Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les principales orientations de la politique de l'aménagement numérique du territoire, à Paris le 29 novembre 2012.

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Circonstance : 5e édition des Assises du numérique, à l'université Paris Dauphine, Paris les 29 et 30 novembre 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un immense plaisir que je m’adresse à vous pour cette 5ème édition des Assises du numérique qui sont devenues, en cinq ans, un rendez-vous incontournable pour tous les acteurs publics et privés de la société numérique.
Le thème que vous avez retenu cette année ne pouvait que me séduire. L’enjeu du numérique est bien celui que vous avez identifié : mettre la technologie au service du développement durable, au service de la transition écologique et énergétique, au service de l’activité, au service de l’inclusion de tous et de tous les territoires.
Le numérique est aujourd’hui partout, il le sera demain plus encore. Son enjeu n’est donc pas un simple enjeu industriel, un simple enjeu de filière, même si cet aspect ne peut être évacué. Par la richesse des usages qui s’inventent chaque jour, le numérique bouleverse nos vies, révolutionne nos façons de produire, de consommer, de faire société.
Les technologies Internet rendent possibles de nouvelles formes de citoyenneté. Quel contraste entre le sentiment diffus d’une apathie des citoyens et la vitalité des formes de participation, parfois de contestation, présentes sur le net !
Les réseaux intelligents rendent désormais possibles la maîtrise de notre consommation de ressources naturelles, d’énergie, d’eau. Ils contribueront, je l’espère de façon décisive, tant à la transition écologique qu’à la réponse aux situations de pauvreté et de précarité énergétique.
Il est difficile de prévoir aujourd’hui tous les usages qui naîtront demain des plateformes de données. Mon sentiment est qu’il en naîtra d’autant plus que se développeront l’open data, les formats ouverts et les logiciels libres. L’Etat se doit d’être exemplaire sur ce sujet et de faciliter le développement, le foisonnement des initiatives, en mettant lui-même en libre accès ses données.
Mais ce qui me semble d’ores et déjà certain, c’est que notre société sera numérique et que cette transformation révolutionnera de façon profonde et durable nos façons de vivre.
La ministre de l’égalité des territoires que je suis a conscience de cette transformation, qui bouleverse notre rapport à l’espace. Il y aura un avant et un après numérique dans l’aménagement du territoire. Parce que cette technologie rompt avec le modèle de développement antérieur, axé sur un centre et une périphérie, sur la localisation des activités au plus près des noeuds de transport. Le numérique met les femmes, les hommes et les territoires en réseau. Il abolit la nécessité de la proximité physique.
Mais pour que cette évolution majeure aie lieu, il faut une connexion, il faut du débit. Le droit à la connexion est ainsi devenu un problème politique de premier ordre.
Quand les élus rencontrent un agriculteur, il n’évoque pas immédiatement la politique agricole commune mais l’accès aux réseaux numériques ! Nul ne peut être surpris. Le risque de fracture numérique est celui d’une France à deux vitesses. Les territoires ruraux l’ont bien compris. Leur exclusion a toujours été choquante.
Elle est devenue inadmissible.
Inadmissible parce que le numérique rend possible l’accès au savoir et à la culture. Inadmissible parce que les territoires ruraux grâce à ces technologies ont l’opportunité de contribuer au développement du pays, autant que les centres urbains. Inadmissible parce qu’un développement durable et équilibré de nos territoires, parce que la transition écologique et énergétique sont au prix de la connexion de tous.
Pour que chacun mesure l’importance des usages du numérique pour l’aménagement du territoire, j’ai décidé de confier à Claudy Lebreton, le président de l’Association des départements de France, qui est très investi sur ce sujet, une mission de réflexion et de prospective sur ces impacts, avec l’appui du Centre d’analyse stratégique.
Ce choix d’un représentant des collectivités territoriales ne doit étonner personne. Depuis dix ans, les collectivités locales ont affronté, seules ou presque, le problème des zones blanches téléphoniques. Les collectivités participent chaque jour à l’invention de nouveaux usages du numérique pour le maintien à domicile de personnes âgées, ou pour les établissements scolaires par exemple. Le programme très haut débit leur a confié un rôle majeur pour l’équipement des territoires peu denses. C’est dans les territoires que s’invente la France de demain, tant à la ville grâce à l’ébullition créatrice des startups, qu’à la campagne qui est, je l’affirme, un laboratoire des territoires numériques de demain.
