Texte intégral
Merci, cher François [Rebsamen], pour ce mot dintroduction.
Mesdames et Messieurs les élus,
Juste avant de vous rejoindre, jai pu voir le tramway flambant neuf de la Communauté d'agglomération du Grand Dijon. Je sais que cette superbe réalisation, qui contribuera au dynamisme de la ville, a notamment été possible grâce au concours du fonds dépargne de la Caisse des Dépôts, des prêts de la Banque Européenne dInvestissement, et de lEtat. Le « Grand Dijon », comme la Région Bourgogne, sont entreprenants et efficaces dans la conduite de leurs projets. Mais je sais aussi les difficultés que rencontrent certaines collectivités locales pour aller jusquau bout de projets comme celui-ci.
Je veux dire ici toute ma détermination, et celle du Gouvernement, en particulier de Marylise LEBRANCHU, Anne-Marie ESCOFFIER et Jérôme CAHUZAC, à ne pas laisser les collectivités locales sans financement ; mais je veux, surtout, vous présenter aujourdhui mon plan daction pour leur fournir, pour vous fournir, des solutions de financement pérennes en 2013.
Comme Ministre des Finances, je suis conscient, plus que quiconque, de leffort qui pèse et qui pèsera dans les années à venir sur les collectivités locales comme sur lEtat. Le redressement des comptes publics est une responsabilité et un impératif historiques, qui doit faire lobjet dune mobilisation collective. LEtat sest imposé une discipline forte, en appliquant par exemple l'an prochain la norme zéro valeur à ses dépenses. Les collectivités territoriales seront associées à cet effort de redressement, dans le respect du principe de libre administration.
Comme élu local dune agglomération, celle du Pays de Montbéliard, dont le tissu productif est durement touché par la crise, je sais aussi les contraintes qui pèsent sur le financement des collectivités locales. Et à chaque déplacement que je fais en région, sur le terrain, les élus locaux qui, comme vous, animent nos territoires, me font part de leurs difficultés, et de leurs inquiétudes.
Comme Ministre de lEconomie enfin, en charge des politiques de soutien à lactivité en France, jai une conscience aigüe de limportance de préserver les capacités financières de collectivités qui assurent plus de 70% de linvestissement public. Car mon rôle est de veiller à préserver les conditions de rebond de notre économie. Leffort exceptionnel que Jean-Marc AYRAULT a annoncé mardi pour restaurer la compétitivité de notre économie passe aussi par vous, par des collectivités locales qui, au-delà de leurs investissements, forment lenvironnement de proximité de notre tissu dentreprises et leur fournissent les services essentiels.
Ce « pacte de compétitivité » part dun constat : léconomie française a tous les acquis, et tous les atouts, pour réussir dans la compétition internationale. Mais sa compétitivité régresse depuis dix ans. Les décisions annoncées mardi par le Premier Ministre visent à redresser léconomie du pays en poursuivant simultanément deux objectifs :
- Redonner de loxygène aux entreprises, qui ont vu leurs coûts augmenter trop rapidement. Cest le sens, notamment, du Crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi, qui permettra à terme dalléger les coûts des entreprises de 20Md par an.
- Mais surtout, agir sur leur environnement, car lallègement du coût du travail népuise pas la question de la compétitivité.
Sur tous les aspects du pacte, les collectivités locales auront un rôle majeur à jouer, quil sagisse :
- De garantir aux PME et ETI des financements performants et de proximité, avec la BPI notamment - jy reviendrai ;
- Daccompagner la montée en gamme, en stimulant fortement linnovation ;
- De renforcer les conquêtes de nos entreprises à létranger et lattractivité de notre pays ;
- Doffrir aux jeunes et aux salariés des formations tournées vers lemploi et lavenir ;
- De faciliter la vie des entreprises en simplifiant et stabilisant lenvironnement réglementaire et fiscal ;
- Dassurer une action publique exemplaire au service de la compétitivité, plus efficace pour l'usager.
Avec le pacte, nous construisons notre propre voie pour enrayer la dégradation de notre compétitivité et engager le redressement de notre économie, pour lemploi, la jeunesse, et lavenir de notre modèle social.
Enfin, je veux insister sur la notion même de « Pacte » : le pacte est nécessairement un effort collectif, et non un acte unilatéral du Gouvernement. Il suppose, au-delà des annonces faites mardi, un travail collectif sur tout lagenda de compétitivité, et il exigera un engagement de lensemble des acteurs.
Je sais pouvoir compter sur vous, sur les élus locaux, les collectivités locales, pour prendre toute votre part à cet effort de redressement économique. Et je veux vous assurer en retour de la pleine mobilisation du Gouvernement, et de la mienne, à vos côtés, pour que les collectivités locales disposent en 2013 de tous les outils nécessaires pour répondre à leurs besoins de financement.
