Déclaration de Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur le lancement du débat national sur la transition énergétique, l'objectif de transports et de mobilités durables et les principaux axes de la future loi cadre sur la biodiversité, à Clermont-Ferrand le 5 avril 2013.

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Circonstance : 37ème Congrès de l'association France nature Environnement, au Polydôme de Clermont-Ferrand, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) les 4 et 5 avril 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Bruno GENTY,
Monsieur le Président de la commission du Développement durable, Cher Jean-Paul,
Je salue les députés, Madame Daniele AUROI, Monsieur François-Michel LAMBERT,
Monsieur le Préfet d'Auvergne, Eric DELZANT, et le Président du Conseil général,
Monsieur Jean Yves GOUTTEBEL,
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre invitation à conclure votre congrès. A travers vous tous, qui êtes rassemblés ici dans cette salle, je veux saluer les 3 000 associations rassemblées dans votre fédération, les 850 000 adhérents, ces milliers de bénévoles qui oeuvrent, sans relâche, à des missions d'intérêt général pour la protection de l'environnement.
Je suis heureuse d'être avec vous ici, à Clermont-Ferrand, en Auvergne, dans ce département qui, je l'espère, deviendra bientôt le premier site naturel de France hexagonale inscrit au patrimoine mondial de l'humanité grâce à la candidature des Volcans d'Auvergne et de la Faille de Limagne.
La première chose que je voudrais vous dire, c'est à quel point un mouvement comme le vôtre, dans l'engagement militant duquel je me reconnais parce que je suis, moi aussi, une militante, est indispensable à notre démocratie. Vous êtes des partenaires indispensables de la démocratie environnementale. Des partenaires constructifs et indépendants. Cette indépendance est précieuse. Je la respecte infiniment. Je la conçois comme utile à la construction des rapports de force autour des grandes causes environnementales qui nous rassemblent.
N'y voyez pas un encouragement, mais je voudrais vous dire aussi que vos critiques et vos interpellations aussi sont utiles et font avancer les choses. Le changement dans une démocratie ne vient pas seulement d'en haut, il se construit aussi dans la société, c'est ma conception d'une société mobilisée.
Au travers du congrès de France Nature Environnement je veux m'adresser aujourd'hui au mouvement social environnemental dans son ensemble. Vous êtes une force sociale qui contribue au changement, qui fait avancer la France. Notre société a soif d'espoir, d'un avenir commun, de valeurs collectives plus fortes.
J'ai la conviction profonde que, dans le moment de crise actuelle, une crise dure pour nos concitoyens, une crise aussi de perte et de confusion des repères, la question des valeurs est absolument centrale. L'écologie est une valeur morale fondamentale parce qu'elle place les valeurs humaines et environnementales au-dessus des valeurs marchandes. L'écologie doit s'imposer davantage encore comme une valeur fondamentale pour la République.
J'entends vos impatiences. Je les partage. Il n'y a, pour moi, rien de plus important en démocratie que la fidélité au mandat qui a été confié par le peuple. Par rapport à ce mandat, aux engagements pris en matière d'écologie, la politique du gouvernement se résume en deux mots : “parole tenue”. Il y a un peu plus d'un an, devant votre congrès, François HOLLANDE a donné sa parole de candidat et pris des engagements. Je veux aujourd'hui rendre compte devant vous de l'action et du travail engagés pour tenir ces engagements.
Le Président de la République a fixé l'ambition : faire de la France la nation de l'excellence environnementale. Il a fixé cette ambition en considérant que l'écologie est une réponse à la crise structurelle actuelle et que reléguer la crise écologique au second plan serait une lourde erreur non seulement environnementale, mais aussi économique et sociale.
Nous allons accueillir, en 2015, la conférence internationale sur le climat. Nous voulons que la France soit porteuse d'un nouveau message universel au travers de la lutte contre le réchauffement climatique. Et, pour porter ce message, nous devons nous même être exemplaires.
