Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur le déploiement du Très Haut Débit en France, Paris le 11 avril 2013.

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Circonstance : Allocution devant l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), le 11 avril 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, je suis très heureuse d’être aujourd’hui de nouveau avec vous, fidèle au rendez-vous, quelques mois après vous avoir présenté ici même, au mois d’octobre dernier, il y a moins d’un an, la vision du gouvernement en matière de déploiement du Très haut débit. C’est une vision dans laquelle le gouvernement doit assumer et assumera son rôle de pilote et de stratège au service d’une politique publique mise en oeuvre par les collectivités locales, qui prend en compte au mieux la réalité des territoires. C’est une vision politique au service de la compétitivité des entreprises, vous l’avez dit Monsieur le Président, de la croissance et de l’attractivité de notre pays.
Comme je m’y étais engagée ici devant vous, le gouvernement a adopté fin février le plan d’investissement que j’ai présenté pour le déploiement du Très haut débit. Ce plan d’investissement « France Très haut débit » de 20 milliards d’euros s’appuie sur une complémentarité entre déploiements des opérateurs privés et interventions des collectivités, et sur l’ensemble des initiatives en cours. Ce plan vise à permettre à tous d’accéder au Très haut débit d’ici 2022 avec la moitié de la population couverte d’ici 2017. La priorité sera donnée aux zones d’activité économique, aux entreprises, aux établissements scolaires et hospitaliers, et à l’ensemble des foyers qui ne disposent pas aujourd’hui d’un accès au haut débit dans des conditions satisfaisantes.
Cette stratégie résulte d’un important travail qui a été mené au cours des derniers mois. Je me félicite donc de l’implication de l’ensemble des parties prenantes dans le débat qui a été mené sur ce sujet ; cela montre une fois encore que nous avons là un sujet d’une importance absolument capitale pour la France, pour son attractivité et pour son futur développement économique. Nous nous sommes très fortement appuyés sur les porteurs de projets, tous très impliqués, dont certains sont parmi vous aujourd’hui, et qui nous ont fourni des retours concrets sur les enjeux opérationnels, techniques, financiers, sur cette connaissance du terrain qui est au coeur de ce chantier et qui assurera sa réussite.
Revenons maintenant à la stratégie et au plan d’investissement adopté par le gouvernement. L’État sera un partenaire financier important de ce chantier et accompagnera les collectivités en mettant à disposition à la fois des subventions et des prêts. L’État soutiendra les projets en apportant tout d’abord un peu plus de 3 milliards d’euros de subventions sur 10 ans. Ces subventions visent à ce que l’État apporte en moyenne la moitié du besoin de subventions, le reste étant apporté par les porteurs de projets et par les fonds européens. Cela se traduira concrètement par une augmentation des plafonds de subventions par rapport à la situation antérieure et par une plus grande prise en compte de la péréquation. Cela passera par un coefficient de ruralité revu à la hausse qui permettra, pour les départements les plus ruraux, de bénéficier d’un niveau d’aide pouvant atteindre jusqu’à 64%. Ce taux de ruralité tient compte le plus précisément possible des surcoûts qui existent dans les départements les plus ruraux par rapport aux départements plus denses et plus urbains. Il s’appuie sur la meilleure connaissance des coûts de déploiement dont nous disposons, tels qu’ils ont été validés par la Mission Très haut débit, la Mission d’Antoine DARODES, à partir des études menées par la Datar, par la DGCIS, d’une part et par l’ARCEP, d’autre part. Par ailleurs les plafonds de subventions par prise seront doublés pour permettre un accompagnement de 50% des projets. Cela permettra aux collectivités de monter des projets plus ambitieux qui répondent à la fois mieux aux attentes de leurs administrés tout en gardant une cohérence et une approche responsable au regard des finances publiques.
Deuxièmement, nous avons mis en place une véritable incitation pour le rassemblement des initiatives à un niveau suffisant. L’appel à projets qui sera publié la semaine prochaine intégrera une nouveauté : les « bonus » pour les projets pluri-départementaux. Le département est la brique de base sans laquelle l’action publique en faveur du Très haut débit ne peut avoir lieu. Nous souhaitons que les départements se mobilisent sur ce chantier et finalisent le plus rapidement possible les schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire. Néanmoins, le regroupement de plusieurs départements entre eux est un élément d’attractivité pour les fournisseurs d’accès à Internet. C’est aussi un élément d’accélération du calendrier de déploiement, car aujourd’hui certains départements n’ont pas encore pris conscience de la nécessité de se mobiliser sur ce chantier structurant pour le développement de leur territoire, alors pourquoi les laisser au bord de la route ? Nous souhaitons donc insuffler un soutien entre territoires et une véritable solidarité. Concrètement, cela signifie que les projets regroupant 2 départements bénéficieront d’une aide supplémentaire de 10% du montant total. Ce bonus sera de 15% pour les projets regroupant 3 départements au moins. Comme je vous l’ai dit, nous ne souhaitons pas ralentir les projets en cours : les départements qui déposeront un dossier seuls auront donc la possibilité de bénéficier du bonus s’ils représentent un dossier avec d’autres départements dans un délai de 24 mois. Dans ces discussions, les régions doivent également avoir un rôle de catalyseur en permettant le regroupement des départements. Les regroupements ne se feront pas systématiquement au niveau de la région, mais la région doit pouvoir accompagner le mouvement.
