Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire voilà ce à quoi le Gouvernement travaille, voilà le cadre dans lequel sinscrivent les textes financiers que nous discutons aujourdhui, le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de programmation des finances publiques.
Il existe une voie pour à la fois résorber la dette, réduire les inégalités, et relancer la croissance et lemploi. Cette voie est étroite et singulière : cest celle qua définie François Hollande pendant la campagne présidentielle, cest celle que les Français ont appelé de leurs voeux. Rien ne nous en détournera. Je veux la tracer, lexpliquer devant vous aujourdhui.
Je reviens de Tokyo, où jai participé aux Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale. Jy ai défendu avec force la politique économique de la France, toute entière tournée vers un même but, renouer avec la croissance et lemploi. Et jai été frappé et conforté par la prise de conscience des impasses auxquelles laustérité généralisée mènerait léconomie mondiale. Vous le savez, nous avons alerté nos partenaires sur ce sujet dès notre arrivée aux responsabilités, en mai dernier. Nous avons été entendus et aujourdhui, en Europe et dans le monde, le rejet de laustérité comme seul horizon politique et économique sest imposé. Dans la période de turbulences que nous traversons, il faut, tous ensemble, garder le regard fixé sur cet objectif, sans se laisser distraire par les bruits de fond : cest le mandat que les Français nous ont donné.
Renouer avec la croissance, donc, mais pas avec nimporte quelle croissance. Nous voulons une croissance plus solidaire cest-à-dire une croissance qui saccompagne dune réduction des inégalités, dune réduction du chômage, et non pas une croissance qui détruit des emplois et qui ne bénéficie quà quelques-uns. Et nous voulons une croissance plus équilibrée cest-à-dire, une croissance durable, respectueuse de nos ressources, qui ne serait pas tirée par lendettement mais par le dynamisme, la compétitivité de nos acteurs économiques, et qui ne laisserait pas aux générations futures la facture de lajustement.
Linversion de la courbe du chômage dici un an, la réduction de la part de la dette dans la richesse nationale dès 2014, le retour à léquilibre des finances publiques et du solde extérieur hors énergie dici la fin du quinquennat : voici les grands objectifs de politique économique que le gouvernement sest fixé, les grandes étapes du redressement.
Aujourdhui, nous en sommes encore loin :
- dabord parce que la France nest pas une monade isolée : la situation internationale, et en particulier européenne, conditionne celle de notre pays jy reviendrai dans une minute.
- mais surtout, parce que nous payons le prix des fragilités structurelles et de déséquilibres persistants dans léconomie française, qui nont pas été traités sérieusement depuis dix ans, et sur lesquels la crise actuelle joue comme un révélateur. Je pense dabord et avant tout au chômage, qui atteint désormais 10% de la population active ; je pense au creusement des inégalités aux deux extrêmes de léchelle des revenus ; je pense à notre déficit commercial et de compétitivité, qui explique le fort recul de nos parts de marché à lexportation depuis 10 ans. Je pense enfin à la dérive financière du pays : 1 700 Mds de dette lan dernier, soit 86% du PIB ; 600 Mds de dette supplémentaire accumulée sous le quinquennat précédent ; plus de 50 Mds dintérêts à servir chaque année. Nous produisons moins quen 2007, et la France vient denregistrer trois trimestres consécutifs de croissance nulle. Telle est la réalité : il ne sagit pas là dune référence sempiternelle à l « héritage », mais tout simplement du constat objectif de lampleur du redressement à accomplir.
Cela ne peut pas durer plus longtemps. Jentends les interrogations sur notre stratégie économique. Je veux y répondre, expliquer, convaincre, et agir surtout, rapidement et en profondeur. Mais je refuse de tomber dans les fausses solutions :
- Certains prônent laustérité et pensent que, pour redevenir compétitifs, il faut casser le modèle social français. Ils disent que les sacrifices devraient être consentis principalement par ceux qui ont le moins : pas assez productifs, trop assistés. Ils affirment que les Français vivraient au-dessus de leurs moyens. Le Gouvernement est fier de défendre une autre façon de voir, de refuser le fatalisme, de ne pas transiger avec ses convictions, de se soucier du pouvoir dachat et davoir redonné toute sa place au dialogue social.
- Dautres à linverse affirment que nous échouerons à stimuler la croissance et à ramener le déficit à 3% du PIB en 2013. Ce débat est légitime ; cest labsence de débat qui minquièterait. Mais jassume le retour du déficit à 3% du PIB en 2013. Le désendettement est une nécessité absolue et le retour du déficit à 3% du PIB nest ni inepte, ni déraisonnable. Pourquoi ? Parce quune dette élevée conduit à prélever lourdement sur les revenus dactivité pour servir les intérêts ; parce quune dette élevée favorise la rente au détriment des revenus des travailleurs et des entrepreneurs. Parce que la dette est lennemie de léconomie, et creuse les inégalités. La dette place notre pays en situation de vulnérabilité face aux marchés. Le désendettement public nest pas incompatible avec la croissance, il en est même la condition. Cest pourquoi nous avons refusé laustérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant les priorités. Et nous avons pris nos responsabilités : ceux qui peuvent le plus contribueront le plus.
Il existe une stratégie alternative pour allier le sérieux budgétaire et la croissance, la justice sociale et lefficacité économique. Cette stratégie doit se déployer sur deux niveaux internationaux et nationaux mais servir un seul et même agenda de croissance pour le pays. Et sa cohérence est construite non pas sur le court terme, mais sur lensemble du mandat. Cest cette cohérence que je veux restituer aujourdhui, avant dexpliquer comment y contribue le projet de loi de finances pour 2013.
I. Permettez-moi tout dabord de vous présenter la stratégie en faveur dune croissance plus forte et plus solidaire
Notre stratégie économique actionne plusieurs leviers - internationaux, européens, nationaux mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.
1. A linternational, notre démarche est claire : cest le refus de laustérité généralisée, la lutte contre les dérèglements de la finance et la relance de lactivité mondiale et européenne
Au plan international, nous oeuvrons au redémarrage de lactivité mondiale, pour tirer notre propre reprise. Cest le sens de laction du Gouvernement au G8, au G20, au sein des institutions financières internationales, et surtout en Europe.
Vous le savez, léconomie mondiale peine à sortir de la crise financière qui la frappée il y a quatre ans, et qui trouve son origine dans les dérèglements du système financier, les déséquilibres et les excès dendettement qui les ont accompagnés.
Partie des Etats-Unis en 2008, cette crise a trouvé des prolongements en Europe à partir de 2010, avant de s??aggraver à lété 2011, avec une série de chocs qui a entraîné un brusque ralentissement mondial (hausse des prix du pétrole et surtout, intensification de la crise en zone euro).
Nous agissons, avec nos partenaires, pour faire repartir lactivité mondiale. Depuis le mois de mai dernier, notre action dans les enceintes multilatérales a permis de peser sur la conduite des politiques économiques dans le monde et leur meilleure coordination afin que la réduction des déficits et de la dette, si nécessaire, ne fasse pas obstacle à une reprise de la croissance mondiale. Car si lEurope reste notre principal débouché, le niveau des échanges mondiaux, lactivité économique chez nos principaux partenaires sont des éléments déterminants pour la croissance et lemploi en France.
Dans le prolongement de laction du Président de la République lors du G20 de Los Cabos en juin dernier, jai fait part à nos partenaires, à Tokyo, de notre grand intérêt pour le débat lancé par le FMI sur la nécessité de prévenir le ralentissement de léconomie mondiale par des politiques économiques adaptées. Cest le sens de laction européenne et internationale de la France depuis le mois de mai dernier. Cest le sens aussi de notre politique économique, pour laquelle je nai demandé ni délai ni régime de faveur, car il en va de notre souveraineté et de notre crédibilité budgétaires. Cest aussi le sens des demandes que jadresse aux pays qui peuvent relancer et alimenter la croissance mondiale je pense à la Chine mais aussi à lAllemagne.
Jai également insisté sur la nécessité de renforcer encore le moteur de croissance que constitue désormais le monde en développement, qui contribue à notre propre croissance. Que lon ne sy trompe pas. Nous ne parviendrons à une croissance soutenable et durable que si les fractures les plus grandes, celles qui frappent les pays en développement et leurs populations, ne sont réduites. Cest aussi pourquoi jai voulu, lors de ces réunions de Tokyo, donner une nouvelle impulsion à la mise en place dune taxation internationale des transactions financières: cest une contribution majeure pour lutter contre la spéculation financière et le soutien à la croissance. Cela fait des années que nous militons pour la création de cet instrument. Aujourdhui, nous pouvons dire : nous lavons fait.
Nos interdépendances européennes exigent par ailleurs que nous fassions preuve dune insistance particulière à Bruxelles, auprès de nos partenaires, pour garantir que la croissance occupe toute la place quelle mérite dans la construction européenne et pour faire reconnaître que laustérité généralisée est une impasse.