Je tiens, dans mes fonctions, un discours de vérité. Cest une exigence que je me suis imposé dès le mois de mai. Et je mécarterais de cette ligne si je vous disais quaujourdhui, tous ces outils sont en place. Mais nous avons pleinement, profondément conscience des problèmes que vous rencontrez, et je suis à la tâche, avec le Gouvernement, pour apporter des solutions concrètes et pérennes pour lan prochain. Le marché du financement des collectivités locales a été durement affecté par la crise. La déconfiture de la banque DEXIA a provoqué un assèchement brutal du crédit.
Dès son arrivée aux responsabilités, le Gouvernement a fait la preuve de sa mobilisation totale pour éviter toute rupture dans le financement des collectivités locales. Ce nétait pas une évidence : sur ce point comme sur tant dautres, nous avons hérité dune situation à la fois périlleuse, et très dégradée. Jai donc décidé dapporter, dans lurgence, des réponses aux collectivités locales, pour quelles puissent assurer le bouclage de leurs financements en 2012 :
- Jai moi-même annoncé, dès la mi-juillet, le déblocage dune enveloppe financière exceptionnelle sur fonds dépargne de trois milliards deuros pour lannée en cours. Au total, lEtat aura apporté plus de 5 milliards deuros de prêts à destination du secteur public local. Et pour massurer que cette enveloppe réponde effectivement aux besoins des collectivités locales, jai décidé dabaisser fortement le coût de laccès à cette ressource. Ces décisions ont donné une bouffée dair indispensable à des collectivités confrontées à des échéances concrètes et très pressantes. Jen ai reçu de nombreux témoignages, même si des difficultés persistent, je le sais.
- Jai également très vivement encouragé La Banque Postale (LBP), dont lEtat est lactionnaire indirect, à ouvrir dès cette année un guichet de financement pour les besoins de trésorerie des collectivités locales. LBP a ainsi proposé, en juin, une enveloppe de prêts « court terme », portée successivement de 2 Mds à 4 Mds pour répondre aux besoins des collectivités, alors que Dexia fermait les lignes consenties à plusieurs dentre elles. Je tiens à remercier Philippe WAHL de sa réactivité.
Au-delà de ces éléments dintervention exceptionnels, je travaille activement, sous lautorité du Président de la République et du Premier ministre et avec mes collègues Marylise LEBRANCHU, Anne-Marie ESCOFFIER et Jérôme CAHUZAC, à trouver des solutions pérennes pour 2013. Cette action se déploie conjointement dans sept directions, mais repose sur une seule et même conviction, qui lui donne sa force et sa cohérence : cest dans lalliance du volontarisme politique et de la force de frappe financière des banques que se trouve la clé du financement pérenne des collectivités.
1. Tout dabord, La Banque Postale lance aujourdhui sa première offre de crédit à moyen et long terme, pour un montant de 1 milliard deuros dici à la fin 2012: elle arrive à point nommé, alors que nous entrons dans la dernière ligne droite du bouclage des financements des collectivités locales pour cette année.
Philippe WAHL la indiqué tout à lheure : structurée autour de deux produits, cette offre bancaire sera simple, lisible pour les collectivités locales, et conforme à ce quelles attendent. Elle permettra aux collectivités de financer leurs projets dinvestissement, grâce à des prêts à taux fixe ou à taux variable, sur des durées pouvant atteindre 15 ans. Et pour mieux répondre aux besoins des petites communes, LBP a également décidé dabaisser le seuil doctroi de lensemble de ses crédits à destination des collectivités locales de 200.000 à 100.000 euros. Mais je le dis sans hésitation: si le marché du financement des collectivités locales donnait des signaux de faiblesse, lEtat débloquerait une nouvelle enveloppe exceptionnelle. Jen prends lengagement devant vous.
Les chiffres dont je dispose sont du reste plutôt rassurants. Les besoins de financement des collectivités locales, estimés entre 17 et 18 milliards deuros, devraient être couverts sans trop de difficultés en 2013. LEtat, par ses préfets, sassurera lannée prochaine que les collectivités trouvent des financements pour leurs projets.
2. Ensuite, jai la fierté de vous annoncer aujourdhui que nous avons posé les fondations dun nouvel acteur du financement des collectivités locales, notre nouvelle banque des collectivités locales.
La nouvelle offre que lance aujourdhui la Banque postale permet de faire la transition entre lurgence de 2012 et les solutions pérennes que nous mettons en place pour 2013. Mais au-delà, lobjectif est bien dinstaller fermement sur le marché une nouvelle banque des collectivités locales. Celle-ci sappuiera sur un consortium constitué par La Banque postale et la Caisse des Dépôts et Consignations et je salue très amicalement Jean-Pierre JOUYET, qui devait être parmi nous aujourdhui mais a été retenu, hélas, pour une raison personnelle . Ce consortium offrira des prêts, et sappuiera sur loutil de refinancement DMA, filiale française de DEXIA que lEtat, la CDC et LBP vont racheter. Cette nouvelle banque aura vocation à prendre une part significative du marché : elle offrira des volumes de prêts très importants, de lordre de 5 milliards deuros par an.
