Texte intégral
PATRICK COHEN
Confirmez-vous ce qui fait la Une des ECHOS ce matin, à savoir que dans vos prévisions le poids des prélèvements obligatoires augmentera encore lan prochain, ce qui ferait 10 milliards dimpôts nouveaux ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord il faut respecter les institutions, les cadres et les rythmes, je ne sais pas doù viennent ces informations.
PATRICK COHEN
De chez vous sans doute.
PIERRE MOSCOVICI
Non, je ne crois pas.
PATRICK COHEN
De Bercy.
PIERRE MOSCOVICI
Non, je ne pense pas, mais pour le reste, ce que je veux dire, cest que je présenterai mercredi matin au Conseil des ministres, puis ensuite à lAssemblée nationale laprès-midi, le lendemain au Sénat, le programme de stabilité de la France qui comprendra ces informations, informations que je ne veux pas démentir, même si encore une fois je ne sais pas doù elles viennent.
PATRICK COHEN
Vous ne les démentez pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne les démens pas. Et je veux les expliquer du coup. Au fond ce qui est dit cest quil y a, dune part, prévu une hausse des prélèvements obligatoires et dautre part prévu une hausse de la part des dépenses publiques dans le PIB, revenons sur ces deux points si vous voulez. Dabord les prélèvements obligatoires. Il y a une volonté de notre part qui est de réduire les déficits dits structurels de la France, c'est-à-dire hors évolution de la conjoncture qui est malheureusement mauvaise, puisque vous savez que lEurope est pour la deuxième année consécutive en récession et que la France connaîtra, en 2013, une croissance très faible, de lordre de 0,1%.
PATRICK COHEN
Je peux vous interrompre ?
PIERRE MOSCOVICI
Bien sûr.
PATRICK COHEN
Est-ce que vous avez des indications sur la croissance au premier trimestre et est-ce que vous excluez que la France puisse être en récession ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense, moi, cest ma conviction profonde, et cest le sens de laction
PATRICK COHEN
un deuxième trimestre de croissance négative.
PIERRE MOSCOVICI
Je pense, et cest ma conviction profonde, que les prévisions de croissance de 0,1%, que nous faisons, sont prudentes, et tout ce qui nous faisons, dynamiser la compétitivité française, faire en sorte de mieux la financer, accélérer linvestissement sous toutes ses formes, public et privé, vise à dépasser ces prévisions, mais jai voulu faire des prévisions prudentes, calées sur celles de la Commission Européenne parce que je tiens à la sincérité, dautant que vous aurez observé quil y a un nouvel acteur qui intervient dans le jeu, cest un Haut Conseil des Finances Publiques, qui va rendre très prochainement son avis. Mais je reviens à notre question parce quelle est importante.
PATRICK COHEN
Oui.
PIERRE MOSCOVICI
Ce nest pas une surprise cette hausse des prélèvements obligatoires, cest le résultat des politiques de réduction des déficits qui ont été menées depuis plusieurs années, partagées dailleurs entre la droite et la gauche, et cette année, vous le savez, nous avons demandé aux Français un effort de 30 milliards deuros, dont 20 milliards deuros dimpôts, dont jajoute, quand même, que contrairement à ce que faisait la droite, ils sont ciblés sur les grandes entreprises qui ont les moyens, et sur les contribuables les plus aisés.
PATRICK COHEN
Et on nous a dit que pour 2014 on mettait le paquet sur les économies.
PIERRE MOSCOVICI
Absolument. Donc, si vous voulez, pour 2013 on a une proportion qui est deux tiers dimpôts, un tiers déconomies, parce que, à court terme cétait ce qui était disponible, et en plus cétait économiquement le moins dépressif, et en 2014 nous ferons linverse, ce sera la dépense qui sera dabord mise à contribution, pour réduire le déficit, parce quil est indispensable pour se désendetter pour que la France reste souveraine, reste libre. Alors jen viens
PATRICK COHEN
Mais ça fera 10 milliards dimpôts nouveaux.
PIERRE MOSCOVICI
Non, le chiffre de 10 milliards, pour le coup, celui-là nest pas juste, il y aura une augmentation des prélèvements obligatoires, qui est annoncée, de 0,2 à 0,3 point, cest plutôt de lordre de 6 milliards, et je peux ici confirmer deux choses.