LEurope est, aujourdhui, lépicentre de la crise mondiale, alors que prise dans son ensemble, ses fondamentaux sont sains. La crise a prospéré ces dernières années faute de mécanismes de résolution rapides et efficaces, et dune perspective politique pour lavenir de lUnion. Notre réponse doit dissiper les tensions qui secouent la zone euro et saccompagner defforts au moins équivalents pour lintégration et la croissance.
Nous y travaillons darrache-pied. Le Conseil européen de cette semaine permettra de faire le point sur les progrès que la Grèce réalise dans la mise en oeuvre de ses engagements, sur la situation en zone euro, et sur les premières pistes proposées par le président Van Rompuy pour renforcer l'intégration européenne. Le Prix Nobel qui a été attribué à l'Union européenne ce vendredi vient nous rappeler que le projet européen est d'abord un projet politique. La construction d'une communauté en commençant par son volet économique était, pour nos « pères fondateurs », une façon de construire des solidarités de fait menant à une union plus étroite entre les peuples. Mais ce prix nest pas seulement, et peu dabord, une récompense pour le passé. Il est un appel, une invitation à aller de lavant vers davantage d'intégration - au plan économique, social, et enfin politique. C'est cette démarche qui nous permettra de sortir de la crise, de redessiner un espace de confiance en Europe - et de recréer ainsi les conditions de la croissance.
Nous pouvons être fiers de notre politique européenne : la France est à lavant-garde pour le bien commun de lEurope, et par là-même, pour son propre bien. Sur tous les dossiers importants la supervision bancaire, les mécanismes de stabilité financière, la solidarité en zone euro nous sommes non seulement moteurs, mais écoutés. Jexpliquais hier dans lenceinte de cette Assemblée comment nous construisons un continuum entre nos initiatives économiques nationales et nos initiatives économiques européennes, au service dun même agenda de croissance ; je ny reviens pas. Je veux simplement ajouter ici que nous assumons de croire en lEurope, et de participer au jeu communautaire, parce que cest dans lintérêt de long terme de notre pays.
Et puis, je noublie pas les leçons du passé, celles que lhistoire a léguées à la France et à la gauche : la relance ne peut être queuropéenne, ignorer le risque dune sanction financière condamnerait les mesures de soutien à lactivité que nous prendrions isolément.
2. Cest pourquoi, en France, nous voulons répondre à lurgence économique et sociale et préparer activement le retour de la croissance
La croissance viendra de notre action internationale. Elle viendra aussi, bien entendu de notre politique économique nationale, que nous déployons en trois étapes.
Première étape : nous nous devions de répondre à lurgence économique et sociale. Cest le sens du train de mesures que nous avons décidées en juillet et au cours de cet été, et qui visaient à soutenir le pouvoir dachat des ménages cest-à-dire la consommation, le moteur historique de la croissance dans notre pays. Je pense à laugmentation de lallocation de rentrée scolaire, au rétablissement de la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeune mais ayant atteint leur durée de cotisation, à la mesure dencadrement des loyers en zone tendue, à la revalorisation du SMIC, à la baisse des prix du carburant, à labrogation de la hausse de la TVA programmée par la droite, qui aurait amputé le budget des ménages de 11 milliards deuros par an, la création de 150 000 emplois davenir. Jai entendu les critiques, mais je défends et jassume ces choix : ce sont des mesures justes chacun le voit mais aussi des mesures nécessaires, efficaces économiquement, puisquelles permettent dalimenter notre croissance qui était en berne à notre arrivée aux responsabilités. Nous avons sauvé, en juillet, lessentiel pour 2012.
La deuxième étape est liée, cest celle qui nous occupe dans ce PLF, cest le moment du redressement, quincarnent les lois financières dont vous commencez aujourdhui lexamen. Jy reviens dans quelques instants.
Mais il était capital de lancer, dans le même temps une troisième étape, celle des chantiers profonds, structurels, pour poser les fondations dune croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire :
- Dabord, au travers dune réforme du financement de léconomie, à laquelle je crois beaucoup. Pourquoi ? Parce que lun des atouts des entreprises chez notre voisin doutre-Rhin, cest létroitesse de leurs liens avec des banques régionales et de proximité qui les accompagnent et les soutiennent. Je présenterai demain en Conseil des Ministres un projet de loi portant création de la Banque Publique dInvestissement (BPI). La BPI sera la banque des TPE, des PME, des PME industrielles et des Entreprises de Taille Intermédiaire : elle financera leurs projets de développement, leur croissance à linternational, leurs investissements dans linnovation.
Au-delà de la création de la BPI, de la réforme de lépargne réglementée que nous avons entamée et de la réforme du secteur bancaire, pour laquelle je présenterai un projet de loi avant la fin de lannée, nous devons oeuvrer à une meilleure mobilisation de lépargne des Français abondante, mais dont lallocation nest pas la plus utile à léconomie en faveur du financement de léconomie réelle. Le Premier Ministre a confié une mission à deux membres de cette Assemblée qui doit déboucher sur des propositions pour favoriser lépargne longue et en direction des fonds propres des entreprises : elle sinscrit pleinement dans cet agenda de compétitivité.
En parallèle, vous le savez, le Gouvernement veut avancer vite sur la réforme du marché du travail, avec les négociations cruciales qui sont en cours sur les contrats de générations et la sécurisation de lemploi.
- Le Gouvernement réfléchit à dautres pistes pour soutenir la productivité et linvestissement, en particulier au profit des PME et des ETI, pour dynamiser leur compétitivité. Sans être exhaustif, je pense au soutien résolu à linnovation que nous entamons déjà avec le Projet de Loi de Finances pour 2013 à lamélioration de lenvironnement économique des entreprises, au financement des exportations. Louis Gallois remettra le 5 novembre un rapport sur la compétitivité des entreprises qui contribuera à la réflexion sur les différentes facettes de la compétitivité, compétitivité coût et hors coût. Nous avons parallèlement lancé une concertation des partenaires sociaux et installé le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui restituera ses travaux en fin dannée. Il nest pas temps aujourdhui dannoncer des arbitrages qui nont pas été effectués. Mais je veux dire ici que nous avons une vision large et ambitieuse de la compétitivité compétitivité prix et hors prix et quaucune piste de réflexion ne sera négligée.
- Cest enfin au travers de réformes sectorielles que nous renforcerons la compétitivité de notre économie, et que nous renouerons avec une croissance de qualité. Le Gouvernement entend conduire une politique volontariste de soutien à loffre de logements, en se fixant pour objectif, conformément à lengagement du président François Hollande, la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Nous voulons stimuler rapidement le secteur du bâtiment et faire baisser pour les ménages le coût daccès au logement.
Voilà, en quelques mots, les grands chantiers en faveur de la croissance que nous avons amorcés et qui vont mobiliser lensemble du gouvernement au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Jentends y tenir toute ma place, en coordonnant et en mettant tout mon poids au service de cet agenda de compétitivité.
3. Notre stratégie de finances publiques sinscrit dans cet agenda de croissance.
Notre stratégie de finances publiques, qui est décrite dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques exprime pleinement cette démarche. Elle se déploie au sein dun cadre de finances publiques profondément rénové, qui préfigure la mise en oeuvre de la loi organique en cours de discussion au Parlement :
- Tout dabord, et cest un progrès qui me semble décisif, le projet de loi de programmation propose un pilotage intelligent des finances publiques, cest-à-dire que nos objectifs seront désormais exprimés en termes de solde structurel. En dautres mots, la croissance et les aléas de la conjoncture seront désormais pris en compte dans lajustement des finances publiques.
- Le projet de loi de programmation prévoit par ailleurs un mécanisme de correction qui respecte la souveraineté de la représentation nationale: lorsquun écart important sera constaté supérieur à 0,5 point de PIB sur un an ou deux ans , le gouvernement sera tenu dexpliquer les raisons de cet écart et de proposer des mesures de correction dans le prochain projet de loi de finances. Si nous nous étions dotés dun mécanisme de cette nature plus tôt, nous naurions peut-être pas laissé dériver la dette publique jusquaux sommets quelle atteint aujourdhui.
Dans ce cadre, notre action sera conduite en deux temps :
- Le premier temps est celui du redressement et de la remise en ordre des finances publiques. Le déséquilibre financier dont nous héritons est massif. Nous devions le corriger, et nous avons choisi de faire porter lessentiel de cet effort en début de mandat, avec le retour du déficit public nominal à 3% du PIB puis, dès 2014, linversion de la dynamique de la dette. Des mesures de redressement significatives ont été votées en juillet dernier pour sécuriser lobjectif de déficit de 4,5% en 2012, compte tenu de lenvironnement macroéconomique peu dynamique. Un effort très important est encore nécessaire en 2013 pour ramener le déficit à 3%, conformément aux engagements du Président de la République. La détermination du Gouvernement à tenir ces objectifs est absolue.