Cette partie se joue en France, bien sûr, mais elle se joue dabord et avant tout à Bruxelles. Ce nouvel acteur verra le jour lorsque la Commission européenne aura donné son accord final sur le plan de résolution ordonnée de DEXIA et sur lopération DMA. Cest tout lobjet des négociations intenses que je mène depuis plusieurs mois à Bruxelles. Et je me réjouis de vous annoncer aujourdhui que jai trouvé un accord de principe avec la Commission européenne sur DMA, sur la base dun schéma simplifié par rapport à ce quavait envisagé et échoué à négocier le Gouvernement de Nicolas SARKOZY. Nous avons obtenu la validation dun schéma plus robuste, où lEtat jouera un rôle plus important.
Et nous sommes dans la dernière phase des négociations avec la Commission sur lavenir du groupe, pour mettre derrière nous ce dossier très lourd et complexe et repartir sur des bases solides pour financer nos collectivités. La recapitalisation de 5,5 Mds sur laquelle nous nous sommes engagés ce matin aux cotés de lEtat belge, qui prendra une part majoritaire, va dans ce sens, celui de la stabilisation durable du groupe.
Certes, cela a un coût, mais il en va de notre responsabilité de gérer les dossiers les plus difficiles, ceux qui ont des enjeux majeurs, systémiques, pour notre économie. Nous y avons beaucoup travaillé, nous avons joué un rôle moteur pour rapprocher les points de vue. Nos efforts ont porté leurs fruits et nous voyons désormais le bout du tunnel : nous pouvons nous féliciter de ces avancées.
3. Troisième axe de mon action : mobiliser fortement les banques. Soyons clairs : il nest pas réaliste de croire que des enveloppes de financements publics pourront à elles-seules se substituer totalement et durablement au financement bancaire. Nous créons une nouvelle banque publique mais nous devons impérativement inciter les banques à rester engagées aux côtés des collectivités locales et de leurs projets dinvestissement. Cest ma volonté.
Financer léconomie est dabord et avant tout le rôle et la responsabilité des banques. Les propos que je tiens, à chacune de mes rencontres avec les dirigeants des grands réseaux français, sont sans ambiguïtés : les banques doivent continuer à prêter aux collectivités locales. Cest leur devoir. Et cest celui de lEtat de les appeler à les respecter. Je peux aujourdhui vous dire, après les avoir chacune consultées, quelles vont remplir leur engagement de maintenir, voire daugmenter, leur production en 2012, par rapport à 2011, avec une offre totale de 10,5 milliards deuros. Et les principaux acteurs bancaires du secteur me disent quils continueront à prêter en 2013, au moins au même niveau. Je serai très vigilant à ce qui se passe dans les faits, comme je lai été cette année.
4. Le Gouvernement examine par ailleurs la réouverture dune enveloppe pérenne de prêts pour le financement de long terme des collectivités locales. Sans concurrencer loffre des banques, il nous faut des instruments adaptés aux besoins spécifiques des collectivités, qui réalisent des investissements à très long terme, et que les banques ne parviennent pas à financer dans le contexte actuel. Jean-Marc AYRAULT sadressera aux maires de France dans deux semaines ; il fera certainement une annonce chiffrée à cette occasion. Je lui en laisse bien volontiers la primeur.
5. Je sais également le legs parfois insupportable que les emprunts structurés accordés par de nombreuses banques, dont DEXIA, font peser sur certaines collectivités du reste en nombre relativement réduit . Nous ne devons plus repousser le règlement définitif de ces situations. Ma proposition de solution pour assainir la situation actuelle est donc la suivante :
- Créer une cellule nationale daide au diagnostic et à la gestion de risques pour les collectivités ayant contracté des emprunts sensibles. Cest essentiel.
- Offrir des solutions daccompagnement pour les collectivités décidant de se retirer de ces emprunts, en leur permettant de sadresser à un conseil choisi par lEtat qui pourra notamment aider à une négociation, au cas par cas, avec la banque concernée. La voie de la médiation demeure par ailleurs ouverte. - Inciter le secteur bancaire à offrir un refinancement de ces prêts permettant de les désensibiliser. Je réunirai les banques spécifiquement à cette fin dici la fin de lannée et lévolution positive du dossier DEXIA permet denvisager plus sereinement une telle solution. - Enfin, pour celles des collectivités qui connaissent de très graves difficultés financières en raison des prêts sensibles quelles ont contractés, et qui ne seraient donc pas en mesure, seules, de refinancer leurs prêts, un mécanisme spécifique daide serait mis en place dès lors que les collectivités concernées accepteraient de prendre leur part à leffort dapurement de leur situation. Je souhaite mettre en oeuvre un principe de solidarité. Le financement de ce dispositif daide reposerait sur lensemble des collectivités locales et sur lEtat, qui a fortement augmenté cette année ses prélèvements sur le secteur financier.
