Interview de M. Guillaume Garot, ministre de l'agroalimentaire, à "LCI" le 22 février 2013, sur les leçons à tirer des fraudes relevées dans la chaine de l'industrie agroalimentaire.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

FREDERIC DELPECH
Avant de parler de la filière viande, simplement, est-ce que vous pouvez commenter cette information révélée par OUEST-FRANCE, une fillette qui était allée à l’école la semaine dernière, n’a pas pu manger à la cantine, parce qu’elle n’y était pas inscrite, et l’adjointe aux affaires sociales de la ville de Feneu, donc près d’Angers, n’a pas voulu qu’elle mange à la cantine ?
GUILLAUME GAROT
Oui, j’ai lu ça ou entendu ça ce matin. Je suis choqué, comme tous les Français qui ont appris cette information. Voilà, moi, je souhaite que des excuses puissent être présentées à la famille et que les choses rentrent dans l’ordre rapidement.
FREDERIC DELPECH
Pour vous, donc, c’est quoi ? C’est l’adjointe aux Affaires sociales qui a n’a pas fait son travail ?
GUILLAUME GAROT
Je n’ai pas davantage d’élément, mais je suis, je vous le dis choqué. Je trouve que ce n’est pas acceptable de laisser un enfant sans déjeuner le midi, d’autant qu’apparemment la maman devait emmener un enfant chez le médecin. Donc vraiment, ce n’est pas acceptable, je le redis, c’est choquant.
FREDERIC DELPECH
C’est aujourd’hui, qu’on connaîtra le résultat de l’enquête sanitaire faite chez SPANGHERO, quels sont les premiers éléments ?
GUILLAUME GAROT
Les premiers éléments, nous les avons eus en début de semaine et nous avons levé la suspension de l’agrément, sur toute la partie charcuterie, plats cuisinés de l’activité SPANGHERO. Mais nous avons maintenu la suspension sur l’activité négoce. Ça signifie que tout ce qui était en cause, rappelez-vous sur l’activité de SPANGHERO avec cette suspicion de fraude, et aujourd’hui, c’est la justice qui est saisie et la justice qui devra rendre ses conclusions.
FREDERIC DELPECH
Et les premières conclusions donc, vous les connaissez ?
GUILLAUME GAROT
Je ne les ai pas. Ce sont aujourd’hui, les enquêteurs de la police judiciaire qui doivent nous dire réellement ce qu’il en est. Mais pour ce qui est de l’Etat, pour ce qui est du gouvernement, nous avons transmis à la fois les éléments de l’enquête administrative, la répression des fraudes, transmis les éléments de l’enquête vétérinaire, celle que nous avons depuis la semaine passée et qui s’est déroulée le week-end dernier, et l’ensemble des éléments vétérinaires nous serons transmis dans la journée.
FREDERIC DELPECH
SPANGHERO menace de vous assigner en justice, vous n’avez pas respecté disent-ils la présomption d’innocence ?
GUILLAUME GAROT
Oui, écoutez ! Moi, je veux bien tout entendre, mais il ne faut quand même pas inverser les responsabilités. Aujourd’hui, il y a une suspicion de fraude qui pèse sur cette entreprise, et je le répète, c’est à la justice maintenant de dire les choses et de rendre son verdict. Mais moi, je souhaite aussi, que chacun prenne ses responsabilités, dans cette affaire. Et s’agissant de l’entreprise SPANGHERO, que les actionnaires puissent dire aussi, comment ils traitent les choses en interne, dans l’entreprise.
FREDERIC DELPECH
Alors pendant ce temps, le scandale continue, on a continué à découvrir de la viande de cheval, que ce soit par exemple au Portugal ou en Bulgarie hier. Et selon donc Benoît HAMON, il y aurait plusieurs filières concernées en France.
GUILLAUME GAROT
En tout cas, nous avons redoublé de vigilance et vous savez que la semaine passée, à Bruxelles, nous avons coordonné nos efforts avec les autres pays européens.
FREDERIC DELPECH
Fraude généralisée dit même Stéphane LE FOLL en France ?
GUILLAUME GAROT
Mais c’est précisément, ce que nous voulons vérifier. Donc nous avons intensifié les contrôles dans la période, mais nous avons dit, que nous allions les intensifier tout au long de l’année 2013. Et puis surtout il faut que cette vérification, tous ces contrôles soient conduits au plan européen, c’est ce que nous faisons avec nos partenaires européens, de telle sorte que nous soyons bien fixés sur les choses.
FREDERIC DELPECH
Semble-t-il tout de même, plusieurs entreprises ont signalé de la viande de cheval, à la place de la viande de boeuf et ça ne concernait pas des lots qui venaient de SPANGHERO ?
GUILLAUME GAROT
En effet, c’est je vous dis, tous ces contrôles, toutes ces investigations qui sont conduites aujourd’hui, avec vous le savez, des tests ADN à l’échelle de l’Union européenne. Parce que ce qui se passe en France peut s’être passé dans d’autres pays de l’Union, c’est ce que nous sommes en train de vérifier en ce moment ?
FREDERIC DELPECH
Vous savez quelles entreprises ont signalé ces viandes de cheval en France ?
GUILLAUME GAROT
Je n’ai pas d’élément à communiquer ce matin, mais vous savez que nous sommes extrêmement rigoureux, parce que nous ne ferons aucun compromis avec la fraude. Et donc hier, nous avons hier matin, annoncé des mesures très fortes pour que ça ne se reproduise plus.
FREDERIC DELPECH
Des mesures basées plutôt sur le volontariat des industriels ?
GUILLAUME GAROT
Mais pas simplement. Parce que d’abord, il y a…
FREDERIC DELPECH
Pour l’étiquetage ?
