Déclaration de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, sur la refonte de la directive nationale d'orientations (DNO) des préfectures, la redéfinition des missions et de l'organisation des sous-préfectures, la rénovation des rapports entre l'administration centrale et les préfets et les grandes orientations de la politique de sécurité, à Paris le 5 juillet 2012.

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Circonstance : Réunion des préfets au ministère de l'intérieur, à Paris le 5 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les préfets,
C’est un plaisir pour moi d’être avec vous et d’avoir, ainsi, cette première occasion d’un dialogue large. Dès ma prise de fonction, j’ai souhaité vous adresser un message écrit afin de vous faire part de ma confiance et de la haute conception que je me fais de vos fonctions, au service de la République.
Notre pays, vous le savez comme moi, fait face à des difficultés majeures, notamment d’ordre économique. C’est donc, tout naturellement, que nos concitoyens, souvent déboussolés, se tournent vers l’Etat et expriment alors des attentes. Vos missions vous placent en premières lignes pour y répondre.
Le Premier ministre vient de définir avec précision, devant la représentation nationale, la feuille de route du Gouvernement. Il m’a chargé de vous délivrer un message de confiance. De confiance et également de mobilisation. Je lui ai, en retour, proposé de s’exprimer devant vous. Il le fera, dès le 31 juillet prochain.
Vous avez, ces dernières semaines – comme c’était votre rôle – assuré la permanence de l’Etat et de l’action publique. Je tiens à vous en remercier. Je veux également vous dire que le temps de l’action gouvernementale est pleinement venu.
Aussi, dans le respect du cadre fixé par le Premier ministre, je souhaite, à l’occasion de cette première rencontre, vous dire ce que j’attends de vous.
Tout d’abord, en termes de méthode. Le président de la République l’avait annoncé, le Premier ministre l’a redit avec force : la politique du Gouvernement ne sera pas celle du coup de menton, de l’annonce médiatique sans lendemain et du mépris des interlocuteurs.
Le temps de l’écoute, le temps de la concertation, le temps de l’échange sont des temps nécessaires de la réforme et de l’action. Vous aurez à les prendre en compte dans le cadre de l’application des orientations déterminées par le Gouvernement mais aussi dans la conduite, au plan local, des politiques publiques dont vous avez la responsabilité.
Le Ministère de l’Intérieur est le ministère en charge de la sécurité des Français. Dans ce domaine l’attente est forte ; il faut y répondre. J’y reviendrai.
Le Ministère de l’Intérieur est également le ministère de l’Etat, dans toutes ses prérogatives. Un Etat dont les Préfectures et le corps préfectoral constituent la colonne vertébrale en garantissant sa présence et sa continuité sur l’ensemble du territoire.
Il est le ministère qui met en oeuvre la politique en matière d’immigration et de droit de séjour. J’entends à ce titre – et je l’assume pleinement ! –, être le ministre garant d’un Etat généreux qui refuse l’arbitraire ; qui définit des règles justes et qui reste ferme dans leurs application.
Il est, également, le ministère des grandes libertés publiques et des cultes. Il est donc en pointe pour faire vivre notre idéal de laïcité, et pour assurer la sécurité des Français dans leurs croyances et leurs pratiques religieuses. A ce titre, je veux insister, en particulier à la suite des événements de cette nuit, sur la nécessaire mobilisation qui doit être la nôtre pour lutter contre toute résurgence de l’antisémitisme. Un antisémitisme qui est une attaque délibérée contre nos valeurs républicaines.
Il est, enfin, le ministère des territoires qui attendent à la fois un Etat consolidé dans ses missions et des collectivités territoriales responsabilisées.
La France est un pays de diversité. Cette diversité est une richesse. Dans mes fonctions, je serai attaché à bien prendre en compte l’ensemble des réalités de notre pays. Je serai, à ce titre, attentif aux problématiques des outremer, en lien étroit avec le ministre en charge de cette question, Victorin LUREL
Le Ministère de l’Intérieur est un ministère du terrain. J’entends y souscrire pleinement. Je serai présent à vos côtés pour témoigner de l’engagement du Gouvernement et de l’avancement des réformes et pour être pleinement à l’écoute des préoccupations immédiates et quotidiennes de nos concitoyens.
Lundi prochain, 9 juillet, je me rendrai à la Préfecture de Chartres. Celle de Jean MOULIN, un grand préfet, symbole de l’intransigeance quant à la défense de nos valeurs républicaines. J’y rencontrerai les membres du corps préfectoral ainsi que des agents. Nous aurons l’occasion ainsi de dialoguer et d’aborder les questions concrètes de la vie d’une préfecture.
Le Ministère de l’Intérieur doit être le garant d’une administration territoriale reconnue, efficace et équilibrée.
