Conférence de presse de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, et de M. Stephen Harper, Premier ministre du Canada, sur la négociation d'un accord économique et commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada, le soutien apporté par le Canada à l'intervention de la France au Mali et le caractère exceptionnel du recours aux ordonnances, Ottawa le 14 mars 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel au Canada du 13 au 16 mars 2013 - Conférence de presse à Ottawa (Canada) le 14

Texte intégral

Stephen Harper, Premier ministre du Canada
Encore nous avons fait des progrès considérables en ce qui concerne la réalisation d'un accord économique globale avec l'Union européenne. Il reste certains enjeux difficiles, évidemment les choses les plus difficiles sont toujours des choses à la fin, mais nous avons fait des progrès considérables. Je suis optimiste sur la conclusion d'une entente finale, mais le Canada ne va pas signer un tel accord jusqu'au moment où nous serons convaincus que c'est complet et c'est dans l'intérêt du Canada. Evidemment pour nous je pense que c'est un avantage d'avoir un tel accord avant les Etats-Unis, et je pense que les Européens c'est aussi important d'avoir une réussite en Amérique du nord avant de vraiment commencer une discussion qui sera à mon avis difficile, toujours, avec les Etats-Unis.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre de la France
Donc nous sommes évidemment attentifs, la France, le gouvernement français au contenu de cette négociation mais le négociateur vous le savez c'est la Commission européenne. Mais nous avons bien avancé et je confirme ce que dit le Premier ministre, il reste maintenant une dernière phase qu'il faut réussir. Les points les plus sensibles concernant notamment les échanges équilibrés en matière agricole, notamment vous avez un souci concernant la viande bovine et porcine et nous nous avons un souci concernant la volaille. Donc vous voyez qu'on peut rapprocher nos points de vue et c'est ce qu'on appelle je dirais le juste échange. Il y a aussi des questions auxquelles nous sommes très attentifs concernant la propriété intellectuelle. Et puis un troisième volet qui est le respect de la diversité culturelle. Que nous avons en commun comme préoccupation, nous avons un point d'accord en particulier sur ce point, et nous serons attentifs, le gouvernement français, à ce qui serait dans le texte final de la négociation conduite par la Commission européenne. Et puis peut-être un commentaire, puisque la question m'a été posée, nous a été posée, c'est vrai que si cet accord aboutit et qu'il est exemplaire notamment sur le dernier point que je viens d'évoquer, il ne sera pas sans influence sur le contenu des négociations qui sont engagées entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Donc nous souhaitons être nous en avant-garde exemplaires pour qu'ensuite ce que nous aurons fait de meilleur puisse avoir des conséquences positives pour d'autres négociations. Des précurseurs en quelque sorte.
Raymond Filion, TVA
Bonjour messieurs. Je voudrais vous entendre au sujet du Mali. Monsieur Ayrault, pour quelle raison la France veut-elle passer le relai à l'ONU ? Quelle contribution demandez-vous au Canada ? Monsieur Harper, quelle contribution êtes-vous prêt à accorder à cette mission au Mali ? Si vous pouvez encore une fois répondre dans les deux langues officielles, s'il vous plait. Et monsieur Ayrault au sujet de l'unité nationale canadienne, est-ce qu'il en sera question au cours de votre périple, votre séjour au Canada, vous devez vous rendre à Québec, on remarque que notamment sur un communiqué qui a été émis par l'ambassade française à Ottawa, que vous êtes en voyage au Canada et au Québec. J'aimerais savoir le pourquoi de cette distinction ?
Jean-Marc Ayrault
Vous voulez que je réponde le premier !! Vous savez il n'y a pas de difficulté particulière, le gouvernement français s'inscrit dans la continuité concernant le Canada et le Québec. Le président de la République française François Hollande a d'ailleurs été très clair sur ce sujet lors de sa rencontre avec la Première ministre québécoise à Paris que j'ai moi-même rencontrée en octobre dernier, et le gouvernement français entend s'inscrire dans cette continuité. Celle des gouvernements depuis trente ans. Et il ne s'agit pas, je le précise, d'une relation triangulaire. Il s'agit de deux relations d'amitié réelle, fondée sur des liens humains, culturels et linguistiques qui se concrétisent par des partenariats tournés vers l'avenir et qui se renforcent mutuellement. Et donc c'est une chance pour la France que d'avoir une relation si particulière avec le Québec ; et c'est une chance pour la France que d'avoir une relation aussi étroite avec le Canada. Ces deux relations privilégiées sont des atouts pour la France, nous les assumons, nous nous en réjouissons. Et elles bénéficient à notre économie, à nos entreprises, aux universités, centres de recherche, et bien entendu à nos compatriotes. Et la France fera tout pour que ces deux relations demeurent excellentes à l'avenir. Le programme de ma visite témoigne de la richesse actuelle de ses relations et surtout de ses perspectives d'avenir. Donc vous voyez tout le monde doit être rassuré, et je crois que d'ailleurs le climat qui règne en arrivant ici est un climat, je l'ai dit, de confiance et je suis en particulier très serein par la manière dont vous abordez vous-mêmes toutes ces questions, avec beaucoup de tranquillité, de sérénité et je crois que c'est ce qui convient pour l'approfondissement de ces relations si anciennes et si riches et si prometteuses.
