Texte intégral
Interview dans "Le Monde" :
Quelles sont les grandes lignes ou projet de programmation militaire 2003-2008 adopté par le conseil de défense du 5 juillet ?
La programmation est un outil de cohérence et de recherche d'efficacité dans les dépenses d'investissements, qui fonctionne si le gouvernement lui-même assume un choix de continuité et de crédibilité de la défense. Cela nous permet de retenir des principes pour 2003-2008 dans un document qui pourrait être soumis au conseil des ministres à la fin de ce mois. Ce projet sur lequel le président et le gouvernement sont tombés d'accord prévoit des crédits d'équipement militaire à hauteur de 13,080 milliards d'euros en 2003, une progression annuelle de 0,8% hors inflation, jusqu'à 13,640 milliards d'euros en 2008. Ceci représente, en pouvoir d'achat, la continuité par rapport à la programmation actuelle. Ce n'est donc ni une surcharge, ni un affaiblissement, mais le maintien de l'effort engagé dans l'actuelle période de programmation, que nous avons très largement respectée puisque nous avons engagé 96% des crédits votés. Ceci permettra de mener à bien beaucoup des programmes définis antérieurement, que nous considérons comme indispensables à l'efficacité de notre outil de défense, tels que les avions de combat Rafale, la nouvelle génération de navires de commandement et de frégates, l'avion de transport du Futur, le véhicule blindé d'infanterie etc. Cela permettra aussi un renforcement des moyens de renseignement, de commandement et de contrôle des forces qui sont la mise en oeuvre de l'Europe de la défense. Nos travaux à Quinze sur l'Europe de la défense nous ont montré que les Européens, en outils d'analyse des situations et de pilotage d'une force complexe, avaient des déficits importants. Les nations les plus peuplées qui sont les fournisseurs du plus gros de ces capacités doivent faire un effort dans ce domaine; sinon, dans plusieurs années, on se retrouverait encore avec une Europe qui sait déployer les forces mais qui ne sait les faire commander que par l'Organisation atlantique.
Commanderez-vous un second porte-avions ?
L'option retenue par le projet de programmation est de préparer sa réalisation juste après 2008, donc d'inscrire les crédits de développement permettant la mise en chantier du nouveau porte-avions dans les années 2009-2010. Ce qui a conduit à ce décalage dans le temps est la priorité donnée au renouvellement des bâtiments dits de premier niveau de la flotte, parce qu'un porte-avions ayant autour de lui des navires de surface aux performances insuffisantes serait peu efficace, voire vulnérable. Il faut ajouter que la programmation prévoira l'adaptation, sur les nouvelles frégates d'un missile de croisière, le Scalp navalisé. Nous aurons donc, en capacité nationale, une autre possibilité de projection de puissance à partir de la mer; et la Grande Bretagne devrait réaliser à la fin de cette décennie son premier porte-avions créant une complémentarité européenne.
Jacques Chirac et Lionel Jospin ont évoqué le besoin d'une panoplie de missiles antimissile de théâtre.
C'est une priorité de développement pour les prochaines années. Cela donnera lieu à des coopérations européennes et nous inscrirons des crédits pour développer, à partir de la gamme de missiles dont nous avons déjà la technologie, un intercepteur protégeant nos forces contre les missiles de croisière adverses. De même, nous financerons une capacité nationale de brouillage offensif protégeant les avions à l'attaque. Tout ce qui soutient une capacité de frappe précise et à distance est prioritaire.
Que deviennent les effectifs de la défense ?
Nos effectifs resteront de 440 000 hommes et femmes; les rémunérations correspondantes sont acquises, seront au budget et n'ont plus à être programmées comme dans l'actuelle période de mutation. En revanche, le projet de loi comportera un fonds pour moduler les compléments de rémunération ou les aides à la reconversion en fonction des variations du marché du travail. Les 440 000 emplois du ministère de la défense sont des emplois statutaires ou réglementés, c'est naturel. Mais il faut un outil souple pour pouvoir créer des incitations au recrutement, attribuer des primes pour des spécialités temporairement rares, sans figer ces avantages pour des décennies. C'est ce que nous avons appelé le fonds de consolidation de la professionnalisation.
La professionnalisation ne coûte-t-elle pas plus cher que prévu par rapport à une armée de conscrits ?
L'expérience jusqu'à aujourd'hui montre que l'écart n'est que de 1% par rapport à la prévision établie en 1996. Alors que le marché du travail pour les jeunes est devenu beaucoup plus favorable aux demandeurs d'emplois, la capacité de recrutement de la défense reste à un très bon niveau. Mais il est vrai que, si on progresse encore vers le plein emploi, le dispositif professionnel de la défense, comme dans tous les pays professionnalisés, devra s'adapter aux tensions sur le marché du travail. Mais nous bénéficions d'une bonne image d'employeur de la défense; les candidats viennent parce qu'ils pensent avoir un développement professionnel valable pendant leur période militaire et de bonnes chances de réussir une seconde carrière ultérieure. La meilleure façon de soutenir cette dynamique, c'est de faire en sorte que leurs prévisions se réalisent.
N'avez-vous pas l'impression qu'il faudra, à l'avenir, lutter contre une certaine dégradation du recrutement ?
Aujourd'hui, dans l'armée de terre, les premiers contrats qui viennent à expiration, sont renouvelés à 75 %. Ce qui correspond à nos objectifs. Les choix professionnels des militaires sont d'abord liés aux perspectives de carrière, à l'intérêt et aux conditions de travail.
Pourtant, Jacques Chirac craint une baisse du moral et une dégradation de l'état des matériels ?
A Colmar, le 28 juin, le président de la République a dit que "la réorganisation est presque achevée, les objectifs ont été tenus" et que "c'est parce que les besoins des armées ont été globalement satisfaits que j'ai décidé en accord avec le gouvernement, la suspension anticipée du service national". Le président, quant il dit que "le moral dans certaines unités est moins bon qu'il ne devrait l'être", évoque un souhait général avec lequel il est difficile d'être en désaccord. Mais il rend hommage au travail du gouvernement et rappelle les grands progrès accomplis, y compris dans le dialogue social, au sein des armées.