Nous nous sommes engagés à placer le dialogue environnemental au même niveau que le dialogue social, c'est ce qui a été fait avec la tenue de la première conférence environnementale, ouverte par le Président de la République et conclue par le Premier Ministre, qui s'est traduite par la feuille de route pour la transition écologique puis par les lettres de cadrage écologique - c'était une proposition de FNE – adressées à chaque ministre par Jean-Marc AYRAULT.
Nous avons ainsi préservé un acquis du Grenelle, la concertation, en y ajoutant les parlementaires. Mais nous en avons aussi retenu les faiblesses et les limites en inscrivant cette méthode dans la durée, au-delà d'un simple temps fort en début de quinquennat, en nous engageant, avec sérieux, pour réussir des changements durables et en profondeur. Et cet engagement a été celui de l'ensemble du gouvernement, avec la présence de plusieurs ministres. Et cette méthode produit des résultats. La deuxième édition du tableau de bord de suivi de la mise en oeuvre de la feuille de route de la première conférence environnementale a été mise en ligne aujourd'hui sur le site du ministère.
Le Président de la République avait fixé deux premières priorités : la transition énergétique et la biodiversité.
Le débat national sur la transition énergétique est lancé. Je salue tous ceux qui y participent assidûment, et notamment Maryse ARDITI, mais aussi toutes les associations qui s'y engagent et font vivre ce débat dans les territoires. Ici, en Auvergne, la conférence régionale s'est mise en place le 18 mars. Le 9 avril, 400 personnes sont inscrites pour la journée régionale. 10 événements ont été labellisés et 11 établissements ont ouvert leurs portes pour les Journées de l'énergie. Nous devons, c'est vrai, donner encore plus de visibilité à ce débat. Nous avons une opportunité démocratique exceptionnelle pour écrire ensemble une nouvelle page de l'histoire de la politique énergétique de la France. C'est aussi à tous ceux qui veulent que la France s'engage résolument pour la transition énergétique de promouvoir et de faire vivre ce débat.
Le cap est clair et n'a pas varié : atteindre le facteur 4 en 2050, mais aussi diviser par deux notre consommation d'énergie en 2050, se donner concrètement les moyens d'atteindre le 3 fois 20 en 2020 et diversifier notre production énergétique en réduisant la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025.
Sans attendre les conclusions du débat national, j'ai voulu relancer la production des énergies renouvelables, en prenant des mesures d'urgence pour l'éolien, le photovoltaïque, la méthanisation, la biomasse, et pour la relance des énergies marines. Nous voulons donner un signal clair à toutes ces filières industrielles que nous développerons encore plus massivement à l'issue du débat national.
Nous avons étendu le nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux de l'énergie de 1,2 millions de ménages à 4 millions de ménages soit 8 millions de personnes. Dans le même temps, pour encourager les comportements responsables, nous avons fait voter la création d'un bonus-malus, avec la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, mais aussi les mesures sur l'effacement industriel et l'effacement diffus. Nous avons d'ailleurs atteint aujourd'hui le record historique de la quantité d'électricité effacée. Nous avons pris l'arrêté sur l'extinction des lumières la nuit dans les bureaux et les vitrines. C'est une mesure d'économie d'énergie mais aussi de lutte contre les pollutions lumineuses. Cet arrêté s'appliquera le 1er juillet. On verra alors le changement !
Nous venons de lancer le plan de rénovation énergétique des logements avec des aides nouvelles pour que les travaux d'efficacité énergétique soient accessibles au plus grand nombre. Nous avons baissé le taux de la TVA sur les travaux de rénovation dans le logement social. Ce plan sera complété par les mesures qui résulteront du débat national, la création d'un système de tiers financeur, le vote de la loi transposant la directive efficacité énergétique que je présenterai très bientôt au Parlement, le décret sur le tertiaire qui va concerner les entreprises et les bâtiments publics.