Au moment où s’engage un nouvel acte de la décentralisation, je souhaite que la stratégie de l’Etat dans sa dimension territoriale soit fondée sur deux éléments :
- D’abord, l’identification des missions que l’Etat en local doit conserver – les compétences de l’Etat ne pouvant être définies par défaut, de manière résiduelle, par rapport aux collectivités territoriales,
- Ensuite, des principes d’organisation et de fonctionnement qui soient essentiellement ceux de l’interministérialité et de la déconcentration.
Je souhaite insister sur trois aspects concernant plus spécifiquement le ministère de l’intérieur :
- La refonte de la directive nationale d’orientations (DNO) des préfectures,
- L’engagement d’un exercice – largement inédit – visant à redéfinir les missions et l’organisation des sous-préfectures,
- La rénovation des rapports entre l’administration centrale et les préfets – dans le sens de la confiance et de l’échange.
S’agissant de la DNO : la directive actuelle doit être entièrement refondue d’ici à la fin du premier semestre 2013. Les travaux associeront les administrations centrale et territoriale, ainsi que les organisations syndicales.
La question des sous-préfectures mérite une approche spécifique et ambitieuse. Elles sont aujourd’hui l’incarnation de l’Etat au plus près des territoires et, à ce titre, un élément primordial de notre cohésion sociale et territoriale. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de le réaffirmer même avec conviction – en comptant sur l’attachement évident des élus pour « leurs » sous-préfectures ! Il nous revient collectivement d’adapter ce réseau dans ses missions et dans son organisation.
Les missions d’abord. Elles ne peuvent pas être les mêmes en fonction des territoires : urbains, suburbains, ruraux, frontaliers, montagnards… . J’ai donc demandé au secrétaire général d’élaborer une typologie des arrondissements et des missions assurées par catégorie de sous-préfecture – autour d’un socle d’attributions communes.
L’étape suivante sera de donner à chaque sous-préfecture sa place dans cette typologie, afin de déterminer ce que doivent être désormais ses missions. Vous serez évidemment consultés dans ce cadre. Il sera le fondement du projet de service élaboré dans chaque sous-préfecture, en concertation avec les agents. Parallèlement, le « référentiel métiers » sera adapté aux missions des personnels.
Ces différents travaux permettront d’aboutir à un plan d’action dont la mise en oeuvre devra être conduite sur trois ans.
La question de l’évolution du réseau pourra – et devra– être posée dans ce cadre. La réflexion globale sur les missions et l’organisation ainsi que l’évolution possible de la carte cantonale ne pourront pas en effet, laisser de côté la question de l’adaptation de la carte des sous-préfectures.
Vous le savez : tous ces chantiers demandent à vos collaborateurs comme à vous-même, dans les préfectures, des facultés d’adaptation et de créativité inédites, dans un contexte de réduction des emplois publics et particulièrement dans l’administration territoriale.
Les représentants des personnels que j’ai rencontrés et avec qui je continue d’échanger, ont exprimé, le sens aigu du service public qui caractérise les agents de notre ministère, mais aussi leur attente forte, de responsabilisation, de considération, d’écoute, de reconnaissance. A ce titre, j’attends de vous une implication renforcée dans la conduite du dialogue social, sous toutes ses formes, formelle ou informelle, au plan local.
Enfin, troisième aspect, les rapports entre l’administration centrale et les préfets doivent évoluer vers plus de confiance.
Dans cette logique, j’adresserai, dans les prochains jours, une lettre à l’ensemble des membres du Gouvernement pour témoigner de l’engagement et de la capacité d’action de l’administration territoriale mais aussi pour leur demander d’être attentifs aux conditions qui permettent sa mobilisation de façon efficace.
L’institution préfectorale à laquelle vous appartenez a été, ces derniers temps, trop peu considérée. J’entends lui redonner toute sa place en nouant avec vous une relation basée sur la responsabilisation, la réactivité, et l’inter action.
Je veux des préfets qui ne soient pas seulement acteurs de la mise en oeuvre des politiques publiques mais qui soient aussi en première ligne de l’élaboration de l’action publique.
Conformément aux engagements du président de la République, un nouvel acte de décentralisation va être mis en oeuvre.
Il reposera sur deux piliers comme l’a indiqué le Premier ministre : la confiance et la responsabilité.
La confiance, c’est celle que nous allons établir en rénovant les conditions de dialogue avec les collectivités territoriales. Je souhaite, à cet égard, vous dire un mot d’un sujet dont les élus me parlent beaucoup – et vous parlent aussi, j’en suis sûr.