PATRICK COHEN
Six milliards cest la TVA.
PIERRE MOSCOVICI
Cest deux choses. La première chose cest quen effet, comme la dit le président de la République, lors de son entretien télévisé sur FRANCE 2, sagissant des ménages il ny aura quune hausse, dun seul impôt, cest la TVA qui a déjà été annoncée, pour financer quoi ? Le crédit dimpôt compétitivité emploi, qui vise à baisser les charges des entreprises pour quelles puissent investir, embaucher.
PATRICK COHEN
Six milliards, la TVA ?
PIERRE MOSCOVICI
Six milliards globalement, daugmentation de prélèvements obligatoires.
PATRICK COHEN
Ah bon, moi je croyais que la TVA ça faisait 6 milliards pour 2014 !
PIERRE MOSCOVICI
Et deuxièmement, il y aura aussi, je le dis ici, des prélèvements qui viendront essentiellement des niches fiscales improductives sur lesquelles nous voulons récupérer des ressources. Donc, encore une fois, hausse très modique, et noubliez jamais que de toute façon un pourcentage cest un numérateur, un dénominateur, et que malheureusement quand la croissance est faible, voilà
PATRICK COHEN
En proportion ça augmente.
PIERRE MOSCOVICI
augmente. Mais, encore une fois, je le confirme ici, pas dautre impôt, en 2014, sur les ménages, que laugmentation annoncée, déjà, de la TVA.
PATRICK COHEN
Dans une interview que vous venez daccorder à MEDIAPART, Pierre MOSCOVICI, vous reconnaissez que le gouvernement a infléchi sa politique en passant dun objectif de 3% de déficit cette année à 3,7, vous parlez dune inflexion. Cest la dernière, il ny en aura plus dautre ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce que jai dit cest que, nous voulons, nous, ne pas céder à ce que jappellerais le nominalisme. Le nominalisme ça consisterait à dire il y a des cibles de déficit, disons pour 2013 cétait 3%, le fameux chiffre, et quoi quil en coûte nous le faisons. Ce que jannonce, là, cest que la France ne veut pas mener une politique daustérité, ne veut pas ajouter laustérité à la récession. Etre sérieux, oui, réduire les déficits, oui, faire baisser la dette publique, oui, parce que, encore une fois, je préfère que nous empruntions à des taux dintérêts bas, cest un gage de crédibilité, cest aussi bon pour nos entreprises et pour lEtat, mais quand on se trouve dans une croissance très ralentie, presque une stagnation, je dis 0,1 point, alors on ne peut pas faire 3% de déficit comme on prévoyait de le faire avec une croissance prévue à lépoque à 0,8%. Si nous décidions de faire 3% maintenant en 2013, quest-ce que ça signifierait ? Ça signifierait que nous mettrions, de nous-mêmes, léconomie française en récession, et ça signifierait aussi des centaines de milliers demplois supprimés. Nous ne le voulons pas, je ne le veux pas. cest la raison pour laquelle, quand je présenterai ce programme de stabilité, ce sera mercredi encore une fois, avec Bernard CAZENEUVE, jen ai déjà parlé avec la Commission Européenne, cétait à Dublin vendredi, où jétais au conseil dit ECOFIN, des ministres de lEconomie et des Finances, à lEurogroupe, jai rencontré le commissaire européen, et je lui ai dit « je vous demande daccepter que la France en 2013 ne fasse pas 3%, mais quelque chose autour de 3,7%, et que nous poursuivions ensuite, en 2014, notre chemin, mais en tenant compte toujours de limpératif de croissance. » Ça sappelle « laisser jouer » pardonnez dêtre technique - en économie, « les stabilisateurs automatiques », quand léconomie va mal il faut ne pas brider les moteurs de la croissance, donc austérité non, sérieux oui.
PATRICK COHEN
Vous ne mavez pas répondu sur lactivité économique du moment, sur la croissance au premier trimestre, c'est-à-dire de janvier à mars
PIERRE MOSCOVICI
On na pas encore les chiffres
PATRICK COHEN
Vous avez des indications, mais vous savez que si ça sort en négatif la France sera considérée comme étant en récession.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne le confirme ni ne linfirme parce que je ne le sais pas
PATRICK COHEN
Non, mais est-ce que vous lexcluez ?