- Le second temps sera celui du retour à léquilibre structurel des comptes publics. Le déficit structurel - cest-à-dire corrigé des effets du cycle économique - sera ramené sous les 0,5% du PIB dès 2015 0,5%, cest le seuil qui est prévu par le traité européen que nous soumettons à ratification , puis à léquilibre structurel en 2016 et en 2017. Cela veut dire quune fois passé le cap difficile de 2013 et 2014, nous redonnerons plus de marges de manoeuvre à laction publique.
Cette trajectoire est exigeante, certes, mais son sérieux est reconnu les taux dintérêt bas auxquels la France emprunte, aujourdhui, en témoignent grâce, notamment, aux règles de bonne gestion qui laccompagnent.
Je voudrais insister ici sur un élément trop peu pris en compte. Le sérieux budgétaire nest pas un boulet, une contrainte, un obstacle qui empêcherait le progrès économique et social. Il nest pas incompatible avec une volonté forte de changement, avec un engagement de gauche, avec une démarche de justice et de redistribution. Il doit au contraire être compris comme une condition de la compétitivité de notre économie dans son ensemble. Lorsque les conditions de financement des Etats espagnols et italiens se sont dégradées, ce ne sont pas seulement les finances publiques qui ont été mises en difficulté, cest lensemble des économies, ce sont les entreprises. Si les entreprises françaises devaient connaître une hausse de leurs taux dintérêt de 150 points de base ce quon a observé chez nos voisins cela viendrait amputer leurs marges de 2 Md à court terme et de 12 Md en régime permanent soit davantage que leffort qui leur est demandé dans le cadre de ce projet de loi de finances ! Ce serait catastrophique. Cest parce que je veux éviter cette épreuve à mon pays, parce je refuse sa dégradation ou sa relégation, que je revendique pleinement le sérieux budgétaire.
Cest pour ces raisons que nous devons poursuivre la consolidation de nos finances publiques. Mais si nous assumons le désendettement, ce désendettement doit être intelligent. Le désendettement compétitif :
- Exige de juger les efforts que nous menons sur la base des résultats obtenus, et non pas sur les moyens mis en oeuvre. Je lai dit ici à de nombreuses reprises : le Gouvernement et ce Parlement gardent la maîtrise du « comment », cest-à-dire la maîtrise du rythme et des choix financiers qui permettront de redresser nos comptes ;
- Sinspire des expériences réussies à létranger, comme au Canada par exemple. Le désendettement est un défi exigeant, et cest aussi par lintelligence et lexpérience collective que nous le relèverons. Jobserve que les parcours de désendettement réussis ceux qui ne débouchent pas sur un assèchement de la puissance publique combinent un effort fiscal, une réforme de laction des administrations, un examen minutieux des dépenses publiques, une réflexion sur larticulation des pouvoirs centraux et territoriaux, un souci de pédagogie et de lisibilité de laction menée, une implication renforcée du Parlement dans les règles de gouvernance financières, et des réformes en faveur de la compétitivité du pays. Que faisons-nous dautre en France ? Toutes ces dimensions, toutes ces réformes sont à lordre du jour du Gouvernement. A nous à présent de les réussir et de présenter aux Français et à leurs représentants des résultats ;
- Repose sur un effort partagé, mais différencié, pour ne pas nuire à la croissance. Un effort partagé entre le secteur public et le secteur privé, et au sein des administrations publiques pour ne pas avoir dangles morts dans leffort de redressement. Mais aussi un effort différencié, pour aller chercher les marges de manoeuvre là où elles existent, sans peser uniformément sur les moteurs de la croissance, et au sein des administrations publiques en particulier pour ne pas reproduire le systématisme aveugle et destructeur du précédent Gouvernement.
Il est économiquement efficace de procéder ainsi. Je parlais du passé, notamment de celui de la gauche. 1981 nous a appris limpossibilité de la relance isolée. 1983 nous aura appris quun prélèvement sur le pouvoir dachat des ménages et une réduction brutale des dépenses de lEtat, dans un contexte de dégradation des grands équilibres et de faible compétitivité noffraient pas une perspective suffisante de progrès. La voie que nous empruntons, aujourdhui, est différente.
Certains nous reprochent, ici, de ne pas baisser suffisamment les dépenses. Je leur réponds dabord que leffort sur la dépense que nous conduisons est lourd, important, réparti entre toutes les administrations. Je leur dis ensuite que ce quils proposent est un non-sens économique, qui condamnerait une activité déjà durement affectée. Lexpérience historique et lanalyse économique montrent quil faut faire porter leffort dans un premier temps sur les recettes, et poursuivre avec les dépenses, et non pas linverse. Car, sil ny a pas dajustement durable sans baisse de dépenses à moyen terme, à court terme, les baisses de dépenses ont un impact plus récessif que les hausses de prélèvements, et la différence est plus grande encore quand la conjoncture est mauvaise. Le FMI la redit très récemment. Le rythme dajustement que nous poursuivons avec un effort immédiat en recettes, et un effort progressif mais persistant en dépense est le bon. Il préserve autant que cest possible la croissance.
La poursuite des efforts de maîtrise de la dette permettra, après les deux ans du redressement, de dégager des marges de manoeuvre pour baisser le taux de prélèvements obligatoires. Nous sommes attendus sur ce point, au-delà de limportance de la visibilité et de la stabilité du système fiscal pour les investisseurs et les acteurs économiques du pays, passé leffort compris, et je crois, accepté, des premières années du mandat.
Ce sera, aussi, le temps où nous pourrons capitaliser sur nos efforts dassainissement des comptes, avec des marges de manoeuvre retrouvées pour nos services publics et nos politiques de solidarité. Je noublie pas, et je sais quil est présent à lesprit de chacun ici, que pour être accepté, leffort de redressement doit être juste, mais aussi limité dans le temps, et déboucher sur des perspectives concrètes damélioration de la situation économique pour les administrations publiques, les entreprises et les ménages. Noublions pas que cest cette perspective plus lumineuse, après la marche, bien haute, quil nous faut à franchir en début de mandat, que nous assumons, que nous recherchons, qui donne son sens à lajustement de nos finances publiques.
Voilà, présentée un peu longuement mais je crois lexercice nécessaire la cohérence de notre stratégie économique. Le Projet de Loi de Finances pour 2013 qui est soumis à votre examen sinscrit en totale cohérence avec la ligne que je viens de vous présenter. Je laisserai Jérôme Cahuzac vous en exposer le détail dans quelques minutes, avec la précision qui est la sienne, mais il me revient de montrer comment le PLF 2013 sinsère dans la vision densemble que je viens de dessiner.
II. Le PLF sinscrit dans notre stratégie économique
1. Le PLF 2013 est un budget dassainissement des comptes, mais dassainissement juste
Vous connaissez lambition de ce Projet de Loi de Finances, qui amorce lassainissement des comptes publics que jévoquais il y a quelques instants : un déficit public ramené à 3% du PIB, soit un effort total de 30 milliards 37 même avec les mesures de la Loi de Finances Rectificative que cette Assemblée a examinée en juillet. Jai dit les raisons de cet assainissement, son importance pour la puissance publique, pour les ménages, pour les entreprises, pour la croissance. Cest essentiel, mais pas suffisant pour rendre cet effort acceptable : la vérité, cest que si le redressement est un impératif, il existe aussi un bon et un mauvais redressement. Le mauvais redressement, cest celui qui assèche nos administrations, frappe les plus modestes de plein fouet mais épargne ceux qui sont le plus en position de contribuer à leffort, et paralyse les entreprises. Le bon redressement, cest celui que je vous présente : celui qui est juste, celui qui est limité dans le temps, celui qui ouvre la voie à un retour de la croissance demain, en préservant la demande, sans nuire à notre offre productive.
Alors oui, nous allons aller chercher ensemble 30 milliards pour 2013. Cet effort est à la mesure des dérives et des déséquilibres que nous avons trouvés à notre arrivée. Il nous faut prendre la mesure de cette responsabilité à la fois historique et collective.
Le Gouvernement assume lexigence de ce budget, parce que leffort quil propose est un effort juste :
- Cest un effort juste parce quil est partagé, à parts égales, entre administration publique, ménages et entreprises, mais aussi parce quil est différencié au sein de chacune de ces catégories, pour solliciter ceux qui peuvent et soulager ceux qui peinent.
- Cest un effort juste parce quil rétablit enfin la progressivité de limpôt, et en particulier de limposition des personnes, mise à mal sous le quinquennat précédent, avec les résultats économiques que lon connaît. Leffort de 2013 ne repose pas sur des mesures de hausse générale et indifférenciée des impôts, mais sur une réforme profonde de la structure des prélèvements. En prenant en compte toute la capacité contributive des ménages, le PLF demande plus à ceux qui ont davantage et assure une répartition socialement plus juste et économiquement plus efficace de leffort de redressement.