Le Premier ministre l’a annoncé : le conseiller territorial sera abrogé. Le calendrier électoral sera redéfini – même si les élections municipales étant maintenues en 2014, à l’instar évidemment des sénatoriales et des européennes. Nous réfléchissons à une conjonction des élections départementales – peut-être en série unique – et régionales soit en 2015, soit en 2016. Je ne peux vous en dire davantage sans anticiper sur des décisions qui ne sont pas prises.
Je souhaite insister, par ailleurs – car je sais que c’est une actualité qui vous préoccupe – sur la poursuite des travaux qui ont été engagés en vue de rationaliser et d’achever la couverture intercommunale du territoire.
Je vous invite à faire aboutir, avant la fin de l’année 2012, les projets vous paraissant réunir les conditions d’acceptabilité requises, en prenant dès que possible les arrêtés de périmètre correspondants.
Il vous appartient en tout état de cause, de relancer les concertations pour que ceux-ci soient pris avant le 31 décembre de cette année, ce qui suppose, dans les cas où celle-ci est requise, une consultation de la CDCI au plus tard en septembre.
Je souhaite que vous réussissiez : cet objectif de rationalisation des périmètres pour davantage de cohérence, d’efficacité, de solidarité, est le mien. Il appellera pour être atteint, la souplesse et la prise en compte des réalités du terrain. Je vous invite naturellement à ne pas hésiter à saisir mon cabinet des cas présentant une sensibilité particulière au regard du contexte local.
Sans ordre, sans ordre républicain, il n’y a ni progrès, ni lien social possibles : l’espace public est abandonné à la violence, les groupes sociaux se replient sur eux-mêmes, les habitants se barricadent et ne se rencontrent plus. Jamais la loi du plus fort – celle des caïds, des trafiquants, des agresseurs – ne doit avoir sa place. Partout, elle doit se heurter aux lois de la République.
Vous le savez autant que moi : les enjeux de sécurité resteront durablement élevés. La demande sociale est forte. Il doit s’agir d’une priorité de l’Etat.
Je n’ignore pas que vous avez été fortement mobilisés sur ces questions au cours des dernières années, et je sais que vous vous êtes personnellement et sincèrement investis. Mais ce qui vous a été demandé ne l’a pas toujours été avec la méthode, le respect et la confiance requis.
Avec vous, je veux ancrer une culture de l’action et de l’efficacité. Celle-ci impliquera bien sûr des outils de pilotage opérationnel, de la cartographie criminelle, des indicateurs statistiques. Mais ceux-ci doivent être des moyens pour orienter l’action, pas une fin en soi.
La politique de sécurité que j’entends conduire doit être résolument tournée vers les territoires et leurs habitants.
Je l’ai annoncé : les premières zones de sécurité prioritaires (ZSP) seront créées à la rentrée. Engagement du Président de la République, ces zones consisteront à mettre en place une action de sécurité renforcée sur des territoires bien ciblés, caractérisés par une délinquance enracinée et de fortes attentes de la population. Elles s’appuieront sur un dispositif souple et adaptable et une coordination renforcée de l’ensemble des forces de sécurité compétentes sur le territoire concerné.
Pour les ZSP, je n’entends pas définir un cadre national monolithique. Je suis convaincu que leur succès dépendra beaucoup des capacités d’adaptation de ceux qui auront en charge de les mettre en oeuvre.
Vous serez consultés dans les prochaines semaines sur la définition de ces zones et sur les priorités d’action à leur fixer.
Depuis 2007, police et gendarmerie ont perdu 10 700 emplois. 3500 emplois supplémentaires devaient être supprimés l’an prochain. Ces chiffres, dont je ne suis pas certain qu’ils vous aient jamais été communiqués officiellement disent une seule chose : l’érosion des effectifs de police et de gendarmerie doit cesser au plus vite.
Le Gouvernement s’est engagé à remobiliser des moyens supplémentaires à hauteur de 1000 emplois par an pendant cinq ans. La répartition entre police, gendarmerie et justice est à l’arbitrage du Premier ministre.
Mais les années à venir seront aussi celles de l’engagement de réformes de structures. Je souhaite inscrire résolument mon action dans la perspective de la mutualisation et de la complémentarité des forces de police et de gendarmerie. Non seulement s’agissant de nouveaux progrès dans l’intégration des fonctions supports, mais aussi à travers des partenariats opérationnels innovants ou la programmation de nouvelles opérations de redéploiement. Ils se feront progressivement, sans grande annonce ni plan national, mais avec détermination.
Au-delà des effectifs, je l’ai dit, l’efficacité de la politique de sécurité repose sur une cohérence d’inspiration et d’action qui implique un dialogue permanent et constant avec les autorités judiciaires, à tous les niveaux.