Alors sur le Mali, pardon, autre sujet. D'abord je l'ai dit et je le répète, je tiens à remercier chaleureusement le président de la République que j'ai eu il y a quelques instants au téléphone, m'a redemandé de vous le dire officiellement, l'attitude et le soutien du Canada ont été spontanés, je l'ai dit tout à l'heure, et pas seulement d'un point de vue politique mais aussi d'un point de vue logistique, puisque le C17, l'avion C17 que vous avez mis à disposition des forces françaises a permis un acheminement à la fois des troupes mais aussi de la logistique dans des conditions extrêmement favorables, accompagnées d'autres soutien, d'autres pays, mais parce qu'il fallait agir extrêmement vite. Et si la France n'avait pas pu intervenir dans les heures qui suivaient l'offensive des groupes terroristes qui se dirigeaient vers la ville de Mopti, alors tout était terminé, les djihadistes seraient allés très vite jusqu'à Bamako et l'intégrité du Mali, qui est un objectif fondamental, n'aurait évidemment pu exister. Donc je tiens à remercier le Canada pour cette position qui est très concrète, qui n'est pas celle de tous ceux qui nous ont soutenus sur le plan politique. Alors en ce qui concerne la France, nous l'avons dit depuis le début, nous n'avons pas vocation à rester au Mali ; nous avons un objectif très clair, c'est d'arrêter cette progression des groupes terroristes, jusqu' à l'élimination du sanctuaire terroriste qui est installé en particulier au nord du Mali, à la frontière algérienne, ce sont les combats qui ont lieu actuellement avec les troupes françaises, les troupes maliennes, et les troupes de la MISMA. Et donc les résultats sont positifs. Et parallèlement la France souhaite que les troupes africaines, de la MISMA, prennent le relai, elles commencent à le faire, certains pays disent demander une aide à la formation de leur soldat et l'équipement de leur troupe, pour la formation l'Union européenne s'est engagée dans un programme extrêmement intense qui est en cours, qui porte ses fruits ; et puis ensuite nous souhaitons que le processus politique qui a été décidé par le Parlement malien soit effectif, c'est-à-dire à la fois le dialogue avec toutes les composantes de la société malienne, y compris pour la partie du Sahel et les Touaregs, mais aussi le respect d'un calendrier pour lequel les Maliens ce sont engagés, qui est celui des élections présidentielles, les élections législatives au mois de juillet. Et avec un autre chapitre qui est celui du développement du Mali puisque l'Union européenne est prête à débloquer une aide conséquente, nous souhaitons que la Communauté internationale tienne ses engagements qui ont pris par la réunion des donateurs mais qu'il y ait aussi un volet de soutien au développement de ce pays et des autres pays particulièrement pauvres de cette région car sans sécurité il n'y a pas de développement, mais sans développement il n'y a pas de sécurité. Et donc le processus qui doit conduire, ce processus à la fois militaire, ce processus à la fois politique, doit conduire au retrait progressif des troupes françaises, qui devrait commencer fin avril, relayé donc je l'ai dit par les troupes africaines, et ce qui devrait également conduire à un changement au niveau des Nations Unies pour transformer la résolution qui avait donc été adoptée et qui pourrait déboucher sur une opération de maintien de la paix. Si toutes ces conditions sont réunies alors effectivement le Mali retrouvera son intégrité territoriale, retrouvera le chemin de la démocratie, retrouvera le chemin du développement, et c'est aussi la sécurité de toute une région qui est en cause, celle des pays de l'Afrique de l'ouest, mais c'est aussi notre propre sécurité qui est en cause. Celle, pas seulement de la France ou de l'Europe mais aussi celle de toutes les démocraties. Et c'est ce qui d'ailleurs nous permet d'agir ensemble sur toutes ces questions qui nous préoccupent sur le plan international aujourd'hui.