Le Gouvernement annoncera en février prochain le schéma d’aménagement numérique qu’il retient pour couvrir en dix ans l’ensemble du territoire. Le président de la République l’avait annoncé, le Premier ministre, à l’occasion du Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, l’a confirmé. L’objectif du Gouvernement, c’est la couverture de l’ensemble du territoire en très haut débit.
Toutefois, le rôle de l’Etat aujourd’hui ne peut être celui d’une reprise en main, d’une recentralisation. Certes, il est nécessaire de clarifier rapidement le cadre qui sera celui de l’aménagement numérique du territoire. Le Gouvernement y travaille, les scénarios seront bientôt connus. Je souhaite qu’une véritable concertation ait lieu sur le schéma avant qu’il soit retenu, compte tenu des enjeux.
Mais son rôle est aussi d’accompagner les collectivités territoriales, d’élaborer avec elles et les partenaires privés le déploiement des infrastructures et des usages, de s’assurer que les collectivités disposeront des ressources pour équiper leur territoire et qu’il existera bien un modèle économique dans les zones les moins denses pour les infrastructures de très haut débit.
Je conclurai mon propos en disant quelques mots des trois problèmes qu’il nous faudra traiter.
Le premier problème, c’est celui de la péréquation. Les conseils généraux des territoires ruraux devront participer à l’effort, alors que leurs ressources sont limitées. Limitées par la faiblesse des ressources fiscales tirées des droits de mutation au regard de celles des conseils généraux urbains qui n’auront aucun ou peu d’équipement à prévoir. C’est pourquoi, l’Etat aura un rôle à jouer en réfléchissant à un mécanisme de solidarité financière. Le Fonds d’aménagement numérique du territoire ou un système équivalent devra faire l’objet d’un abondement.
Le deuxième problème, c’est l’écart entre le pouvoir de marché des grands opérateurs et la capacité d’influence des collectivités. Ne nous le cachons pas, cet écart est grand. Et il n’est pas nécessairement à l’avantage des collectivités. C’est pourquoi, je propose des mécanismes de mutualisation entre collectivités, par exemple pour permettre la commercialisation en commun ou l’élaboration partagée des systèmes d’information. C’est pourquoi, je propose d’inciter à la réunion des opérateurs publics pour qu’ils organisent des réseaux pour des plaques territoriales disposant de la taille critique, bénéficiant de financements de tous les échelons publics et pourquoi pas de grands financeurs privés. C’est pourquoi, pour crédibiliser les projets de chacun, publics comme privés, je crois nécessaire de planifier l’extinction de la boucle cuivre.
Le troisième problème, c’est l’asymétrie des informations entre les collectivités territoriales et les opérateurs pour les projets de déploiement de fibre ou de téléphonie en cours. Les collectivités, en dépit de la réglementation en vigueur, ont une connaissance limitée des réseaux déployés sur leur territoire, sans parler même de leur connaissance relative des projets des opérateurs qui doivent être rapidement clarifiés et régulièrement suivis à la fois à l’échelle locale et à l’échelle nationale. C’est pourquoi, j’ai demandé au Premier ministre d’organiser immédiatement un observatoire des déploiements pour la fibre comme la 4G. Pour la fibre, je souhaite que les collectivités puissent se substituer aux opérateurs, chaque fois qu’elles constatent leur carence.
Pour arriver ensemble à de nouvelles infrastructures et de nouveaux usages, nous avons collectivement besoin d’une instance de concertation entre l’Etat, les collectivités territoriales et les opérateurs. Cette instance, que j’ai proposée au Premier ministre, doit pouvoir se mettre rapidement au travail. Pourquoi ne comporterait-elle pas une formation dédiée au satellite, qui peut être, si les territoires estiment le service satisfaisant, une solution de complément pour les territoires les moins denses et les plus enclavés ?
Le passage à la société numérique, la transition vers une croissance intelligente, durable et inclusive appelle l’énergie de tous. Celle de l’Etat, celle des territoires, celle des entreprises et des opérateurs. Vous pouvez compter sur ma détermination. Je sais pouvoir compter sur la vôtre.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 4 décembre 2012