PIERRE MOSCOVICI
On ne peut pas exclure que techniquement ce soit le cas sur deux trimestres, mais ce que je dis cest autre chose, je dis que la croissance pour 2013, elle, devrait être légèrement positive, jai dit 0,1, et jespère, et jagis, et nous agissons, pour que ce soit plus.
PATRICK COHEN
Laffaire CAHUZAC, Pierre MOSCOVICI, à vos yeux, elle est terminée, elle est éclaircie ?
PIERRE MOSCOVICI
Laffaire CAHUZAC elle continue, dans un cadre qui est le sien, qui est le cadre de la justice, monsieur CAHUZAC a commis un certain nombre dactes, maintenant cest la justice
PATRICK COHEN
Sur le plan politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Sur le plan politique cest je ne sais pas de quoi vous parlez exactement parce que cest tellement multiformes, cest vrai. Si vous me demandez, pour être tout à fait clair, si sagissant du rôle de lAdministration que je dirige, les choses sont totalement éclaircies
PATRICK COHEN
Et votre propre rôle.
PIERRE MOSCOVICI
Je le pense. La transparence a été faite complètement, je dis bien complètement, et jirai devant la commission des Finances de lAssemblée nationale mercredi, pour éclairer les députés sils le souhaitent, et puis ensuite il y aura une commission denquête parlementaire qui sera installée. Et je le redis ici, et je le dis à vos auditeurs, tout le monde a compris que lAdministration fiscale française, qui est une des plus honnêtes du monde, une des plus capables du monde, qui est même parfaitement honnête et parfaitement capable, dont la probité ne saurait être mise en doute, que cette Administration a fait tout ce qui était dans sa capacité elle nest pas omnipotente, il y a des procédures de droit, mais elle a fait tout ce quelle devait le ministre qui la dirige, a fait aussi tout ce quil devait et tout ce quil pouvait, on a bien compris aussi que de la part de la droite il y avait volonté dinstrumentalisation de tout ça, ça a fait pschitt.
PATRICK COHEN
Le ministre a pris une décision, une initiative, qui reste curieuse tout de même, c'est-à-dire pourquoi avoir le 24 janvier demandé laide des Suisses alors même que la justice était saisie depuis 15 jours, une enquête préliminaire était ouverte et quil suffisait de la laisser travailler, pourquoi avoir pris cette initiative Pierre MOSCOVICI ? Cest ça qui intrigue aussi.
PIERRE MOSCOVICI
Imaginez non, ça, ça nintrigue pas, enfin je suis désolé de vous le dire, mais je vais vous répondre. Imaginez que je sois ici devant vous, et que je nai pris cette initiative, quil est apparu, à la fin, que monsieur CAHUZAC avait menti pendant 4 mois, vous seriez en train de me dire, vous-même, à moi, « mais pourquoi, alors que vous aviez une entraide à votre disposition, vous navez pas demandé aux Suisses quelque chose ? » Vous savez pourquoi nous lavons fait ? nous lavons fait parce que nous avions un doute, par principe, nous lavions fait parce que nous navions pas de réponse aux demandes que nous avons adressées à Jérôme CAHUZAC, nous lavons fait pour aider la justice à fonctionner, et cest tellement vrai que cest une entraide administrative, dAdministration à Administration encore une fois, qui nétait pas du tout quelque chose de politique, et que la seule instruction que jai donnée, les deux seules instructions que jai données cest, un, aller vite, à mon Administration, et deux, une fois que vous avez le résultat, transmettez-le à la justice, ce qui a été fait le lendemain. Transparence, clarté, rigueur, vigueur, diligence, voilà quel a été le comportement de lAdministration sous mon autorité et, honnêtement, je crois que tout le monde aujourdhui comprend quil y a cette volonté dinstrumentaliser, de faire comme si lAdministration fiscale savait tout, comme si elle était Big Brother, comme si elle avait les moyens de tout savoir, non, nous sommes un Etat de droit, et précisément, quand la justice fonctionne, il faut la laisser fonctionner.
PATRICK COHEN
Je crains quon y revienne en deuxième partie avec nos questions et celles des auditeurs de FRANCE INTER.
PIERRE MOSCOVICI
Qui, je pense, sintéressent au moins autant à la croissance et à léconomie.