Cest le sens de la création dune nouvelle tranche à 45% au-delà de 150 000 euros, de la limitation de lavantage qui pourra être retiré des niches fiscales, ou de lalignement de limposition du capital sur limposition du travail : je répète quil nest pas normal que lon soit moins taxé lorsque lon senrichit en dormant que lorsquon peine en travaillant. Cette grande réforme de limpôt sur le revenu, qui est le coeur de ce projet de loi de finances, demandera un effort important surtout aux plus fortunés.
Les détenteurs des plus hauts revenus et patrimoines sont appelés à un effort de solidarité exemplaire, et pour partie exceptionnel. La contribution exceptionnelle de solidarité et la réforme de lISF les concernent également directement et permettent de demander plus à ceux peuvent le plus. Je lai dit : leffort juste, lassainissement intelligent, est nécessairement discriminant. La contribution exceptionnelle sera neutre pour 99,9% des contribuables, la réforme de lISF portera sur les 5% de ménages aux revenus les plus élevés.
Notre réforme de limpôt sur le revenu est clairement ciblée puisque comme le Premier ministre la annoncé, seuls 11% des foyers fiscaux sont perdants à cette réforme et puisque 80% du rendement est concentré sur le 1% de ménages les plus aisés. Mais ceux-là même qui avaient décidé du gel du barème de limpôt sur le revenu ont contesté cette présentation et souligné que leur propre décision conduisait à ce quun nombre plus important de ménages verront leur imposition augmenter en 2013. Ce que nous navions jamais contesté !
Mais la vérité, cest que pour les deux premières tranches de limpôt sur le revenu, soit pour près de 7,5 millions de contribuables dont les revenus auront augmenté comme linflation, nous avons neutralisé les effets de la non-indexation du barème.
Janticipe les critiques et je veux y répondre par avance : il est mensonger de laisser penser que leffort serait concentré sur les classes moyennes. Même avec la vision la plus large, incluant à la fois les effets du collectif de lété 2012, le gel du barème et les mesures proposées en projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre réforme demeure profondément redistributive et juste, il apparaît que 70% du rendement seront concentrés sur les 20% de ménages les plus aisés.
Ces chiffres apportent donc un démenti formel à ceux qui nous accusent de solliciter indûment les classes moyennes dans le cadre de la réforme fiscale. Dautant plus quand on rappelle que le même collectif de lété 2012 a permis un allégement de 11 Mds de la TVA, soit léquivalent du rendement des mesures prises en compte.
- Par ailleurs, leffort que nous proposons est un effort juste parce quil permettra aussi dexercer une importante pression sur les prix du logement, qui représente à la fois la première dépense des ménages modestes, et une dépense incompressible, qui pèse donc particulièrement dans leur portefeuille. Les mesures que nous proposons pour développer loffre de logement, en libérant du foncier et des locaux, et en favorisant la construction, vont permettre de soutenir le pouvoir dachat des plus foyers aux revenus les plus faibles.
- Enfin, cest un effort juste, parce quil rééquilibre limposition des sociétés. Lassiette de limpôt sur les sociétés sera consolidée par la remise en cause de certains avantages fiscaux particulièrement utilisés par les grandes entreprises. Aujourdhui, lécart de 10 points entre le taux réel des PME et celui des grandes entreprises sexplique pour moitié par la déduction des charges financières : le PLF permettra aussi de réduire de 30% lécart de taux implicite dimposition entre les PME et les grandes entreprises.
2. Ce budget préserve par ailleurs nos capacités de croissance
En effet, il ny a pas deffort acceptable sans perspective meilleure qui permette de la justifier : cest pourquoi le Gouvernement a élaboré un budget qui préserve les capacités de croissance du pays.
- Un tiers de leffort de 30 milliards est assuré par des économies sur les dépenses de l'Etat. Jai déjà répondu à ceux qui objectent que cest insuffisant : la montée en puissance progressive de la maîtrise de la dépense publique permet de préserver la demande à court terme, et donc la croissance.
- Le budget nétouffe pas non plus la consommation, moteur historique de la croissance en France. Il la préserve à la fois parce quil fait porter lessentiel de leffort sur les hauts revenus, qui ont une plus grande propension à épargner, et parce quil préserve le pouvoir dachat des plus modestes, et donc de leur niveau de consommation.
- Le Projet de Loi de Finances pour 2013 préserve nos capacités productives et donc la croissance puisque les efforts demandés aux entreprises épargnent largement les PME, fer de lance de notre économie. Si le PLF demande un effort de notre tissu productif, il le fait porter avant tout sur les entreprises les moins vulnérables, qui conserveront les moyens dinvestir et dinnover.
Préserver nos capacités productives pour renouer, demain, avec la croissance, implique de ne pas pénaliser ceux et celles qui aujourdhui prennent des risques, innovent ou entreprennent. Cest la raison pour laquelle nous estimons nécessaire daménager certaines mesures en priorité la taxation des plus-values de cessions - qui, parce quelle nétait pas assez ciblée, affaiblissait les entrepreneurs, alors que nous voulons les mettre en condition de contribuer au rétablissement de léconomie du pays. Il est évidemment hors de question de renoncer à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, mais ce quil faut taxer, c'est la rente, pas le risque. Je veux, avec le Ministre du budget, être ferme sur les principes, mais pragmatique sur les modalités ; nous sommes volontaristes, mais pas bornés, et nous proposerons des amendements au Parlement pour mieux calibrer la taxation des plus-values de cession, et de manière plus générale pour favoriser lentreprenariat. Pour moi, je veux le dire ici, il ny a pas de croissance sans les entreprises, pas de politique de croissance qui vaille contre les entreprises. Il ny a pas, dans ce Gouvernement, de « racisme anti-entreprise », ou dhostilité à léconomie de marché. Nous comprenons et aimons les entreprises, nous voulons aider celles et ceux qui créent, innovent, exportent, parce quen définitive cest dans lentreprise que se créent la richesse et lemploi. Cest le sens même de notre présence ici. Cest la finalité de notre action.
Nous proposerons ainsi de mettre en place un statut fiscal pour les entrepreneurs, dinciter à linvestissement long, enfin de mieux prendre en compte la situation de ceux qui réinvestissent dans une nouvelle entreprise la plus-value quils ont dégagée sur lentreprise quils dirigeaient jusque là.
Enfin, le Projet de Loi de Finances pour 2013 entame le mouvement de modernisation de notre économie, là encore en vue de renouer avec une croissance de qualité. Il amorce la transition écologique, en proposant des mesures de mise en oeuvre de la feuille de route fixée dans le cadre de la conférence environnementale. Mais surtout, il étend le Crédit Impôt Recherche aux dépenses dinnovation des TPE et des PME innovantes. Cest un dispositif auquel je crois beaucoup : il sagit de résoudre un problème spécifiquement français : lengagement insuffisant des PME dans linnovation. La capacité à innover est un facteur de compétitivité, il est essentiel de lencourager au travers de la fiscalité.
Je men tiens là, mais avant de laisser la parole au Ministre du budget, je voudrais vous dire ma fierté pour le travail déjà accompli et ma fierté anticipée pour celui qui attend cette Assemblée. Nous sommes en train de refondre entièrement le paysage de nos finances publiques, la forme et le contenu, rien moins que ça. Et nous les refondons dans le bon sens, cest-à-dire avec une amélioration de nos règles de gestion qui donne des gages de crédibilité à nos engagements sans nuire à la souveraineté de ce Parlement, et avec une gouvernance budgétaire renforcée, là aussi autour dun Parlement mieux informé et mieux associé. Cest un point dont nous pouvons collectivement nous féliciter.
Le changement nest pas un sprint. Un mandat ne dure pas cinq mois cest la durée exacte qui nous sépare de la nomination du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le 16 mai mais cinq ans. Le changement, cest une course de fond, exigeante, dont notre pays sortira plus fort, plus dynamique, plus innovant et surtout plus solidaire, que le Gouvernement ne réussira pas seul. Cest avec la mobilisation de lensemble des administrations publiques, de lensemble des acteurs économiques et de toute la société civile que nous y parviendrons, cest surtout avec le soutien, lexpertise et la vigilance bienveillante de cette Assemblée et du Sénat que nous redresserons le pays, et que nous relèverons le défi du désendettement compétitif. Vous pouvez compter sur notre détermination et notre disponibilité ; je sais pouvoir compter sur vos expériences et vos talents divers, sur le soutien exigeant de la majorité, sur le contrôle que jespère constructif de lopposition, sur la sagacité de tous. Gardons nos yeux sur les véritables enjeux de ce quinquennat, pour le réussir ensemble.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 19 octobre 2012
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire voilà ce à quoi le Gouvernement travaille, voilà le cadre dans lequel sinscrivent les textes financiers que nous discutons aujourdhui, le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de programmation des finances publiques.