Je livre aujourdhui au débat cette proposition, qui fera lobjet dune concertation précise avec les associations délus dans les prochaines semaines. Je souhaite quelle puisse être examinée à laune des principes de justice, de responsabilité et de solidarité, impliquant tous les acteurs, pour quune solution soit trouvée pour les collectivités les plus en difficulté.
6. Cest la même volonté dapporter de nouveaux financements pour les projets de nos collectivités locales qui anime mon action au niveau européen. La Banque Européenne dInvestissement a déjà fait la preuve de sa capacité à mobiliser des financements de long terme en soutien à vos projets d'investissements : son appui au tramway du « Grand Dijon », avec des prêts de l'ordre de 200 millions un tiers du coût du projet mais aussi aux transports urbains réalisés à Grenoble, Le Mans, Montpellier, ou Nantes, latteste. Elle investit également à vos côtés dans les infrastructures scolaires je pense ainsi aux programmes de rénovation des collèges du Nord - ou dans les infrastructures énergétiques - par exemple avec le programme photovoltaïque en Languedoc Roussillon.
Aujourd'hui, les financements de la BEI en soutien des investissements des collectivités françaises représentent un peu plus de 4 milliards deuros. Le « paquet croissance », obtenu par le Président de la République et approuvé au conseil européen de juin dernier, permettra daller plus loin : dès le 1er janvier, la BEI disposera de 10 Md de capital supplémentaire, et donc dune capacité nouvelle de prêts de 60 Md. Cette augmentation de capital permettra de dégager de nouvelles ressources et je tiens, en tant que gouverneur pour la France à la BEI, à ce que ce partenaire de long terme puisse être connu et utilisé au mieux au service de vos projets. Il nous revient collectivement de lui présenter de nouveaux projets susceptibles de bénéficier de ces financements. Je sais que les collectivités bourguignonnes nhésiteront pas à faire des propositions puisque la BEI a déjà été sollicitée pour le financement du tramway ici même, à Dijon.
7. Enfin, et même sil ne sagit pas strictement de financement des collectivités locales, je veux partager avec vous mon enthousiasme et ma mobilisation pour la Banque Publique dInvestissement. Jai proposé de faire de la BPI un instrument puissamment ancré dans les territoires, dans nos régions, quil doit contribuer à développer : en témoigne ma proposition faite aux Régions dans le projet de loi que jai présenté de participer directement à la gouvernance opérationnelle de la BPI. Cest un grand élu local, le Président de lARF, qui présidera par exemple son comité national dorientation. Plus directement, sur le terrain, la BPI sera présente dans chaque région. BPI et Régions pourront investir ensemble dans des entreprises de croissance : par exemple, elles pourront créer ensemble des fonds communs dintervention en lien avec le Schéma Régional de Développement Economique. Cest en faisant preuve dimagination que nous pourrons ainsi agir plus efficacement, collectivement, en évitant les doublons, au service des entreprises de chaque Région.
Vous le voyez, la question du financement des collectivités locales est au coeur des chantiers conduits par le Gouvernement en matière de financement de léconomie. Les propositions que je viens de détailler forment un paquet puissant et cohérent qui répond, je crois, à vos attentes. Je précise quelles ne sont par ailleurs pas exclusives de la capacité pour les collectivités qui le souhaitent démettre sur les marchés pour trouver dautres financements. Pour moi, elles peuvent le faire seules ou collectivement dès lors quelles en assument elles-mêmes tout le risque. A elles de lévaluer, et dagir, le cas échéant, en responsabilité.
La somme des sept initiatives que je viens de vous présenter doit permettre de faire face aux besoins que vous exprimez et auxquels le Gouvernement entend répondre en mobilisant lensemble des leviers dont il dispose, pour que des solutions pérennes soient en place en 2013. Je mengage ici, à Dijon, pour que les collectivités locales trouvent les financements nécessaires à la conduite des projets quelles mènent au service de nos concitoyens. Je vous lai dit, je suis moi-même un élu local, je sais à quel point linvestissement de nos collectivités territoriales est nécessaire à lavenir économique et à la cohésion sociale de notre pays. Vous pouvez compter sur moi, à la place qui est aujourdhui la mienne, pour permettre à votre action, plus que jamais nécessaire, de se déployer, et de trouver les financements indispensables. Cest le sens des décisions importantes que je suis venu annoncer ici au nom du Gouvernement.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 16 novembre 2012
Mesdames et Messieurs les élus,
Juste avant de vous rejoindre, jai pu voir le tramway flambant neuf de la Communauté d'agglomération du Grand Dijon. Je sais que cette superbe réalisation, qui contribuera au dynamisme de la ville, a notamment été possible grâce au concours du fonds dépargne de la Caisse des Dépôts, des prêts de la Banque Européenne dInvestissement, et de lEtat. Le « Grand Dijon », comme la Région Bourgogne, sont entreprenants et efficaces dans la conduite de leurs projets. Mais je sais aussi les difficultés que rencontrent certaines collectivités locales pour aller jusquau bout de projets comme celui-ci.