Je vous parle de ce que nous avons fait déjà dans le domaine de l'énergie. Mais je suis également fière d'avoir signé les rejets des demandes de permis minier d'exploration de gaz de schiste de Brignoles, Beaumont de Lomagne, Montélimar, Lyon-Annecy, Montfalcon, Cahors. Ces demandes de permis n'avaient pas été rejetées par le précédent gouvernement.
Dans le débat national sur la transition énergétique, jusqu'ici, la question des transports et de la mobilité durable n'a pas été suffisamment abordée alors qu'il s'agit d'une question centrale : centrale dans la vie quotidienne des Français, centrale d'un point de vue environnemental, centrale aussi au regard de la facture énergétique des 69 milliards de déficit de la balance commerciale liés aux importations d'hydrocarbures. Je salue votre choix de consacrer ce congrès 2013 aux mobilités de demain, et je salue aussi votre vice-président, Michel DUBROMEL.
Avec Frédéric CUVILLIER, nous avons hérité de 245 milliards de promesses d'opérations et de projets divers, non financés pour la plupart. Le projet de schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, a en effet été bâti avant tout pour répondre à un ensemble de demandes locales, sans hiérarchisation claire des priorités, ni assurance de financement. Ces réserves avaient pourtant été émises dès le 29 avril 2011 par le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement, qui notait que, je cite : « le SNIT ne correspond pas à un scénario de rupture pourtant inscrit dans les engagements du Grenelle dans le domaine des transports ».
Nous avons engagé un processus, avec la Commission mobilité 21, sur la faisabilité et la hiérarchisation de ces projets pour proposer un programme d'investissement crédible. Après un diagnostic de la pertinence et de la faisabilité du SNIT, cette commission dégagera, d'ici la fin du mois de juin, des recommandations portant sur les principes d'un Schéma national de mobilité durable reposant à la fois sur les infrastructures et sur les services nationaux de transport. Frédéric CUVILLIER viendra devant le Conseil national du débat sur la transition énergétique pour vous présenter ce travail et en débattre.
En quinze ans, la distance domicile-travail s'est accrue de 20 %. Par contre, la mobilité individuelle stagne et la voiture recule sous la barre des 50 % dans les grandes agglomérations. La fréquentation des transports, quant à elle, a explosé. Elle a augmenté de 30 % en 10 ans. Le diagnostic est clair : la mobilité propre et durable n'est plus un problème de demande, c'est un problème d'offre de transports collectifs. Nous devons apporter une réponse à la hauteur de ces enjeux. La priorité : c'est l'amélioration de l'offre de transports du quotidien. C'est le sens de l'effort de 7 milliards qui seront consacrés à l'amélioration des transports quotidiens dans le cadre du nouveau Grand Paris. C'est le sens des mesures du plan sur la qualité de l'air avec la logistique propre des derniers kilomètres. Nous allons donner des compétences nouvelles aux collectivités territoriales comme autorités organisatrices de la mobilité urbaine durable.
Mais il y a aussi des infrastructures nouvelles qui sont et seront nécessaires à la solidarité entre les territoires et à l'amélioration des conditions de déplacement. Je veux le dire clairement : ces infrastructures doivent faire l'objet de débats publics de qualité et prendre en compte les enjeux environnementaux pour « éviter-réduire-compenser », mais elles sont nécessaires.
Un autre sujet majeur pour les transports est celui de leur lien avec la qualité de l'air, et donc avec la santé. Le classement par l'Organisation mondiale de la santé, le 12 juin 2012, des gaz d'échappement des véhicules diesel en cancérogènes certains, alors que cette motorisation représente 60 % des véhicules particuliers français, impose une accélération des actions.
Je n'ai pas à m'excuser de dire que le diesel pose un problème de santé publique et contribue à la pollution par les particules fines. C'est mon devoir de chercher des solutions.