L'insuffisante disponibilité de certains matériels est une réalité objective. Les trois armées y travaillent avec de nouvelles méthodes. Pour des matériels très importants sur le plan opérationnel, comme les véhicules de l'avant blindés, les chars AMX-30B2 ou les hélicoptères Cougar, nous avons les taux de disponibilité que nous souhaitons. Le blindé à roues AMX-10RC a fait l'objet de nombreuses interruptions parce qu'il faut revoir le système de freinage. En ce qui concerne le char de combat Leclerc, il y a des programmes de rattrapage d'entretien qui vont le remettre à un niveau de disponibilité satisfaisant cette année. D'une manière générale, toutes les décisions déterminantes sur l'évolution de la défense, depuis juin 1997, ont été prises en convergence avec le chef des armées et cette volonté de gestion responsable et bipartisane s'appliquera jusqu'à la fin de la législature.
L'application des 35 heures aux civils de la défense ne bénéficiera pas aux militaires. Va-t-on vers une institution à plusieurs vitesses ?
J'ai expliqué aux organisations syndicales du personnel civil mon souhait d'un accord pour que le passage aux nouveaux horaires soit bien adapté aux attentes des salariés et aussi mes limites liées au choix de stabilité financière fait par le gouvernement. Les responsables syndicaux, avec qui, un long travail commun nous permet de bien nous comprendre, ont fait, en toute lucidité, le choix de préférer un accord à une décision unilatérale de l'Etat employeur. Nous avons trouvé une solution jugée équilibrée par tous. On va, à présent, discuter de son application locale pour entrer dans le nouveau régime au 1er octobre.
Concernant les militaires, ma ligne politique est que l'amélioration du temps libre, en cours pour l'ensemble des catégories professionnelles, ne peut pas les tenir à l'écart. Tout en respectant le principe de la disponibilité des militaires face aux nécessités opérationnelles, nous devons trouver les solutions permettant également un gain de temps libre. Des groupes de travail, issus des directions du personnel des armées mais comportant aussi des représentants statutaires des personnels, sont à l'uvre pour dégager des solutions que je présenterai à l'automne, aux prochaines réunions des conseils de fonction militaire.
Les armées sont un groupe social et professionnel très spécifique mais les conditions de vie, les rémunérations, les charges de travail, les risques professionnels y sont des sujets légitimes de débats. Tout en laissant jouer à la hiérarchie militaire son rôle d'information et de commandement, comme cela doit être dans toute organisation, j'ai introduit un principe électif pour le choix des représentants dans les unités de base. Dans les comptes-rendus des instances de concertation qui sont désormais publics, je suis frappé de la maturité et du réalisme de ceux qui s'expriment dans ces réflexions, avec des insatisfactions, et aussi des propositions. C'est le développement d'une culture démocratique et d'un dialogue social moderne, qui va plus au fond des choses que des appréciations extérieures pas toutes désintéressées.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 juillet 2001)
Interview à France 2 :
Alain de CHALVRON
Monsieur Alain RICHARD, bonjour.
Alain RICHARD
Bonjour.
Alain de CHALVRON
Il s'agit, nous le disons depuis le début de la matinée, de la fin d'une certaine armée et du premier défilé d'une autre armée. C'est le dernier défilé où il y a des appelés et c'est le premier défilé où il n'y a pratiquement plus que des soldats engagés.
Alain RICHARD
Uniquement des professionnels, ce qui veut dire que l'ambition de départ, ce plan qui était quand même très marquant, nous l'avons accompli. Il faut en remercier bien sûr les militaires, qui ont fait d'énormes efforts et qui ont saisi le sens de ce projet et son intérêt pour notre défense. On constate aussi, toutes ces dernières années et ces derniers mois, la capacité de projection, la capacité d'engagement avec très peu de préavis, aussi bien au cours des opérations extérieures, quand nos intérêts et nos choix de politique l'imposent, que pour des actions de solidarité avec des régions qui viennent de subir une catastrophe. Nous avons donc atteint l'objectif.
Alain de CHALVRON
N'est-on pas allé un petit peu vite ?
Alain RICHARD
Ce gouvernement a mis les crédits qui ont permis de constituer l'ensemble des effectifs, comme le prévoyait l'objectif pour 2002. Nous les aurons atteints au début de l'année prochaine, avec un peu d'avance, et puis nous aurons mis aussi tous les crédits qui permettent de moderniser progressivement l'équipement des armées : les Rafale sont en train d'arriver, les chars Leclerc sont maintenant presque entièrement livrés, nous allons commander une série de nouvelles frégates qui entoureront le porte-avions
Alain de CHALVRON
Et le deuxième porte-avions ?
Alain RICHARD
Pour lui donner le maximum de sa puissance, le deuxième porte-avions sera seulement en préparation dans les prochaines années.
Alain de CHALVRON
Visiblement, le risque a changé dans le monde. La confrontation est-ouest a disparu depuis que le communisme a sombré ; en revanche, les conflits nés de la résurgence de nationalismes exacerbés, eux, ont tendance à se multiplier. Est-ce que la défense française est bien préparée à intervenir dans ce genre de conflit ?
Alain RICHARD
Justement oui, et ce grâce à la clairvoyance des autorités de ce pays dès les années 92-93-94. Nous avons compris, un peu plus tôt que d'autres, quel allait être le nouveau type de conflit et qu'il fallait une défense complètement réorganisée pour y faire face. Les tests que nous avons fait - notamment au Kosovo, mais aussi par exemple quand nous sommes allés aider les Nations Unies à Timor, ou le travail auquel nous réfléchissons tout de suite pour la Macédoine - nous montrent que c'est maintenant en quelques jours, une fois que les politiques l'ont décidé, qu'un détachement, un contingent même important peut être mis en place avec tout son matériel, avec toute sa logistique. Mais, il y a tout de même aujourd'hui, dans le cas où notre décision serait d'agir loin, une déficience.
Alain de CHALVRON
Le transport ?