Je veux dire ici toute ma détermination, et celle du Gouvernement, en particulier de Marylise LEBRANCHU, Anne-Marie ESCOFFIER et Jérôme CAHUZAC, à ne pas laisser les collectivités locales sans financement ; mais je veux, surtout, vous présenter aujourdhui mon plan daction pour leur fournir, pour vous fournir, des solutions de financement pérennes en 2013.
Comme Ministre des Finances, je suis conscient, plus que quiconque, de leffort qui pèse et qui pèsera dans les années à venir sur les collectivités locales comme sur lEtat. Le redressement des comptes publics est une responsabilité et un impératif historiques, qui doit faire lobjet dune mobilisation collective. LEtat sest imposé une discipline forte, en appliquant par exemple l'an prochain la norme zéro valeur à ses dépenses. Les collectivités territoriales seront associées à cet effort de redressement, dans le respect du principe de libre administration.
Comme élu local dune agglomération, celle du Pays de Montbéliard, dont le tissu productif est durement touché par la crise, je sais aussi les contraintes qui pèsent sur le financement des collectivités locales. Et à chaque déplacement que je fais en région, sur le terrain, les élus locaux qui, comme vous, animent nos territoires, me font part de leurs difficultés, et de leurs inquiétudes.
Comme Ministre de lEconomie enfin, en charge des politiques de soutien à lactivité en France, jai une conscience aigüe de limportance de préserver les capacités financières de collectivités qui assurent plus de 70% de linvestissement public. Car mon rôle est de veiller à préserver les conditions de rebond de notre économie. Leffort exceptionnel que Jean-Marc AYRAULT a annoncé mardi pour restaurer la compétitivité de notre économie passe aussi par vous, par des collectivités locales qui, au-delà de leurs investissements, forment lenvironnement de proximité de notre tissu dentreprises et leur fournissent les services essentiels.
Ce « pacte de compétitivité » part dun constat : léconomie française a tous les acquis, et tous les atouts, pour réussir dans la compétition internationale. Mais sa compétitivité régresse depuis dix ans. Les décisions annoncées mardi par le Premier Ministre visent à redresser léconomie du pays en poursuivant simultanément deux objectifs :
- Redonner de loxygène aux entreprises, qui ont vu leurs coûts augmenter trop rapidement. Cest le sens, notamment, du Crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi, qui permettra à terme dalléger les coûts des entreprises de 20Md par an.
- Mais surtout, agir sur leur environnement, car lallègement du coût du travail népuise pas la question de la compétitivité.
Sur tous les aspects du pacte, les collectivités locales auront un rôle majeur à jouer, quil sagisse :
- De garantir aux PME et ETI des financements performants et de proximité, avec la BPI notamment - jy reviendrai ;
- Daccompagner la montée en gamme, en stimulant fortement linnovation ;
- De renforcer les conquêtes de nos entreprises à létranger et lattractivité de notre pays ;
- Doffrir aux jeunes et aux salariés des formations tournées vers lemploi et lavenir ;
- De faciliter la vie des entreprises en simplifiant et stabilisant lenvironnement réglementaire et fiscal ;
- Dassurer une action publique exemplaire au service de la compétitivité, plus efficace pour l'usager.
Avec le pacte, nous construisons notre propre voie pour enrayer la dégradation de notre compétitivité et engager le redressement de notre économie, pour lemploi, la jeunesse, et lavenir de notre modèle social.
Enfin, je veux insister sur la notion même de « Pacte » : le pacte est nécessairement un effort collectif, et non un acte unilatéral du Gouvernement. Il suppose, au-delà des annonces faites mardi, un travail collectif sur tout lagenda de compétitivité, et il exigera un engagement de lensemble des acteurs.
Je sais pouvoir compter sur vous, sur les élus locaux, les collectivités locales, pour prendre toute votre part à cet effort de redressement économique. Et je veux vous assurer en retour de la pleine mobilisation du Gouvernement, et de la mienne, à vos côtés, pour que les collectivités locales disposent en 2013 de tous les outils nécessaires pour répondre à leurs besoins de financement.