PATRICK COHEN
Oui, cest pour ça quon a commencé linterview avec ça. Votre collègue Manuel VALLS a dû sortir dun concert sous protection policière hier soir à cause dune quarantaine dopposants au mariage gay venus le chahuter, le député Vert François de RUGY a été conspué à son domicile ce week-end, la journaliste Caroline FOUREST harcelée, pourchassée, toute la journée de samedi de Nantes à Paris, ça vous inquiète ces débordements, Pierre MOSCOVICI ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce sont des méthodes que je réprouve. Cest un débat de société, qui se déroule dabord dans lenceinte parlementaire, et dans cette enceinte parlementaire les choses ont été votées par les deux Assemblées, il faut respecter aussi la légitimité représentative de ces Assemblées, il y a dautres moyens de faire que de harceler, ou de menacer, ou de perturber lordre public.
PATRICK COHEN
Le gouvernement, dit Jean-Pierre RAFFARIN, nest pas innocent dans la violence à cause du mépris affiché à légard des opposants, du fait que ces opposants naient pas été reçus après la grande manifestation de janvier, de laccélération de ce calendrier parlementaire qui nétait pas prévue.
PIERRE MOSCOVICI
Jean-Pierre RAFFARIN aime bien se poser en sage, moi je pense que cette violence, elle est plutôt attisée, elle est dabord attisée par la droite, dans ce pays, qui manifestement fait un procès constant en légitimité à la gauche, qui ne supporte pas davoir perdu le pouvoir, et qui jette un peu de lhuile sur tous les feux. Et en cette matière-là, sagissant du mariage pour tous, le gouvernement fait preuve dune très grande sagesse, dune très grande écoute, le président lui-même a reçu les partisans de lopposition au mariage pour tous, donc cest un mauvais procès. Faisons attention, la France, dans la période où nous sommes, a besoin de rassemblement et dénergie, le rassemblement et lénergie supposent que lopposition soit responsable. Attention, encore une fois, je le dis, et soyons capables de nous concentrer sur lessentiel, le redressement dun pays qui est très fort, toujours, cest la 5ème puissance économique du monde, mais qui a besoin, demain, de retrouver le chemin de la croissance économique et de lemploi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2013
Confirmez-vous ce qui fait la Une des ECHOS ce matin, à savoir que dans vos prévisions le poids des prélèvements obligatoires augmentera encore lan prochain, ce qui ferait 10 milliards dimpôts nouveaux ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord il faut respecter les institutions, les cadres et les rythmes, je ne sais pas doù viennent ces informations.
PATRICK COHEN
De chez vous sans doute.
PIERRE MOSCOVICI
Non, je ne crois pas.
PATRICK COHEN
De Bercy.
PIERRE MOSCOVICI
Non, je ne pense pas, mais pour le reste, ce que je veux dire, cest que je présenterai mercredi matin au Conseil des ministres, puis ensuite à lAssemblée nationale laprès-midi, le lendemain au Sénat, le programme de stabilité de la France qui comprendra ces informations, informations que je ne veux pas démentir, même si encore une fois je ne sais pas doù elles viennent.
PATRICK COHEN
Vous ne les démentez pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne les démens pas. Et je veux les expliquer du coup. Au fond ce qui est dit cest quil y a, dune part, prévu une hausse des prélèvements obligatoires et dautre part prévu une hausse de la part des dépenses publiques dans le PIB, revenons sur ces deux points si vous voulez. Dabord les prélèvements obligatoires. Il y a une volonté de notre part qui est de réduire les déficits dits structurels de la France, c'est-à-dire hors évolution de la conjoncture qui est malheureusement mauvaise, puisque vous savez que lEurope est pour la deuxième année consécutive en récession et que la France connaîtra, en 2013, une croissance très faible, de lordre de 0,1%.
PATRICK COHEN
Je peux vous interrompre ?
PIERRE MOSCOVICI
Bien sûr.
PATRICK COHEN
Est-ce que vous avez des indications sur la croissance au premier trimestre et est-ce que vous excluez que la France puisse être en récession ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense, moi, cest ma conviction profonde, et cest le sens de laction
PATRICK COHEN
un deuxième trimestre de croissance négative.
