Interview de M. Raymon Forni, président de l'Assemblée nationale, à La Chaîne info le 2 octobre 2001, sur la rentrée parlementaire, la réélection de Christian Poncelet à la présidence du Sénat, l'éventualité d'un débat sur l'engagement de la France aux côtés des Américains et sur le statut du Président de la République.

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Circonstance : Rentrée parlementaire à l'Assemblée Nationale le 2 octobre2001

Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


A. Hausser C'est la vraie rentrée parlementaire aujourd'hui. La session, qui doit théoriquement durer jusqu'au mois de juin, va s'interrompre avant pour les élections, présidentielle et législatives. Quand va-t-elle s'arrêter ?
- "Sans doute courant mars. Mi-mars vraisemblablement, pour permettre à chaque candidat de faire campagne avant le premier tour de l'élection présidentielle."
Et d'être soutenue par les députés...
- "Bien entendu."
Est-ce que le projet de loi pour la Corse aura le temps d'être examiné jusqu'au bout ?
- "Oui, tout à fait. Ce projet est actuellement en navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Il n'y a aucune raison pour que l'on interrompe le processus législatif, quelles que soient les demandes des uns et des autres, qui me paraissent subalternes par rapport à l'objectif que nous nous sommes fixés et que nous avons accompagné sur le plan parlementaire, en examinant en première lecture le projet de loi."
Mais sans l'interrompre, on peut "laisser filer" - comme on dit ?
- "Pas du tout. Cela fait partie des priorités. C'est d'ailleurs inscrit dans le programme."
Cela sera réaffirmé ?
- "Tout à fait. C'est inscrit dans notre programme ; nous en avons débattu hier à la conférence des présidents. Il n'y doit pas avoir de doute sur la volonté qui nous anime d'aller jusqu'au bout de cette discussion et donc de ce processus."
Votre homologue, C. Poncelet, a été réélu à la présidence du Sénat, au premier tour hier. Belle réélection...
- "Très belle réélection ! Je le félicite et je m'en réjouis finalement, parce que j'ai noué des relations avec lui, depuis que moi-même j'exerce ces fonctions à l'Assemblée nationale. C'est un homme convivial et agréable dans les relations que nous pouvons avoir sur le plan institutionnel, même si sur le plan politique, je ne partage pas tout à fait son point de vue."
Si la gauche remporte les législatives, vous seriez à nouveau candidat ?
- "Chaque chose en son temps, il faut mettre un pied devant l'autre."
Le contexte est un peu particulier : demain, il y aura donc un débat sur la situation internationale, le Premier ministre va s'exprimer. N'est-ce pas un peu tard, parce que cela fait quand même un moment que cela s'est produit ?
- "Je vais dissiper un malentendu, parce que je lis ici ou là que le Parlement aurait été marginalisé, oublié dans tout cela. Je voudrais rappeler que, dès le 11 septembre, j'ai eu un contact avec L. Jospin, qui m'a permis de lui indiquer que je souhaitais réunir les commissions des Affaires étrangères et de la Défense, de manière exceptionnelle, pour entendre les ministres du Gouvernement concernés par les attentats terroristes qui se sont produits aux Etats-Unis. Nous nous sommes réunis le vendredi 14 septembre, c'est-à-dire trois jours après. Il y a eu de la part de la commission de la Défense - et j'ai approuvé cette initiative -, la création d'une mission d'information sur les conséquences en France des actes terroristes commis aux Etats-Unis. Nous avons dialogué en permanence avec le Premier ministre et nous étions convenus que si des événements se produisaient, notamment s'il y avait un engagement de la France, le Parlement serait réuni en session extraordinaire, avant que nous ne siégions de manière normale à partir du 1er octobre. Nous avons décidé d'approfondir la mission d'information sur le blanchiment d'argent sale. Autant d'actes et d'événements qui me semblent marquer, de manière permanente, la présence du Parlement aux côtés du pouvoir exécutif."
