Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur la politique du logement et le rôle des fonds d'épargne dans le financement du logement social, à Paris (mis à jour le 23 novembre 2012).

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Circonstance : 2èmes Rencontres du fonds d'épargne, à Paris le 13 novembre 2012

Texte intégral

Monsieur le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,
Madame la présidente de l'union sociale de l'habitat,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de clôturer ce soir ces deuxièmes rencontres des fonds d'épargne.
Vous avez choisi, monsieur le directeur général, de placer la construction des logements sociaux au coeur de ces rencontres. Comment construire plus ? Comment construire moins cher ? Vous ne serez pas surpris d'apprendre que ces questions m'intéressent tout particulièrement et qu'y apporter une réponse constitue l'une des missions centrales de mon action. Je n'ai malheureusement pas pu être des vôtres lors des tables rondes de l'après-midi, mais je prendrai connaissance avec intérêt des conclusions de vos débats.
Avant d'aborder le « comment », j'aimerais toutefois commencer par aborder le « pourquoi » ? Car si nos objectifs ne sont pas clairs, cohérents et compris, comment pourrait-on concevoir les moyens de les atteindre ?
Le gouvernement a symbolisé son ambition en matière de construction de logements par deux objectifs forts : produire 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux.
C'est indispensable car on ne peut mobiliser les énergies et mettre en mouvement une société sans se donner des buts tangibles, simples, qui matérialisent notre volonté d'aller plus loin, de passer à la vitesse supérieure. Ils ne peuvent cependant pas résumer à eux seuls notre ambition et ne peuvent suffire à donner sens à notre action.
En réalité, l'objectif fondamental que je me suis fixé est simple, c'est sans doute le même que celui que se fixent la plupart des professionnels présents ce soir, permettre à chacun de nos concitoyens de se loger dans des conditions dignes, à un coût abordable. Pour y parvenir, accélérer le rythme de la construction de logements est indéniablement l'ingrédient principal. La pénurie frappe la plupart de nos grandes agglomérations. On estime à 900 000 le nombre de logements qui manquent aujourd'hui pour apporter une réponse pérenne au mal logement. On estime à 400 000 logements la construction annuelle nécessaire pour accompagner l'augmentation de la demande. Les 500 000 logements que nous visons en sont la conclusion logique. Ils permettraient à la fois de combler les manquements du passé tout en préparant l'avenir.
Je n’ignore pas que ce niveau de production n'a jamais été atteint depuis les années 1970. Mais je n’en tire pas la conclusion que rien n’est possible, que nous sommes incapables d’infléchir la situation. Bien au contraire, j’en mesure l'ampleur de la mobilisation qui doit être la nôtre.
Cet objectif symbolise notre ambition mais la France n'est pas constituée d'un unique bassin d'habitat, d'un unique marché de l'immobilier. Avant toute autre chose, il faut donc réaliser ces logements là où sont les besoins, c'est-à-dire bien souvent là où, précisément, il sera plus dur de le faire. Parce que les droits à construire y seront plus rares, parce que le foncier y sera plus cher, parce qu'il faudra refaire la ville sur la ville. Je refuserai toujours de sacrifier l'efficience de notre action à une politique du chiffre qui se satisferait de construire pour construire, qui favoriserait l'étalement urbain dans une logique de court terme, qui abandonnerait son idéal de mixité sociale car il serait un frein à la production à tout crin. Alors que l'argent public se fait rare, nous n'avons pas le droit de manquer notre cible. Chaque euro dépensé doit l'être dans le souci permanent de l'efficacité de l'action publique.
Pour cela, il ne peut y avoir de politique du logement qui ne soit territorialisée, qui ne s'inscrive dans une stratégie de l'habitat pensée et pilotée par les collectivités territoriales, qui ne soit le fruit d'une réponse locale à un besoin local. La production des 500 000 logements ne pourra donc être que la résultante d'une action collective, de l’agrégation de milliers de projets locaux, de la mobilisation de tous les acteurs.
Le rôle du Gouvernement est de fixer un cap et de s'assurer ensuite que les conditions sont réunies pour que les acteurs locaux, collectivités, bailleurs, entreprises, aient les moyens les mettre en oeuvre. C'est ma conception de la politique du logement. C'est la raison pour laquelle j'ai conclu hier matin une lettre d'engagement mutuel avec les partenaires sociaux d'Action logement, que je me suis engagée lors du congrès de l'USH à conclure avec le monde HLM un pacte en faveur de la production de logements sociaux et que je souhaite également signer avec les collectivités un pacte territorial en faveur du logement.
Cette méthode, qui s'appuie sur les principes du partenariat, du contrat et de la subsidiarité, est le premier élément de ma réponse au « Comment ? ».