Il existe une voie pour à la fois résorber la dette, réduire les inégalités, et relancer la croissance et lemploi. Cette voie est étroite et singulière : cest celle qua définie François Hollande pendant la campagne présidentielle, cest celle que les Français ont appelé de leurs voeux. Rien ne nous en détournera. Je veux la tracer, lexpliquer devant vous aujourdhui.
Je reviens de Tokyo, où jai participé aux Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale. Jy ai défendu avec force la politique économique de la France, toute entière tournée vers un même but, renouer avec la croissance et lemploi. Et jai été frappé et conforté par la prise de conscience des impasses auxquelles laustérité généralisée mènerait léconomie mondiale. Vous le savez, nous avons alerté nos partenaires sur ce sujet dès notre arrivée aux responsabilités, en mai dernier. Nous avons été entendus et aujourdhui, en Europe et dans le monde, le rejet de laustérité comme seul horizon politique et économique sest imposé. Dans la période de turbulences que nous traversons, il faut, tous ensemble, garder le regard fixé sur cet objectif, sans se laisser distraire par les bruits de fond : cest le mandat que les Français nous ont donné.
Renouer avec la croissance, donc, mais pas avec nimporte quelle croissance. Nous voulons une croissance plus solidaire cest-à-dire une croissance qui saccompagne dune réduction des inégalités, dune réduction du chômage, et non pas une croissance qui détruit des emplois et qui ne bénéficie quà quelques-uns. Et nous voulons une croissance plus équilibrée cest-à-dire, une croissance durable, respectueuse de nos ressources, qui ne serait pas tirée par lendettement mais par le dynamisme, la compétitivité de nos acteurs économiques, et qui ne laisserait pas aux générations futures la facture de lajustement.
Linversion de la courbe du chômage dici un an, la réduction de la part de la dette dans la richesse nationale dès 2014, le retour à léquilibre des finances publiques et du solde extérieur hors énergie dici la fin du quinquennat : voici les grands objectifs de politique économique que le gouvernement sest fixé, les grandes étapes du redressement.
Aujourdhui, nous en sommes encore loin :
- dabord parce que la France nest pas une monade isolée : la situation internationale, et en particulier européenne, conditionne celle de notre pays jy reviendrai dans une minute.
- mais surtout, parce que nous payons le prix des fragilités structurelles et de déséquilibres persistants dans léconomie française, qui nont pas été traités sérieusement depuis dix ans, et sur lesquels la crise actuelle joue comme un révélateur. Je pense dabord et avant tout au chômage, qui atteint désormais 10% de la population active ; je pense au creusement des inégalités aux deux extrêmes de léchelle des revenus ; je pense à notre déficit commercial et de compétitivité, qui explique le fort recul de nos parts de marché à lexportation depuis 10 ans. Je pense enfin à la dérive financière du pays : 1 700 Mds de dette lan dernier, soit 86% du PIB ; 600 Mds de dette supplémentaire accumulée sous le quinquennat précédent ; plus de 50 Mds dintérêts à servir chaque année. Nous produisons moins quen 2007, et la France vient denregistrer trois trimestres consécutifs de croissance nulle. Telle est la réalité : il ne sagit pas là dune référence sempiternelle à l « héritage », mais tout simplement du constat objectif de lampleur du redressement à accomplir.
Cela ne peut pas durer plus longtemps. Jentends les interrogations sur notre stratégie économique. Je veux y répondre, expliquer, convaincre, et agir surtout, rapidement et en profondeur. Mais je refuse de tomber dans les fausses solutions :
- Certains prônent laustérité et pensent que, pour redevenir compétitifs, il faut casser le modèle social français. Ils disent que les sacrifices devraient être consentis principalement par ceux qui ont le moins : pas assez productifs, trop assistés. Ils affirment que les Français vivraient au-dessus de leurs moyens. Le Gouvernement est fier de défendre une autre façon de voir, de refuser le fatalisme, de ne pas transiger avec ses convictions, de se soucier du pouvoir dachat et davoir redonné toute sa place au dialogue social.
- Dautres à linverse affirment que nous échouerons à stimuler la croissance et à ramener le déficit à 3% du PIB en 2013. Ce débat est légitime ; cest labsence de débat qui minquièterait. Mais jassume le retour du déficit à 3% du PIB en 2013. Le désendettement est une nécessité absolue et le retour du déficit à 3% du PIB nest ni inepte, ni déraisonnable. Pourquoi ? Parce quune dette élevée conduit à prélever lourdement sur les revenus dactivité pour servir les intérêts ; parce quune dette élevée favorise la rente au détriment des revenus des travailleurs et des entrepreneurs. Parce que la dette est lennemie de léconomie, et creuse les inégalités. La dette place notre pays en situation de vulnérabilité face aux marchés. Le désendettement public nest pas incompatible avec la croissance, il en est même la condition. Cest pourquoi nous avons refusé laustérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant les priorités. Et nous avons pris nos responsabilités : ceux qui peuvent le plus contribueront le plus.
Il existe une stratégie alternative pour allier le sérieux budgétaire et la croissance, la justice sociale et lefficacité économique. Cette stratégie doit se déployer sur deux niveaux internationaux et nationaux mais servir un seul et même agenda de croissance pour le pays. Et sa cohérence est construite non pas sur le court terme, mais sur lensemble du mandat. Cest cette cohérence que je veux restituer aujourdhui, avant dexpliquer comment y contribue le projet de loi de finances pour 2013.
I. Permettez-moi tout dabord de vous présenter la stratégie en faveur dune croissance plus forte et plus solidaire
Notre stratégie économique actionne plusieurs leviers - internationaux, européens, nationaux mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.
1. A linternational, notre démarche est claire : cest le refus de laustérité généralisée, la lutte contre les dérèglements de la finance et la relance de lactivité mondiale et européenne
Au plan international, nous oeuvrons au redémarrage de lactivité mondiale, pour tirer notre propre reprise. Cest le sens de laction du Gouvernement au G8, au G20, au sein des institutions financières internationales, et surtout en Europe.
Vous le savez, léconomie mondiale peine à sortir de la crise financière qui la frappée il y a quatre ans, et qui trouve son origine dans les dérèglements du système financier, les déséquilibres et les excès dendettement qui les ont accompagnés.
Partie des Etats-Unis en 2008, cette crise a trouvé des prolongements en Europe à partir de 2010, avant de s??aggraver à lété 2011, avec une série de chocs qui a entraîné un brusque ralentissement mondial (hausse des prix du pétrole et surtout, intensification de la crise en zone euro).
Nous agissons, avec nos partenaires, pour faire repartir lactivité mondiale. Depuis le mois de mai dernier, notre action dans les enceintes multilatérales a permis de peser sur la conduite des politiques économiques dans le monde et leur meilleure coordination afin que la réduction des déficits et de la dette, si nécessaire, ne fasse pas obstacle à une reprise de la croissance mondiale. Car si lEurope reste notre principal débouché, le niveau des échanges mondiaux, lactivité économique chez nos principaux partenaires sont des éléments déterminants pour la croissance et lemploi en France.
Dans le prolongement de laction du Président de la République lors du G20 de Los Cabos en juin dernier, jai fait part à nos partenaires, à Tokyo, de notre grand intérêt pour le débat lancé par le FMI sur la nécessité de prévenir le ralentissement de léconomie mondiale par des politiques économiques adaptées. Cest le sens de laction européenne et internationale de la France depuis le mois de mai dernier. Cest le sens aussi de notre politique économique, pour laquelle je nai demandé ni délai ni régime de faveur, car il en va de notre souveraineté et de notre crédibilité budgétaires. Cest aussi le sens des demandes que jadresse aux pays qui peuvent relancer et alimenter la croissance mondiale je pense à la Chine mais aussi à lAllemagne.
Jai également insisté sur la nécessité de renforcer encore le moteur de croissance que constitue désormais le monde en développement, qui contribue à notre propre croissance. Que lon ne sy trompe pas. Nous ne parviendrons à une croissance soutenable et durable que si les fractures les plus grandes, celles qui frappent les pays en développement et leurs populations, ne sont réduites. Cest aussi pourquoi jai voulu, lors de ces réunions de Tokyo, donner une nouvelle impulsion à la mise en place dune taxation internationale des transactions financières: cest une contribution majeure pour lutter contre la spéculation financière et le soutien à la croissance. Cela fait des années que nous militons pour la création de cet instrument. Aujourdhui, nous pouvons dire : nous lavons fait.
Nos interdépendances européennes exigent par ailleurs que nous fassions preuve dune insistance particulière à Bruxelles, auprès de nos partenaires, pour garantir que la croissance occupe toute la place quelle mérite dans la construction européenne et pour faire reconnaître que laustérité généralisée est une impasse.