Pour renouer le fil d’un dialogue trop souvent interrompu, j’ai donc proposé que des conférences intérieur/justice déconcentrées se tiennent, à partir de la rentrée de septembre, à un niveau régional – adapté pour tenir compte de la carte judiciaire. Des instructions conjointes vous seront adressées pour la fin de l’été dans cette perspective.
Je n’oublie pas, bien entendu, les enjeux de la sécurité routière. Les orientations prises ces dernières années ont produit leurs fruits. Les résultats enregistrés au premier semestre sont encourageants.
J’attends de vous – et je sais que c’est déjà le cas ! – une attention permanente et personnelle. Elle est tout particulièrement indispensable au moment des départs en vacances.
J’ai dit aux sapeurs-pompiers que la sécurité des Français était ma priorité, donc également la sécurité civile.
La culture de gestion de crise fait chaque année des progrès, mais c’est à vous de maintenir l’effort, pour que le renouvellement des équipes n’entraîne pas de perte d’efficacité et que cette culture soit quelque chose de permanent. Le r??le des préfets de zone est à ce titre tout à fait déterminant.
Ministère de l’Etat, des territoires, de la sécurité, le ministère de l’Intérieur a également la charge de mettre en oeuvre la politique d’immigration et d’intégration. Ces sont ces deux questions que je veux, pour finir, aborder avec vous.
Comme vous le savez, conformément aux engagements du président de la République, l’abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 a assoupli les conditions d’accès au marché du travail des étudiants.
Une instruction va vous être prochainement adressée, vous demandant de mettre immédiatement un terme à la rétention des familles et précisant les règles de l’assignation à résidence.
Une instruction est également en préparation visant à redéfinir des critères précis, objectifs, uniformément appliqués sur le territoire pour justifier un droit à demeurer sur le territoire. Je n’entends pas engager une opération ponctuelle visant à susciter une vague de régularisations. J’entends vous donner un cadre d’action clarifié, assoupli, prenant davantage en compte les réalités des liens tissés par des individus avec notre Nation.
Je souhaite également proposer, dans les prochains mois, au Parlement la création d’un titre de séjour pluriannuel.
J’ai conscience du rôle de vos collaborateurs dans la conduite de ces politiques. A la préfecture de Nanterre le 27 juin dernier, j’ai pu mesurer, à cette occasion, leur engagement, la difficulté de leur tâche, au-delà de toutes les caricatures faciles, et leur capacité à rechercher les moyens pour accueillir de façon plus efficace, plus humaine, plus professionnelle l’ensemble des usagers.
Je souhaite que vous engagiez avec l’appui des administrations centrales, un effort d’amélioration des conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures.
Je demande enfin qu’en matière d’accès à la nationalité, votre cadre d’action soit réexaminé. Je suis particulièrement préoccupé par la chute très forte du nombre de naturalisations. Je vous le dis clairement : je ne considère pas que l’accès à la nationalité comme une variable de la politique d’immigration !
Les dernières années ont vu, souvent de façon cachée, se durcir les exigences, par exemple en matière d’insertion professionnelle. J’ai demandé à ce qu’une instruction soit préparée dans les prochaines semaines pour remettre à plat, de manière transparente, les critères applicables. Je vous demande d’y être particulièrement attentif.
Tout cela implique également une politique en faveur de l’intégration qui soit ambitieuse, qui soit ouverte, qui soit forte.
Deux sujets méritent enfin – de par leur actualité immédiate et leur acuité – des réponses rapides.
Le premier est la réduction des délais de traitement des demandes d’asile. C’est une priorité. La situation actuelle n’est pas acceptable.
Le second sujet est celui de la lutte contre l’immigration irrégulière. Je souhaite que la lutte contre les filières qui exploitent la misère humaine soit ferme et continue.
La décision rendue le 3 juillet par la Cour de Cassation interdit désormais de placer en garde à vue des personnes au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière. Le Premier ministre m’a demandé de lui proposer rapidement un texte législatif pour redonner un fondement légal à notre action. L’éloignement des étrangers en situation irrégulière doit rester la règle. Il vous appartient d’y veiller. Les indicateurs chiffrés seront suivis. Mais je ne jugerai pas votre action sur le nombre d’éloignements réalisés.
Mesdames, Messieurs les préfets,
En abordant avec vous l’ensemble des missions du Ministère de l’Intérieur, j’ai voulu poser le cadre de notre action collective. Les tâches qui nous attendent sont nombreuses. Elles couvrent un ensemble large de domaine. Vos fonctions vous ont habitué à cela. Je connais d’autre part votre capacité d’entrainement.
J’ai donc une entière confiance dans l’action que vous allez mener, que nous allons mener, au service de la France et des Français.
Je vous invite maintenant à un moment d’échanges.
Source http://www.localtis.info, le 16 juillet 2012