PIERRE MOSCOVICI
Je pense, et cest ma conviction profonde, que les prévisions de croissance de 0,1%, que nous faisons, sont prudentes, et tout ce qui nous faisons, dynamiser la compétitivité française, faire en sorte de mieux la financer, accélérer linvestissement sous toutes ses formes, public et privé, vise à dépasser ces prévisions, mais jai voulu faire des prévisions prudentes, calées sur celles de la Commission Européenne parce que je tiens à la sincérité, dautant que vous aurez observé quil y a un nouvel acteur qui intervient dans le jeu, cest un Haut Conseil des Finances Publiques, qui va rendre très prochainement son avis. Mais je reviens à notre question parce quelle est importante.
PATRICK COHEN
Oui.
PIERRE MOSCOVICI
Ce nest pas une surprise cette hausse des prélèvements obligatoires, cest le résultat des politiques de réduction des déficits qui ont été menées depuis plusieurs années, partagées dailleurs entre la droite et la gauche, et cette année, vous le savez, nous avons demandé aux Français un effort de 30 milliards deuros, dont 20 milliards deuros dimpôts, dont jajoute, quand même, que contrairement à ce que faisait la droite, ils sont ciblés sur les grandes entreprises qui ont les moyens, et sur les contribuables les plus aisés.
PATRICK COHEN
Et on nous a dit que pour 2014 on mettait le paquet sur les économies.
PIERRE MOSCOVICI
Absolument. Donc, si vous voulez, pour 2013 on a une proportion qui est deux tiers dimpôts, un tiers déconomies, parce que, à court terme cétait ce qui était disponible, et en plus cétait économiquement le moins dépressif, et en 2014 nous ferons linverse, ce sera la dépense qui sera dabord mise à contribution, pour réduire le déficit, parce quil est indispensable pour se désendetter pour que la France reste souveraine, reste libre. Alors jen viens
PATRICK COHEN
Mais ça fera 10 milliards dimpôts nouveaux.
PIERRE MOSCOVICI
Non, le chiffre de 10 milliards, pour le coup, celui-là nest pas juste, il y aura une augmentation des prélèvements obligatoires, qui est annoncée, de 0,2 à 0,3 point, cest plutôt de lordre de 6 milliards, et je peux ici confirmer deux choses.
PATRICK COHEN
Six milliards cest la TVA.
PIERRE MOSCOVICI
Cest deux choses. La première chose cest quen effet, comme la dit le président de la République, lors de son entretien télévisé sur FRANCE 2, sagissant des ménages il ny aura quune hausse, dun seul impôt, cest la TVA qui a déjà été annoncée, pour financer quoi ? Le crédit dimpôt compétitivité emploi, qui vise à baisser les charges des entreprises pour quelles puissent investir, embaucher.
PATRICK COHEN
Six milliards, la TVA ?
PIERRE MOSCOVICI
Six milliards globalement, daugmentation de prélèvements obligatoires.
PATRICK COHEN
Ah bon, moi je croyais que la TVA ça faisait 6 milliards pour 2014 !
PIERRE MOSCOVICI
Et deuxièmement, il y aura aussi, je le dis ici, des prélèvements qui viendront essentiellement des niches fiscales improductives sur lesquelles nous voulons récupérer des ressources. Donc, encore une fois, hausse très modique, et noubliez jamais que de toute façon un pourcentage cest un numérateur, un dénominateur, et que malheureusement quand la croissance est faible, voilà
PATRICK COHEN
En proportion ça augmente.
PIERRE MOSCOVICI
augmente. Mais, encore une fois, je le confirme ici, pas dautre impôt, en 2014, sur les ménages, que laugmentation annoncée, déjà, de la TVA.