LEurope est, aujourdhui, lépicentre de la crise mondiale, alors que prise dans son ensemble, ses fondamentaux sont sains. La crise a prospéré ces dernières années faute de mécanismes de résolution rapides et efficaces, et dune perspective politique pour lavenir de lUnion. Notre réponse doit dissiper les tensions qui secouent la zone euro et saccompagner defforts au moins équivalents pour lintégration et la croissance.
Nous y travaillons darrache-pied. Le Conseil européen de cette semaine permettra de faire le point sur les progrès que la Grèce réalise dans la mise en oeuvre de ses engagements, sur la situation en zone euro, et sur les premières pistes proposées par le président Van Rompuy pour renforcer l'intégration européenne. Le Prix Nobel qui a été attribué à l'Union européenne ce vendredi vient nous rappeler que le projet européen est d'abord un projet politique. La construction d'une communauté en commençant par son volet économique était, pour nos « pères fondateurs », une façon de construire des solidarités de fait menant à une union plus étroite entre les peuples. Mais ce prix nest pas seulement, et peu dabord, une récompense pour le passé. Il est un appel, une invitation à aller de lavant vers davantage d'intégration - au plan économique, social, et enfin politique. C'est cette démarche qui nous permettra de sortir de la crise, de redessiner un espace de confiance en Europe - et de recréer ainsi les conditions de la croissance.
Nous pouvons être fiers de notre politique européenne : la France est à lavant-garde pour le bien commun de lEurope, et par là-même, pour son propre bien. Sur tous les dossiers importants la supervision bancaire, les mécanismes de stabilité financière, la solidarité en zone euro nous sommes non seulement moteurs, mais écoutés. Jexpliquais hier dans lenceinte de cette Assemblée comment nous construisons un continuum entre nos initiatives économiques nationales et nos initiatives économiques européennes, au service dun même agenda de croissance ; je ny reviens pas. Je veux simplement ajouter ici que nous assumons de croire en lEurope, et de participer au jeu communautaire, parce que cest dans lintérêt de long terme de notre pays.
Et puis, je noublie pas les leçons du passé, celles que lhistoire a léguées à la France et à la gauche : la relance ne peut être queuropéenne, ignorer le risque dune sanction financière condamnerait les mesures de soutien à lactivité que nous prendrions isolément.
2. Cest pourquoi, en France, nous voulons répondre à lurgence économique et sociale et préparer activement le retour de la croissance
La croissance viendra de notre action internationale. Elle viendra aussi, bien entendu de notre politique économique nationale, que nous déployons en trois étapes.
Première étape : nous nous devions de répondre à lurgence économique et sociale. Cest le sens du train de mesures que nous avons décidées en juillet et au cours de cet été, et qui visaient à soutenir le pouvoir dachat des ménages cest-à-dire la consommation, le moteur historique de la croissance dans notre pays. Je pense à laugmentation de lallocation de rentrée scolaire, au rétablissement de la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeune mais ayant atteint leur durée de cotisation, à la mesure dencadrement des loyers en zone tendue, à la revalorisation du SMIC, à la baisse des prix du carburant, à labrogation de la hausse de la TVA programmée par la droite, qui aurait amputé le budget des ménages de 11 milliards deuros par an, la création de 150 000 emplois davenir. Jai entendu les critiques, mais je défends et jassume ces choix : ce sont des mesures justes chacun le voit mais aussi des mesures nécessaires, efficaces économiquement, puisquelles permettent dalimenter notre croissance qui était en berne à notre arrivée aux responsabilités. Nous avons sauvé, en juillet, lessentiel pour 2012.
La deuxième étape est liée, cest celle qui nous occupe dans ce PLF, cest le moment du redressement, quincarnent les lois financières dont vous commencez aujourdhui lexamen. Jy reviens dans quelques instants.
Mais il était capital de lancer, dans le même temps une troisième étape, celle des chantiers profonds, structurels, pour poser les fondations dune croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire :
- Dabord, au travers dune réforme du financement de léconomie, à laquelle je crois beaucoup. Pourquoi ? Parce que lun des atouts des entreprises chez notre voisin doutre-Rhin, cest létroitesse de leurs liens avec des banques régionales et de proximité qui les accompagnent et les soutiennent. Je présenterai demain en Conseil des Ministres un projet de loi portant création de la Banque Publique dInvestissement (BPI). La BPI sera la banque des TPE, des PME, des PME industrielles et des Entreprises de Taille Intermédiaire : elle financera leurs projets de développement, leur croissance à linternational, leurs investissements dans linnovation.
Au-delà de la création de la BPI, de la réforme de lépargne réglementée que nous avons entamée et de la réforme du secteur bancaire, pour laquelle je présenterai un projet de loi avant la fin de lannée, nous devons oeuvrer à une meilleure mobilisation de lépargne des Français abondante, mais dont lallocation nest pas la plus utile à léconomie en faveur du financement de léconomie réelle. Le Premier Ministre a confié une mission à deux membres de cette Assemblée qui doit déboucher sur des propositions pour favoriser lépargne longue et en direction des fonds propres des entreprises : elle sinscrit pleinement dans cet agenda de compétitivité.
En parallèle, vous le savez, le Gouvernement veut avancer vite sur la réforme du marché du travail, avec les négociations cruciales qui sont en cours sur les contrats de générations et la sécurisation de lemploi.
- Le Gouvernement réfléchit à dautres pistes pour soutenir la productivité et linvestissement, en particulier au profit des PME et des ETI, pour dynamiser leur compétitivité. Sans être exhaustif, je pense au soutien résolu à linnovation que nous entamons déjà avec le Projet de Loi de Finances pour 2013 à lamélioration de lenvironnement économique des entreprises, au financement des exportations. Louis Gallois remettra le 5 novembre un rapport sur la compétitivité des entreprises qui contribuera à la réflexion sur les différentes facettes de la compétitivité, compétitivité coût et hors coût. Nous avons parallèlement lancé une concertation des partenaires sociaux et installé le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui restituera ses travaux en fin dannée. Il nest pas temps aujourdhui dannoncer des arbitrages qui nont pas été effectués. Mais je veux dire ici que nous avons une vision large et ambitieuse de la compétitivité compétitivité prix et hors prix et quaucune piste de réflexion ne sera négligée.
- Cest enfin au travers de réformes sectorielles que nous renforcerons la compétitivité de notre économie, et que nous renouerons avec une croissance de qualité. Le Gouvernement entend conduire une politique volontariste de soutien à loffre de logements, en se fixant pour objectif, conformément à lengagement du président François Hollande, la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Nous voulons stimuler rapidement le secteur du bâtiment et faire baisser pour les ménages le coût daccès au logement.
Voilà, en quelques mots, les grands chantiers en faveur de la croissance que nous avons amorcés et qui vont mobiliser lensemble du gouvernement au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Jentends y tenir toute ma place, en coordonnant et en mettant tout mon poids au service de cet agenda de compétitivité.
3. Notre stratégie de finances publiques sinscrit dans cet agenda de croissance.
Notre stratégie de finances publiques, qui est décrite dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques exprime pleinement cette démarche. Elle se déploie au sein dun cadre de finances publiques profondément rénové, qui préfigure la mise en oeuvre de la loi organique en cours de discussion au Parlement :
- Tout dabord, et cest un progrès qui me semble décisif, le projet de loi de programmation propose un pilotage intelligent des finances publiques, cest-à-dire que nos objectifs seront désormais exprimés en termes de solde structurel. En dautres mots, la croissance et les aléas de la conjoncture seront désormais pris en compte dans lajustement des finances publiques.
- Le projet de loi de programmation prévoit par ailleurs un mécanisme de correction qui respecte la souveraineté de la représentation nationale: lorsquun écart important sera constaté supérieur à 0,5 point de PIB sur un an ou deux ans , le gouvernement sera tenu dexpliquer les raisons de cet écart et de proposer des mesures de correction dans le prochain projet de loi de finances. Si nous nous étions dotés dun mécanisme de cette nature plus tôt, nous naurions peut-être pas laissé dériver la dette publique jusquaux sommets quelle atteint aujourdhui.
Dans ce cadre, notre action sera conduite en deux temps :
- Le premier temps est celui du redressement et de la remise en ordre des finances publiques. Le déséquilibre financier dont nous héritons est massif. Nous devions le corriger, et nous avons choisi de faire porter lessentiel de cet effort en début de mandat, avec le retour du déficit public nominal à 3% du PIB puis, dès 2014, linversion de la dynamique de la dette. Des mesures de redressement significatives ont été votées en juillet dernier pour sécuriser lobjectif de déficit de 4,5% en 2012, compte tenu de lenvironnement macroéconomique peu dynamique. Un effort très important est encore nécessaire en 2013 pour ramener le déficit à 3%, conformément aux engagements du Président de la République. La détermination du Gouvernement à tenir ces objectifs est absolue.