Alain RICHARD
Nos capacités de transport à longue distance sont faibles, et vont s'affaiblir dans les prochaines années parce que les Transall vieillissent.
Alain de CHALVRON
Ils sont à bout de souffle ?
Alain RICHARD
Ils vont avoir un problème de disponibilité, d'où l'insistance que nous mettons pour finir de conclure cet énorme contrat de la nouvelle génération d'avions de transport avec Airbus, je l'espère, dès la rentrée de septembre.
Alain de CHALVRON
L'autre carence, est-ce que ce ne sont pas les yeux et les oreilles aussi ? On ne voit pas loin et on n'entend pas grand chose
Alain RICHARD
Nous avons quand même les yeux de l'Europe, parce que le seul satellite d'observation européen est français. Et maintenant, nous sommes 5 pays - l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et nous-mêmes - décidés à coopérer pour la prochaine génération de satellites. Quant aux oreilles, on n'en parle pas trop à la télévision !
Alain de CHALVRON
Les Etats-Unis expérimentent aujourd'hui pour la troisième fois leur missile anti-missiles. Est-ce que cela ne risque pas de changer complètement la situation géostratégique ?
Alain RICHARD
Je ne le crois pas, car si les missiles à longue portée qui peuvent exister dans certains pays, éventuellement préoccupants, sont un élément de risque, le risque le plus présent, comme vous le disiez tout à l'heure, ce sont quand même les atteintes humanitaires, les agressions de communauté à communauté, tous ces conflits régionaux dans lesquels nous avons, à chaque fois, nos principes à défendre. Je crois que les Français ont joué un rôle pour faire comprendre à l'ensemble des Européens que nous avions des responsabilités collectives. Nous avons conduit l'Europe à prendre des positions fermes. Nous voyons dans le conflit de Macédoine que les Etats-Unis et l'Europe sont maintenant un peu à égalité de responsabilités lorsqu'il faut traiter un conflit. On a avancé là dessus.
Alain de CHALVRON
Merci monsieur le Ministre
(source http://www.defense.gouv.frn le 30 juillet 2001)
Interview à TF1 :
Jean-Claude NARCY
Nous recevons sur ce plateau Alain RICHARD, le ministre de la Défense.
Charles VILLENEUVE
Bonjour, Monsieur le ministre.
Jean-Claude NARCY
Bonjour, Monsieur le ministre. C'est un 14 juillet particulier, un peu charnière avec le départ des appelés et la future loi de programmation.
Alain RICHARD
Absolument. On est maintenant dans l'année où se conclue la réforme des armées et on peut dire qu'à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, nous serons complètement dans le nouveau système.
Charles VILLENEUVE
Peut-on dire que c'est une ère nouvelle pour l'armée française ?
Alain RICHARD
Oui, c'est une autre période de politique internationale et de risque. La France, à mon avis, a le mérite d'avoir perçu ce changement, juste après la chute du mur de Berlin et plus tôt que beaucoup d'autres pays, et donc d'avoir engagé complètement la réforme, il y a déjà plusieurs années. Elle se termine aujourd'hui.
Charles VILLENEUVE
Il y a quand même un rôle qu'on peut regretter avec la fin du service national - et peut-être allez-vous le compenser Monsieur le ministre - c'est le rôle intégrateur de l'armée. D'ailleurs beaucoup de jeunes appelés, qui ont reçu cette formation du service national, se sont formidablement comportés et en sont sortis avec une sorte de sens des valeurs, notamment les jeunes des banlieues. Ce rôle-là ne pourra plus être rempli par l'armée. Comment allez vous faire ?
Alain RICHARD
Il faut bien voir que les besoins de notre système de défense aujourd'hui, les actions dans lesquelles il doit s'engager, demandent moins de personnel mais beaucoup plus de mobilité, beaucoup plus de possibilités, beaucoup plus de flexibilité, des formations plus longues. C'est devenu véritablement un engagement professionnel. Il reste que beaucoup de jeunes entreront dans les armées, dans les différentes spécialités. Rendez-vous compte que nous recrutons 25000 jeunes par an et qu'ils sont admis à des niveaux de formation, de préparation variés, certains à un niveau scolaire assez faible.
Charles VILLENEUVE
Mais quand même à un certain niveau.
Alain RICHARD
Oui, mais j'insiste justement auprès des militaires pour ne pas sur qualifier les gens. Et le rôle intégrateur - je reprends tout à fait vos termes -, le rôle formateur de l'armée pour des gens qui n'avaient pas toutes les chances au départ, il faut le conserver.
Jean-Claude NARCY
Et dans le lien armée-nation, quelle sera la place du réserviste ? Est-ce que vous allez faire des efforts pour avoir de plus en plus de réservistes ?
Alain RICHARD
Le modèle à atteindre est de 100 000 réservistes. Actuellement, on approche de la moitié de l'objectif. Il reste encore des efforts à faire et vous avez un rôle, parce que nous devons encore mieux faire connaître cette nouvelle réserve, qui est beaucoup plus intégrée aux forces que maintenant. Les gens qui sont inscrits dans la réserve aujourd'hui, qui ont fait ce choix, effectuent des périodes tous les ans. Ils viennent souvent en remplacement de militaires qui sont en opération et ils vont eux-mêmes parfois en opération.
Charles VILLENEUVE
Mais vous qui êtes un ancien président de la commission des Finances, vous savez très bien qu'une armée professionnelle, qui doit s'adosser sur une réserve, il faut en payer le prix.
Alain RICHARD
Ce que je peux constater, c'est que pendant la législature dont nous aurons été responsables et dans la durée de ce gouvernement, nous aurons atteint à 100 % les objectifs de recrutement de personnels professionnels, avec un bon niveau de recrutement, donc une place sur le marché du travail qui convient, qui est bien comprise par les gens qui se présentent à nos postes. Et nous aurons atteint environ 95 % des crédits qui devaient être investis en équipements militaires. Je ne crois pas - quand je cherche dans mes souvenirs d'ancien parlementaire - qu'on ait jamais atteint ce taux.
