique inverse. La difficulté est de distinguer les terrains nus des terrains partiellement construits.
Question 8 : La règlementation RT 2012 va rendre obligatoire au premier janvier 2013 l’application des normes BBC, notamment dans notre secteur de la maison individuelle avec un surcoût de 10 à 15 %. La filière ne pourra pas absorber, dans les délais, ce choc financier supplémentaire. Qu’envisagez-vous afin d’aider les clients maîtres d’ouvrage aux revenus moyens ou modestes ? (…)
Afin de préparer la mise en oeuvre de la « réglementation thermique 2012 », des labels énergétiques, notamment le label BBC, ont été mis en place dès 2007. Ils ont ainsi permis aux maîtres d’ouvrage et aux professionnels de s’adapter afin de proposer des solutions à coûts maîtrisés. Les maîtres d’ouvrage bailleurs sociaux ont particulièrement recouru à cette incitation aux économies d’énergie et à la promotion de la qualité. Plus de 290 000 logements sont labellisés BBC ou en cours de demande de label dans les secteurs de la promotion privée et du parc locatif social.
Par ailleurs, les études d’impact menées dans le cadre de l’élaboration de cette réglementation ont conclu à des surcoûts estimés entre 5 et 8 % (et non 10-15 %) et compensés par les économies sur la facture énergétique tout au long de la vie du bâtiment. Ce surcoût a vocation à diminuer, voire à disparaître, avec l’appropriation progressive de la réglementation par les professionnels à travers les effets d’apprentissage.
En outre, les aides à l’acquisition et à la construction de logements ont été progressivement adaptées et canalisées vers le label BBC : majoration du montant du prêt à taux 0, puis malus de quotité de PTZ+ pour les logements non performants ; diminution du taux de la réduction d’impôt « Scellier » en 2011 pour les logements non BBC.
L’éco PTZ a également permis d’inciter de nombreux propriétaires à effectuer des travaux de rénovation thermique.
Question 9 : Contraintes administratives. Actuellement dans le cas des divisions de terrain, dès l’aménagement programmé de 2 parcelles, la règlementation oblige à obtenir un permis d’aménager. Le délai administratif obligatoire est de 3 mois, si tout se passe bien. Or, les concessionnaires de raccordements rajoutent leurs propres délais (devis plus travaux : 5 mois au minimum) auxquels il faut ajouter les délais pour la voirie (3 mois). C’est une durée d’un an qu’il faut prévoir avant toute vente. Or, il est concevable de diviser ces délais par 2 : la FFC demande aux pouvoirs publics de prendre les mesures suivantes : rendre obligatoire l’instruction des demandes de raccordement aux réseaux (…), permettre la vente des terrains à aménager dès que le PA est purgé du recours des tiers. Répondez-vous favorablement à cette requête ? Rendre obligatoire l’instruction des demandes de raccordement aux réseaux par les concessionnaires dès le dépôt par le pétitionnaire de sa demande de PA. Répondez-vous favorablement à cette requête ?
Je comprends votre exigence, mais celle-ci ne résulte pas du code de l’urbanisme.
Il est donc nécessaire que la FFC se rapproche des gestionnaires de réseaux pour voir sous quelle condition cette exigence pourrait être levée, sachant toutefois qu’il s’agit d’une mesure de bonne gestion qui permet aux gestionnaires de ne pas entreprendre d’étude avant d’être certains que le projet soit réalisable.
Pour cette même raison, il n’est pas envisageable de prendre des dispositions réglementaires qui conduiraient à rendre systématiquement obligatoire le traitement des demandes de raccordement avant obtention des autorisations d’urbanisme, le gain pour le porteur de projet se traduisant inévitablement par un surcoût pour le gestionnaire et la collectivité.
Je tiens à rappeler qu’une de nos priorités est la sécurité des accédants à la propriété, qui ne doivent pas se retrouver avec une maison construite qui ne serait reliée à aucun réseau (eau, électricité, voirie) du fait d’un aménageur défaillant.
En conclusion : 3 500 entreprises, constructeurs CMIstes, vous demandent ce que vous comptez faire pour soutenir une profession qui s’efforce de répondre aux aspirations légitimes de la grande majorité des Français ?…
La meilleure manière de soutenir la profession des constructeurs de maisons individuelles est de libérer du foncier pour construire. Je rappelle par ailleurs que nous venons de baisser les cotisations sociales patronales qui pèsent sur les bas salaires en échange d’une augmentation du taux normal de TVA et des impositions pesant sur les revenus du capital. Cette mesure réduira significativement le coût du travail dans vos entreprises.
Source http://www.lafranceforte.fr, le 16 avril 2012