Interview de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, à Canal Plus le 22 mai 2012, sur ses fonctions de ministre et de secrétaire nationale d'Europe Ecologie Les Verts, la loi SRU, le report de la fin de la trêve hivernale et la campagne pour les élections législatives.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

CAROLINE ROUX Hier, effectivement, le Premier ministre a rappelé à l’ordre ses ministres, trop présents, pour certains, dans les médias. Est-ce que vous vous êtes sentie visée ?
 
CECILE DUFLOT Euh, non. Ça ne vous surprendra pas, je crois que c'est la première fois que je viens à la télévision depuis la nomination des différents ministres, donc moi je pense, effectivement, qu’il y a deux choses : il y a la nécessité de s’exprimer sur ce que l’on fait comme ministre, et si on fait des choses, et puis il y a aussi, surtout, la nécessité de travailler. Par ailleurs, il se trouve que l’on est en campagne législative et que je suis encore, pour quelques semaines, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts et que je souhaite que l’on gagne ces élections.
 
CAROLINE ROUX Mais vous trouvez que certains en font trop ?
 
CECILE DUFLOT Moi, je n’ai pas d’avis à donner sur ce que font les uns et les autres.
 
CAROLINE ROUX Solidarité gouvernementale.
 
CECILE DUFLOT Non non, chacun vit sa vie.
 
CAROLINE ROUX Quelle sera votre règle, en la matière, justement, en matière de communication, en matière d’exposition ? Est-ce que vous vous dites : je vais à la télé, uniquement pour parler quand j’ai des choses à dire ? Est-ce que vous vous êtes fixé une règle ?
 
CECILE DUFLOT Eh bien, c'est à peu près ce que je fais depuis quelques années maintenant, donc je n’ai pas de règles particulières, en revanche, j’ai une fonction différente, et effectivement c'est utile que je m’exprime sur ce qui concerne mon activité de ministre, sur ce qui concerne les propositions, les projets que l’on va mettre en oeuvre, c'est une évidence.
 
CAROLINE ROUX Vous avez une fonction, effectivement. Est-ce que vous souhaitez changer l’exercice de la fonction ? Vous arrivez avec votre âge, vous avez 34 ans, je crois...
 
CECILE DUFLOT 37 ! 37.
 
CAROLINE ROUX J’avais agréable... Qu’est-ce que vous voulez changer dans la manière d’exercer la fonction ? Ça a donné lieu à quelques commentaires désagréables, vous le savez, de Jean-François COPE, disant : « Elle arrive en jean, mais elle repart avec chauffeur et garde du corps ». Est-ce que vous souhaitez continuer à vivre normalement ?
 
CECILE DUFLOT Mais, juste... Non non, juste un point, il a juste menti. Je suis arrivée avec le bus 83 et repartie avec le métro, en ligne 13. Je pense qu’il n’a jamais pris le métro, Jean-François COPE, donc ça lui semble juste dingue, mais si ça lui permet de continuer à « piapiater », moi, ça ne me dérange pas. Je ne veux rien changer, je ne veux pas faire la révolution, simplement, depuis que je fais de la politique, j’ai essayé de le faire en étant en accord avec ce que je suis, et aussi en essayant de refuser les codes dans lesquels on veut notamment faire rentrer les femmes politiques, celles qui n’ont pas le droit d’avoir une vie de famille et de faire de la politique, celles qui sont obligées de correspondre à une certaine idée. Moi, j’aimerais qu’on puisse se dire que la politique c'est une fonction, ce n'est pas un métier, même si ça veut dire qu’il faut un certain savoir-faire, et que c'est la place de tous et de tous ceux et celles qui le veulent.
 
CAROLINE ROUX Vous continuez à prendre le RER ? Il y a un message ce matin.
 
MAÏTENA BIRABEN C’est ce que Pierre nous dit : « Une Française normale, que l’on croise dans le RER ».
 
CECILE DUFLOT Oui, c'est vrai, je prends le RER. Je ne suis pas venue en RER ce matin, je suis venue en voiture, parce que pour venir chez vous, c'est très loin, par contre, quand il est tard, je rentre en voiture aussi, sinon je prends le métro ou le bus, ou même le vélo, enfin, des choses qui semblent assez classiques, même s’il y a des consignes de sécurité qui...
 
CAROLINE ROUX Ça ne l’est pas quand on est dans la fonction, c'est pour ça qu’on... en général on dit ça au début, et puis après on finit par faire comme tout le monde.
 
CECILE DUFLOT Vous savez, moi je ne le dis pas, je le fais. Ça fait des années qu’on me dit que je vais arrêter de le faire, je suis un peu une tête de bois pour ça.
 