Charles VILLENEUVE
Dernière question, le rôle de l'armée dans les catastrophes naturelles. Les unités sont sur place du début jusqu'à la fin, quand il n'y a plus personne et pour pas un rond de plus, si j'ose dire.
Alain RICHARD
C'est un des plus de l'armée professionnelle. En effet, la défense professionnelle, c'est la capacité de projection rapide et puis un vrai sens de l'adaptation. C'est le moment de dire, quand même, que tous ces personnels, du plus modeste en grade jusqu'au plus haut gradé, sont des gens qui tiennent à faire preuve de leurs qualités, de leur efficacité dans toutes les circonstances. C'est pour cette raison, je crois, que les Français les admirent.
Jean-Claude NARCY
Merci, Monsieur le ministre.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2001)
Interview dans "Le Parisien" du 15 :
Hier, pour la dernière fois, des appelés ont participé au défilé du 14 juillet..
L'armée de masse, fondée sur l'emploi de centaines de milliers de jeunes formés brièvement, ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. La France s'était donné pour objectif d'avoir une défense professionnelle, flexible, capable d'assumer des missions très variées : c'est fait. J'ai apprécié que, durant la phase de transition qui était indispensable, beaucoup d'appelés aient eu le sentiment d'être pris au sérieux, de jouer un rôle utile. Notre défi désormais, c'est que les Français, notamment les plus jeunes, comprennent la défense et sympathisent avec son action.
On attribuait au service militaire un rôle d'initiation aux valeurs de la République, de la nation. Comment y suppléer ?
C'est une question cruciale pour l'avenir : je compte m'y atteler quand j'occuperai une autre place dans la vie politique. Car la citoyenneté se construit aussi par la reconnaissance d'obligations vis-à-vis de la société.
La loi de programmation est en préparation. Y aura-t-il, après le " Charles de Gaulle ", un deuxième porte-avions ?
Oui, mais cela ne figure pas dans la programmation 2003-2008. La priorité, pour la Marine, ira au renouvellement de gros bâtiments, comme les frégates multimissions. Sinon, on se retrouverait en 2008 avec une flotte trop vieillissante. La propulsion du nouveau porte-avions sera-t-elle nucléaire ? Cette décision sera prise dans cinq ans environ.
Vous venez de signer un accord sur les 35h concernant les 80 000 fonctionnaires civils de la défense Et les militaires ?
Je sympathise avec leurs aspirations légitimes à davantage de temps libre. En dépit de sa spécificité, le monde militaire ne doit pas être à l'écart d'un progrès de qualité de vie bénéficiant à toute notre société. Je ferai, à l'automne, des propositions afin d'alléger les charges d'activité des militaires.
Un officier a récemment créé un syndicat...
C'est un acte symbolique, pour ne pas dire fictif. Ce qui est vraiment important, c'est qu'à partir de septembre, les représentants des militaires seront élus par la base dans les unités. Cette réforme de la concertation est l'expression d'une culture démocratique et d'un dialogue social moderne qui va je le crois vraiment améliorer les rapports entre nos armées et les responsables politiques.
Que vous inspire l'idée de couvre-feu pour les jeunes ?
Le terme est impropre. Par contre, vouloir empêcher les enfants de 8 à 10 ans d'errer dans les rues à 2h du matin ne me paraît être une atteinte aux droits de l'homme. Seulement, cette mesure, locale, ponctuelle, ne vise qu'à supprimer le symptôme des difficultés. Notre vrai défi est d'agir pour que tous les enfants aient un chez soi dans lequel, le soir, ils puissent se retrouver en sécurité.
Les affaires dominent l'actualité politique...
Je suis un militant politique, je défends des idées et un projet de société. Je n'imagine pas que l'élection présidentielle se résume à des attaques personnelles. Cela étant, des actions en justice existent et ce gouvernement a mis un point d'honneur à refuser toute ingérence dans les procédures judiciaires.
Les juges en font-ils trop ?
Ils assument leurs obligations professionnelles. Du fait de leur indépendance, les méthodes qu'ils choisissent relèvent de leur conscience.
Dominique Voynet a quitté, à son tour, le gouvernement. L'équipe Jospin n'est-elle pas un peu usée ?
J'ai envie de répondre : faut-il changer de gouvernement tous les deux ans ? Rien n'est plus important que la capacité d'aller au bout d'une action, de réaliser vraiment un projet : la durée permet cela. Le changement des personnes est secondaire. On a toujours le même Premier ministre, la même majorité. Le contrat de législature est un progrès évident sur le plan politique qui a permis d'accomplir des avancées pour l'emploi, la justice et les droits personnels dont les Français sauront se souvenir.
Les Verts sont-ils de bons partenaires ?
Je suis un partisan de longue date d'un accord entre les socialistes et les Verts. Le PS peut participer à l'action gouvernementale depuis quelques décennies. L'histoire politique des Verts est plus récente, c'est la première fois qu'ils sont impliqués dans la prise de décision, après avoir longtemps testé le choix de la prophétie éloignée de l'action. Cette adaptation produit des secousses, des récriminations, il faut le temps de la digérer, mais c'est un progrès collectif.
Quel jugement portez-vous sur Dominique Voinet ?
Elle a beaucoup de tonus politique et, maintenant, d'expérience. Que ce soit Dominique qui incarne le projet des Verts me paraît très favorable pour l'ensemble de la majorité plurielle.
Le PC est distancé, dans les sondages, par l'extrême gauche...
L'habilité des mouvements d'extrême-gauche consiste à isoler les facteurs de crise ou d'inquiétude des Français, en esquivant complètement toute représentation de la société qu'ils veulent construire. Leur unique fonction est de critiquer les autres et plus spécialement les forces de gauche. Les leaders de ces formations préfèrent stériliser les suffrages qu'ils reçoivent plutôt qu'influer sur les choix réels de la démocratie. Combien d'électeurs seront séduits par cela ? Je m'en remets à la lucidité de mes concitoyens..
Votre réaction à l'attribution des JO de 2008 à la ville de Pékin ?
En tant qu'élu francilien, je suis bien évidemment déçu. La qualité du dossier de Paris méritait un autre sort. Nous nous mobiliserons sur d'autres projets.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 juillet 2001)
Quelles sont les grandes lignes ou projet de programmation militaire 2003-2008 adopté par le conseil de défense du 5 juillet ?
