Interview de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, dans "Le Monde" du 25 octobre 2012, sur la lutte contre le terrorisme et la politique de l'immigration au niveau européen.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Q - La France et l'Allemagne sont confrontées à la menace terroriste. Des liens existent-ils entre les mouvances islamistes des deux côtés du Rhin ?
(...)
R - La France, avec les assassinats de Montauban, de Toulouse et le démantèlement récent d'une cellule terroriste, est aussi confrontée à un processus de radicalisation. De véritables ennemis «de l'intérieur», de nationalité française, souvent convertis à l'islamisme radical, peuvent passer à l'acte. Les échanges réguliers et directs que nous avons avec Hans-Peter, et avec nos principaux partenaires européens, sont très utiles. Nos défis sont les mêmes face à cette radicalisation rapide qui se fait parfois dans le milieu carcéral, par-delà les frontières ou à travers Internet. Cette menace du salafisme nous oblige à une réponse extrêmement ferme et coordonnée.
Q - La France a assoupli les conditions d'accession à la nationalité française : est-ce un modèle pour l'Allemagne ?
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R - Je suis moi-même naturalisé. Je crois très important qu'une cérémonie soit organisée pour ceux qui deviennent français. C'est un atout pour la France d'avoir de nouveaux citoyens. Et pour eux, cela doit être une fierté de devenir français. Il faut savoir les accueillir, à condition qu'ils épousent nos valeurs républicaines, qu'ils parlent français et que leurs conditions économiques et sociales soient stables. C'est aussi une chance pour notre Europe vieillissante.
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Q - Vous avez évoqué ensemble le régime des visas en Europe et l'exemption de visa de la Serbie et de la Macédoine. Beaucoup de ces immigrants sont des Roms. Faut-il une politique coordonnée au niveau européen pour régler le problème de ces minorités ?
R - Nos deux pays sont soumis à un phénomène préoccupant: l'afflux de demandeurs d'asile provenant de pays ayant récemment bénéficié d'une libéralisation des visas. Leurs ressortissants peuvent accéder librement à l'espace Schengen. Cet afflux de demandes, souvent infondées, met en péril l'équilibre de nos systèmes nationaux d'asile. En effet, le droit de l'asile nous oblige à instruire leur dossier et à leur fournir un accueil, même s'il est pratiquement certain que leur demande sera rejetée. Ce problème doit faire l'objet d'une réponse européenne. Concernant les populations d'origine rom nous avons obtenu qu'un groupe de travail, composé des pays d'origine et de destination, soit réuni sous l'égide de la Commission. À cet égard, je me suis rendu en Roumanie pour souligner combien il est important que les populations roms soient mieux intégrées dans leur pays d'origine. L'enjeu est de faire respecter la loi dans la dignité des personnes. Nous avons ainsi signé un accord avec les Roumains pour financer 80 projets d'intégration en Roumanie. L'Europe, à travers les fonds structurels, doit aussi contribuer à cette intégration.
(...)
Q - Au milieu des tensions actuelles, peut-on parler d'un tandem franco-allemand moteur de l'Europe ?
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R - Notre relation est indispensable, équilibrée et efficace. Nous formaliserons d'ailleurs cette coopération sur les questions de sécurité dans le cadre du traité de l'Élysée et de la célébration du cinquantenaire de la réconciliation franco-allemande.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2012