Un premier plan d'urgence pour la qualité de l'air a été présenté le 6 février 2013 : il prévoit des mesures structurelles pour la mobilité propre mais aussi des mesures d'ordre public environnemental. Deux arrêtés portant sur les mesures d'urgence en cas d'épisode de pollution et sur les modalités d'équipement en filtres à particules des parcs existants de poids-lourds, autobus, autocars et utilitaires légers ont reçu un avis favorable du Comité national de l'air, le 19 mars dernier. L'élaboration de chartes d'engagement volontaire pour la logistique propre des derniers kilomètres a démarré de façon prometteuse. D'autres suivront. Les inspections générales étudient actuellement les modalités d'identification des véhicules les moins polluants dans le cadre de la mission que je leur ai confiée 15 mars dernier. Le comité permanent pour la fiscalité écologique, que j'ai installé, le 18 décembre 2012, avec Pierre MOSCOVICI, examinera, lors de sa séance du 18 avril, un projet d'avis sur la fiscalité des carburants.
L'éco-taxe poids lourds sera bien mise en place, même si cette mise en place est décalée de quatre mois car nous nous heurtons à des difficultés techniques que nous voulons surmonter rapidement. Nous ne pouvons nous permettre d'avoir le moindre “bug”. Je suis d'autant plus attachée à son application que cette taxe va financer les investissements dans les transports.
Enfin, je voudrais évoquer le fret ferroviaire. Il y a eu un recul du fret au cours des dernières années. Le gouvernement veut agir pour inverser ce mouvement, à travers un ensemble de projets. Je voudrais citer à titre d'exemple le lancement d'une autoroute ferroviaire entre le pays basque et la région Nord-Pas-de-Calais, qui pourra transporter 80 000 poids lourds par an et qui devrait entrer en service en 2014-2015.
Deuxième priorité pour laquelle nous avons pris des engagements forts : la biodiversité.
Au-delà des classements d'espace remarquable, nous consacrons désormais notre attention à la biodiversité ordinaire. Ce sera l'objet de la future loi-cadre sur la biodiversité.
Mais, rassurez-vous, la biodiversité extraordinaire continuera de faire, bien sûr, l'objet de toute notre attention. Et, de ce point de vue, alors que la France compte 5 des 34 “hot spots” mondiaux de la biodiversité particulièrement menacés, mon ministère s'opposera, dans le cadre des procédures prévues à la délivrance de toute autorisation de travaux miniers dans le périmètre de l'ère d'adhésion du parc amazonien en Guyane.
Je sais que vous allez prendre aussi une part active dans les régions aux discussions préparatoires à l'élaboration du projet de loi-cadre sur la biodiversité. Je veux vous en dire quelques mots.
Depuis la grande loi de protection de la nature de 1976, il n'y a pas vraiment eu de texte de portée générale consacré à la biodiversité, alors même que les enjeux, l'évolution des connaissances et de la société, justifient un acte nouveau et fort.
Cette loi-cadre pour la biodiversité sera porteuse d'un nouveau rapport d'interdépendance, enfin compris, entre l'homme et la nature. Elle permettra, pour la première fois, d'inscrire dans la loi l'importance des services écosystémiques. Affirmer cette importance, c'est reconnaître que la nature rend des services irremplaçables, c'est poser l'impératif de garder la nature vivante. Mais reconnaître l'importance des services écosystémiques, ce n'est pas accepter une marchandisation de la nature que je récuse. Nous inscrirons ainsi dans la loi les concepts de la Stratégie nationale pour la biodiversité à l'élaboration de laquelle vous avez pris part activement.
Le projet de création de l'Agence française de la biodiversité avance. C'est un projet majeur. Cet outil manque à la France pour devenir un pays exemplaire en matière de biodiversité. Nous avons un patrimoine naturel d'une immense richesse. Mais nos opérateurs sont dispersés, nos actions manquent de force et de coordination.
Outre la création de l'Agence française de la biodiversité, que je veux ambitieuse, et dont nous débattrons de nouveau le 18 avril prochain avec les préfigurateurs, la loi portera également une réforme de la gouvernance nationale et régionale en matière de biodiversité.