CAROLINE ROUX Alors, on va passer...
 
MAÏTENA BIRABEN A vos dossiers.
 
CAROLINE ROUX A vos dossiers. Dossiers qui concernent vraiment les Français, à savoir le Logement. Sur votre bureau, vous avez trouvé l’avis adopté le10 mai par le Haut conseil de la famille, avec toute une série de propositions, comme par exemple imposer 25 à 30 % de logements sociaux dans les villes qui en ont besoin, actuellement c’est 20 %, ce n'est pas toujours appliqué. Est-ce que c'est une mesure que vous souhaitez mettre en avant ?
 
CECILE DUFLOT Alors, d’abord, il y a un engagement de cette nouvelle majorité, qui est de faire passer, effectivement, le seuil de 20 à 25 % de logements sociaux, dans l’ensemble des communes. La loi qui a permis de créer des logements sociaux, dans des communes qui ne voulaient pas le faire, finalement a été bonne pour tout le monde. Elle a été bonne, parce qu’elle a permis de construire des nouveaux logements sociaux, mais tout le monde s’est rendu compte aussi, que mixer les populations, c’était une très bonne chose pour tout le monde. Donc, on va continuer sur ce chemin. On a un objectif majeur de construction de nouveaux logements. Il y a une vraie crise du logement à laquelle il faut répondre, mais aussi, de faire en sorte que ce soit l’ensemble des communes qui accueille ce type de logements.
 
CAROLINE ROUX 30 % de logements sociaux, vous l’envisagez dans les pays... dans les villes où il y a une tension sur le marché du logement ?
 
CECILE DUFLOT Ecoutez, pour l’instant, l’objectif c'est 25 %. De toute façon, ce qui est sûr, c'est que cette loi, c'est une bonne loi, la loi que l’on appelle SRU. C’est une loi qui a permis de faire évoluer les choses, sauf simplement faire évoluer le seuil, mais continuer le dispositif qui existe.
 
CAROLINE ROUX Qui n'est pas toujours appliqué.
 
CECILE DUFLOT Qui n'est pas toujours expliqué, mais il y a...
 
CAROLINE ROUX Appliqué.
 
CECILE DUFLOT Appliqué, mais il n’y a plus que quelques très rares réfractaires, beaucoup de communes ont fait ce chemin-là.
 
CAROLINE ROUX Alors, vous avez un autre sujet sur votre bureau, c'est la fin de la trêve hivernale, aujourd'hui, elle avait été repoussée en raison de la campagne présidentielle. Il y a 15 000 personnes qui sont concernées par la question de l’hébergement d’urgence. Qu’est-ce que vous faites pour ces gens-là ? Est-ce que vous leur dites : « C’est la fin de la trêve hivernale, donc on n’a pas de solution pour vous » ?
 
CECILE DUFLOT Non. Alors ça, c'est la première décision que j’ai prise, en lien avec Marisol TOURAINE, qui est la ministre des Affaires sociales, c'est de suspendre la fin de la trêve hivernale, de repousser au 31 mai, toute décision, et de faire en sorte, d’ici le 31 mai, que l’on puisse garder des places, pour qu’on ne mette plus personne à la rue. Vous savez, il y a deux façons de faire de la politique : il y a ceux qui ont des formules, et il y a ceux qui agissent. Moi, je me range, et j’espère, avec l’ensemble de ce gouvernement, dans la deuxième catégorie, donc il n’y aura aucun sans domicile fixe qui sera remis à la rue, de façon brutale, comme ça a été fait toutes ces années.
 
CAROLINE ROUX Ça veut dire que d’ici là, il faut que vous trouviez des solutions, pérennes pour ces 15 000 personnes ?
 
CECILE DUFLOT Exactement. Mais il faut trouver deux solutions. La première, c'est faire en sorte que ceux qui sont aujourd'hui hébergés, alors qu’ils pourraient voir accès au logement, parce qu’ils sont tout à fait capables d’être logés dans des logements traditionnels, le puissent, donc il va falloir mobiliser l’ensemble des acteurs, pour faire en sorte que ces places, dans ces foyers d’hébergement, soient libérée par ceux qui ont droit, tout simplement, au logement, et pouvoir accueillir des personnes qui sont en plus grande fragilité, dans des lieux d’hébergement, de bonne qualité.
 