Troisième point, nous avons défini des règles claires et simples pour la gestion des projets déjà examinés. Les guichets vont réouvrir la semaine prochaine avec un accompagnement en subventions qui sera donc plus favorable. Le traitement des dossiers qui ont déjà été examinés sera clair. Pour les projets qui ont passé le seuil d’irréversibilité, et bien ils ne seront pas éligibles aux nouvelles modalités. En revanche, les projets qui n’ont pas passé le seuil d’irréversibilité pourront bénéficier des nouvelles règles sur la base du même projet, en apportant les compléments d’informations nécessaires. Ils pourront également bénéficier des bonus ou de la période de 24 mois pour trouver des partenaires au sein des départements limitrophes.
Quatrième point, l’accompagnement financier de l’État se limitera pas, je l’ai dit tout à l’heure, à de la subvention, mais intégrera également un relai de prêts. C’est un point important pour les collectivités locales, vous l’avez dit, Monsieur le Président. Les conditions de prêts sur fonds d’épargne sont désormais connues et je crois qu’elles sont très favorables, en tout cas nous avons beaucoup oeuvré pour qu’elles le soient, ce qui n’était pas facile dans la période actuelle. Il s’agira donc de prêts de longue maturité, entre 20 et 40 ans, à taux faible - pour l’instant il est question de Livret A plus 130 points de base, donc pour être concret c’est un peu plus de 3%, 3,05% aujourd’hui - et surtout avec la possibilité d’un remboursement différé allant jusqu’à 8 ans après le début des travaux et 3 ans après le début de la commercialisation des infrastructures. Les prêts du fonds d’épargne pourront couvrir la moitié du besoin d’emprunt, soit l’intégralité du besoin de financement à très long terme. Enfin, les prêts seront destinés aux projets qui feront l???objet d’un accompagnement de l’État avec le volet subventions. Je vous invite par ailleurs, lors du dépôt de dossier au Commissariat général à l’investissement pour le volet subventions, à apporter l’ensemble des éléments nécessaires pour l’instruction financière et technique qui pourra vous permettre de disposer au plus vite des accords sur les prêts.
Nous instruisons en ce moment la création de l’établissement public annoncé par le Président de la République à Clermont-Ferrand. On nous parle souvent d’une continuité avec le plan précédent. Je crois que ce que je viens d’annoncer s’agissant des financements vous montre bien qu’il n’y a pas du tout de continuité, même si nous n’avons pas fait table rase du passé, que nous avons souhaité pouvoir poursuivre les projets qui étaient déjà déposés ou qui étaient en cours. Mais en revanche, on change quand même totalement de logique, puisque nous apportons des financements de la part de l’État, des solutions de prêts et puis, enfin, un véritable pilotage de la part de l’État pour accompagner les collectivités dans leurs projets. La création de cet établissement public est un engagement fort au service d’un pilotage national, avec une gouvernance adaptée qui permettra d’intégrer les associations de collectivités et les opérateurs. Mon ministère travaille à ce sujet pour savoir s’il est nécessaire ou non de passer par la loi pour créer un tel établissement, ce n’est pas une nouvelle catégorie d’établissement public, mais avec comme objectif bien entendu la mise en oeuvre de l’annonce du Président de la République à l’été 2014.
D’ici là, je souhaite que le Comité des réseaux d’initiative publique soit un lieu d’échanges élargi qui permette de prolonger la concertation qui a été menée lors de l’élaboration du programme France Très haut débit. À cet effet, le Préfet Pierre MIRABAUD qui connaît bien ces sujets réunira notamment les membres du CRIP autour de plusieurs questions. La question des conventions tripartites opérateurs, collectivités et État, que j’ai souhaité mettre au coeur des discussions entre opérateurs et collectivités : une convention type sera proposée très rapidement par la Mission Très haut débit d’ici cet été. La deuxième question qui sera abordée dans le cadre du CRIP est la question de l’Observatoire des déploiements fibre, avec une première publication d’ici la fin de l’année.
Vous voyez donc que l’ensemble du chantier entre dorénavant dans une phase opérationnelle que je souhaite intense, rapide et efficace, même si beaucoup reste encore à faire, notamment sur le référentiel technique commun ou sur la bascule du cuivre. Sur ce dernier point, comme s’y est engagé le gouvernement, là aussi une nouveauté par rapport au précédent gouvernement, une mission étudiera les enjeux techniques, économiques et juridiques du basculement progressif du réseau de cuivre vers les réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné. Je souhaite que cette mission puisse formuler des propositions qui viseront à identifier le calendrier à la fois ambitieux et réaliste pour une telle migration, les conditions préalables à établir pour engager une telle opération à vaste échelle, les mesures d’accompagnement notamment du point de vue technique, économique et juridique nécessaires pour faire de ce basculement un succès, et enfin les modalités de la fermeture subséquente de la boucle locale de cuivre d’Orange. Cette mission sera pilotée par Monsieur Paul CHAMPSAUR, ancien Président de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes, et dont les compétences sont unanimement reconnues.
Je souhaite encore une fois vous rappeler que vous pouvez vous appuyer sur l’ensemble des services de mon ministère, dont je tiens à remercier le travail, et la Mission Très haut débit bien sûr, mais également la DGCIS et les services des DIRECCTE, qui ont beaucoup travaillé pour accélérer le calendrier, pour permettre de lui donner corps rapidement et répondre aux attentes de nos concitoyens. J’ai souhaité que l’État soit à vos côtés pour permettre à la France de devenir un pays de référence en matière de Très haut débit en Europe. C’est une question de compétitivité de notre pays, c’est une question d’attractivité, c’est un enjeu de croissance dont le gouvernement, vous l’avez vu, a fait l’une de ses priorités. Je vous remercie.
Source http://www.avicca.org, le 17 avril 2013