La création du Comité national de la biodiversité, destiné à regrouper les nombreuses instances de concertation traitant aujourd'hui de biodiversité, dans un esprit proche de celui du comité de suivi de la SNB, donnera une visibilité et une légitimité plus importantes aux avis émis par les parties prenantes sur les actions publiques touchant à la biodiversité. Dans le même temps, je souhaite créer le Conseil national de la protection de la nature par la loi, pour en faire un lieu d'expertise scientifique et technique incontestable dont les membres seront choisis sur la base de leur expérience et non de leur appartenance à un organisme.
Je sais que cette évolution a pu vous inquiéter. Je tiens donc à prendre aujourd'hui deux engagements devant vous.
Le premier, c'est que le CNPN ayant toujours à fournir des avis techniques sur des dossiers très concrets, il aura toujours le même besoin de s'appuyer sur des naturalistes expérimentés, qui constitueront nécessairement l'essentiel de ses membres, même si bien sûr d'autres disciplines doivent être représentées. Le CNPN restera donc principalement composé de praticiens de terrain, à la compétence avérée, dont beaucoup seront nécessairement issus des sociétés savantes et des associations.
Le second, c'est que le CNPN continuera à disposer de commissions thématiques, dans lesquelles les dossiers, souvent complexes, pourront être examinés à fond.
Sur le fond, l'inclusion du CNPN dans la loi est, avant tout, une reconnaissance de son immense travail, qui repose largement sur l'implication des bénévoles des associations et des sociétés savantes.
Le projet de loi comportera aussi un volet instaurant un régime d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages résultant de leur utilisation : sécuriser la recherche et le développement industriel en évitant la « bio-piraterie », s'assurer que le vivant ne devienne pas un objet privé mais reste bien un bien commun, c'est aussi un aspect de la lutte contre la dictature du rendement financier à court-terme. Nous serons pionniers en la matière en Europe.
L'enjeu pour la France est bien sûr de protéger les richesses exceptionnelles de la biodiversité de ses Outremers, en particulier.
La loi traitera, enfin, des outils de protection de la biodiversité, en prévoyant de premières mesures de simplification et clarification – à exigence constante ! -, des mises à jour, et la création de l'outil réserve halieutique, ainsi que du paysage.
Le gouvernement agira également pour la biodiversité par le biais du projet de loi sur le logement et l'urbanisme, qui introduira de nouveaux moyens de lutte contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain en complément de la Trame verte et bleue en cours d'élaboration, et en rénovant les règles d'urbanisme. De nombreuses propositions visant à modifier en ce sens le droit de l'urbanisme sont en cours de discussion dans le cadre de l'élaboration du projet de loi qui sera présenté en Conseil des Ministres à la fin du mois de juin. Parallèlement, l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles sera installé par Stéphane LE FOLL le 17 avril, et son champ sera prochainement étendu à la consommation d'espaces naturels et forestiers.
Notre programme d'action devra être complété sur la biodiversité marine et sur la politique de l'eau. Je sais que la politique de l'eau est un sujet qui vous tient à coeur. La première fois que j'ai rencontré Bruno GENTY, c'était dans le Marais Poitevin auprès d'un assec pendant la sécheresse de 2011. FNE est de tous les combats pour la qualité des eaux et la continuité écologique des cours d'eau. Votre expertise est précieuse. J'ai bloqué des projets de décrets qui n'étaient pas conformes à la Charte de l'environnement. J'attends le rapport de Philippe MARTIN sur l'irrigation, mais, par ces temps difficiles pour les finances publiques, je pense que chaque investissement doit être utile à la collectivité et, par conséquent, que l'argent public n'a pas vocation à financer la surconsommation de la ressource en eau dans le cadre de grandes cultures dont les pratiques doivent évoluer.
Je veux d'ailleurs saluer à ce propos votre initiative en faveur d'un dialogue direct ONG-organisations agricoles. On voit que les points de vue se rejoignent aujourd'hui sur certains sujets, comme la lutte contre l'artificialisation des sols, ou la consommation d'espace naturels et agricoles. Nous préparons des mesures législatives sur cette question.