- Le second temps sera celui du retour à léquilibre structurel des comptes publics. Le déficit structurel - cest-à-dire corrigé des effets du cycle économique - sera ramené sous les 0,5% du PIB dès 2015 0,5%, cest le seuil qui est prévu par le traité européen que nous soumettons à ratification , puis à léquilibre structurel en 2016 et en 2017. Cela veut dire quune fois passé le cap difficile de 2013 et 2014, nous redonnerons plus de marges de manoeuvre à laction publique.
Cette trajectoire est exigeante, certes, mais son sérieux est reconnu les taux dintérêt bas auxquels la France emprunte, aujourdhui, en témoignent grâce, notamment, aux règles de bonne gestion qui laccompagnent.
Je voudrais insister ici sur un élément trop peu pris en compte. Le sérieux budgétaire nest pas un boulet, une contrainte, un obstacle qui empêcherait le progrès économique et social. Il nest pas incompatible avec une volonté forte de changement, avec un engagement de gauche, avec une démarche de justice et de redistribution. Il doit au contraire être compris comme une condition de la compétitivité de notre économie dans son ensemble. Lorsque les conditions de financement des Etats espagnols et italiens se sont dégradées, ce ne sont pas seulement les finances publiques qui ont été mises en difficulté, cest lensemble des économies, ce sont les entreprises. Si les entreprises françaises devaient connaître une hausse de leurs taux dintérêt de 150 points de base ce quon a observé chez nos voisins cela viendrait amputer leurs marges de 2 Md à court terme et de 12 Md en régime permanent soit davantage que leffort qui leur est demandé dans le cadre de ce projet de loi de finances ! Ce serait catastrophique. Cest parce que je veux éviter cette épreuve à mon pays, parce je refuse sa dégradation ou sa relégation, que je revendique pleinement le sérieux budgétaire.
Cest pour ces raisons que nous devons poursuivre la consolidation de nos finances publiques. Mais si nous assumons le désendettement, ce désendettement doit être intelligent. Le désendettement compétitif :
- Exige de juger les efforts que nous menons sur la base des résultats obtenus, et non pas sur les moyens mis en oeuvre. Je lai dit ici à de nombreuses reprises : le Gouvernement et ce Parlement gardent la maîtrise du « comment », cest-à-dire la maîtrise du rythme et des choix financiers qui permettront de redresser nos comptes ;
- Sinspire des expériences réussies à létranger, comme au Canada par exemple. Le désendettement est un défi exigeant, et cest aussi par lintelligence et lexpérience collective que nous le relèverons. Jobserve que les parcours de désendettement réussis ceux qui ne débouchent pas sur un assèchement de la puissance publique combinent un effort fiscal, une réforme de laction des administrations, un examen minutieux des dépenses publiques, une réflexion sur larticulation des pouvoirs centraux et territoriaux, un souci de pédagogie et de lisibilité de laction menée, une implication renforcée du Parlement dans les règles de gouvernance financières, et des réformes en faveur de la compétitivité du pays. Que faisons-nous dautre en France ? Toutes ces dimensions, toutes ces réformes sont à lordre du jour du Gouvernement. A nous à présent de les réussir et de présenter aux Français et à leurs représentants des résultats ;
- Repose sur un effort partagé, mais différencié, pour ne pas nuire à la croissance. Un effort partagé entre le secteur public et le secteur privé, et au sein des administrations publiques pour ne pas avoir dangles morts dans leffort de redressement. Mais aussi un effort différencié, pour aller chercher les marges de manoeuvre là où elles existent, sans peser uniformément sur les moteurs de la croissance, et au sein des administrations publiques en particulier pour ne pas reproduire le systématisme aveugle et destructeur du précédent Gouvernement.
Il est économiquement efficace de procéder ainsi. Je parlais du passé, notamment de celui de la gauche. 1981 nous a appris limpossibilité de la relance isolée. 1983 nous aura appris quun prélèvement sur le pouvoir dachat des ménages et une réduction brutale des dépenses de lEtat, dans un contexte de dégradation des grands équilibres et de faible compétitivité noffraient pas une perspective suffisante de progrès. La voie que nous empruntons, aujourdhui, est différente.
Certains nous reprochent, ici, de ne pas baisser suffisamment les dépenses. Je leur réponds dabord que leffort sur la dépense que nous conduisons est lourd, important, réparti entre toutes les administrations. Je leur dis ensuite que ce quils proposent est un non-sens économique, qui condamnerait une activité déjà durement affectée. Lexpérience historique et lanalyse économique montrent quil faut faire porter leffort dans un premier temps sur les recettes, et poursuivre avec les dépenses, et non pas linverse. Car, sil ny a pas dajustement durable sans baisse de dépenses à moyen terme, à court terme, les baisses de dépenses ont un impact plus récessif que les hausses de prélèvements, et la différence est plus grande encore quand la conjoncture est mauvaise. Le FMI la redit très récemment. Le rythme dajustement que nous poursuivons avec un effort immédiat en recettes, et un effort progressif mais persistant en dépense est le bon. Il préserve autant que cest possible la croissance.
La poursuite des efforts de maîtrise de la dette permettra, après les deux ans du redressement, de dégager des marges de manoeuvre pour baisser le taux de prélèvements obligatoires. Nous sommes attendus sur ce point, au-delà de limportance de la visibilité et de la stabilité du système fiscal pour les investisseurs et les acteurs économiques du pays, passé leffort compris, et je crois, accepté, des premières années du mandat.
Ce sera, aussi, le temps où nous pourrons capitaliser sur nos efforts dassainissement des comptes, avec des marges de manoeuvre retrouvées pour nos services publics et nos politiques de solidarité. Je noublie pas, et je sais quil est présent à lesprit de chacun ici, que pour être accepté, leffort de redressement doit être juste, mais aussi limité dans le temps, et déboucher sur des perspectives concrètes damélioration de la situation économique pour les administrations publiques, les entreprises et les ménages. Noublions pas que cest cette perspective plus lumineuse, après la marche, bien haute, quil nous faut à franchir en début de mandat, que nous assumons, que nous recherchons, qui donne son sens à lajustement de nos finances publiques.
Voilà, présentée un peu longuement mais je crois lexercice nécessaire la cohérence de notre stratégie économique. Le Projet de Loi de Finances pour 2013 qui est soumis à votre examen sinscrit en totale cohérence avec la ligne que je viens de vous présenter. Je laisserai Jérôme Cahuzac vous en exposer le détail dans quelques minutes, avec la précision qui est la sienne, mais il me revient de montrer comment le PLF 2013 sinsère dans la vision densemble que je viens de dessiner.
II. Le PLF sinscrit dans notre stratégie économique
1. Le PLF 2013 est un budget dassainissement des comptes, mais dassainissement juste
Vous connaissez lambition de ce Projet de Loi de Finances, qui amorce lassainissement des comptes publics que jévoquais il y a quelques instants : un déficit public ramené à 3% du PIB, soit un effort total de 30 milliards 37 même avec les mesures de la Loi de Finances Rectificative que cette Assemblée a examinée en juillet. Jai dit les raisons de cet assainissement, son importance pour la puissance publique, pour les ménages, pour les entreprises, pour la croissance. Cest essentiel, mais pas suffisant pour rendre cet effort acceptable : la vérité, cest que si le redressement est un impératif, il existe aussi un bon et un mauvais redressement. Le mauvais redressement, cest celui qui assèche nos administrations, frappe les plus modestes de plein fouet mais épargne ceux qui sont le plus en position de contribuer à leffort, et paralyse les entreprises. Le bon redressement, cest celui que je vous présente : celui qui est juste, celui qui est limité dans le temps, celui qui ouvre la voie à un retour de la croissance demain, en préservant la demande, sans nuire à notre offre productive.
Alors oui, nous allons aller chercher ensemble 30 milliards pour 2013. Cet effort est à la mesure des dérives et des déséquilibres que nous avons trouvés à notre arrivée. Il nous faut prendre la mesure de cette responsabilité à la fois historique et collective.
Le Gouvernement assume lexigence de ce budget, parce que leffort quil propose est un effort juste :
- Cest un effort juste parce quil est partagé, à parts égales, entre administration publique, ménages et entreprises, mais aussi parce quil est différencié au sein de chacune de ces catégories, pour solliciter ceux qui peuvent et soulager ceux qui peinent.
- Cest un effort juste parce quil rétablit enfin la progressivité de limpôt, et en particulier de limposition des personnes, mise à mal sous le quinquennat précédent, avec les résultats économiques que lon connaît. Leffort de 2013 ne repose pas sur des mesures de hausse générale et indifférenciée des impôts, mais sur une réforme profonde de la structure des prélèvements. En prenant en compte toute la capacité contributive des ménages, le PLF demande plus à ceux qui ont davantage et assure une répartition socialement plus juste et économiquement plus efficace de leffort de redressement.