La programmation est un outil de cohérence et de recherche d'efficacité dans les dépenses d'investissements, qui fonctionne si le gouvernement lui-même assume un choix de continuité et de crédibilité de la défense. Cela nous permet de retenir des principes pour 2003-2008 dans un document qui pourrait être soumis au conseil des ministres à la fin de ce mois. Ce projet sur lequel le président et le gouvernement sont tombés d'accord prévoit des crédits d'équipement militaire à hauteur de 13,080 milliards d'euros en 2003, une progression annuelle de 0,8% hors inflation, jusqu'à 13,640 milliards d'euros en 2008. Ceci représente, en pouvoir d'achat, la continuité par rapport à la programmation actuelle. Ce n'est donc ni une surcharge, ni un affaiblissement, mais le maintien de l'effort engagé dans l'actuelle période de programmation, que nous avons très largement respectée puisque nous avons engagé 96% des crédits votés. Ceci permettra de mener à bien beaucoup des programmes définis antérieurement, que nous considérons comme indispensables à l'efficacité de notre outil de défense, tels que les avions de combat Rafale, la nouvelle génération de navires de commandement et de frégates, l'avion de transport du Futur, le véhicule blindé d'infanterie etc. Cela permettra aussi un renforcement des moyens de renseignement, de commandement et de contrôle des forces qui sont la mise en oeuvre de l'Europe de la défense. Nos travaux à Quinze sur l'Europe de la défense nous ont montré que les Européens, en outils d'analyse des situations et de pilotage d'une force complexe, avaient des déficits importants. Les nations les plus peuplées qui sont les fournisseurs du plus gros de ces capacités doivent faire un effort dans ce domaine; sinon, dans plusieurs années, on se retrouverait encore avec une Europe qui sait déployer les forces mais qui ne sait les faire commander que par l'Organisation atlantique.
Commanderez-vous un second porte-avions ?
L'option retenue par le projet de programmation est de préparer sa réalisation juste après 2008, donc d'inscrire les crédits de développement permettant la mise en chantier du nouveau porte-avions dans les années 2009-2010. Ce qui a conduit à ce décalage dans le temps est la priorité donnée au renouvellement des bâtiments dits de premier niveau de la flotte, parce qu'un porte-avions ayant autour de lui des navires de surface aux performances insuffisantes serait peu efficace, voire vulnérable. Il faut ajouter que la programmation prévoira l'adaptation, sur les nouvelles frégates d'un missile de croisière, le Scalp navalisé. Nous aurons donc, en capacité nationale, une autre possibilité de projection de puissance à partir de la mer; et la Grande Bretagne devrait réaliser à la fin de cette décennie son premier porte-avions créant une complémentarité européenne.
Jacques Chirac et Lionel Jospin ont évoqué le besoin d'une panoplie de missiles antimissile de théâtre.
C'est une priorité de développement pour les prochaines années. Cela donnera lieu à des coopérations européennes et nous inscrirons des crédits pour développer, à partir de la gamme de missiles dont nous avons déjà la technologie, un intercepteur protégeant nos forces contre les missiles de croisière adverses. De même, nous financerons une capacité nationale de brouillage offensif protégeant les avions à l'attaque. Tout ce qui soutient une capacité de frappe précise et à distance est prioritaire.
Que deviennent les effectifs de la défense ?
Nos effectifs resteront de 440 000 hommes et femmes; les rémunérations correspondantes sont acquises, seront au budget et n'ont plus à être programmées comme dans l'actuelle période de mutation. En revanche, le projet de loi comportera un fonds pour moduler les compléments de rémunération ou les aides à la reconversion en fonction des variations du marché du travail. Les 440 000 emplois du ministère de la défense sont des emplois statutaires ou réglementés, c'est naturel. Mais il faut un outil souple pour pouvoir créer des incitations au recrutement, attribuer des primes pour des spécialités temporairement rares, sans figer ces avantages pour des décennies. C'est ce que nous avons appelé le fonds de consolidation de la professionnalisation.
La professionnalisation ne coûte-t-elle pas plus cher que prévu par rapport à une armée de conscrits ?
L'expérience jusqu'à aujourd'hui montre que l'écart n'est que de 1% par rapport à la prévision établie en 1996. Alors que le marché du travail pour les jeunes est devenu beaucoup plus favorable aux demandeurs d'emplois, la capacité de recrutement de la défense reste à un très bon niveau. Mais il est vrai que, si on progresse encore vers le plein emploi, le dispositif professionnel de la défense, comme dans tous les pays professionnalisés, devra s'adapter aux tensions sur le marché du travail. Mais nous bénéficions d'une bonne image d'employeur de la défense; les candidats viennent parce qu'ils pensent avoir un développement professionnel valable pendant leur période militaire et de bonnes chances de réussir une seconde carrière ultérieure. La meilleure façon de soutenir cette dynamique, c'est de faire en sorte que leurs prévisions se réalisent.
N'avez-vous pas l'impression qu'il faudra, à l'avenir, lutter contre une certaine dégradation du recrutement ?
Aujourd'hui, dans l'armée de terre, les premiers contrats qui viennent à expiration, sont renouvelés à 75 %. Ce qui correspond à nos objectifs. Les choix professionnels des militaires sont d'abord liés aux perspectives de carrière, à l'intérêt et aux conditions de travail.
Pourtant, Jacques Chirac craint une baisse du moral et une dégradation de l'état des matériels ?
A Colmar, le 28 juin, le président de la République a dit que "la réorganisation est presque achevée, les objectifs ont été tenus" et que "c'est parce que les besoins des armées ont été globalement satisfaits que j'ai décidé en accord avec le gouvernement, la suspension anticipée du service national". Le président, quant il dit que "le moral dans certaines unités est moins bon qu'il ne devrait l'être", évoque un souhait général avec lequel il est difficile d'être en désaccord. Mais il rend hommage au travail du gouvernement et rappelle les grands progrès accomplis, y compris dans le dialogue social, au sein des armées.