D'autres sujets sont plus difficiles. Nous sommes en train de revoir l'arrêté pour revenir au principe d'interdiction de l'épandage aérien. Nous avons interdit le Cruiser OSR. Nous soutenons l'interdiction des néo-nicotinoïdes et nous encourageons la Commission européenne à aller jusqu'au bout de ses démarches. Je prépare un plan en faveur des pollinisateurs sauvages. Il y a encore beaucoup à faire pour lutter contre l'addiction française aux pesticides comme le propose le rapport de la Sénatrice Nicole BONNEFOY, par exemple, en séparant, par la loi, les activités de conseil sur la conduite des exploitations et la vente des produits phytosanitaires, parce que le prescripteur ne doit pas être le vendeur. Le travail engagé par Stéphane LE FOLL s'efforce de favoriser l'adhésion du monde agricole aux nouvelles pratiques de l'agroécologie. Il y a bien sûr des enjeux considérables dans les négociations en cours sur la réforme et le verdissement de la PAC, nous voulons le verdissement du premier pilier de la PAC et pas seulement du deuxième.
Aux deux priorités affirmées devant par François HOLLANDE en janvier 2012, nous en avons ajouté d'autres, ensemble.
D'abord les risques sanitaires environnementaux. S'il est un domaine où la participation citoyenne et associative a permis une prise de conscience et des progrès incontestables, c'est bien celui-là. Et je suis fière d'avoir permis, cette semaine, l'adoption de la proposition de loi sur les lanceurs d'alerte et l'indépendance de l'expertise.
Pesticides, perturbateurs endocriniens, ondes, champs électromagnétique basse fréquence, effet coktails, nous avons engagé un programme de travail important :
Nous avons revu l'arrêté sur l'interdiction du perchloréthylène dans les pressings.
Nous avons mis en oeuvre la déclaration des nanomatériaux par les industriels.
La deuxième vague de diagnostics de pollution des sols dans les établissements recevant des enfants est lancée.
La loi BAPT pour l'interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires est votée.
La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens est actuellement élaborée et j'ai demandé à la Commission européenne une action vigoureuse pour interdire les perturbateurs endocriniens spécifiques dans les jouets et les articles de puériculture.
Le troisième plan national santé environnement (PNSE) est mis en chantier pour juillet 2013 à partir d'une évaluation du deuxième réalisée par les corps d'inspection et le Haut conseil de la santé publique.
Concernant les ondes, j'ai demandé à l'Agence de la sécurité sanitaire (l'ANSES) la mise à jour de l'expertise sur les effets sanitaires des radiofréquences. Je l'attends pour le mois de juin.
Je veux aussi proposer de nouvelles règles concernant les lignes THT, dont la construction sera nécessaire pour la transition énergétique. J'adresserai la semaine prochaine une circulaire aux élus locaux recommandant de ne pas implanter de nouveaux équipements accueillant des enfants à proximité des lignes THT, qui correspond aux recommandations unanimes de trois rapports de l'ANSES, de l'OPECST et du CGEDD dont les conclusions n'ont jamais été mises en oeuvre.
Sur la gouvernance est au coeur de la transition écologique.
La plateforme RSE qui sera placée auprès Premier ministre comme elle le souhaitait, sera installée d'ici la fin du mois de juin. La mission destinée à élaborer notre politique à moyen terme dans ce domaine est lancée. Et l'arrêté attendu pour permettre de certifier les rapports extra-financiers des entreprises est en cours de publication.
Surtout, nous avons créé par la loi le nouveau Conseil National de la Transition Écologique dont la consultation par le gouvernement sera désormais obligatoire sur les projets de loi, dont les avis seront votés, qui pourra même se réunir indépendamment des souhaits du gouvernement à la demande de la majorité de ses membres. Ce sont des avancées substantielles pour le dialogue environnemental. J'y reviendrai tout à l'heure.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un bref aperçu, qui n'est pas exhaustif, des réformes accomplies et engagées. J'ai voulu faire cet inventaire précis des actes et des décisions parce que non seulement ce bilan est celui du gouvernement, mais surtout parce c'est aussi celui d'un processus que nous conduisons, ensemble, dans le cadre de la conférence environnementale.