Le deuxième élément est la mobilisation générale du foncier disponible. Sans la libération des terrains et des droits à construire, toute politique d'investissement se traduira par l'inflation des prix et, au final, la captation de l'effort public par la rente foncière. Nous ne pouvons l'accepter. C'est la raison pour laquelle les premières mesures législatives prises en faveur du logement visent à créer un choc d'offre foncière. Il s'agit des terrains publics, avec la mise en oeuvre d'un principe de gratuité pour la cession de terrains de l'Etat ou de ses opérateurs en faveur de la construction de logements sociaux. Il s'agit aussi des terrains privés, avec la mise en place d'une fiscalité entièrement nouvelle qui pénalise la rétention des terrains à bâtir.
Libérer les droits à construire suppose aussi de repenser la gouvernance de l’urbanisme et du droit des sols. Ma conviction est que l’échelon intercommunal doit jouer un rôle de premier plan en la matière.
A l’occasion de la grande loi sur le logement et l’urbanisme qui sera élaborée en début d’année prochaine, nous ferons des propositions ambitieuses en ce sens.
Enfin, favoriser la mobilisation d’emprises foncières pour la construction de logements sociaux passera également par le renforcement des dispositions de l'article 55 de la loi SRU. Car là où le volontarisme manque pour contribuer à l'effort national de construction de logements sociaux, il faut aussi savoir contraindre. Nous ne pouvons pas accepter que certaines communes préfèrent payer plutôt que de participer à la construction des logements abordables dont nos concitoyens ont besoin. Le projet de loi que nous avons proposé pour corriger cette aberration sera prochainement réexaminée par le Parlement et voté. Ma détermination sur ce sujet est intacte.
Le troisième élément de la réponse réside dans l'amélioration et l'optimisation de nos processus de construction. Non, l'explosion des coûts n'est pas inévitable ! Oui, il existe des marges de progrès pour construire plus vite et moins cher.
La conception-réalisation, la pré-fabrication, les contrats cadre : les outils existent. Il faut s'en saisir. Je souhaite que le monde HLM dispose des moyens de financement nécessaires pour accomplir ses missions, en particulier de construction, et j'y reviendrais, mais je souhaite également porter un message d'exigence. Les bailleurs sociaux doivent améliorer leur capacité de maîtrise d'ouvrage : leur aptitude à piloter un maître d’oeuvre, à maîtriser les coûts d'une opération, à tenir les délais. Pour y parvenir, certains d'entre eux devront avancer vers une plus grande mutualisation de ces fonctions. C'est indispensable pour atteindre la masse critique nécessaire au développement et au maintien des compétences. Je sais que la plupart d'entre eux s'engagent d'ores et déjà sur cette voie. Il faut continuer. C'est essentiel.
Maîtriser l’explosion des coûts, c'est également maîtriser les délais et je connais les conséquences que peuvent avoir certains recours abusifs sur vos opérations. Nous ne pouvons tolérer que certaines personnes ralentissent l'effort national en faveur du logement pour en tirer un gain mercantile.
Je souhaite que cela ne soit plus possible et des mesures seront prévues en ce sens dans la grande loi sur le logement qui sera élaborée au 1er semestre 2013.
Le dernier élément, enfin, est de dégager les financements nécessaires. L'équation est relativement simple mais elle est implacable. Le financement de 150 000 logements représente 20 milliards d’euros d'investissement, un peu moins si on arrive à maîtriser les coûts. C'est un montant considérable. Il sera financé pour près de trois quarts par des prêts tirés des fonds d'épargne. C'est dire l'importance de ce circuit de financement pour le logement social. Pour le reste, il s'agira d'apports de l'Etat, d'Action Logement, des collectivités et enfin des fonds propres des bailleurs. Si chacun de ces financeurs se mobilise, nous parviendrons à atteindre l'objectif. Le projet de loi de finances de 2013, prévoit ainsi un budget des aides à la pierre de 500 millions d’euros, en hausse de 11 % par rapport à l'année 2012.
Mais l'effort de l'État ne se limite pas à cette hausse. Il faut y ajouter la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs sociaux, soit la disparition d'une ponction potentielle de 175 millions d’euros sur la capacité de financement du monde HLM, et il faut y ajouter la gratuité du foncier public qui pourrait représenter plus de 75 millions d’euros d'aides à l'équilibre des opérations de logements sociaux en 2013. Dans un contexte de maîtrise de la dette publique, cet effort considérable en faveur du logement fait de celui-ci l'une des priorités du gouvernement.