PATRICK COHEN
Dans une interview que vous venez daccorder à MEDIAPART, Pierre MOSCOVICI, vous reconnaissez que le gouvernement a infléchi sa politique en passant dun objectif de 3% de déficit cette année à 3,7, vous parlez dune inflexion. Cest la dernière, il ny en aura plus dautre ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce que jai dit cest que, nous voulons, nous, ne pas céder à ce que jappellerais le nominalisme. Le nominalisme ça consisterait à dire il y a des cibles de déficit, disons pour 2013 cétait 3%, le fameux chiffre, et quoi quil en coûte nous le faisons. Ce que jannonce, là, cest que la France ne veut pas mener une politique daustérité, ne veut pas ajouter laustérité à la récession. Etre sérieux, oui, réduire les déficits, oui, faire baisser la dette publique, oui, parce que, encore une fois, je préfère que nous empruntions à des taux dintérêts bas, cest un gage de crédibilité, cest aussi bon pour nos entreprises et pour lEtat, mais quand on se trouve dans une croissance très ralentie, presque une stagnation, je dis 0,1 point, alors on ne peut pas faire 3% de déficit comme on prévoyait de le faire avec une croissance prévue à lépoque à 0,8%. Si nous décidions de faire 3% maintenant en 2013, quest-ce que ça signifierait ? Ça signifierait que nous mettrions, de nous-mêmes, léconomie française en récession, et ça signifierait aussi des centaines de milliers demplois supprimés. Nous ne le voulons pas, je ne le veux pas. cest la raison pour laquelle, quand je présenterai ce programme de stabilité, ce sera mercredi encore une fois, avec Bernard CAZENEUVE, jen ai déjà parlé avec la Commission Européenne, cétait à Dublin vendredi, où jétais au conseil dit ECOFIN, des ministres de lEconomie et des Finances, à lEurogroupe, jai rencontré le commissaire européen, et je lui ai dit « je vous demande daccepter que la France en 2013 ne fasse pas 3%, mais quelque chose autour de 3,7%, et que nous poursuivions ensuite, en 2014, notre chemin, mais en tenant compte toujours de limpératif de croissance. » Ça sappelle « laisser jouer » pardonnez dêtre technique - en économie, « les stabilisateurs automatiques », quand léconomie va mal il faut ne pas brider les moteurs de la croissance, donc austérité non, sérieux oui.
PATRICK COHEN
Vous ne mavez pas répondu sur lactivité économique du moment, sur la croissance au premier trimestre, c'est-à-dire de janvier à mars
PIERRE MOSCOVICI
On na pas encore les chiffres
PATRICK COHEN
Vous avez des indications, mais vous savez que si ça sort en négatif la France sera considérée comme étant en récession.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne le confirme ni ne linfirme parce que je ne le sais pas
PATRICK COHEN
Non, mais est-ce que vous lexcluez ?
PIERRE MOSCOVICI
On ne peut pas exclure que techniquement ce soit le cas sur deux trimestres, mais ce que je dis cest autre chose, je dis que la croissance pour 2013, elle, devrait être légèrement positive, jai dit 0,1, et jespère, et jagis, et nous agissons, pour que ce soit plus.
PATRICK COHEN
Laffaire CAHUZAC, Pierre MOSCOVICI, à vos yeux, elle est terminée, elle est éclaircie ?
PIERRE MOSCOVICI
Laffaire CAHUZAC elle continue, dans un cadre qui est le sien, qui est le cadre de la justice, monsieur CAHUZAC a commis un certain nombre dactes, maintenant cest la justice
PATRICK COHEN
Sur le plan politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Sur le plan politique cest je ne sais pas de quoi vous parlez exactement parce que cest tellement multiformes, cest vrai. Si vous me demandez, pour être tout à fait clair, si sagissant du rôle de lAdministration que je dirige, les choses sont totalement éclaircies
PATRICK COHEN
Et votre propre rôle.
PIERRE MOSCOVICI
Je le pense. La transparence a été faite complètement, je dis bien complètement, et jirai devant la commission des Finances de lAssemblée nationale mercredi, pour éclairer les députés sils le souhaitent, et puis ensuite il y aura une commission denquête parlementaire qui sera installée. Et je le redis ici, et je le dis à vos auditeurs, tout le monde a compris que lAdministration fiscale française, qui est une des plus honnêtes du monde, une des plus capables du monde, qui est même parfaitement honnête et parfaitement capable, dont la probité ne saurait être mise en doute, que cette Administration a fait tout ce qui était dans sa capacité elle nest pas omnipotente, il y a des procédures de droit, mais elle a fait tout ce quelle devait le ministre qui la dirige, a fait aussi tout ce quil devait et tout ce quil pouvait, on a bien compris aussi que de la part de la droite il y avait volonté dinstrumentalisation de tout ça, ça a fait pschitt.