Je tiens, dans mes fonctions, un discours de vérité. Cest une exigence que je me suis imposé dès le mois de mai. Et je mécarterais de cette ligne si je vous disais quaujourdhui, tous ces outils sont en place. Mais nous avons pleinement, profondément conscience des problèmes que vous rencontrez, et je suis à la tâche, avec le Gouvernement, pour apporter des solutions concrètes et pérennes pour lan prochain. Le marché du financement des collectivités locales a été durement affecté par la crise. La déconfiture de la banque DEXIA a provoqué un assèchement brutal du crédit.
Dès son arrivée aux responsabilités, le Gouvernement a fait la preuve de sa mobilisation totale pour éviter toute rupture dans le financement des collectivités locales. Ce nétait pas une évidence : sur ce point comme sur tant dautres, nous avons hérité dune situation à la fois périlleuse, et très dégradée. Jai donc décidé dapporter, dans lurgence, des réponses aux collectivités locales, pour quelles puissent assurer le bouclage de leurs financements en 2012 :
- Jai moi-même annoncé, dès la mi-juillet, le déblocage dune enveloppe financière exceptionnelle sur fonds dépargne de trois milliards deuros pour lannée en cours. Au total, lEtat aura apporté plus de 5 milliards deuros de prêts à destination du secteur public local. Et pour massurer que cette enveloppe réponde effectivement aux besoins des collectivités locales, jai décidé dabaisser fortement le coût de laccès à cette ressource. Ces décisions ont donné une bouffée dair indispensable à des collectivités confrontées à des échéances concrètes et très pressantes. Jen ai reçu de nombreux témoignages, même si des difficultés persistent, je le sais.
- Jai également très vivement encouragé La Banque Postale (LBP), dont lEtat est lactionnaire indirect, à ouvrir dès cette année un guichet de financement pour les besoins de trésorerie des collectivités locales. LBP a ainsi proposé, en juin, une enveloppe de prêts « court terme », portée successivement de 2 Mds à 4 Mds pour répondre aux besoins des collectivités, alors que Dexia fermait les lignes consenties à plusieurs dentre elles. Je tiens à remercier Philippe WAHL de sa réactivité.
Au-delà de ces éléments dintervention exceptionnels, je travaille activement, sous lautorité du Président de la République et du Premier ministre et avec mes collègues Marylise LEBRANCHU, Anne-Marie ESCOFFIER et Jérôme CAHUZAC, à trouver des solutions pérennes pour 2013. Cette action se déploie conjointement dans sept directions, mais repose sur une seule et même conviction, qui lui donne sa force et sa cohérence : cest dans lalliance du volontarisme politique et de la force de frappe financière des banques que se trouve la clé du financement pérenne des collectivités.
1. Tout dabord, La Banque Postale lance aujourdhui sa première offre de crédit à moyen et long terme, pour un montant de 1 milliard deuros dici à la fin 2012: elle arrive à point nommé, alors que nous entrons dans la dernière ligne droite du bouclage des financements des collectivités locales pour cette année.
Philippe WAHL la indiqué tout à lheure : structurée autour de deux produits, cette offre bancaire sera simple, lisible pour les collectivités locales, et conforme à ce quelles attendent. Elle permettra aux collectivités de financer leurs projets dinvestissement, grâce à des prêts à taux fixe ou à taux variable, sur des durées pouvant atteindre 15 ans. Et pour mieux répondre aux besoins des petites communes, LBP a également décidé dabaisser le seuil doctroi de lensemble de ses crédits à destination des collectivités locales de 200.000 à 100.000 euros. Mais je le dis sans hésitation: si le marché du financement des collectivités locales donnait des signaux de faiblesse, lEtat débloquerait une nouvelle enveloppe exceptionnelle. Jen prends lengagement devant vous.
Les chiffres dont je dispose sont du reste plutôt rassurants. Les besoins de financement des collectivités locales, estimés entre 17 et 18 milliards deuros, devraient être couverts sans trop de difficultés en 2013. LEtat, par ses préfets, sassurera lannée prochaine que les collectivités trouvent des financements pour leurs projets.
2. Ensuite, jai la fierté de vous annoncer aujourdhui que nous avons posé les fondations dun nouvel acteur du financement des collectivités locales, notre nouvelle banque des collectivités locales.
La nouvelle offre que lance aujourdhui la Banque postale permet de faire la transition entre lurgence de 2012 et les solutions pérennes que nous mettons en place pour 2013. Mais au-delà, lobjectif est bien dinstaller fermement sur le marché une nouvelle banque des collectivités locales. Celle-ci sappuiera sur un consortium constitué par La Banque postale et la Caisse des Dépôts et Consignations et je salue très amicalement Jean-Pierre JOUYET, qui devait être parmi nous aujourdhui mais a été retenu, hélas, pour une raison personnelle . Ce consortium offrira des prêts, et sappuiera sur loutil de refinancement DMA, filiale française de DEXIA que lEtat, la CDC et LBP vont racheter. Cette nouvelle banque aura vocation à prendre une part significative du marché : elle offrira des volumes de prêts très importants, de lordre de 5 milliards deuros par an.