A cet effort, inédit depuis plusieurs années, s'ajoute une mobilisation exceptionnelle d'Action Logement. L'accord que j'ai signé hier matin avec le président et le vice-président de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement fixe à 950 millions d’euros d'équivalent subvention les aides qu'Action Logement apportera en 2013 au logement social, soit 500 millions d’euros de plus qu'en 2012. Cela sera rendu possible en grande partie par le prêt que contractera l’UESL auprès des fonds d’épargne.
Les moyens seront donc bien à la hauteur de nos ambitions.
Pour financer les 150 000 logements sociaux, les fonds propres des bailleurs sociaux seront également mis à contribution. C'est un effort très important qui est demandé. Mais c'est un effort qui peut être soutenable. Pour qu'il le soit, cependant, les capacités de financement des bailleurs devront être mutualisées autant que nécessaire. Je vous l'ai dit, je n'accepterais pas qu'on renie notre ambition de construire là où sont les besoins, sous prétexte que ce n'est pas là que sont les fonds propres. J'ai eu l'occasion de l'affirmer lors du congrès de l'USH, je ne confonds pas mutualisation avec spoliation. Mais si le monde HLM n'est pas force de proposition alors l’Etat assumera ses responsabilités, car nos concitoyens ne comprendraient pas que de l'argent dorme dans les caisses de certains bailleurs alors que les besoins sont si importants et nos ressources financières si rares. Mais j'ai une grande confiance en la capacité du monde HLM à s'organiser et à se saisir de cet enjeu.
Voici résumées en quelques phrases les grandes lignes de ma réponse à votre interrogation.
Mobiliser tous les acteurs en s'appuyant avant tout sur l'échelon territorial, libérer le foncier, optimiser les procédés de construction, réunir les moyens financiers nécessaires, seront indéniablement les facteurs clés de notre réussite.
J'aimerais maintenant dire quelques mots des fonds d’épargne, qui nous réunissent ce soir, dont le rôle au sein de l'économie du financement du logement social est si important.
Quelle magnifique idée que celle de mobiliser l'épargne des Français pour financer des politiques d'intérêt général en faveur des ménages les plus modestes ! Quel formidable outil que celui qui réussit chaque jour à transformer des dépôts de court terme en prêts à long terme au bénéfice des besoins de notre société et en particulier du développement des logements sociaux ! Voilà ce que permettent les fonds d'épargne que de si nombreux pays nous envient à juste titre.
Le contexte financier actuel donne encore plus de sens à ce modèle. Car si les taux sont historiquement bas et l'argent n'est pas cher, il se fait cependant de plus en plus rare.
Le durcissement des ratios prudentiels hérité des errements passés des banques risque de les conduire à une myopie inquiétante, à privilégier l'emprunteur de court terme dont le projet apporte rapidement un retour sur investissement, à celui de long terme à la rentabilité modérée qui nécessite un financement de long terme que les marchés n’apportent plus. Dans le contexte actuel, quel établissement bancaire accepterait de prêter à des bailleurs sociaux sur des durées de plus de 40 ans à des taux raisonnables ? Seule la puissance publique est capable d’assumer ce risque et je tiens à profiter de l’occasion pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui travaillent aux Fonds d’Épargne et qui permettent à cette institution de jouer ce rôle si fondamental.
Nous avons besoin que de l'argent soit investi intelligemment dans le logement. Car c'est un bon investissement. C’est un investissement dans l'épanouissement des ménages et de leurs enfants, c'est un investissement dans le pouvoir d'achat de nos concitoyens, c'est un investissement pour la compétitivité de notre économie.
Alors que le coût du travail est au coeur des discussions, n’oublions pas la nécessité de réduire le coût du logement, qui bloque les parcours résidentiels, qui freine la mobilité, qui relègue les ménages modeste à la périphérie des villes, qui rétrécit le champ des emplois accessibles…
Ceux qui voient dans le logement une dépense stérile, inutile, incapable de répondre efficacement à la crise font erreur. Je crois au contraire que si nous agissons avec rigueur, si nous régulons les excès du marché, si nous ciblons les territoires à enjeux, si nous actionnons les leviers pour libérer le foncier, il n'y a peu d'investissements plus utiles pour notre société que celui en faveur de l'habitat de nos concitoyens. Permettre à chaque ménage d’utiliser son épargne pour participer à cet investissement national, voilà précisément la vocation des fonds d’épargne.
Cette action des fonds d’épargne doit en premier lieu être consacrée à la construction de logements sociaux. C’est le coeur de leurs missions et je serai attentive à ce que cela reste ainsi.