Cest le sens de la création dune nouvelle tranche à 45% au-delà de 150 000 euros, de la limitation de lavantage qui pourra être retiré des niches fiscales, ou de lalignement de limposition du capital sur limposition du travail : je répète quil nest pas normal que lon soit moins taxé lorsque lon senrichit en dormant que lorsquon peine en travaillant. Cette grande réforme de limpôt sur le revenu, qui est le coeur de ce projet de loi de finances, demandera un effort important surtout aux plus fortunés.
Les détenteurs des plus hauts revenus et patrimoines sont appelés à un effort de solidarité exemplaire, et pour partie exceptionnel. La contribution exceptionnelle de solidarité et la réforme de lISF les concernent également directement et permettent de demander plus à ceux peuvent le plus. Je lai dit : leffort juste, lassainissement intelligent, est nécessairement discriminant. La contribution exceptionnelle sera neutre pour 99,9% des contribuables, la réforme de lISF portera sur les 5% de ménages aux revenus les plus élevés.
Notre réforme de limpôt sur le revenu est clairement ciblée puisque comme le Premier ministre la annoncé, seuls 11% des foyers fiscaux sont perdants à cette réforme et puisque 80% du rendement est concentré sur le 1% de ménages les plus aisés. Mais ceux-là même qui avaient décidé du gel du barème de limpôt sur le revenu ont contesté cette présentation et souligné que leur propre décision conduisait à ce quun nombre plus important de ménages verront leur imposition augmenter en 2013. Ce que nous navions jamais contesté !
Mais la vérité, cest que pour les deux premières tranches de limpôt sur le revenu, soit pour près de 7,5 millions de contribuables dont les revenus auront augmenté comme linflation, nous avons neutralisé les effets de la non-indexation du barème.
Janticipe les critiques et je veux y répondre par avance : il est mensonger de laisser penser que leffort serait concentré sur les classes moyennes. Même avec la vision la plus large, incluant à la fois les effets du collectif de lété 2012, le gel du barème et les mesures proposées en projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre réforme demeure profondément redistributive et juste, il apparaît que 70% du rendement seront concentrés sur les 20% de ménages les plus aisés.
Ces chiffres apportent donc un démenti formel à ceux qui nous accusent de solliciter indûment les classes moyennes dans le cadre de la réforme fiscale. Dautant plus quand on rappelle que le même collectif de lété 2012 a permis un allégement de 11 Mds de la TVA, soit léquivalent du rendement des mesures prises en compte.
- Par ailleurs, leffort que nous proposons est un effort juste parce quil permettra aussi dexercer une importante pression sur les prix du logement, qui représente à la fois la première dépense des ménages modestes, et une dépense incompressible, qui pèse donc particulièrement dans leur portefeuille. Les mesures que nous proposons pour développer loffre de logement, en libérant du foncier et des locaux, et en favorisant la construction, vont permettre de soutenir le pouvoir dachat des plus foyers aux revenus les plus faibles.
- Enfin, cest un effort juste, parce quil rééquilibre limposition des sociétés. Lassiette de limpôt sur les sociétés sera consolidée par la remise en cause de certains avantages fiscaux particulièrement utilisés par les grandes entreprises. Aujourdhui, lécart de 10 points entre le taux réel des PME et celui des grandes entreprises sexplique pour moitié par la déduction des charges financières : le PLF permettra aussi de réduire de 30% lécart de taux implicite dimposition entre les PME et les grandes entreprises.
2. Ce budget préserve par ailleurs nos capacités de croissance
En effet, il ny a pas deffort acceptable sans perspective meilleure qui permette de la justifier : cest pourquoi le Gouvernement a élaboré un budget qui préserve les capacités de croissance du pays.
- Un tiers de leffort de 30 milliards est assuré par des économies sur les dépenses de l'Etat. Jai déjà répondu à ceux qui objectent que cest insuffisant : la montée en puissance progressive de la maîtrise de la dépense publique permet de préserver la demande à court terme, et donc la croissance.
- Le budget nétouffe pas non plus la consommation, moteur historique de la croissance en France. Il la préserve à la fois parce quil fait porter lessentiel de leffort sur les hauts revenus, qui ont une plus grande propension à épargner, et parce quil préserve le pouvoir dachat des plus modestes, et donc de leur niveau de consommation.
- Le Projet de Loi de Finances pour 2013 préserve nos capacités productives et donc la croissance puisque les efforts demandés aux entreprises épargnent largement les PME, fer de lance de notre économie. Si le PLF demande un effort de notre tissu productif, il le fait porter avant tout sur les entreprises les moins vulnérables, qui conserveront les moyens dinvestir et dinnover.
Préserver nos capacités productives pour renouer, demain, avec la croissance, implique de ne pas pénaliser ceux et celles qui aujourdhui prennent des risques, innovent ou entreprennent. Cest la raison pour laquelle nous estimons nécessaire daménager certaines mesures en priorité la taxation des plus-values de cessions - qui, parce quelle nétait pas assez ciblée, affaiblissait les entrepreneurs, alors que nous voulons les mettre en condition de contribuer au rétablissement de léconomie du pays. Il est évidemment hors de question de renoncer à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, mais ce quil faut taxer, c'est la rente, pas le risque. Je veux, avec le Ministre du budget, être ferme sur les principes, mais pragmatique sur les modalités ; nous sommes volontaristes, mais pas bornés, et nous proposerons des amendements au Parlement pour mieux calibrer la taxation des plus-values de cession, et de manière plus générale pour favoriser lentreprenariat. Pour moi, je veux le dire ici, il ny a pas de croissance sans les entreprises, pas de politique de croissance qui vaille contre les entreprises. Il ny a pas, dans ce Gouvernement, de « racisme anti-entreprise », ou dhostilité à léconomie de marché. Nous comprenons et aimons les entreprises, nous voulons aider celles et ceux qui créent, innovent, exportent, parce quen définitive cest dans lentreprise que se créent la richesse et lemploi. Cest le sens même de notre présence ici. Cest la finalité de notre action.
Nous proposerons ainsi de mettre en place un statut fiscal pour les entrepreneurs, dinciter à linvestissement long, enfin de mieux prendre en compte la situation de ceux qui réinvestissent dans une nouvelle entreprise la plus-value quils ont dégagée sur lentreprise quils dirigeaient jusque là.
Enfin, le Projet de Loi de Finances pour 2013 entame le mouvement de modernisation de notre économie, là encore en vue de renouer avec une croissance de qualité. Il amorce la transition écologique, en proposant des mesures de mise en oeuvre de la feuille de route fixée dans le cadre de la conférence environnementale. Mais surtout, il étend le Crédit Impôt Recherche aux dépenses dinnovation des TPE et des PME innovantes. Cest un dispositif auquel je crois beaucoup : il sagit de résoudre un problème spécifiquement français : lengagement insuffisant des PME dans linnovation. La capacité à innover est un facteur de compétitivité, il est essentiel de lencourager au travers de la fiscalité.
Je men tiens là, mais avant de laisser la parole au Ministre du budget, je voudrais vous dire ma fierté pour le travail déjà accompli et ma fierté anticipée pour celui qui attend cette Assemblée. Nous sommes en train de refondre entièrement le paysage de nos finances publiques, la forme et le contenu, rien moins que ça. Et nous les refondons dans le bon sens, cest-à-dire avec une amélioration de nos règles de gestion qui donne des gages de crédibilité à nos engagements sans nuire à la souveraineté de ce Parlement, et avec une gouvernance budgétaire renforcée, là aussi autour dun Parlement mieux informé et mieux associé. Cest un point dont nous pouvons collectivement nous féliciter.
Le changement nest pas un sprint. Un mandat ne dure pas cinq mois cest la durée exacte qui nous sépare de la nomination du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le 16 mai mais cinq ans. Le changement, cest une course de fond, exigeante, dont notre pays sortira plus fort, plus dynamique, plus innovant et surtout plus solidaire, que le Gouvernement ne réussira pas seul. Cest avec la mobilisation de lensemble des administrations publiques, de lensemble des acteurs économiques et de toute la société civile que nous y parviendrons, cest surtout avec le soutien, lexpertise et la vigilance bienveillante de cette Assemblée et du Sénat que nous redresserons le pays, et que nous relèverons le défi du désendettement compétitif. Vous pouvez compter sur notre détermination et notre disponibilité ; je sais pouvoir compter sur vos expériences et vos talents divers, sur le soutien exigeant de la majorité, sur le contrôle que jespère constructif de lopposition, sur la sagacité de tous. Gardons nos yeux sur les véritables enjeux de ce quinquennat, pour le réussir ensemble.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 19 octobre 2012