Est-ce que cela est suffisant ? Non. Bien sûr que non. Et je sais qu'à mesure que les choses avancent, les attentes augmentent aussi, c'est normal.
Des chantiers importants sont ouverts et doivent prochainement aboutir.
La fiscalité écologique, bien sûr. Le président CHANTEGUET a évoqué ce sujet. Le cap du gouvernement demeure celui d'un alignement sur les moyennes européennes en la matière. C'est la trajectoire sur laquelle nous nous sommes engagés. Un comité permanent de la fiscalité écologique a été mis sur pied. Le débat sur la fiscalité écologique porte autant sur l'effet sur les comportements de l'incitation fiscale que sur l'affectation du produit aux politiques environnementales.
Le financement de la transition écologique est bien sûr un véritable défi dans le contexte budgétaire actuel. Nous avons créé la Banque publique d'investissement qui va financer les efforts des filières des éco-activités. J'étais hier avec ces filières. J'ai présenté le tableau de bord de la croissance verte, car nous avons besoin d'indicateurs. Ils sont preuve de la vitalité des éco-industries. Par exemple, l'emploi dans les éco-industries a augmenté de 6,7 % en 2011 contre 0,5 % pour l'évolution globale du stock d'emplois. Voilà des chiffres parlants !
Nous mobilisons également des ressources extra-budgétaires avec les programmes d'investissement d'avenir.
Autre chantier considérable : la réforme du code minier. Le texte du nouveau code, soit plus de 400 articles, est actuellement en train d'être rédigé sur la base de principes établis dans la concertation.
Et puis, nous discutons actuellement des thèmes de la conférence environnementale de 2013 : l'eau, l'éducation à l'environnement, la biodiversité marine, l'économie circulaire. L'économie circulaire, c'est une nouvelle politique industrielle plus économe en ressources et intensive en emplois. Je proposerai au Premier ministre la préparation d'une loi cadre sur cette politique. Nous en discuterons les fondements lors de la Conférence 2013.
La modernisation du droit de l'environnement, enfin. Un haut niveau d'exigence environnementale est compatible avec des procédures efficaces. La critique du droit de l'environnement monte de toutes parts. Autant je veux moderniser, simplifier quand c'est nécessaire, autant ma ligne sera constante et simple : chaque simplification apportera une garantie équivalente ou supérieure au regard des exigences écologiques.
La complexité des normes environnementales est une réalité. Mais n'oublions pas que les deux tiers de ces normes sont européennes et ont constitué autant de progrès pour la protection de l'environnement. Oui, je crois que le droit de l'environnement doit se moderniser. Il doit être plus lisible et plus maniable pour chacun : simple citoyen, entrepreneurs, agriculteurs. Un droit mieux compris sera mieux appliqué.
Mais je préfère le dire clairement, à la lecture de certains documents ou rapports : la simplification ne sera pas la liquidation. C'est dans cet état d'esprit que j'ai décidé d'engager les États généraux du droit de l'environnement qui se tiendront le 25 juin prochain. Nous ferons un diagnostic honnête de nos réglementations, nous prendrons en compte les avis et les critiques. Mais nous le ferons pour améliorer l'efficience de la protection de l'environnement. La France est le pays de la Charte de l'environnement, c'est-à-dire le pays qui a conféré valeur constitutionnelle aux grands principes de la convention d'Aarhus : de précaution, de participation du public... Nous ne dévierons pas de ce cap. Nous prouverons que nous sommes capables d'innover, de raccourcir nos délais sans déréguler, ni libéraliser.