Le financement de 150 000 logements sociaux par an proviendra pour l’essentiel des prêts du fonds d’épargne, pour près de 15 milliards d’euros par an. C’est un montant considérable. En décidant de relever progressivement le plafond du livret A et du livret de développement durable dès le mois d’octobre 2012, le gouvernement s’est assuré que les moyens nécessaires seraient disponibles tout au long du quinquennat.
Au-delà du volume des dépôts centralisés, une réflexion est également en cours sur le coût de la ressource. Le rapport remis récemment par monsieur Duquesne émet plusieurs propositions à ce sujet, dont, en particulier, une baisse du niveau de la rémunération des banques. C’est une piste de travail sérieuse. Toute hypothèse permettant d’optimiser l’efficacité des fonds d’épargne en dégageant des financements supplémentaires doit être étudiée.
C’est la condition nécessaire pour proposer de nouveaux financements et continuer à encourager l’innovation dans le domaine du logement social.
Je pense en particulier à la production d’une offre à très basse quittance, qui fait actuellement défaut dans l’offre nouvelle de logements sociaux. Nous devons concevoir des programmes dédiés aux ménages les plus fragiles qui n’ont pas les ressources suffisantes pour accéder au logement social. C’est un chaînon indispensable pour permettre la sortie de ces ménages du circuit de l’hébergement. C’est la raison pour laquelle, je souhaite que soit étudiée la possibilité de mettre en place un « super-PLAI » dédié à ce besoin.
Nous devons également anticiper l’évolution de la demande, en particulier le vieillissement de la population. Sous ce prisme, le financement des logements du secteur médico-social est une nécessité et l’effort de production doit être maintenu sur l’ensemble du territoire. Les fonds d’épargne sont là aussi le principal outil de cette politique.
Au-delà du logement social, nous devons favoriser le développement d’une offre de logements intermédiaires dans les zones sous tension, où les loyers du parc privé atteignent des sommets et creusent le fossé qui les sépare des loyers modérés du parc social.
L’incitation fiscale à l’investissement locatif jouera un rôle dans le développement de cette offre, car nous ne pouvons pas nous passer de l’effort des investisseurs particuliers. Mais les investisseurs institutionnels doivent également revenir sur ce marché. Nous étudions avec eux les conditions d’un tel retour. Les fonds d’épargne auront certainement un rôle à y jouer.
Mais les fonds d’épargne sont aussi un outil essentiel de la réhabilitation du parc existant. Il s’agit de l’amélioration permanente du parc, essentielle pour maintenir des conditions de vie de qualité pour les locataires. Il s’agit aussi du chantier de rénovations énergétiques sans précédent que nous devons mener. Le défi auquel nous faisons face est immense mais l’impératif de lutte contre le réchauffement climatique nous impose d’agir sans attendre. La conférence environnementale a été l’occasion de confirmer la volonté sans faille du Président de la République en la matière. L’effort doit porter sur l’ensemble du parc de logements, qu’ils soient publics ou privés, mais les bailleurs sociaux auront un rôle d’exemplarité à jouer. D’ores et déjà, les logements sociaux sont en moyenne plus performants que ceux du parc privé. Précisément parce qu’ils sont sociaux, parce qu’ils logent les ménages modestes, je souhaite qu’ils symbolisent l’excellence en matière de performance énergétique. Pour atteindre cet objectif, je souhaite que 120 000 logements sociaux fassent chaque année l’objet d’une rénovation thermique de qualité. Pour cela, le dispositif de l’éco-PLS devra être amélioré. Là aussi, la baisse du coût de la ressource du fonds d’épargne pourrait permettre de dégager les marges nécessaires.
Enfin, l’action des fonds d’épargne est au service de l’Egalité des territoires : accompagnement de la politique de la ville et de la rénovation urbaine, programmes de transport, hôpitaux, traitement des eaux usées... Cette utilisation des fonds d'épargne au service de l'aménagement des territoires doit se poursuivre en faveur des zones rurales. Nous devons accompagner leurs capacités de développement et leur accès aux services de la société numérique par le très haut débit. Elle doit également se poursuivre en faveur des quartiers populaires dont la requalification demeure une priorité de mon action.
L’utilité des fonds d’épargne n’est plus à démontrer. Personne ne doute du rôle central que joue cet outil pour la mise en oeuvre de la politique nationale en faveur de l’habitat et de l’égalité des territoires. Au-delà de cette efficacité, c’est le symbole que représentent ces fonds qui me semble si fondamental. Ce symbole c’est celui de l'épargne d'un peuple qui investit dans son avenir, au bénéfice de ses concitoyens les plus modestes, de ses territoires les plus déshérités, qui, à rebours d’une vision de court terme, investit, en résumé, au service de l’intérêt général.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 27 novembre 2012