L'insuffisante disponibilité de certains matériels est une réalité objective. Les trois armées y travaillent avec de nouvelles méthodes. Pour des matériels très importants sur le plan opérationnel, comme les véhicules de l'avant blindés, les chars AMX-30B2 ou les hélicoptères Cougar, nous avons les taux de disponibilité que nous souhaitons. Le blindé à roues AMX-10RC a fait l'objet de nombreuses interruptions parce qu'il faut revoir le système de freinage. En ce qui concerne le char de combat Leclerc, il y a des programmes de rattrapage d'entretien qui vont le remettre à un niveau de disponibilité satisfaisant cette année. D'une manière générale, toutes les décisions déterminantes sur l'évolution de la défense, depuis juin 1997, ont été prises en convergence avec le chef des armées et cette volonté de gestion responsable et bipartisane s'appliquera jusqu'à la fin de la législature.
L'application des 35 heures aux civils de la défense ne bénéficiera pas aux militaires. Va-t-on vers une institution à plusieurs vitesses ?
J'ai expliqué aux organisations syndicales du personnel civil mon souhait d'un accord pour que le passage aux nouveaux horaires soit bien adapté aux attentes des salariés et aussi mes limites liées au choix de stabilité financière fait par le gouvernement. Les responsables syndicaux, avec qui, un long travail commun nous permet de bien nous comprendre, ont fait, en toute lucidité, le choix de préférer un accord à une décision unilatérale de l'Etat employeur. Nous avons trouvé une solution jugée équilibrée par tous. On va, à présent, discuter de son application locale pour entrer dans le nouveau régime au 1er octobre.
Concernant les militaires, ma ligne politique est que l'amélioration du temps libre, en cours pour l'ensemble des catégories professionnelles, ne peut pas les tenir à l'écart. Tout en respectant le principe de la disponibilité des militaires face aux nécessités opérationnelles, nous devons trouver les solutions permettant également un gain de temps libre. Des groupes de travail, issus des directions du personnel des armées mais comportant aussi des représentants statutaires des personnels, sont à l'uvre pour dégager des solutions que je présenterai à l'automne, aux prochaines réunions des conseils de fonction militaire.
Les armées sont un groupe social et professionnel très spécifique mais les conditions de vie, les rémunérations, les charges de travail, les risques professionnels y sont des sujets légitimes de débats. Tout en laissant jouer à la hiérarchie militaire son rôle d'information et de commandement, comme cela doit être dans toute organisation, j'ai introduit un principe électif pour le choix des représentants dans les unités de base. Dans les comptes-rendus des instances de concertation qui sont désormais publics, je suis frappé de la maturité et du réalisme de ceux qui s'expriment dans ces réflexions, avec des insatisfactions, et aussi des propositions. C'est le développement d'une culture démocratique et d'un dialogue social moderne, qui va plus au fond des choses que des appréciations extérieures pas toutes désintéressées.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 juillet 2001)
Interview à France 2 :
Alain de CHALVRON
Monsieur Alain RICHARD, bonjour.
Alain RICHARD
Bonjour.
Alain de CHALVRON
Il s'agit, nous le disons depuis le début de la matinée, de la fin d'une certaine armée et du premier défilé d'une autre armée. C'est le dernier défilé où il y a des appelés et c'est le premier défilé où il n'y a pratiquement plus que des soldats engagés.
Alain RICHARD
Uniquement des professionnels, ce qui veut dire que l'ambition de départ, ce plan qui était quand même très marquant, nous l'avons accompli. Il faut en remercier bien sûr les militaires, qui ont fait d'énormes efforts et qui ont saisi le sens de ce projet et son intérêt pour notre défense. On constate aussi, toutes ces dernières années et ces derniers mois, la capacité de projection, la capacité d'engagement avec très peu de préavis, aussi bien au cours des opérations extérieures, quand nos intérêts et nos choix de politique l'imposent, que pour des actions de solidarité avec des régions qui viennent de subir une catastrophe. Nous avons donc atteint l'objectif.
Alain de CHALVRON
N'est-on pas allé un petit peu vite ?
Alain RICHARD
Ce gouvernement a mis les crédits qui ont permis de constituer l'ensemble des effectifs, comme le prévoyait l'objectif pour 2002. Nous les aurons atteints au début de l'année prochaine, avec un peu d'avance, et puis nous aurons mis aussi tous les crédits qui permettent de moderniser progressivement l'équipement des armées : les Rafale sont en train d'arriver, les chars Leclerc sont maintenant presque entièrement livrés, nous allons commander une série de nouvelles frégates qui entoureront le porte-avions
Alain de CHALVRON
Et le deuxième porte-avions ?
Alain RICHARD
Pour lui donner le maximum de sa puissance, le deuxième porte-avions sera seulement en préparation dans les prochaines années.
Alain de CHALVRON
Visiblement, le risque a changé dans le monde. La confrontation est-ouest a disparu depuis que le communisme a sombré ; en revanche, les conflits nés de la résurgence de nationalismes exacerbés, eux, ont tendance à se multiplier. Est-ce que la défense française est bien préparée à intervenir dans ce genre de conflit ?
Alain RICHARD
Justement oui, et ce grâce à la clairvoyance des autorités de ce pays dès les années 92-93-94. Nous avons compris, un peu plus tôt que d'autres, quel allait être le nouveau type de conflit et qu'il fallait une défense complètement réorganisée pour y faire face. Les tests que nous avons fait - notamment au Kosovo, mais aussi par exemple quand nous sommes allés aider les Nations Unies à Timor, ou le travail auquel nous réfléchissons tout de suite pour la Macédoine - nous montrent que c'est maintenant en quelques jours, une fois que les politiques l'ont décidé, qu'un détachement, un contingent même important peut être mis en place avec tout son matériel, avec toute sa logistique. Mais, il y a tout de même aujourd'hui, dans le cas où notre décision serait d'agir loin, une déficience.
Alain de CHALVRON
Le transport ?
Alain RICHARD
Nos capacités de transport à longue distance sont faibles, et vont s'affaiblir dans les prochaines années parce que les Transall vieillissent.
