Interview de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, à Radio Classique le 2 avril 2013, sur l'application de la taxation de 75% au football, la mise en oeuvre du "choc de simplification" dans la fonction publique et le débat parlementaire à propos de l'accord national interprofessionnel.

Prononcé le

Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Madame LEBRANCHU, d'abord nous sommes ravis avec Gilles, de vous accueillir, avant évidemment d'aborder les dossiers de fond, le séminaire gouvernemental de ce matin, ce qui va se passer à l'Assemblée, une petite question sur le PSG, pas sur le pronostic que j'évoquais, avec mes camarades, mais simplement, sur cette affaire de la taxe à 75 %, est-ce que vous trouvez que le PSG est une PME par rapport à ce que les Français ont l'habitude de connaître comme PME ?
MARYLISE LEBRANCHU
J'ai envie de vous dire, a priori non, mais comme je n'ai aucun élément sur cette affaire, je préfère rester prudente et je vais vérifier avec le Premier ministre tout à l'heure. Mais effectivement…
GUILLAUME DURAND
Il l'aurait dit au patron de la Ligue, par un coup de téléphone…
MARYLISE LEBRANCHU
C'est ce que j'ai entendu. Mais comme je vous dis, quand je n'ai pas moi, d'information précise, je ne m'aventure pas…
GUILLAUME DURAND
Mais c'est quand même étonnant qu'un des ministres, enfin je veux dire les plus hauts gradés du gouvernement, ne soient pas au courant de cette affaire. Ca se serait joué, donc entre la Ligue et le Premier ministre seulement ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense que ça ne s'est pas joué entre la Ligue et le Premier ministre, je pense que de toute façon, ce qu'il faut que l'on regarde, c'est l'écriture du texte et c'est en fonction de l'écriture du texte et de la circulaire fiscale qu'on va pouvoir avoir des renseignements privés, précis pardon !
GUILLAUME DURAND
Parce que les footeux, pardonnez-moi, de cette expression un peu vulgaire, c'est quand même les principaux concernés avec quelques chefs d'entreprises du CAC 40, et après il n'y a plus personne, plus 3 artistes ?
MARYLISE LEBRANCHU
Plus quelques artistes, donc la seule chose que je puisse vous dire, c'est que moi, je vais vérifier aussi, avec autant de curiosité que vous, cette information que j'ai entendu comme vous, mais dont je n'ai pas,…
GUILLAUME DURAND
On perçoit une interrogation quand même, un peu, comment, je ne dis pas soupçonneuse, mais bizarre de votre part. Ce matin, vous vous demandez…
MARYLISE LEBRANCHU
Très honnêtement, si…
GUILLAUME DURAND
Soyez honnête oui !
MARYLISE LEBRANCHU
Ce que je pense, moi, je préfèrerai qu'ils soient taxés aussi. Mais c'est vrai que la taxe telle qu'elle était, les touchaient, vous vous souvenez du rendu du Conseil constitutionnel, c'est beaucoup plus difficile, maintenant de trouver une solution et c'est vrai que quand on cherche une solution de ce type, on peut toujours trouver des types de sociétés qui passent entre les gouttes, donc tout ça, est compliqué, et du coup, moi, je vais essayer de m'enquérir de la circulaire fiscale, mais comme tout à chacun, je verrais le Premier ministre, tout à l'heure et je pense qu'on aura des informations.
GUILLAUME DURAND
Justement, juste avant que Gilles n'intervienne, sur ce séminaire gouvernemental, et la journée à l'Assemblée qui va être important, puisqu'on va examiner justement la loi sur la sécurisation de l'emploi. Est-ce que vous avez lu LE FIGARO ce matin qui parle d'un remaniement éventuel ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non, je n'ai pas vu ça, je n'ai rien eu, ce matin, parce que vous savez, il était assez tôt…
GUILLAUME DURAND
Non, mais est-ce que vous avez l'impression de l'intérieur du gouvernement, que l'ébranlement général est tel, que le remplacement de Jean-Marc AYRAULT est finalement un sujet d'actualité ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors ce n'est pas du tout, du tout, mon impression. C'est que de toute façon et j'ai entendu le président de la République la semaine dernière, tout est difficile ! Et vous avez beau prendre des mesures, et des mesures importantes, dans la mesure pardonnez-moi, de ce redit, où le chômage est très lourd où toutes les familles pratiquement, sont concernées. Les gens ne voient pas le bout du tunnel, de toute façon, il y aura des critiques, donc il faut apprendre, dans ces cas-là, je pense à rester calme, serein, garder son chemin, bien évaluer toutes les politiques publiques, on va y venir, j'espère et ne pas commencer à dévier au fur et à mesure que…
GUILLAUME DURAND
Et de l'intérieur vous n'avez pas entendu parler de cette rumeur…
MARYLISE LEBRANCHU
Non ! Et franchement, dans l'ambiance interne du gouvernement, je pense que le comité interministériel de ce matin, d'ailleurs est aussi quelque chose d'intéressant à regarder. Parce que tous les ministres, ils sont vraiment mis, alors que depuis des années et des années, les directions du budget essaient, font un travail fou pour essayer d'obtenir des simplifications, des rationalisations de politiques publiques, là, c'est sous l'autorité du Premier ministre pour la première fois, et c'est vrai que ça fonctionne. Et je pense que moi, je m'attache à ce qui fonctionne. Donc au moins, cette cohésion-là d'objectifs.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec Marylise LEBRANCHU, question Gilles LECLERC.