Cette partie se joue en France, bien sûr, mais elle se joue dabord et avant tout à Bruxelles. Ce nouvel acteur verra le jour lorsque la Commission européenne aura donné son accord final sur le plan de résolution ordonnée de DEXIA et sur lopération DMA. Cest tout lobjet des négociations intenses que je mène depuis plusieurs mois à Bruxelles. Et je me réjouis de vous annoncer aujourdhui que jai trouvé un accord de principe avec la Commission européenne sur DMA, sur la base dun schéma simplifié par rapport à ce quavait envisagé et échoué à négocier le Gouvernement de Nicolas SARKOZY. Nous avons obtenu la validation dun schéma plus robuste, où lEtat jouera un rôle plus important.
Et nous sommes dans la dernière phase des négociations avec la Commission sur lavenir du groupe, pour mettre derrière nous ce dossier très lourd et complexe et repartir sur des bases solides pour financer nos collectivités. La recapitalisation de 5,5 Mds sur laquelle nous nous sommes engagés ce matin aux cotés de lEtat belge, qui prendra une part majoritaire, va dans ce sens, celui de la stabilisation durable du groupe.
Certes, cela a un coût, mais il en va de notre responsabilité de gérer les dossiers les plus difficiles, ceux qui ont des enjeux majeurs, systémiques, pour notre économie. Nous y avons beaucoup travaillé, nous avons joué un rôle moteur pour rapprocher les points de vue. Nos efforts ont porté leurs fruits et nous voyons désormais le bout du tunnel : nous pouvons nous féliciter de ces avancées.
3. Troisième axe de mon action : mobiliser fortement les banques. Soyons clairs : il nest pas réaliste de croire que des enveloppes de financements publics pourront à elles-seules se substituer totalement et durablement au financement bancaire. Nous créons une nouvelle banque publique mais nous devons impérativement inciter les banques à rester engagées aux côtés des collectivités locales et de leurs projets dinvestissement. Cest ma volonté.
Financer léconomie est dabord et avant tout le rôle et la responsabilité des banques. Les propos que je tiens, à chacune de mes rencontres avec les dirigeants des grands réseaux français, sont sans ambiguïtés : les banques doivent continuer à prêter aux collectivités locales. Cest leur devoir. Et cest celui de lEtat de les appeler à les respecter. Je peux aujourdhui vous dire, après les avoir chacune consultées, quelles vont remplir leur engagement de maintenir, voire daugmenter, leur production en 2012, par rapport à 2011, avec une offre totale de 10,5 milliards deuros. Et les principaux acteurs bancaires du secteur me disent quils continueront à prêter en 2013, au moins au même niveau. Je serai très vigilant à ce qui se passe dans les faits, comme je lai été cette année.
4. Le Gouvernement examine par ailleurs la réouverture dune enveloppe pérenne de prêts pour le financement de long terme des collectivités locales. Sans concurrencer loffre des banques, il nous faut des instruments adaptés aux besoins spécifiques des collectivités, qui réalisent des investissements à très long terme, et que les banques ne parviennent pas à financer dans le contexte actuel. Jean-Marc AYRAULT sadressera aux maires de France dans deux semaines ; il fera certainement une annonce chiffrée à cette occasion. Je lui en laisse bien volontiers la primeur.
5. Je sais également le legs parfois insupportable que les emprunts structurés accordés par de nombreuses banques, dont DEXIA, font peser sur certaines collectivités du reste en nombre relativement réduit . Nous ne devons plus repousser le règlement définitif de ces situations. Ma proposition de solution pour assainir la situation actuelle est donc la suivante :
- Créer une cellule nationale daide au diagnostic et à la gestion de risques pour les collectivités ayant contracté des emprunts sensibles. Cest essentiel.
- Offrir des solutions daccompagnement pour les collectivités décidant de se retirer de ces emprunts, en leur permettant de sadresser à un conseil choisi par lEtat qui pourra notamment aider à une négociation, au cas par cas, avec la banque concernée. La voie de la médiation demeure par ailleurs ouverte. - Inciter le secteur bancaire à offrir un refinancement de ces prêts permettant de les désensibiliser. Je réunirai les banques spécifiquement à cette fin dici la fin de lannée et lévolution positive du dossier DEXIA permet denvisager plus sereinement une telle solution. - Enfin, pour celles des collectivités qui connaissent de très graves difficultés financières en raison des prêts sensibles quelles ont contractés, et qui ne seraient donc pas en mesure, seules, de refinancer leurs prêts, un mécanisme spécifique daide serait mis en place dès lors que les collectivités concernées accepteraient de prendre leur part à leffort dapurement de leur situation. Je souhaite mettre en oeuvre un principe de solidarité. Le financement de ce dispositif daide reposerait sur lensemble des collectivités locales et sur lEtat, qui a fortement augmenté cette année ses prélèvements sur le secteur financier.