GUILLAUME GAROT
S’agissant de l’étiquetage, de l’information des consommateurs, quel est l’enjeu ? Faire en sorte qu’on puisse mentionner l’origine des viandes dans les plats préparés. On sait que c’est une règlementation européenne, mais nous voulons accélérer les choses. Donc nous portons ce combat au plan européen. Et puis au plan…
FREDERIC DELPECH
Ce sera lundi donc à Bruxelles ?
GUILLAUME GAROT
Bien sûr ! Au conseil européen…
FREDERIC DELPECH
Qu’est-ce qui se passera ?
GUILLAUME GAROT
Toutes ces questions-là seront traitées et vous savez que Stéphane LE FOLL est très volontariste pour convaincre nos partenaires européens. Mais allons plus loin, en France, avec les entreprises, il faut aller plus loin. Il faut être en avance et c’est ce que nous faisons, grâce à une charte anti-fraude qui a été présentée hier matin, qui sera précisé dans les semaines qui viennent et qui permettront aux entreprises…
FREDERIC DELPECH
Qui sera mise en place quand, cette charte anti-fraude ?
GUILLAUME GAROT
Mais aussi rapidement que possible. Aussi rapidement que possible et ça permettra aux entreprises de se protéger contre toutes ces dérives, toutes ces pratiques, frauduleuses, que l’on suspecte aujourd’hui. Et donc c’est une façon très concrète de rassurer les consommateurs sur ce qu’ils trouvent dans leur assiette.
FREDERIC DELPECH
Vous voulez aussi, vous attaquez au minerai, ce fameux aggloméra, on ne sait pas trop de collagène, de protéine. Qu’est-ce que concrètement, vous allez faire pour mieux suivre la fabrication de ce minerai ?
GUILLAUME GAROT
Changer la composition de ce qu’on appelle les minerais de viande. Vous savez, ce sont ces mélanges que l’on retrouve ensuite, dans les plats préparés. Aujourd’hui, la composition n’est pas forcément des plus appétissantes et moi, je considère qu’il faut améliorer la composition de ces mélanges. Ça veut dire mettre davantage de protéine et sans doute un peu moins de collagène. Même si aujourd’hui, tout ça est parfaitement sain, il n’y a pas de toxicité bien évidemment ! Mais c’est la qualité nutritionnelle qui est en cause.
FREDERIC DELPECH
Où en est l’idée de Delphine BATHO, de mettre en place un label sans farine animale, pour les poissons d’élevage ?
GUILLAUME GAROT
C’est une bonne idée. C’est une bonne idée.
FREDERIC DELPECH
Et concrètement ?
GUILLAUME GAROT
Et concrètement, les professionnels de l’aquaculture français, en tout cas, se sont déjà engagés, là-dessus, vous le savez, avec une charte, une charte qualité là aussi. Parce que les aquaculteurs français n’emploient pas de produit issu d’animaux terrestres. C’est important de le dire aux consommateurs. Et il faut aller plus loin maintenant, c'est-à-dire au plan européen, parce que c’est toujours une réglementation européenne. Faire en sorte qu’on puisse développer une filière d’alimentation pour les poissons qui soient issus des rejets des pêches en mer. Donc voilà, une façon saine de nourrir les poissons.
FREDERIC DELPECH
C’est demain que s’ouvre le Salon de l’Agriculture, vous confirmez que François HOLLANDE va y passer toute la journée ?
GUILLAUME GAROT
Je confirme que François HOLLANDE y sera demain matin, avec une volonté d’aller à la rencontre des agriculteurs, des éleveurs pour les écouter, et pour valoriser aussi, l’excellence de l’agriculture française. Parce qu’aujourd’hui, on parle de ce qui ne va pas bien, de ce qui va mal avec cette crise alimentaire. Mais l’agriculture française, l’agroalimentaire français c’est bien autre chose. C’est des produits de qualité, ce sont des produits qui font la réputation française partout dans le monde et c’est ça aussi, qu’il faut…
FREDERIC DELPECH
Alors bien évidemment, par exemple, il y a des éleveurs en colère, des éleveurs en colère qui ont démonté hier, trois supermarchés en Indre, oui, pardon trois charriots de supermarché en Indre-et-Loire pour protester contre des prix qui ne sont pas assez élevés notamment pour le lait ou pour un certain nombre de produits comme la viande ?
GUILLAUME GAROT
C’est vrai qu’aujourd’hui, il y a des difficultés, mais c’est vrai aussi, que le gouvernement se bat pour y apporter des réponses. Que ce soit sur la filière porcine, sur la filière volaille, sur le lait, nous sommes toujours en avant, nous voulons prouver que nous pouvons faire autrement. Mais pour ça, il faut que chacun accepte, se mette autour de la table, c’est ce que nous faisons.
FREDERIC DELPECH
Votre collègue du gouvernement Kader ARIF a-t-il été maladroit hier, lorsqu’il a annoncé la libération des otages ?
GUILLAUME GAROT
Ecoutez, moi, je ne vais certainement pas nourrir la polémique avec la droite là-dessus, au moment où nous devons être rassemblés, nous les Français, face à cette grande angoisse, cette grande inquiétude, des familles vers nos otages là-bas.
FREDERIC DELPECH
Ce n’est pas le rôle du ministre des Anciens combattants tout de même ?
GUILLAUME GAROT
Ecoutez, je ne rentrerai pas dans cette polémique, je crois qu’aujourd’hui, la responsabilité de chacun, c’est d’être soudé autour des efforts de notre ministre de la Défense, de notre ministre des Affaires étrangères, pour faire libérer ces otages.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2013