Stephen Harper
Pour le Mali, tout d'abord j'aimerais exprimer toute notre admiration pour le leadership de la France en contrant cette menace terroriste dans cette région du monde, c'est un leadership important, et ça indique encore l'importance de la France sur la scène mondiale. Nous sommes très heureux d'aller dans cet exercice avec notre avion et son équipe, et ces atouts vont rester là, les besoins sont là, pour notre engagement à l'avenir, notre engagement à plus long terme. Evidemment nous ne cherchons pas un rôle de combat, mission militaire de combat pour le Canada, nous serons là pour certains, pour aider le développement et fournir l'aide militaire mais pour les détails de notre engagement à long terme nous sommes en discussion avec … pas seulement mes collègues ministériels, mais aussi notre corpus des partis de l'opposition avant de prendre des décisions finales.
Pour la relation triangulaire avec la France, le Canada, le Québec, nous avons la France, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, une des relations les plus étroites du Canada dans le monde. C'est une relation d'amitié très proche, évidemment à la relation entre la France et le Québec est spéciale, privilégiée, spéciale, cette relation de fraternité, on reconnait ça depuis longtemps, on le respecte et à notre avis c'est naturel.
Pierre Glachant, Agence France Presse
Une question aux deux Premiers ministres. Y a-t-il été question lors de vos entretiens de la possibilité d'une visite officielle du président Hollande au Canada ?
Jean-Marc Ayrault
J'ai évoqué cette perspective mais pour l'instant il n'y a pas encore de date d'évoquée. Le Premier ministre HARPER est déjà venu en France, a rencontré le président de la République, mais je n'étais même pas encore Premier ministre, c'était vraiment juste au début. En tout cas moi je suis venu à l'invitation du Premier ministre canadien, Stephen HARPER, donc c'était déjà une étape, mais j'imagine bien qu'il y en aura une autre avec une visite à décider, bien sûr à votre initiative monsieur le Premier ministre, du président de la République française qui s'en réjouirait évidemment.
Stephen Harper
Nos amis français sont bienvenus ici, à n'importe quel moment.
Ludovic Fau, Europe 1
Bonjour. Une question pour le Premier ministre français. Votre gouvernement envisage de légiférer par ordonnances, ce qui provoque une polémique à Paris, à une époque vous avez-vous-même dénoncé cette pratique, François Hollande à cette époque a également parlé de « méthode détestable », est-ce que vous avez changé d'avis, et est-ce que vous pouvez nous préciser vos intentions en nous disant sur quel sujet, pourquoi et quand vous envisagez d'avoir recours à des ordonnances ?
Jean-Marc Ayrault
Le recours aux ordonnances ne peut être qu'exceptionnel. Si c'est une manière, j'allais dire, quotidienne de légiférer ça serait effectivement détestable et je ne renie pas les critiques que j'ai pu faire à une certaine époque. Là il s'agit uniquement, pour traiter un problème qui date depuis des années, qui est celui de la complexité des normes. Et qui notamment concernant la construction de logements ou de bâtiments, complexifie, alourdit, renchérit notamment le cout des investissements. Et c'est une demande qui existe depuis des années auquel les différents gouvernements ont répondu sur le principe en disant « oui mais nous allons le faire » mais en reportant sans cesse l'examen de projets de loi nécessaires. Et donc mon gouvernement a beaucoup travaillé, beaucoup réfléchi, des Parlementaires d'ailleurs font des propositions, des propositions de loi, de personnalités, monsieur Lambert et monsieur Boulard vont me remettre le 26 mars prochain un rapport sur la simplification des normes, et donc si nous voulons légiférer par ordonnances c'est compte tenu de la complexité de ce que ça peut représenter – ça veut dire qu'on peut légiférer pendant un an – là il y a urgence à simplifier pour redonner de la dynamique, pour redonner de la croissance, et particulièrement concernant le secteur du bâtiment c'est la volonté du gouvernement. Donc je rassure, et là il y a des Parlementaires qui bien entendu sont très attentifs aux pouvoirs du Parlement, en aucun cas ces pouvoirs seront limités mais je suis sûr qu'ils comprendront que pour agir vite, surtout pour des questions aussi techniques, là en l'occurrence la procédure de l'ordonnance est la bonne réponse. Ca permettra de décider et d'agir vite et de bouger les choses concrètement pour les Français. Je suis désolé monsieur le Premier ministre mais vous êtes vous-même quelqu'un très présent au Parlement, vous connaissez bien cette réalité, vous avez aussi votre complexité avec les provinces, et donc vous-même vous travaillez à la simplification. Mais en tout cas voilà une réponse qui je crois rassurera ceux qui s'en inquiètent, qui d'ailleurs – s'agissant de ceux qui nous critiquent - devraient être particulièrement satisfaits parce que ça fait partie de leurs revendications de simplifier les normes. Eh bien nous allons le faire.
Source http://www.gouvernement.fr, le 18 mars 2013