Interview de Mme Najat vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, à La Chaîne Info le 21 mars 2013, sur la situation des otages français, la politique budgétaire du gouvernement, la réduction du déficit de l'Etat et les pratiques abusives sur les réseaux sociaux.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JULIEN ARNAUD
Najat VALLAUD-BELKACEM qui s'est levée tôt alors qu'elle s'est couchée un petit peu tard puisqu'elle était hier soir au dîner du CRIF. Bonjour, merci d'être venue malgré tout, est-ce que vous avez parlé de la situation de l'otage Philippe VERDON avec le président François HOLLANDE que vous avez croisé hier au dîner du CRIF, est-ce qu'on a des nouvelles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On n'a pas de nouvelles pour le moment, comme vous le savez nos services sont en train de procéder à toutes les vérifications utiles avant de confirmer ou d'infirmer les allégations. Ce que je peux vous dire c'est que le centre de crise du quai d'Orsay est en contact très régulier avec les familles et que nous ferons tout ce qui est en notre possible, soit pour les rassurer, j'espère pour les rassurer soit pour leur annoncer des nouvelles. Mais en tout état de cause vous savez, dans ce genre d'affaire, le gouvernement s'est fixé une ligne de conduite qui est à la fois celle de la détermination et puis de la discrétion et c'est pour cela que nous faisons tout pour libérer nos otages et en même temps nous ne pouvons pas vous en dire beaucoup plus.
JULIEN ARNAUD
Alors hier il y avait le dîner du CRIF, il y avait aussi la motion de censure qui a été présentée par Jean-François COPE, il y a eu un discours de Jean-Marc AYRAULT dans lequel il a réaffirmé qu'il avait un cap, je sais où je vais, a-t-il dit, mais les Français visiblement ont du mal à percevoir cela. Deux Français sur trois sont mécontents, comment vous expliquez que ce message-là ne passe pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que les Français sont impatients avant tout, impatients parce que…
JULIEN ARNAUD
Ils ne sont pas déçus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Impatients parce que la crise dure depuis 2008 maintenant, elle ne date pas de quelques mois, ça fait longtemps que les difficultés n'ont cessé de se creuser et qu'ils n'ont pas vu venir beaucoup de bonnes nouvelles ou de réformes percutantes. Et donc par définition, leur impatience s'est accrue au fil du temps et aujourd'hui c'est le gouvernement aux responsabilités qui en pâtit d'une certaine façon mais nous assumons. Nous assumons le fait que nous sommes attendus au tournant et qu'il faut que nos décisions produisent des conséquences concrètes dans la vie des Français rapidement et c'est pour cela d'ailleurs que nous avons légiféré aussi rapidement. En à peine dix mois, le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler hier à l'Assemblée nationale, en à peine dix mois ce sont des réformes à enjeu extraordinaire qui ont été adoptées, sur le logement, sur l'emploi, sur la compétitivité…
JULIEN ARNAUD
Mais en dix mois il y a aussi eu des objectifs qui n'ont pas été atteints. Jean-François COPE l'a rappelé, chômage, croissance, déficit, relance européenne, est-ce que sur ces quatre points il n'a pas un petit peu raison ? Il y avait des objectifs chiffrés, quantitatifs et puis il a fallu y renoncer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, les objectifs c'est ce qu'on se fixe pour avoir ensuite une ligne de trajectoire. Quand on se fixe un objectif de 3% de déficit par exemple…
JULIEN ARNAUD
Ca ne veut pas forcément dire qu'il faut les atteindre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Si on fait tout ce qui est en notre possible pour les atteindre, mais après vous savez bien que la conjoncture française est aussi dépendante de la conjoncture internationale. Mais cela nous impose de nous fixer cet objectif de faire des efforts d'économies sur les dépenses publiques, de rationaliser en réalité notre budget pour réussir comme nous l'avons fait à la fin de l'année 2012, avoir un déficit de 4,7% au lieu de 5,2 si on avait continué ce que faisait le précédent gouvernement. Donc les efforts que nous poursuivons sont utiles en tout état de cause et si nous arrivons à 3,7 de déficit pour cette année 2013 et 3% pour 2014 eh bien nous arriverons à respectons ce que nous avons dit aux Français dès le début, c'est-à-dire…
JULIEN ARNAUD
Non, dès le début c'était 3% pour 2013 !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui mais bien entendu, mais encore une fois nous sommes tributaires aussi de la conjoncture internationale, mais l'objectif encore une fois, est celui d'un équilibre d'ici 2017.