Alain de CHALVRON
Ils sont à bout de souffle ?
Alain RICHARD
Ils vont avoir un problème de disponibilité, d'où l'insistance que nous mettons pour finir de conclure cet énorme contrat de la nouvelle génération d'avions de transport avec Airbus, je l'espère, dès la rentrée de septembre.
Alain de CHALVRON
L'autre carence, est-ce que ce ne sont pas les yeux et les oreilles aussi ? On ne voit pas loin et on n'entend pas grand chose
Alain RICHARD
Nous avons quand même les yeux de l'Europe, parce que le seul satellite d'observation européen est français. Et maintenant, nous sommes 5 pays - l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et nous-mêmes - décidés à coopérer pour la prochaine génération de satellites. Quant aux oreilles, on n'en parle pas trop à la télévision !
Alain de CHALVRON
Les Etats-Unis expérimentent aujourd'hui pour la troisième fois leur missile anti-missiles. Est-ce que cela ne risque pas de changer complètement la situation géostratégique ?
Alain RICHARD
Je ne le crois pas, car si les missiles à longue portée qui peuvent exister dans certains pays, éventuellement préoccupants, sont un élément de risque, le risque le plus présent, comme vous le disiez tout à l'heure, ce sont quand même les atteintes humanitaires, les agressions de communauté à communauté, tous ces conflits régionaux dans lesquels nous avons, à chaque fois, nos principes à défendre. Je crois que les Français ont joué un rôle pour faire comprendre à l'ensemble des Européens que nous avions des responsabilités collectives. Nous avons conduit l'Europe à prendre des positions fermes. Nous voyons dans le conflit de Macédoine que les Etats-Unis et l'Europe sont maintenant un peu à égalité de responsabilités lorsqu'il faut traiter un conflit. On a avancé là dessus.
Alain de CHALVRON
Merci monsieur le Ministre
(source http://www.defense.gouv.frn le 30 juillet 2001)
Interview à TF1 :
Jean-Claude NARCY
Nous recevons sur ce plateau Alain RICHARD, le ministre de la Défense.
Charles VILLENEUVE
Bonjour, Monsieur le ministre.
Jean-Claude NARCY
Bonjour, Monsieur le ministre. C'est un 14 juillet particulier, un peu charnière avec le départ des appelés et la future loi de programmation.
Alain RICHARD
Absolument. On est maintenant dans l'année où se conclue la réforme des armées et on peut dire qu'à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, nous serons complètement dans le nouveau système.
Charles VILLENEUVE
Peut-on dire que c'est une ère nouvelle pour l'armée française ?
Alain RICHARD
Oui, c'est une autre période de politique internationale et de risque. La France, à mon avis, a le mérite d'avoir perçu ce changement, juste après la chute du mur de Berlin et plus tôt que beaucoup d'autres pays, et donc d'avoir engagé complètement la réforme, il y a déjà plusieurs années. Elle se termine aujourd'hui.
Charles VILLENEUVE
Il y a quand même un rôle qu'on peut regretter avec la fin du service national - et peut-être allez-vous le compenser Monsieur le ministre - c'est le rôle intégrateur de l'armée. D'ailleurs beaucoup de jeunes appelés, qui ont reçu cette formation du service national, se sont formidablement comportés et en sont sortis avec une sorte de sens des valeurs, notamment les jeunes des banlieues. Ce rôle-là ne pourra plus être rempli par l'armée. Comment allez vous faire ?
Alain RICHARD
Il faut bien voir que les besoins de notre système de défense aujourd'hui, les actions dans lesquelles il doit s'engager, demandent moins de personnel mais beaucoup plus de mobilité, beaucoup plus de possibilités, beaucoup plus de flexibilité, des formations plus longues. C'est devenu véritablement un engagement professionnel. Il reste que beaucoup de jeunes entreront dans les armées, dans les différentes spécialités. Rendez-vous compte que nous recrutons 25000 jeunes par an et qu'ils sont admis à des niveaux de formation, de préparation variés, certains à un niveau scolaire assez faible.
Charles VILLENEUVE
Mais quand même à un certain niveau.
Alain RICHARD
Oui, mais j'insiste justement auprès des militaires pour ne pas sur qualifier les gens. Et le rôle intégrateur - je reprends tout à fait vos termes -, le rôle formateur de l'armée pour des gens qui n'avaient pas toutes les chances au départ, il faut le conserver.
Jean-Claude NARCY
Et dans le lien armée-nation, quelle sera la place du réserviste ? Est-ce que vous allez faire des efforts pour avoir de plus en plus de réservistes ?
Alain RICHARD
Le modèle à atteindre est de 100 000 réservistes. Actuellement, on approche de la moitié de l'objectif. Il reste encore des efforts à faire et vous avez un rôle, parce que nous devons encore mieux faire connaître cette nouvelle réserve, qui est beaucoup plus intégrée aux forces que maintenant. Les gens qui sont inscrits dans la réserve aujourd'hui, qui ont fait ce choix, effectuent des périodes tous les ans. Ils viennent souvent en remplacement de militaires qui sont en opération et ils vont eux-mêmes parfois en opération.
Charles VILLENEUVE
Mais vous qui êtes un ancien président de la commission des Finances, vous savez très bien qu'une armée professionnelle, qui doit s'adosser sur une réserve, il faut en payer le prix.
Alain RICHARD
Ce que je peux constater, c'est que pendant la législature dont nous aurons été responsables et dans la durée de ce gouvernement, nous aurons atteint à 100 % les objectifs de recrutement de personnels professionnels, avec un bon niveau de recrutement, donc une place sur le marché du travail qui convient, qui est bien comprise par les gens qui se présentent à nos postes. Et nous aurons atteint environ 95 % des crédits qui devaient être investis en équipements militaires. Je ne crois pas - quand je cherche dans mes souvenirs d'ancien parlementaire - qu'on ait jamais atteint ce taux.
Charles VILLENEUVE
Dernière question, le rôle de l'armée dans les catastrophes naturelles. Les unités sont sur place du début jusqu'à la fin, quand il n'y a plus personne et pour pas un rond de plus, si j'ose dire.