Nous ne devons pas avoir peur de la démocratie participative. Elle viendra nourrir notre démocratie représentative. J'ai fait adopter, à l'unanimité, au Parlement une loi, le 27 décembre dernier, sur la mise en oeuvre du principe de participation qui permet à tout citoyen de donner son opinion sur les décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Nous avons commencé à structurer le dialogue environnemental pour vous donner une place plus forte. Nous sommes en train de créer, - je l'ai dit à l'instant - , une instance nationale de concertation dotée de critères clairs où auront lieu les grands débats des prochaines années sur les projets qui seront soumis au Parlement en matière d'environnement, de développement durable et d'énergie. Cette nouvelle instance permettra un dialogue environnemental de qualité. Nous l'ouvrons à des acteurs essentiels : les consommateurs, les familles, les jeunes et l'économie sociale et solidaire.
Les associations que vous représentez doivent pouvoir faire aussi entendre leur voix ailleurs. Je vous annonce – car c'était un de vos souhaits – que vous pourrez rencontrer prochainement Benoît HAMON pour aborder avec lui les demandes qui sont les vôtres en ce qui concerne la future loi relative à la consommation mais aussi votre participation aux travaux du conseil national de la consommation.
Militer, c'est donner du temps. Beaucoup de son temps jusqu'à avoir parfois le sentiment de donner - on peut se l'avouer ici - trop de son temps et de sa vie. Vous, les militants associatifs environnementaux, vous souffrez d'une « distorsion de disponibilité » comme on parle d'une distorsion de concurrence par rapport à d'autres acteurs institutionnels. L'expression est de votre Président et je la trouve très parlante. Je vous annonce donc que je tiendrai parole sur les moyens des associations, ce qui est une performance dans le contexte budgétaire actuel.
Je veux aller vers la création d'un mandat environnemental pour les bénévoles qui participent aux instances républicaines de concertation et à toutes les procédures officielles. Ce sera une première étape. C'est pourquoi nous mettons prochainement sur pied avec la ministre de la jeunesse et de la vie associative un groupe de travail sur le mandat environnemental. Les militants qui participent aux travaux des instances nationales ou locales doivent bénéficier de décharge de temps.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les congressistes, ensemble nous devons entrer dans un nouvel âge de l'écologie. J'appelle à ce nouvel âge de l'écologie. Il y a eu le temps de la prise de conscience et des grands combats fondateurs. Puis, il y a eu l'affirmation, plus politique, du combat écologiste qui est la voie que certains ont choisie.
La nouvelle étape pour laquelle je me suis engagée, c'est celle du changement durable, qui implique d'obtenir des résultats, d'entrer dans le dur des sujets, en profondeur, pour réussir des franchissements irréversibles. Je suis fière du travail accompli.
Certains sujets nous séparent, vous en avez évoqué plusieurs sans détour. Les positions sont connues. Mais nous avons un combat commun à mener. Disons les choses clairement : beaucoup d'entre nous peuvent redouter actuellement une dynamique générale de vents contraires, la tentation, dans la société française, d'une régression sur la question environnementale. L'écologie n'est pas un luxe pour temps de prospérité, c'est un bien de première nécessité par temps de crise. Car la crise actuelle impose la construction d'un nouveau modèle. Je refuse que l'écologie soit le bouc-émissaire de la crise alors qu'elle est une grande partie de la solution.
Oui, je dois, nous devons, ensemble, chacun à nos places respectives, mener la bataille. Face à l'offensive pour détruire certains acquis du développement durable, face à la production théorique et politique de certains “think tanks” qui se diffuse désormais au grand jour ici ou là, pour répandre les thèses climato-sceptiques ou convaincre que la lutte contre le rechauffement climatique n'est plus la priorité sur l'agenda, nous devons unir nos efforts, unir nos forces.
Le gouvernement est déterminé à agir. Nous pouvons, nous devons faire plus et mieux. Parce que les temps sont difficiles, nous devons non pas nous replier sur nous-mêmes mais au contraire travailler avec enthousiasme à cette tâche exaltante pour l'avenir des générations futures.
Vive France Nature Environnement,
Vive la République et Vive la France.
http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 7 mai 2013