GILLES LECLERC
Oui, madame LEBRANCHU, François HOLLANDE vous y faisiez référence, il y a un instant, a annoncé un choc de simplification. Dans votre domaine, je rappelle que vous êtes ministre de la Réforme, et de l'Etat, qu'est-ce qu'on peut faire immédiatement et très concrètement dans les services publics sur ce choc de simplification ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors d'abord c'est un travail qui a commencé dès l'été dernier, on a pris acte qu'il y avait un certain nombre de mesures qui avait été proposé et je fais toujours sourire les PME, lorsque j'étais dans le ministère PME il y a une douzaine d'années, on me parlait déjà des simplifications. Donc ça n'a pas fonctionné, tel que c'était. C'est-à-dire des demandes de la direction du budget à d'autres directions et ça, c'était formidablement bien demandé, bien écrit, bien décrit. Et ça ne se produisait pas. Donc le Premier ministre a décidé d'en faire un sujet interministériel, sous son autorité directe, c'est-à-dire que c'est ça le comité interministériel…
GILLES LECLERC
Dans votre secteur, qu'est-ce qu'on peut faire ?
MARYLISE LEBRANCHU
Et mon secteur, donc l'action publique, la fonction publique. C'est d'abord, évaluer les politiques publiques, on en parle beaucoup, on ne le fait pas. Là, on les évalue, on va voir un certain nombre de diagnostic.
GILLES LECLERC
Ca fait longtemps qu'on en parle !
MARYLISE LEBRANCHU
Faire des économies sur les achats de nos services, on va au moins faire 2 milliards d'économie sur nos achats, en ayant regroupé ces fonctions supports. Faire des économies sur les aides aux entreprises, les entrepreneurs nous disent eux-mêmes, qu'il y a un certain nombre d'aides qui ne sont pas très efficaces, qui soient mieux concentrés sur les efficaces à peu près aussi 2 milliards.
GILLES LECLERC
Et ça, on peut avoir des résultats, je dirais à court terme ?
MARYLISE LEBRANCHU
A très court terme. Mais aussi, mettre les agents et les fonctionnaires de ce côté-là, de notre côté, du côté de la modernisation de l'action publique. Moi, j'ai ouvert un site, fermé, bien évidemment, où je leur ai dit : pendant deux mois, vous me faites toutes les propositions qui vous semblent justes pour les entrepreneurs, pour les usagers et il y a déjà plus de 2000 visites, de propositions, on est à peu près à 1500 propositions. Les agents, il faut les motiver et leur dire, je ne vais pas simplement supprimer des postes, comme ils ont toujours entendu ! Vous dire que vous êtes une charge pour l'Etat, moi, je vous propose de simplifier l'action publique, de simplifier le service, de le rendre plus efficace. Par exemple, plate-forme de délai de paiement, il y en a une qui a été créé déjà à Chalon, eh bien, ils ont réussi dans cette plate-forme-là, tous ensemble à avoir, pour les petites entreprises, 16 jours de délais de paiement. Du coup, fort de cette expérience, nous avons décidé que notre objectif pour 2017, sera pour tous les achats de l'Etat et les commandes, 20 jours de délais de paiement. C'est très important pour les entrepreneurs.
GILLES LECLERC
Parce que quand vous me dites, qu'il y a une économie de 2 milliards, ça, c'est pour les années qui viennent, ou pour juste l'année 2013 ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors c'est 1 milliard cette année, 1 milliard l'année prochaine, pour les achats, mais vous savez, on va traquer toutes les niches d'économies. C'est-à-dire partout où vous pouvez faire mieux, et puis il faut le dire aussi, on va supprimer plus de 100 commissions. On a estimé qu'elles n'étaient pas utiles, on supprime une centaine de commissions. Les agences, les opérateurs de l'Etat, tout le monde est passé au crible, et on en rassemble au ministère de l'Ecologie, il y en a 7 qui ne vont plus faire que un. Voilà ! Un comité d'experts par exemple qui va regrouper tout le monde, qui va être plus efficace, moins de fonctions de supports, moins de charges plus de compétences et voilà comment on veut marcher tous ensemble, vers une simplification mais tous les jours. Il ne faut pas que ce soit simplement, on va voir, on va essayer, envisager, comme ça a souvent été le cas. Non, on va rendre des comptes tous les trois mois. C'est-à-dire que tous les trois mois, chaque ministre vient au comité interministériel dire, voilà ce que j'ai réussi à faire dans mon programme de modernisation et simplification, voilà sur quoi j'ai échoué, voilà sur quoi j'ai besoin d'un décret en conseil d'Etat, j'ai besoin d'une loi etc. Et pour le logement et l'urbanisme, vous avez entendu comme moi, à la fois, ceux qui construisent les opérateurs HLM, comme les opérateurs privés, les entrepreneurs disent : il nous faut 18 mois, 2 ans, 3 ans, 10 ans, parfois pour faire une opération. Là, on s'est dit qu'il fallait absolument et Cécile DUFLOT en est totalement convaincue, rassembler toutes les mesures dans une loi, qui passera par ordonnance pour aller plus vite. Donc vous voyez, il n'y a pas seulement une intention, il y a une action, qui est quotidienne pour regarder cette nouvelle direction de travailler, je peux vous dire qu'ils travaillent énormément et qu'en plus, on voit une émulation entre tout le monde. C'est-à-dire que tout le monde a envie d'apporter la bonne mesure. Le ministère de l'Intérieur pour les plaintes a fait un travail remarquable. Le ministère des Finances pour la fiscalité a fait un travail remarquable. On est en train de sortir le « dites-le nous une seule fois » pour les entreprises, elles en ont assez de donner des renseignements à chaque marché public ou à chaque action. Voilà des choses simples, que nous allons pouvoir faire, parce que nos agents sont totalement mobilisés.