CAROLINE ROUX Alors, on n’oublie pas que l’on est en campagne pour les législatives. Il y a certains élus locaux, du Parti socialiste, qui s’affranchissent de l’accord conclu avec Europe Ecologie Les Verts, en Normandie, dans l’Orne, en Bretagne, donc, qui présentent leur candidature, alors qu’il avait été décidé que ce serait un candidat d’Europe Ecologie Les Verts. Qu’est-ce que vous attendez du Parti socialiste sur ces candidatures dissidentes ?
 
CECILE DUFLOT Alors, deux choses. D’abord, les élections législatives, c'est une élection importante. On a le sentiment que tout est fait, parce qu’on a changé de président de la République, le 10 juin et le 17 juin, il faut qu’il y ait une majorité au Parlement, qui soit aussi diverse, d’ailleurs, que l’a été la majorité, qui a porté François HOLLANDE au poste de président de la République. Donc c'est une élection très importante, dans laquelle les écologistes sont très motivés, et moi je souhaite qu’il y ait un groupe écologiste à l’Assemblée nationale. Dans ces situations d’accords, il y a toujours quelques exceptions, il y en a une grosse dizaine, on va dire, qui...
 
CAROLINE ROUX Ce n'est pas un problème ?
 
CECILE DUFLOT Le Parti socialiste a respecté son engagement, il y a quelques irresponsables, on peut rarement agir contre quelques personnes individuelles, qui font preuve d’une vraie irresponsabilité, parce que cette volonté de rassemblement et d’une majorité commune, c'est une volonté qui est très largement partagée.
 
CAROLINE ROUX Qu’est-ce que vous attendez de Martine AUBRY, sur ce dossier-là ? De la fermeté, par rapport à ces irresponsables, comme vous les appelez
 
CECILE DUFLOT Elle en fait preuve. Elle en fait preuve. Donc, voilà. Ensuite, ce que j’attends, c’est que ceux qui celles qui sont aujourd'hui nos candidats, tous ceux qui sont soutenus par Europe Ecologie Les Verts, soient largement soutenus par les électeurs et les électrices, ça sera la meilleure réponse.
 
CAROLINE ROUX Donc ce n'est pas tellement un sujet, au fond, cette dissidence.
 
CECILE DUFLOT Non. Non, ce n'est pas tellement un sujet.
 
CAROLINE ROUX Vous aurez un groupe à l’Assemblée nationale.
 
CECILE DUFLOT J’espère bien, ça dépendra de ceux et celles qui voteront, et c'est pour ça que je souhaite que l’on vote largement pour nos candidats.
 
CAROLINE ROUX Une toute dernière question. Vous avez des nouvelles d’Eva JOLY ?
 
CECILE DUFLOT Oui, bien sûr.
 
CAROLINE ROUX Ça se passe bien ?
 
CECILE DUFLOT Oui, je vous ai entendue.
 
CAROLINE ROUX Est-ce qu’elle va entrer au gouvernement ? Est-ce qu’elle va avoir une mission, un Haut commissariat, comme il en a été question, sur les questions financières ?
 
CECILE DUFLOT En tout cas, moi je défends depuis très longtemps, ce qui n’était pas sa position initiale, le fait qu’Eva JOLY elle a une place dans la vie politique française. Elle a aujourd'hui repris ses fonctions de présidente de la Commission de développement au Parlement européen, où elle fait et elle a déjà fait de très belles choses, mais moi je souhaite qu’elle prenne toute sa part dans la vie politique française, dans cette majorité, parce que les combats qu’elle a menés, notamment sur les questions financières, sont des combats essentiels dans le travail que nous avons à mener.
 
CAROLINE ROUX Alors, qu’elle ait toute sa place où ?
 
CECILE DUFLOT Eh bien vous verrez.
 
CAROLINE ROUX Vous avez donc l’information ? Vous savez où elle va arriver ?
 
CECILE DUFLOT Non, mais, vous savez, moi je ne suis pas pour que l’on dise les choses, quand les choses ne sont pas existantes. C'est une vieille doctrine. Quand on parle avec les gens, ça ne veut pas dire qu’on raconte les choses à la télé, de la même manière...
 
CAROLINE ROUX Mais non, mais ça veut dire que l’on attend une bonne nouvelle pour Eva JOLY.
 
CECILE DUFLOT Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle pour Eva JOLY, ça sera surtout, pour moi, le fait que Eva JOLY participe à la vie démocratique de ce pays, sur des combats sur lesquels elle est plus qu’inattaquables, ceux qui font le sens même de son engagement, je souhaite, moi, qu’elle ait toute sa place et je suis sûre qu’elle la prendra très bien.
 
MAÏTENA BIRABEN « Wait and see »!
 
CECILE DUFLOT Voilà.
 
Source : Service d’Information du Gouvernement, le 22 mai 2012