JULIEN ARNAUD
Alors parlons d'une autre promesse qui visiblement aura du mal à être tenue, c'est la promesse des 75%. D'après Le Figaro ce matin, le conseil d'Etat explique que le taux maximum c'est 66,6%. Est-ce que c'est ce taux-là qui sera retenu par le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord le conseil d'Etat en tant que tel ne s'est pas encore prononcé, l'assemblée générale du conseil d'Etat se réunit ce matin, donc prenez les informations que vous évoquez pour l'instant, comme de simples rumeurs puisque c'est une section du conseil d'Etat qui pour l'instant a travaillé. L'assemblée générale précisera les choses aujourd'hui mais en réalité, qu'est-ce que nous avons demandé nous, le gouvernement, au conseil d'Etat ? Nous lui avons demandé de nous aider à formuler un texte qui continue à poursuivre l'objectif d'une taxation exceptionnelle des revenus supérieurs à un million d'euros…
JULIEN ARNAUD
Mais le taux de 75% n'est plus un totem.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On lui a demandé de se prononcer sur la question du taux pour qu'il ne soit pas confiscatoire puisque c'était précisément ce sur quoi le conseil constitutionnel avait censuré notre décision. On lui a demandé de se prononcer aussi sur la familialisation de cet impôt ou pas et puis on lui a demandé de se prononcer sur l'assiette de cet impôt pour savoir quels revenus exactement on y intègre. Et donc aujourd'hui on attend les propositions sur ces trois points et on prendra notre décision en temps utiles. Mais je peux vous dire que le principe et l'essentiel restent, c'est-à-dire que par souci d'équité fiscale et parce que la crise est là et qu'il faut que chacun contribue d'une certaine façon, nous souhaitons que les revenus exceptionnels soient taxés de façon exceptionnelle.
JULIEN ARNAUD
Une petite phrase passée relativement inaperçue hier dans le discours de Jean-Marc AYRAULT, mais qu'on souligne ce matin sur LCI à propos du salaire des patrons dans le privé, le Premier ministre propose d'encadrer les salaires. Est-ce que ça veut dire qu'il veut faire comme dans le public, c'est-à-dire faire un ratio de 1 à 20 pour les salaires dans le privé comme il en était question pendant la campagne, est-ce qu'il va y avoir une loi là-dessus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y aura une loi mais on ne peut pas faire dans le privé ce qu'on fait dans le public, ça va de soi…
JULIEN ARNAUD
Mais il y aura une nouvelle loi pour encadrer les salaires des patrons du privé.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le Premier ministre a annoncé en effet le dépôt d'un texte de loi avant l'été dans lequel il s'agira de mettre fin à un certain nombre de pratiques et d'introduire de la transparence dans la rémunération…
JULIEN ARNAUD
Les retraites chapeau terminées par exemple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On verra puisque le texte est en train d'être travaillé, mais c'est vrai que ça fait partie de ces pratiques qui semblaient parfois pas tout à fait légitimes ou exagérées…
JULIEN ARNAUD
Les stock-options aussi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qui est sûr c'est que nous veillerons à ce qu'il y ait la plus grande transparence dans les rémunérations, notamment par exemple en soumettant, en faisant en sorte que soit soumis au conseil d'administration des grandes entreprises, la rémunération des dirigeants qui devra ensuite la valider. Enfin les détails sont en construction mais je crois que les Français comprennent très bien là encore que par souci à la fois d'équité et puis de régulation tout simplement des pratiques abusives, eh bien on puisse vouloir légiférer sur ce sujet, même si on ne fera pas la même chose que dans le public.
JULIEN ARNAUD
Des pratiques abusives il y en a aussi sur les réseaux sociaux, le président en a parlé hier lors du dîner du CRIF avec des insultes antisémites ou racistes notamment sur Twitter, le président a expliqué qu'il allait contraindre Twitter à régler ce problème. Mais comment on fait concrètement parce que voilà, les réseaux sociaux ils sont par définition un petit peu incontrôlables, on ne va pas aller aux Etats-Unis chercher les dirigeants de Twitter pour les faire payer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Twitter comme Google, comme Facebook, comme d'autres, sont des entreprises qui doivent quand même se, comment dire…
JULIEN ARNAUD
Se conformer à la loi.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci, se conformer à la loi, or on a une loi sur l'économie numérique…
JULIEN ARNAUD
Elles ne le font pas aujourd'hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien Twitter de fait, ne répond pas un certain nombre d'obligations qui lui sont imposées par cette loi. Je pense par exemple à la mise en place d'un dispositif simple de signalement des tweet litigieux, des tweet d'appel à la haine qui aujourd'hui clairement, n'existe pas, ne fonctionne pas suffisamment bien et c'est ce qu'un certain nombre d'associations ont dénoncé à juste titre…
JULIEN ARNAUD
Vous citez la plainte de l'Union des étudiants juifs de France par exemple.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Encore une fois c'est une procédure judiciaire qui est en cours donc je ne m'immiscerai pas dans cette plainte, mais ce que je peux vous dire c'est que nous avons pu constater que l'entreprise Twitter avait multiplié les manoeuvres dilatoires pour ne pas répondre à ces obligations et que je crois vraiment qu'Internet ne peut pas être une zone de non-droit et qu'il nous faut en effet y faire appliquer la loi et la loi française c'est que la liberté d'expression des uns, s'arrête là où commence l'honneur des autres.
JULIEN ARNAUD
Alors sur la liberté d'expression peut-être un dernier mot, pourquoi ne pas autoriser la manifestation contre le mariage homosexuel sur les Champs-Elysées ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord il n'y a jamais eu de manifestation autorisée sur les Champs-Elysées, donc ceux qui attirent l'attention sur cette manifestation et sur la soi-disant « interdiction » qui leur aurait été faite, essaient juste de promouvoir un évènement qui a visiblement du mal à rassembler. Mais la réalité c'est que cette manifestation peut se tenir n'importe où ailleurs.
JULIEN ARNAUD
On fera les comptes dimanche, on verra si la mobilisation se poursuit ou pas, merci beaucoup Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous. Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2013