GUILLAUME DURAND
Plusieurs questions précises : est-ce que vous avez l'impression à l'Assemblée nationale, cet après-midi, justement, que les députés socialistes via les amendements vont dénaturer l'accord qui a été trouvé entre le patronat et les syndicats moins FO et la CGT ? Il y a un risque ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je ne vais pas faire de la politique fiction, il y a un certain nombre d'amendements. Moi, je crois toujours que la raison est au rendez-vous des politiques. Et c'est vrai que cet accord est un accord, on a tous dit, historique, parce qu'effectivement, c'était très important d'avoir un accord majoritaire de cette nature. Tout le monde naturellement au gouvernement le défend. Ca a été un peu compliqué, avec un certain nombre de parlementaires, je le reconnais parce que c'est la vérité. Mais franchement, pour avoir discuté avec beaucoup d'entre eux, leur objectif c'est de réussir. Et je pense que…
GUILLAUME DURAND
Donc vous voulez dire qu'au dernier moment, ils vont caler, pour des raisons politiques ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors dire « ils vont caler » c'est toujours négatif de dire ça. Je pense qu'ils vont essayer d'améliorer le texte comme ils le veulent. Et puis si ce texte n'est pas amélioré comme aussi, qu'ils le veulent, enfin, améliorer au sens où ils l'ont mis sur la table. Si ça ne va pas aussi loin, ils le voteront, parce que je crois que quand on est socialiste, et qu'en plus on reconnait l'action des syndicats, comme un élément essentiel. Quand on se plaint tous les jours, qu'il n'y ait pas assez de personne syndiquée dans ce pays, contrairement par exemple à l'Allemagne. Quand on dit que la sociale démocratie s'assoie justement sur une société où les salariés comme les patrons se retrouvent en tant que partenaires sociaux pour des objectifs communs, alors on encourage les accords qui peuvent y avoir entre syndicats.
GUILLAUME DURAND
Avant dernière question de Gilles, tout à l'heure on parlait de NKM/HIDALGO, le climat se tend et le climat se tend parce que beaucoup de gens considèrent que la politique économique de François HOLLANDE n'est pas adaptée à la situation. Est-ce qu'il n'y a pas un double problème politique et économique, c'est-à-dire la boîte à outils et les sondages qui sont désagréables ?
MARYLISE LEBRANCHU
C'est ce que je vous ai dit en début de propos. Partout où vous allez, une entreprise ferme, des gens sont au chômage, il n'y a pas d'espoir de sortie. Il y a des tas de mesures, qui ont été prises, qui n'ont pas d'effets immédiats. Le président de la République l'autre jour a invité tous les préfets de région et de mobilisation générale, pour les emplois d'avenir, pour les contrats de génération, mais aussi…
GUILLAUME DURAND
Ils ne sont pas signés massivement.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, mais pour aller voir s'il y a des problèmes de financement, dans les entreprises, on vient de régler un problème de financement des collectivités territoriales, la Fédération du Bâtiment était très inquiète de ces difficultés des collectivités, 20 milliards d'emprunts à très long terme, entre 20 et 40 ans ont été posés sur la table qui va permettre de relancer des grands chantiers en France. Tout est en oeuvre pour que ça fonctionne. Mais je comprends que celui qui est au chômage ou celui qui a son enfant au chômage ne soit pas encore totalement convaincu. Donc comme je le disais en début de propos, dans ce climat-là, de tension sociale, il faut être extrêmement prudent, il faut être extrêmement ferme sur le cap qu'on tient. Il ne faut pas donner l'idée que tel ou tel jour, on va changer de politique. Non ! On a une politique, il y a une boîte à outils, bien sûr, c'est compliqué, mais c'est compliqué dans d'autres pays. Quand vous voyez les chiffres européens…
GUILLAUME DURAND
Et on termine là !
MARYLISE LEBRANCHU
De quasi récession, vous dites qu'au fond, ici, on tient et si on tient, c'est peut-être aussi parce qu'on a des services publics de qualité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2013