Interview de M. Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, à France Inter le 30 janvier 2013, sur la circulaire signée par Mme Taubira concernant la délivrance de certificats de nationalité pour des enfants nés à l'étranger de mères porteuses, le débat parlementaire à propos du projet de "mariage pour tous" et le droit de vote des étrangers aux élections locales.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN
Le ministre chargé des Relations avec le Parlement est votre invité, Pascale CLARK.
PASCALE CLARK
Bonjour Alain VIDALIES.
ALAIN VIDALIES
Bonjour.
PASCALE CLARK
Une circulaire – signée Christiane TAUBIRA – demande aux tribunaux de faciliter l'acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de mère porteuse à l'étranger. Est-ce que le gouvernement est en train d'autoriser en douce la GPA, gestation pour autrui ?
ALAIN VIDALIES
Pas du tout. La position du gouvernement est claire et nette, le gouvernement, le président de la République sont opposés à la gestation pour autrui, ni dans ce texte ni dans aucun autre texte à venir. Il faut régler une question, il faut être très clair, c'est la question de la nationalité de ces enfants, non pas de la filiation, il y a eu des arrêts de la Cour de cassation en novembre 2011 qui ont dit : il est impossible en France d'établir la filiation, mais on a ces enfants, quelle est la nationalité de ces enfants dont la filiation n'est pas établie ? C'est une question à laquelle aujourd'hui, les juridictions répondent de manière totalement disparate, le but de la circulaire, c'est de dire : répondez tous la même chose, ils ont au moins droit à ce minimum, c'est-à-dire de savoir quelle est leur nationalité, c'est tout.
PASCALE CLARK
Vous trouvez ça habile de rédiger cette circulaire quelques jours avant l'ouverture des débats « mariage pour tous » ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien écoutez, on peut lire la démonstration dans l'autre sens, c'est-à-dire de se dire : forcément, ce débat, il va venir dans les quinze jours qui arrivent, répondre à ces questions qui sont des questions pratiques, et dire : on a réglé ça, parce qu'il fallait le régler, ça renforce encore notre détermination sur le fond, on est contre la GPA.
PASCALE CLARK
Vous êtes formel, elle ne sera pas autorisée la GPA ?
ALAIN VIDALIES
Elle sera autorisée ni dans ce texte ni dans aucun autre.
PASCALE CLARK
5 362 amendements déposés par l'opposition contre le mariage pour tous, allez-vous tenir la date annoncée du 12 février pour le vote, ça fait 383 amendements par jour à examiner, et encore, j'ai compté les week-ends.
ALAIN VIDALIES
Ecoutez, le miracle, il s'est passé hier, en conférence des présidents, on a demandé quand est-ce que, aurait lieu le vote solennel, c'est l'UMP qui l'a demandé, et je pensais qu'il allait répondre : en 2025, pour nous égarer tous, il a dit lui-même – monsieur JACOB – le 12 février, c'est-à-dire mardi dans quinze jours. On n'en demandait pas tant, puisqu'il a fixé la date lui-même. On sait que ça se terminera à ce moment-là.
PASCALE CLARK
Ça sera tenu, vous vous y engagez ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien écoutez, c'est lui qui s'est engagé à ça, il a demandé que le vote ait lieu le 12, donc il a fixé lui-même le terme des débats, et ça me paraîtra raisonnable.
PASCALE CLARK
Parmi ces amendements, il y en a trente-deux, déposés par le député d'extrême droite non-inscrit, Jacques BOMPARD, il prend au mot le terme « mariage pour tous », alors, il s'agit de l'étendre à tous, une tante et son neveu, les enfants entre eux dès la naissance, mais aussi, l'étendre à la polygamie et à l'inceste. Est-ce que ça existe les amendements homophobes ?
ALAIN VIDALIES
Oui, ça existe les amendements homophobes…
PASCALE CLARK
C'en est un, là, ça en est ?
ALAIN VIDALIES
L'ignominie aussi, ça existe, et il y a une grande filiation culturelle entre ce qu'écrit ce monsieur et ce qu'on pouvait lire dans la littérature des mouvements de l'extrême droite, notamment dans les années 30, et chaque fois qu'on aborde ce débat. Je pense que de ce point de vue-là, il est bien dans la lignée.
PASCALE CLARK
Donc on peut tout écrire dans un amendement, il n'y a pas de…
ALAIN VIDALIES
Eh bien, il profite de la situation, c'est-à-dire de l'impunité qui est relativement anormale, à l'intérieur de l'hémicycle, s'il avait du courage, il irait tenir ces propos à l'extérieur, parce que là, il tomberait sous le coup de la loi, ce qu'il lit, ce n'est pas des opinions, c'est souvent des délits.
PASCALE CLARK
Alain VIDALIES, pourquoi ne pas avoir interdit la veillée de prières des catholiques extrémistes de Civitas hier soir, derrière l'Assemblée, prières de rue, dans une République laïque ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien écoutez, on ne nous a pas d'abord annoncé, et puis, franchement, au point où on en est…
PASCALE CLARK
Si, si, c'était annoncé partout, ils l'ont annoncé, bien sûr…
ALAIN VIDALIES
C'est vrai, vous avez raison…
PASCALE CLARK
Il y a même eu des demandes de députés à Manuel VALLS…
ALAIN VIDALIES
Au point où on en est, franchement, est-ce que ça aurait été une démarche qui n'aurait pas encore suscité la polémique, je pense que c'est un grand texte, en tous les cas, nous, on le vit comme ça, les parlementaires, le gouvernement, un texte d'égalité et de liberté, et franchement, on n'a pas envie que ce débat soit abaissé, c'est un bon moment de débat républicain.