Alain RICHARD
C'est un des plus de l'armée professionnelle. En effet, la défense professionnelle, c'est la capacité de projection rapide et puis un vrai sens de l'adaptation. C'est le moment de dire, quand même, que tous ces personnels, du plus modeste en grade jusqu'au plus haut gradé, sont des gens qui tiennent à faire preuve de leurs qualités, de leur efficacité dans toutes les circonstances. C'est pour cette raison, je crois, que les Français les admirent.
Jean-Claude NARCY
Merci, Monsieur le ministre.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2001)
Interview dans "Le Parisien" du 15 :
Hier, pour la dernière fois, des appelés ont participé au défilé du 14 juillet..
L'armée de masse, fondée sur l'emploi de centaines de milliers de jeunes formés brièvement, ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. La France s'était donné pour objectif d'avoir une défense professionnelle, flexible, capable d'assumer des missions très variées : c'est fait. J'ai apprécié que, durant la phase de transition qui était indispensable, beaucoup d'appelés aient eu le sentiment d'être pris au sérieux, de jouer un rôle utile. Notre défi désormais, c'est que les Français, notamment les plus jeunes, comprennent la défense et sympathisent avec son action.
On attribuait au service militaire un rôle d'initiation aux valeurs de la République, de la nation. Comment y suppléer ?
C'est une question cruciale pour l'avenir : je compte m'y atteler quand j'occuperai une autre place dans la vie politique. Car la citoyenneté se construit aussi par la reconnaissance d'obligations vis-à-vis de la société.
La loi de programmation est en préparation. Y aura-t-il, après le " Charles de Gaulle ", un deuxième porte-avions ?
Oui, mais cela ne figure pas dans la programmation 2003-2008. La priorité, pour la Marine, ira au renouvellement de gros bâtiments, comme les frégates multimissions. Sinon, on se retrouverait en 2008 avec une flotte trop vieillissante. La propulsion du nouveau porte-avions sera-t-elle nucléaire ? Cette décision sera prise dans cinq ans environ.
Vous venez de signer un accord sur les 35h concernant les 80 000 fonctionnaires civils de la défense Et les militaires ?
Je sympathise avec leurs aspirations légitimes à davantage de temps libre. En dépit de sa spécificité, le monde militaire ne doit pas être à l'écart d'un progrès de qualité de vie bénéficiant à toute notre société. Je ferai, à l'automne, des propositions afin d'alléger les charges d'activité des militaires.
Un officier a récemment créé un syndicat...
C'est un acte symbolique, pour ne pas dire fictif. Ce qui est vraiment important, c'est qu'à partir de septembre, les représentants des militaires seront élus par la base dans les unités. Cette réforme de la concertation est l'expression d'une culture démocratique et d'un dialogue social moderne qui va je le crois vraiment améliorer les rapports entre nos armées et les responsables politiques.
Que vous inspire l'idée de couvre-feu pour les jeunes ?
Le terme est impropre. Par contre, vouloir empêcher les enfants de 8 à 10 ans d'errer dans les rues à 2h du matin ne me paraît être une atteinte aux droits de l'homme. Seulement, cette mesure, locale, ponctuelle, ne vise qu'à supprimer le symptôme des difficultés. Notre vrai défi est d'agir pour que tous les enfants aient un chez soi dans lequel, le soir, ils puissent se retrouver en sécurité.
Les affaires dominent l'actualité politique...
Je suis un militant politique, je défends des idées et un projet de société. Je n'imagine pas que l'élection présidentielle se résume à des attaques personnelles. Cela étant, des actions en justice existent et ce gouvernement a mis un point d'honneur à refuser toute ingérence dans les procédures judiciaires.
Les juges en font-ils trop ?
Ils assument leurs obligations professionnelles. Du fait de leur indépendance, les méthodes qu'ils choisissent relèvent de leur conscience.
Dominique Voynet a quitté, à son tour, le gouvernement. L'équipe Jospin n'est-elle pas un peu usée ?
J'ai envie de répondre : faut-il changer de gouvernement tous les deux ans ? Rien n'est plus important que la capacité d'aller au bout d'une action, de réaliser vraiment un projet : la durée permet cela. Le changement des personnes est secondaire. On a toujours le même Premier ministre, la même majorité. Le contrat de législature est un progrès évident sur le plan politique qui a permis d'accomplir des avancées pour l'emploi, la justice et les droits personnels dont les Français sauront se souvenir.
Les Verts sont-ils de bons partenaires ?
Je suis un partisan de longue date d'un accord entre les socialistes et les Verts. Le PS peut participer à l'action gouvernementale depuis quelques décennies. L'histoire politique des Verts est plus récente, c'est la première fois qu'ils sont impliqués dans la prise de décision, après avoir longtemps testé le choix de la prophétie éloignée de l'action. Cette adaptation produit des secousses, des récriminations, il faut le temps de la digérer, mais c'est un progrès collectif.
Quel jugement portez-vous sur Dominique Voinet ?
Elle a beaucoup de tonus politique et, maintenant, d'expérience. Que ce soit Dominique qui incarne le projet des Verts me paraît très favorable pour l'ensemble de la majorité plurielle.
Le PC est distancé, dans les sondages, par l'extrême gauche...
L'habilité des mouvements d'extrême-gauche consiste à isoler les facteurs de crise ou d'inquiétude des Français, en esquivant complètement toute représentation de la société qu'ils veulent construire. Leur unique fonction est de critiquer les autres et plus spécialement les forces de gauche. Les leaders de ces formations préfèrent stériliser les suffrages qu'ils reçoivent plutôt qu'influer sur les choix réels de la démocratie. Combien d'électeurs seront séduits par cela ? Je m'en remets à la lucidité de mes concitoyens..
Votre réaction à l'attribution des JO de 2008 à la ville de Pékin ?
En tant qu'élu francilien, je suis bien évidemment déçu. La qualité du dossier de Paris méritait un autre sort. Nous nous mobiliserons sur d'autres projets.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 juillet 2001)