On ne l'a pas vraiment ressenti.
- "C'est peut-être une impression, mais moi, en tous les cas, j'ai eu le sentiment que nous étions associés. J'ajoute que dans un système de cohabitation, où l'exécutif est à deux têtes, il me parait tout à fait légitime et normal que le Parlement soit non pas au second plan mais qu'il apparaisse comme accompagnant la démarche, et non pas forcément la précédant pour faire de l'agitation. Nous aurons ce débat demain, dans l'hémicycle, ce qui me parait être la traduction d'une volonté véritable d'associer le Parlement."
Est-ce qu'il devrait y avoir un vote sur l'engagement de la France - sur un éventuel engagement - ou faut-il attendre que cet engagement soit sollicité ?
- "Le vote n'est prévu dans la Constitution que s'il y a un acte de déclaration de guerre. C'est vrai qu'aujourd'hui, une telle hypothèse est peu vraisemblable aujourd'hui. Nous ne sommes pas dans cette situation. Sans doute faudrait-il regarder de près nos institutions, pour voir quelles réformes il conviendrait d'y apporter. Je ne pense pas que le vote soit aujourd'hui nécessaire. Ce qui me parait très important, c'est que l'information soit donnée aux parlementaires et que nous puissions en débattre, nous exprimer. Vous avez sans doute noter que s'exprimeront demain tous ceux qui exercent des responsabilités importantes dans leur groupe respectif : M. Balladur pour le groupe RPR, J.-M. Ayrault, V. Giscard d'Estaing... Il y aura un débat suffisamment large pour qu'il n'y ait pas d'impression de rôle secondaire confié au Parlement."
Ces événements ont un peu alourdi le climat en France et assombrit le moral des députés socialistes, qui ont passé des journées parlementaires un peu moroses. Que faut-il faire pour les requinquer ?
- "Pardonnez-moi de vous dire cela : balivernes ! Je n'ai pas eu cette impression, je n'ai pas ressenti cela. J'ai trouvé des députés, des hommes et des femmes déterminés à se battre dans un contexte particulier. Evidemment, les événements du 11 septembre, l'accident de Toulouse, tout cela pèse sur les débats politiques et c'est tout à fait normal. Le débat politique traditionnel passe un peu..."
Vous dites "accident de Toulouse" ?
- "Oui, bien sûr, jusqu'à preuve du contraire. J'ai tendance à croire ce que nous disent les représentants les plus éminents de la justice. Donc, le débat politique passe effectivement au second plan. Il y aurait quelque chose d'indécent à parler de campagne électorale, d'affrontement de candidats, alors que nous avons ces problèmes internationaux à régler et que, précisément, notre session va s'engager sur ce thème."
La Cour de cassation va se prononcer sur le statut juridique du président de la République. On croit savoir qu'elle se prononce pour l'immunité du chef de l'Etat pendant son mandat. Est-ce que cela va apporter un peu de sérénité au débat ?
- "La décision doit être rendue le 11 octobre, je crois. Pour l'instant, nous connaissons les conclusions du procureur général. Attendons la décision de la Cour de cassation. Je ne fais pas de commentaire avant qu'une décision ne soit rendue, ce serait une manière de faire pression sur la justice tout à fait inacceptable."
Quand vous voyez ce qui se passe chez vos amis les Verts, est-ce que vous dites qu'ils risquent de plomber la candidature du candidat socialiste et singulièrement, celle de L. Jospin ?
- "C'est sympathique, ce débat démocratique a quelque chose d'intéressant, même si on peut penser que, de temps en temps, il est un peu surréaliste. Je souhaite qu'il retrouve très vite le chemin de la campagne électorale, c'est-à-dire un candidat soutenu par les militants et que tout cela soit marqué du sceau de la sérénité, parce qu'à force, c'est vrai que l'on finit par perdre une part de sa crédibilité. Il est souhaitable que cela aille vite. On nous indique que cela va se dérouler le 13 octobre - très bien, attendons le 13."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2001)