PASCALE CLARK
Donc ça ne vous a pas gêné, vous, ces images ?
ALAIN VIDALIES
Moi, ça m'a gêné, mais je pense que si on était allé à envoyer des forces de l'ordre, franchement, on n'est pas forcé de tomber dans tous les pièges que l'on nous tend.
PASCALE CLARK
Alain VIDALIES, le jour même du début des débats, Jean-Marc AYRAULT ressort le dossier du droit de vote des étrangers aux élections locales, qui ne serait pas enterré, là encore, vous trouvez que c'est un bon timing ?
ALAIN VIDALIES
Je trouve que c'est un bon timing parce que, il va y avoir une réforme constitutionnelle, elle était annoncée par le président de la République, il y a un certain nombre de sujets. Le droit de vote des étrangers, alors ça, c'est très clair aussi, le président de la République est pour, nous sommes pour, nous ne sommes pas en situation de le faire parce que nous n'avons pas la majorité des trois cinquièmes. Le Premier ministre va rencontrer tous les partis politiques pour leur dire…
PASCALE CLARK
Pour quoi faire ?
ALAIN VIDALIES
Pour leur dire, sur tel et tel sujet, donc il y en a six ou sept déjà qui ont été : la Cour de justice, le statut pénal du chef de l'Etat…
PASCALE CLARK
C'est-à-dire, vous noyez le poisson, ce texte-là, sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, vous le mettez au milieu d'un paquet constitutionnel, c'est ça ?
ALAIN VIDALIES
Parce qu'il n'y aura qu'une seule réforme constitutionnelle, il n'y a pas…
PASCALE CLARK
Donc vous espérez faire passer ça comme ça ?
ALAIN VIDALIES
Non, pas du tout, il n'y aura qu'une seule réforme, la question, c'est que dans cette réforme-là, il n'y aura qu'un seul vote à la fin, lorsqu'on réunira le congrès. Encore faut-il que les gens soient d'accord. Donc on vérifie point par point sur ces questions. Il y a des questions qui ne sont pas évidentes, y compris sur les langues régionales, les gens ne sont pas forcément d'accord, bref, on vérifie si on a la majorité…
PASCALE CLARK
Pour l'ensemble ?
ALAIN VIDALIES
Sur chaque point…
PASCALE CLARK
Sur chaque point…
ALAIN VIDALIES
Puisqu'à la fin, on ne mettra que les points sur lesquels il n'y aura pas de difficulté…
PASCALE CLARK
Voilà, vous ne l'avez pas pour l'heure, vous le savez bien, vous ne l'avez pas, la majorité pour le droit de vote…
ALAIN VIDALIES
Alors, on ne l'a pas, alors supposons que parce qu'on ne l'a pas, on ne l'ait pas mis dans le texte, alors, vous seriez en train de me dire : eh bien, voilà, on vous voit au pied du mur, vous avez décidé de ne pas le mettre. Donc on va aller jusqu'au bout de la démarche, d'autant plus que nos interlocuteurs sont des gens qui, à un moment donné, ont été pour, à droite, et on est toujours dans la même idée, en trouver, à ce jour, disons, une trentaine supplémentaire pour y arriver.
PASCALE CLARK
Les parlementaires socialistes, qui travaillent à trouver une majorité depuis que François HOLLANDE leur a demandé à l'automne, n'étaient pas au courant de la sortie de Jean-Marc AYRAULT, ils parlent de couac et même de connerie.
ALAIN VIDALIES
Eh bien écoutez, je ne sais pas, je n'ai pas entendu ce commentaire-là, mais…
PASCALE CLARK
Eh bien, je vous le dis, moi, je l'ai entendu…
ALAIN VIDALIES
D'accord, mais ce n'est pas un bon commentaire, parce que, on ne peut pas à la fois reprocher au gouvernement de ne pas le faire, et quand il essaie de faire avancer les choses, de lui reprocher également. Mais au contraire, je pense qu'il y a une grande cohérence dans cette démarche, et j'espère surtout qu'on va y arriver, et j'invite tous ceux qui ont des idées en la matière de nous aider à trouver la majorité qualifiée.
PASCALE CLARK
Très rapidement, pourquoi Jean-Marc AYRAULT reprend ce dossier d'un seul coup ?
ALAIN VIDALIES
Non, mais il a le droit…
PASCALE CLARK
Oui, il a le droit, ça, il a le droit, évidemment…
ALAIN VIDALIES
Et le devoir, il a le droit et le devoir d'en parler. Si on avait dit : on fait une réforme constitutionnelle, et on ne parle pas de cette question, alors, on aurait été soumis à une critique qui aurait été légitime, je ne dis pas qu'on va y arriver, j'espère qu'on va y arriver.
PASCALE CLARK
Vous pensez que vous allez y arriver d'ici la fin du quinquennat ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien écoutez, j'espère qu'on va y arriver, puisqu'il y a des gens de droite qui s'étaient engagés, j'espère que dans un moment de lucidité, ils viendront rejoindre la démarche qu'on leur propose.
PASCALE CLARK
Alain VIDALIES, ministre des Relations avec le Parlement. Merci et bonne journée. Patrick COHEN.
PATRICK COHEN
Merci Pascale CLARK.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2013