PATRICK COHEN
Le ministre a pris une décision, une initiative, qui reste curieuse tout de même, c'est-à-dire pourquoi avoir le 24 janvier demandé laide des Suisses alors même que la justice était saisie depuis 15 jours, une enquête préliminaire était ouverte et quil suffisait de la laisser travailler, pourquoi avoir pris cette initiative Pierre MOSCOVICI ? Cest ça qui intrigue aussi.
PIERRE MOSCOVICI
Imaginez non, ça, ça nintrigue pas, enfin je suis désolé de vous le dire, mais je vais vous répondre. Imaginez que je sois ici devant vous, et que je nai pris cette initiative, quil est apparu, à la fin, que monsieur CAHUZAC avait menti pendant 4 mois, vous seriez en train de me dire, vous-même, à moi, « mais pourquoi, alors que vous aviez une entraide à votre disposition, vous navez pas demandé aux Suisses quelque chose ? » Vous savez pourquoi nous lavons fait ? nous lavons fait parce que nous avions un doute, par principe, nous lavions fait parce que nous navions pas de réponse aux demandes que nous avons adressées à Jérôme CAHUZAC, nous lavons fait pour aider la justice à fonctionner, et cest tellement vrai que cest une entraide administrative, dAdministration à Administration encore une fois, qui nétait pas du tout quelque chose de politique, et que la seule instruction que jai donnée, les deux seules instructions que jai données cest, un, aller vite, à mon Administration, et deux, une fois que vous avez le résultat, transmettez-le à la justice, ce qui a été fait le lendemain. Transparence, clarté, rigueur, vigueur, diligence, voilà quel a été le comportement de lAdministration sous mon autorité et, honnêtement, je crois que tout le monde aujourdhui comprend quil y a cette volonté dinstrumentaliser, de faire comme si lAdministration fiscale savait tout, comme si elle était Big Brother, comme si elle avait les moyens de tout savoir, non, nous sommes un Etat de droit, et précisément, quand la justice fonctionne, il faut la laisser fonctionner.
PATRICK COHEN
Je crains quon y revienne en deuxième partie avec nos questions et celles des auditeurs de FRANCE INTER.
PIERRE MOSCOVICI
Qui, je pense, sintéressent au moins autant à la croissance et à léconomie.
PATRICK COHEN
Oui, cest pour ça quon a commencé linterview avec ça. Votre collègue Manuel VALLS a dû sortir dun concert sous protection policière hier soir à cause dune quarantaine dopposants au mariage gay venus le chahuter, le député Vert François de RUGY a été conspué à son domicile ce week-end, la journaliste Caroline FOUREST harcelée, pourchassée, toute la journée de samedi de Nantes à Paris, ça vous inquiète ces débordements, Pierre MOSCOVICI ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce sont des méthodes que je réprouve. Cest un débat de société, qui se déroule dabord dans lenceinte parlementaire, et dans cette enceinte parlementaire les choses ont été votées par les deux Assemblées, il faut respecter aussi la légitimité représentative de ces Assemblées, il y a dautres moyens de faire que de harceler, ou de menacer, ou de perturber lordre public.
PATRICK COHEN
Le gouvernement, dit Jean-Pierre RAFFARIN, nest pas innocent dans la violence à cause du mépris affiché à légard des opposants, du fait que ces opposants naient pas été reçus après la grande manifestation de janvier, de laccélération de ce calendrier parlementaire qui nétait pas prévue.
PIERRE MOSCOVICI
Jean-Pierre RAFFARIN aime bien se poser en sage, moi je pense que cette violence, elle est plutôt attisée, elle est dabord attisée par la droite, dans ce pays, qui manifestement fait un procès constant en légitimité à la gauche, qui ne supporte pas davoir perdu le pouvoir, et qui jette un peu de lhuile sur tous les feux. Et en cette matière-là, sagissant du mariage pour tous, le gouvernement fait preuve dune très grande sagesse, dune très grande écoute, le président lui-même a reçu les partisans de lopposition au mariage pour tous, donc cest un mauvais procès. Faisons attention, la France, dans la période où nous sommes, a besoin de rassemblement et dénergie, le rassemblement et lénergie supposent que lopposition soit responsable. Attention, encore une fois, je le dis, et soyons capables de nous concentrer sur lessentiel, le redressement dun pays qui est très fort, toujours, cest la 5ème puissance économique du monde, mais qui a besoin, demain, de retrouver le chemin de la croissance économique et de lemploi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2013