Je livre aujourdhui au débat cette proposition, qui fera lobjet dune concertation précise avec les associations délus dans les prochaines semaines. Je souhaite quelle puisse être examinée à laune des principes de justice, de responsabilité et de solidarité, impliquant tous les acteurs, pour quune solution soit trouvée pour les collectivités les plus en difficulté.
6. Cest la même volonté dapporter de nouveaux financements pour les projets de nos collectivités locales qui anime mon action au niveau européen. La Banque Européenne dInvestissement a déjà fait la preuve de sa capacité à mobiliser des financements de long terme en soutien à vos projets d'investissements : son appui au tramway du « Grand Dijon », avec des prêts de l'ordre de 200 millions un tiers du coût du projet mais aussi aux transports urbains réalisés à Grenoble, Le Mans, Montpellier, ou Nantes, latteste. Elle investit également à vos côtés dans les infrastructures scolaires je pense ainsi aux programmes de rénovation des collèges du Nord - ou dans les infrastructures énergétiques - par exemple avec le programme photovoltaïque en Languedoc Roussillon.
Aujourd'hui, les financements de la BEI en soutien des investissements des collectivités françaises représentent un peu plus de 4 milliards deuros. Le « paquet croissance », obtenu par le Président de la République et approuvé au conseil européen de juin dernier, permettra daller plus loin : dès le 1er janvier, la BEI disposera de 10 Md de capital supplémentaire, et donc dune capacité nouvelle de prêts de 60 Md. Cette augmentation de capital permettra de dégager de nouvelles ressources et je tiens, en tant que gouverneur pour la France à la BEI, à ce que ce partenaire de long terme puisse être connu et utilisé au mieux au service de vos projets. Il nous revient collectivement de lui présenter de nouveaux projets susceptibles de bénéficier de ces financements. Je sais que les collectivités bourguignonnes nhésiteront pas à faire des propositions puisque la BEI a déjà été sollicitée pour le financement du tramway ici même, à Dijon.
7. Enfin, et même sil ne sagit pas strictement de financement des collectivités locales, je veux partager avec vous mon enthousiasme et ma mobilisation pour la Banque Publique dInvestissement. Jai proposé de faire de la BPI un instrument puissamment ancré dans les territoires, dans nos régions, quil doit contribuer à développer : en témoigne ma proposition faite aux Régions dans le projet de loi que jai présenté de participer directement à la gouvernance opérationnelle de la BPI. Cest un grand élu local, le Président de lARF, qui présidera par exemple son comité national dorientation. Plus directement, sur le terrain, la BPI sera présente dans chaque région. BPI et Régions pourront investir ensemble dans des entreprises de croissance : par exemple, elles pourront créer ensemble des fonds communs dintervention en lien avec le Schéma Régional de Développement Economique. Cest en faisant preuve dimagination que nous pourrons ainsi agir plus efficacement, collectivement, en évitant les doublons, au service des entreprises de chaque Région.
Vous le voyez, la question du financement des collectivités locales est au coeur des chantiers conduits par le Gouvernement en matière de financement de léconomie. Les propositions que je viens de détailler forment un paquet puissant et cohérent qui répond, je crois, à vos attentes. Je précise quelles ne sont par ailleurs pas exclusives de la capacité pour les collectivités qui le souhaitent démettre sur les marchés pour trouver dautres financements. Pour moi, elles peuvent le faire seules ou collectivement dès lors quelles en assument elles-mêmes tout le risque. A elles de lévaluer, et dagir, le cas échéant, en responsabilité.
La somme des sept initiatives que je viens de vous présenter doit permettre de faire face aux besoins que vous exprimez et auxquels le Gouvernement entend répondre en mobilisant lensemble des leviers dont il dispose, pour que des solutions pérennes soient en place en 2013. Je mengage ici, à Dijon, pour que les collectivités locales trouvent les financements nécessaires à la conduite des projets quelles mènent au service de nos concitoyens. Je vous lai dit, je suis moi-même un élu local, je sais à quel point linvestissement de nos collectivités territoriales est nécessaire à lavenir économique et à la cohésion sociale de notre pays. Vous pouvez compter sur moi, à la place qui est aujourdhui la mienne, pour permettre à votre action, plus que jamais nécessaire, de se déployer, et de trouver les financements indispensables. Cest le sens des décisions importantes que je suis venu annoncer ici au nom du Gouvernement.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 16 novembre 2012